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Lors d’un échange, des interlocuteurs peuvent avoir recours à un autre code ou bien faire des « allers et retours » entre deux (ou plusieurs) codes, langues ou variétés. Ainsi, l’A.C. consiste à glisser d’un code à l’autre. Les interlocuteurs bilingues possèdent parfois un niveau de compétence dans ces codes oscillant entre un minimum ou un maximum de connaissances.

Dans l’analyse de l’A.C., il faut distinguer l’emploi d’une langue matrice (L.M) et d’une langue encastrée (L.E). La L.M marque l’organisation syntaxique et les relations grammaticales dans un énoncé et la L.E prête des éléments lexicaux, morphologiques et syntaxiques qui sont ensuite insérés dans une langue matrice.

1.2. L’étude de l’A.C. : problèmes terminologiques et phénoménologiques

Problèmes terminologiques : code ou langue

Le champ d’étude de l’A.C. est rempli de termes ambigus qui sont source de confusion pour les chercheurs. Milroy et Muysken (1995: 12) remarquent que « Sometimes the referential scope of a set of these terms overlaps and sometimes particular terms are used in different ways by different writers ».

Dans l’étude de l’A.C., le terme « code » semble prendre la connotation de langue, de variation linguistique (dialecte, registre familier ou formel). Dans un discours écrit ou oral il peut y avoir une A.C. lors des changements qui consistent à passer d’une variation linguistique à une autre, ou d’une langue A à une langue B et vice-versa. Ainsi, l’étude de l’A.C. concerne non seulement l’alternance entre les variations linguistiques d’une langue, mais aussi l’alternance entre deux ou plusieurs langues.

Code et langue sont parmi les termes qui se chevauchent dans l’étude de l’A.C.. Gafarranga et Torras (2002) font allusion à Gumperz (1982) qui semble considérer la notion de langue et de code comme des synonymes. Pour lui, l’emploi des différents codes (variations linguistiques, variations stylistiques, langues) dans un discours, sert à définir le contexte où se passe l’interaction. Lorsqu’il y a volonté de définition ou redéfinition de ce contexte, les codes employés se montrent porteurs d’une signification.

De même, Gafarranga et Torras, en s’appuyant sur l’analyse de Auer (1984), mentionnent le fait que les notions de langue et de code ne sont pas purement identiques car le glissement d’une langue à l’autre et le choix d’une autre langue peuvent être considérés comme un nouveau code. Ainsi, à la lumière de ces

diverses polémiques, ces termes -code et langue- sont définis à partir d’approches différentes :

Auer argues for an approach where claims are based on participant’s own perspective as revealed in the local organization of talk. By contrast, Gumperz and Myers-Scotton put forth a more ethnographic approach, where analysts’ knowledge of the social values of languages in the community plays a crucial role in the interpretation of the data (Gafarranga et Torras, 2002 : 2).

Le chercheur Alvaréz Cáccamo (2000 : 14) s’interroge aussi à propos des différents codes que les individus emploient dans une conversation bilingue ou monolingue. Parmi ces codes il mentionne la prosodie, la direction du regard, les gestes, etc. Alvaréz Cáccamo emploie la dénomination « code communicatif » pour identifier les codes qui viennent d’être énumérés. D’ailleurs, il suggère de considérer l’alternance de langues ou le changement catégorique de langue, comme un autre « code communicatif » porteur de signification. De façon semblable, Ervin-Tripp définit le terme code (1973 : 90) :

Code or variety consists of a systematic set of linguistic signals, which co-occurs in defining setting. For spoken languages, alternative codes may be vernaculars or superposed varieties. Sociolinguistic variants are those linguistic alternations, linguistics regards as free variants or optional variants within a code, that is, two different ways of saying the same thing.

Nous emploierons le terme code dans un sens large pour faire référence aux différentes langues et variations linguistiques et stylistiques. Nous utiliserons ce sens du terme code, car notre analyse portera tant sur le changement d’une langue à l’autre que sur l’apparition d’un nouveau code ayant une signification sociale.

Problèmes phénoménologiques

L’étude de l’A.C. avance lorsque des phénomènes issus du contact de langues ne sont plus considérés comme des aberrations linguistiques et ne sont

plus comparés aux règles monolingues (Gardner-Chloros, 1991 : 47). C’est à

partir de ce moment que des chercheurs essayent de décrire et classer l’A.C. présente au sein des sociétés multilingues et des individus plurilingues.

Auparavant, l’A.C. était considérée comme :

• un phénomène d’interférence et elle était associée à la performance

d’un individu qui n’était pas complètement bilingue1..

• un « problème énigmatique » (Labov,1972 : 86) lorsqu’il s’agissait

d’étudier les variations linguistiques employées dans une communauté multilingue.

L’étude de l’A.C. a connu des problèmes de différentiation en relation à d’autres phénomènes linguistiques, et des problèmes d’explication par rapport à sa dimension d’analyse. En effet, les explications sur l’emploi des variations linguistiques se faisaient exclusivement à partir d’un niveau macro.

Différenciation en relation à d’autres phénomènes linguistiques

Comme nous l’avons déjà mentionné, il n’est pas toujours facile d’établir les limites ou les différences entre l’A.C., les mélanges de langues (interférences) et

1 « The ideal bilingual switches from one language according to appropriate changes in the speech situations (interlocutors, topics, etc), but not in an unchanged situation, and certainly not within a single sentence » (Weinreich, 1953: 73) cité par Gardner-Chloros (1991 : 48).

les emprunts. Poplack (1988) essaie d’établir des différences parmi ces phénomènes. Cependant, ces différences semblent se chevaucher. À cet égard, la linguiste Gardner-Chloros (1991 : 48) signale :

We observe fundamental mistake in such attempts at the discrete classification of linguistic phenomena. First, it is not always possible to assign a linguistic unit to one system alone; even if it were, and we could then speak with confidence of distinction between ‘code-switches’ and ‘loans’ and ‘interference’ to be made in linguistic terms, there is a priori no reason to assume that these three categories correspond to significantly discrete categories of social and psychological behaviour.

Les variations linguistiques dans les sociétés multilingues : dimension d’analyse

Ferguson (1959) et Fishman (1965) s’intéressent à l’emploi des variations linguistiques au sein des sociétés multilingues. Ferguson se focalise sur le phénomène de la diglossie, c’est-à-dire, l’emploi de deux variétés linguistiques au sein d’une société où l’une des variétés est considérée comme prestigieuse par rapport à l’autre (par exemple, l’emploi de l’arabe classique et de l’arabe dialectal dans les pays arabophones). De nos jours, cette définition de la diglossie concerne également l’emploi de différentes langues et dialectes dans une région ou un pays multilingue.

Quant à Fishman, il identifie trois facteurs déterminants pour la sélection d’une langue ou d’une variété : (i) le sujet de conversation, (ii) le groupe social auquel l’individu appartient, (iii) la situation où l’individu se trouve lors de l’interaction. Fishman propose également la définition de « domaines », associés à l’emploi de la langue à la maison, à l’école, au travail. Le chercheur affirme que « Proper usage dictates that only one of the theoretically co-available languages or varieties will be chosen by particular classes of interlocutors on particular kinds of occasion to discuss particular kinds of topics» (cité par Myers-Scotton, 1993 : 49).

Ferguson et Fishman ont inspiré nombre de sociolinguistes pour l’étude des phénomènes linguistiques issus du contact de langues. Cependant leurs analyses ont été critiquées car ils ne déchiffrent pas l’énigme de la sélection d’une langue ou d’une variété. Ils expliquent seulement les conditions sous lesquelles ces variations linguistiques sont employées. Ils focalisent leurs études sur l’optique macro-sociale (les variations linguistiques dans les sociétés multilingues) sans prendre en compte les interactions entre les individus (le niveau micro). C’est le linguiste Gumperz qui, quelques années plus tard, analyse l’A.C. à partir des interactions.

Dans les études sur l’A.C., il n’est pas toujours mentionné explicitement si les interprétations ou les explications sur les motivations de l’A.C. sont faites à partir de facteurs prédominants au niveau micro (niveau des interactions individuelles) ou au niveau macro (les normes sociales). Il ne s’agit pas tant de diriger les recherches les unes vers le niveau macro, les autres vers le niveau micro, mais de bien différencier les facteurs qui caractérisent l’A.C. à chaque niveau1.