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A. Le lymphome à cellules du manteau

III. Mécanismes physiopathologiques connus du LCM

2. Altérations génétiques secondaires

L’instabilité génomique provoquée par l’expression aberrante de cycline D1 a de très nombreuses conséquences dans les cellules pré­tumorales. En effet, celles­ci accumulent aléatoirement et continuellement des mutations qui peuvent activer des oncogènes ou éteindre l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs. Cela provoque des dérégulations au niveau de voies de signalisation majeures comme celles de la régulation de l’apoptose.

2.1. Mutations géniques

Les cellules de LCM sont caractérisées par une instabilité génomique importante. Les aberrations récurrentes les plus fréquentes incluent des gains de gènes portant des oncogènes :

SOX11 (2p ; 95%), MYC (8q ; 18%) ainsi que des délétions de gènes codant pour des

suppresseurs de tumeurs : RB1 (13q ; 26%), ataxia telangiectasia mutated (ATM) (11q ; 25%),

cyclin dependent kinase inhibitor 2A (CDKN2A ou p16) (9p ; 25%) ou encore TP53 (17p ; 22%).

Ces deux dernières altérations sont des facteurs de mauvais pronostic indépendants de l’index de prolifération mesuré par le Ki67 (24). Des mutations affectent également certains gènes contrôlant la régulation épigénétique comme WHSC1 (10%), MLL2 (14%) MEF2B (3%) et

NOTCH1/2, elles sont directement associés avec l’agressivité de la tumeur (25). Il existe une

corrélation entre le nombre d’aberrations et l’agressivité de la maladie, en allant de la pathologie indolente jusqu’à la forme blastoïde très agressive.

2.1.a. Activation d’o

SOX11 est un puissant oncogène, son extinction dans un modèle de xénogreffe est associé à une croissance tumorale réduite, en accord avec le profil d’évolution indolente des patients n’exprimant pas SOX11 (26). Il permet la progression tumorale en favorisant l’angiogenèse via l’axe platelet derived growth factor subunit A (PDGFA). D’autre part, SOX11 permet l’expression de C­X­C chemokine receptor type 4 (CXCR4) et de Focal adhesion kinase (FAK) en se fixant sur des séquences régulatrices de ces gènes. CXCR4 est un récepteur membranaire spécifique de la chimiokine SDF1 (stromal derived factor 1 ou CXCL12) qui joue un rôle important dans la domiciliation des cellules B dans la moelle osseuse. FAK est une tyrosine kinase cytoplasmique activée par des récepteurs de facteurs de croissance ou d’intégrines. Elle

est essentielle au niveau du microenvironnement tumoral pour faciliter la migration cellulaire, l'invasion, la progression tumorale et les métastases. SOX11 joue par conséquent un rôle important en permettant aux cellules de LCM de franchir la barrière endothéliale et envahir des sites ganglionnaires et extra­ganglionnaires (27).

Dans les LCM, l’expression de c­MYC est fréquemment anormale, pour différentes raisons : augmentation de la stabilité de c­MYC par activation de la voie du B cell receptor (BCR), réarrangement moléculaire en 8q24 de type amplification du locus ou de type translocation activatrice. Les LCM présentant ce dernier type de réarrangement sont rares mais de mauvais pronostic, la plupart du temps associé à la forme blastoïde de la pathologie (28). c­MYC est un facteur de transcription qui régule environ 15% des gènes et qui confère aux cellules un effet prolifératif important. Il est normalement régulé très finement et sa surexpression en fait un puissant oncogène retrouvé dans de nombreuses pathologies (29).

2.1.b.

Jares et al. (30), ont montré que des délétions intragéniques homozygotes de RB1 étaient présentes dans quelques cas de LCM et que la perte d’expression de RB1 était associée à un phénotype agressif de type blastoïde. RB1 séquestrant physiologiquement le facteur de transcription pro­prolifératif E2F1, la perte de son expression entraine une entrée en phase S du cycle cellulaire.

Le gène ATM est fréquemment muté dans les LCM, ce gène code pour ATM qui est impliqué de manière critique dans la réponse aux dommages à l’ADN. Une perte d’expression de cette protéine augmente la fréquence des anomalies chromosomiques et l’instabilité génomique. Les mutations retrouvées dans le LCM sont principalement des troncatures ou des mutations faux­sens impliquant le domaine PI3K de la protéine. Les mutations d’ATM touchent indifféremment les formes classiques comme les formes blastoïdes, cela pourrait laisser supposer qu’ATM est impliqué dans le développement tumoral précoce (31).

Les altérations du gène TP53 en position 17p13 sont l’anomalie génétique la plus courante retrouvée dans les cancers humains. Dans les LCM on retrouve des délétions 17p ainsi que des mutations sur les exons 4 à 8 qui codent pour le domaine de liaison à l’ADN. Le gène code pour la protéine p53 qui est un facteur de transcription régulant des fonctions cellulaires

comme la mitose et l’apoptose. A l’état basal, dans une cellule normale, p53 est très peu exprimée car elle se lie avec MDM2 (murine double minute 2), une E3 ubiquitine ligase, ce qui provoque sa dégradation. Lorsque la cellule est stressée, suite par exemple à des lésions de l’ADN, des défauts dans le métabolisme ou dans la division cellulaire, la liaison de p53 et de MDM2 est abolie, on parle de phase d’activation. Dans un deuxième temps, la structure de p53 est modifiée pour que la protéine puisse jouer le rôle de facteur de transcription, c’est la phase de modification. Enfin, p53 active la transcription de nombreux gènes. En fonction de la sévérité du stress cellulaire, deux possibilités émergent de cette phase de réponse : un arrêt du cycle cellulaire pour permettre la réparation des dommages à l’ADN ou bien l’entrée de la cellule en apoptose si les dommages sont trop importants. Un des rôles de p53 est d’activer l’expression du gène BAX dont la protéine a pour effet le déclenchement de l’apoptose en perméabilisant la membrane mitochondriale et permettant ainsi la sortie du cytochrome C dans le cytoplasme. La protéine p53 est donc indispensable au maintien de l’intégrité cellulaire ; la perte de son expression dans les cancers et plus précisément dans les LCM est associée à un mauvais pronostic et à une prédominance de la forme blastoïde (32).

Le gène CDKN2A est localisé sur le chromosome 9, il code pour la protéine p16 qui agit comme un suppresseur de tumeur en inhibant l’activité de kinase de CDK4/6 et par la même la phosphorylation de RB1. Ce gène est retrouvé muté avec une perte d’expression de p16 dans les variants les plus agressifs de LCM et associé à une durée de survie plus courte des patients. Il n’existe pas de corrélation entre le statut mutationnel de CDKN2A et de TP53, cela semble indiquer que ces deux gènes participent à l’oncogenèse de manière indépendante (33).

2.2. Voies de signalisation dérégulées 2.2.a.

L’activation constitutive de la voie phosphatidylinositol 3 kinase (PI3K)/Akt survient principalement dans les formes agressives blastoïdes de LCM et est impliqué dans la pathogenèse de la maladie (34). Cette voie de signalisation très complexe fait intervenir PI3K qui est activée par phosphorylation lors qu’elle se lie à un récepteur à tyrosine kinase dimérisé suite à la liaison de son ligand spécifique. Cette PI3K activée va phosphoryler le phosphatidylinositol­ 4,5­bisphosphate (PIP2) en phosphatidylinositol­3,4,5­trisphosphate (PIP3). PIP3 est ensuite

capable d’activer la kinase AKT qui est une proto­oncoprotéine qui a de nombreux substrats et effets. AKT est capable d’inhiber l’apoptose en se liant à BAX l’empêchant ainsi de perméabiliser la membrane mitochondriale. AKT est également capable d’induire la prolifération cellulaire par une cascade d’effecteur en activant in fine mTOR qui est capable à son tour d’activer S6K pour qu’elle se lie au ribosome et initie la transcription d’ARNm. Par ailleurs AKT est capable de diminuer la concentration des protéines suppresseurs de tumeur de la famille FOXO en les phosphorylant ce qui provoque leur ubiquitinylation puis leur dégradation par le protéasome. L’activation constitutive de cette voie provoque une inhibition de l’apoptose et une augmentation de la prolifération. Un des mécanismes possible de cette activation constitutive dans le LCM, est la perte d’expression de PTEN (Phosphatase and TENsin homolog) qui est capable de déphosphoryler PIP3et ainsi de limiter l’action d’AKT (35).

2.2.b. κ

La voie NFκB (Nuclear Factor kappa B) est rarement activée spontanément dans les LCM suggérant ainsi que cette voie ne joue pas un rôle clé dans la prolifération et dans la dérégulation du processus apoptotique dans la pathologie (36). La présence de p65 dans le noyau reflétant l’activation de la voie NFκB est rare mais associée à un mauvais pronostic. En effet, l’activation de NFκB par la voie canonique et/ou non canonique déclenche la transcription de gènes anti­apoptotiques, favorisant ainsi la progression de la pathologie. L’ensemble des mécanismes physiopathologiques du LCM sont récapitulés en Figure 5.

Figure 5 : Schéma récapitulatif des mécanismes physiopathologique du LCM (37)

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