I. 1.1.2.2. Pénétration des particules dans l’appareil respiratoire
I.1.3. Bases moléculaires et cellulaires des effets des DEP
I.1.3.1. Altération du statut redox par les DEP
Le stress oxydant est considéré comme le mécanisme principal à l’origine des effets toxiques
des polluants atmosphériques comme les particules diesel. Les DEP sont composées d’HAP, de
quinones et de métaux de transition qui sont des agents pro-oxydants capables de perturber le statut
redox des cellules en activant la production d’espèces réactives de l’oxygène (EAO).
Le stress oxydant décrit par Sies en 1991 (23) est un phénomène caractérisé par un
déséquilibre dans la balance entre systèmes pro-oxydants et anti-oxydants (statut redox) en faveur des
systèmes pro-oxydants pouvant conduire à des altérations cellulaires (Figure 8). Ce déséquilibre peut
être causé par deux évènements étroitement liés, à savoir une production accrue de molécules
pro-oxydantes comme les EAO ainsi qu’une inhibition des systèmes protecteurs anti-oxydants (24).
Figure 8: Déséquilibre de la balance redox dans une cellule. D’après (24–26).
Les EAO sont issues de la métabolisation de l’oxygène et regroupent les espèces radicalaires
comme l’anion superoxyde (O
2°
-) ou le radical hydroxyle (OH°) possédant un ou plusieurs électrons
non appariés et les espèces non radicalaires telles que le peroxyde d’hydrogène (H
2O
2) ou l’oxygène
singulet (
1O
2). Ces molécules vont pouvoir hautement réagir avec les différentes macromolécules
biologiques (lipides, protéines, ADN). Il existe de multiples sources endogènes d’EAO au niveau
cellulaire. Elles peuvent être formées par la réduction mono-électrique du dioxygène au niveau de la
chaine respiratoire mitochondriale, ou encore produites au niveau des péroxysomes et du réticulum
27
endoplasmique (RE). Les systèmes enzymatiques comme la nicotinamide adénine dinucléotide
phosphate (NADPH) oxydase (ou Nox) des cellules immunitaires activées de même que les enzymes
de métabolisation de phase 1 de la famille des cytochromes P450 (CYP450) constituent une source
importante d’EAO (27, 28). L’exposition à des facteurs exogènes tels que les radiations, les agents
cancérigènes ou infectieux, les médicaments, le tabac ou encore les polluants atmosphériques peut
aussi aboutir à une surproduction d’EAO responsable d’un stress oxydant (27, 29).
Produites en faibles doses, les EAO peuvent jouer un rôle de messagers secondaires
intracellulaires dans différents processus biologiques, en modifiant des molécules sensibles aux
variations de statut redox. Ces modifications peuvent ainsi conduire à la modulation de diverses voies
de signalisation (27). Cependant, une production excessive d’EAO et notamment du radical hydroxyle
engendre des atteintes cellulaires comme la formation d’aldéhydes. Ces composés ainsi formés vont
générer des adduits aux molécules biologiques en réagissant avec les groupements nucléophiles de
l’ADN, les fonctions thiols des protéines et en favorisant la péroxydation des phospholipides
membranaires (30). Ces altérations cellulaires par un stress oxydant non contrôlé conduisent à la mort
cellulaire par nécrose ou apoptose.
La production d’EAO (O
2°
-, OH° et H
2O
2) après exposition aux DEP a été mise en évidence
dans différents modèles cellulaires comme les macrophages (Mφ), les cellules épithéliales
bronchiques, les cardiomyocytes et les microsomes de poumons (31–35). Bien que les caractéristiques
physiques des particules (taille et surface de réactivité) jouent un rôle dans cette production d’EAO, la
fraction chimique des DEP est en grande partie responsable de leur potentiel pro-oxydant (29, 36). En
effet, à partir des quinones la réaction de Fenton catalyse la production de OH° et de H
2O
2en présence
de fer ou de cuivre ionique et de NADH (37). Les HAP adsorbés sur les DEP sont aussi responsables
de la production d’EAO (O
2°
-, OH° et H
2O
2) après conversion métabolique en dérivés de quinones par
les CYP450, l’époxyde hydrolase et la dihydrodiol déhydrogénase (28, 38). Les métaux de transition
présents dans les DEP participent aussi de manière importante à leur pouvoir pro-oxydant (39, 40).
Les DEP peuvent également générer indirectement des EAO et notamment de l’anion superoxyde en
stimulant l’activité de la NADPH oxydase par les Mφ (41). Cette production enzymatique d’O
2°
-permet la destruction d’agents pathogènes mais peut également conduire à des dommages des tissus
sains.
En plus d’un stress oxydant, les DEP peuvent aussi induire un stress nitrosant par la
production accrue de péroxynitrite (ONOO). Une étude montre une augmentation de la production
d’O
2°
-chez des souris exposées aux DEP et à un cocktail de cytokines inflammatoires. Cette
surproduction d’O
2°
-serait due à une augmentation de l’expression de la xanthine déhydrogénase ainsi
qu’à la diminution de l’activité cytosolique de la superoxyde dismutase (SOD). L’interaction de l’O
2°
-28
ainsi formé avec le monoxyde d’azote (NO) lui-même produit via l’activation de la NO-synthase
inductible (iNOS ) par des cytokines inflammatoires augmente la production de peroxinitrite (ONOO)
(42).
L’exposition des Mφ et des cellules épithéliales aux composés chimiques des DEP entraine
une réponse biologique hiérarchisée au stress oxydant (43) (Figure 9). L’augmentation du niveau de
stress oxydant conduit à une transition des effets protecteurs vers des effets délétères ; lorsque la
production d’EAO dépasse la capacité du tissu à les neutraliser, cela peut entrainer un stress oxydant
via la déplétion en Glutathion (GSH). Le GSH est un système antioxydant non enzymatique majeur.
Ce tripeptide (γ-L-Glutamyl-L-cystéinylglycine) possède des propriétés réductrices grâce à la présence
du groupement thiol sur sa cystéine. En formant des conjugués spontanément ou catalysés par des
GSH-transférases avec des métabolites électrophiles, il permet la détoxification de nombreux
xénobiotiques (44). Il favorise aussi l’élimination des EAO : la réduction du H
2O
2en H
2O par la
glutathion péroxydase (GPx) conduit à la formation d’une forme oxydée du GSH, le glutathion
disulfide (GSSH). Cette forme oxydée peut alors être réduite à son tour par une réaction catalysée par
la glutathion réductase (GR). La proportion relative de ces deux formes du GSH reflète ainsi le niveau
de stress oxydant auquel les cellules sont exposées (45) (Figure 9):
Figure 9: Modèle hiérarchique de réponse cellulaire au stress oxydant produit par une exposition aux DEP. Adapté de (37, 46).
29
Au plus faible niveau de stress oxydant causée par une exposition aux DEP (Niveau 1
correspondant à 10 µg/cm
2), les enzymes anti-oxydantes et de détoxification de phase II sont induites
pour restaurer l’homéostasie redox intracellulaire. Ces enzymes sont impliquées notamment dans la
synthèse du GSH comme la GS (Glutathion Synthase) et la GCL (Glutamate Cystéine Ligase) qui se
compose d’une sous-unité catalytique (la GCLc) et d’une sous-unité régulatrice (la GCLm). Cette
enzyme conditionne le maintien des niveaux intracellulaires de GSH. Le stress oxydant généré par les
DEP induit aussi l’expression de la NADPH quinone oxydoréductase 1 (NQO1) qui catalyse la
réduction des quinones en hydroquinones limitant ainsi la formation d’espèces radicalaires
semiquinones (Q
.-et QH
.). L’exposition aux DEP stimule également l’expression d’autres enzymes
anti-oxydantes et détoxifiantes comme la superoxyde dismutase (SOD), la glutathion transférase
(GST), la catalase et l’Hème Oxygénase 1 (HO-1). Cette dernière est une enzyme qui, en dégradant
l’hème en bilirubine et biliverdine (des composés antioxydants), possède une fonction cytoprotectrice
(47, 48). L’augmentation de l’expression de ces enzymes est contrôlée au niveau transcriptionnel par
le facteur de transcription Nrf2 (Nuclear factor-erythroid 2 related factor 2) dont les modalités
d’activation et de régulation sont détaillées au paragraphe I.1.3.4 de ce chapitre.
À un niveau intermédiaire de stress oxydant (Niveau 2 équivalent à 50 µg/cm
2), la production
d’EAO par les cellules épithéliales pulmonaires et les Mφ exposés aux DEP et à leurs composés
chimiques active des cascades de signalisation intracellulaire telles que les Mitogen Activated Protein
Kinase (MAPK) et la voie NF-κB. L’activation de ces voies sensibles au potentiel redox peut conduire
à l’activation de la transcription de gènes pro-inflammatoires (43).
Finalement, une exposition à de fortes concentrations de DEP (≥ 100 µg/ml) induisant un
niveau très élevé de stress oxydant (Niveau 3) provoque des perturbations du fonctionnement de la
mitochondrie. Ces dommages impliquent une diminution du potentiel de membrane mitochondriale,
une ouverture du pore de transition (PTP pour Permeability Transition Pore), une désorganisation de la
chaine de transfert des électrons et la production accrue d’anion superoxyde (32, 36). Ces altérations
favorisent la libération par la mitochondrie de molécules pro-apoptotiques comme le cytochrome c et
engagent la cellule dans des processus de mort cellulaire par apoptose ou nécrose (37, 39).
I.1.3.2. Modulation de l’activité des récepteurs, des voies de signalisations et des facteurs de
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Impact des extraits organiques de particules diesel (DEPe) sur la physiologie de macrophages humains polarisés in vitro
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