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Algébricité des valeurs propres de Hecke

2.2.1 Jacobienne, homologie, théorème d'Abel. Soit X une surface de Riemann com-pacte de genre g. Si ω∈Ω1(X) est une forme diérentielle holomorphe, on peut l'intégrer le long de tout chemin continu c: [0,1]−→ X. Le théorème des résidus et l'holomorphie deω assurent que si c0 est homotope à calors R

c0ω=R

cω. Fixons un point x0 ∈X. En se restreignant aux lacets basés en x0 on obtient un homomorphisme de groupes

π1(X, x0)ab =H1(X,Z)−→Ω1(X).

Avec un peu de topologie algébrique, on voit que le groupe abélien H1(X,Z) est libre de rang2g, engendré par les lacets longitudinauxc1,· · · , cg et les lacets latitudinauxc01,· · · , c0g autour des g trous de X. Avec un peu de théorie de Hodge, on montre que la famille {R

ci, i= 1,· · ·, g} ∪ {R

c0i, i= 1,· · · , g} est uneR-base de Ω1(X). En particulier H1(X,Z) est un réseau co-compact du C-espace vectoriel Ω1(X) et le quotient

J(X) := Ω1(X)/H1(X,Z)

est naturellement une variété complexe compacte de dimension g, munie d'une structure de groupe analytique abélien (on parle de tore complexe).

Si maintenant cest un chemin de x0 àx, l'image de l'élément R

c ∈Ω1(X) dans J(X) ne dépend que dex et on peut la noter simplement Rx

x0. Considérons alors l'application Div0(X)−→J(X), X

x

nx[x]7→X

x

nx Z x

x0

.

Le théorème d'Abel-Jacobi arme que cette application induit un isomorphisme de groupes10 Pic0(X) ∼

−→J(X).

Nous allons montrer que, lorsque X =X0(N), tous ces objets sont munis d'une action naturelle des opérateurs de Hecke Tp compatible avec l'application d'Abel-Jacobi et avec l'isomorphisme S20(N))'Ω10(N)).

10. Ce qui conrme le fait utilisé précédemment que le groupePic0(X)est divisible.

2.2.2 Fonctorialité. Soit π : X −→ Y un morphisme non constant de surfaces de Riemann compactes. Il induit deux homomorphismes

π : Pic0(X)−→Pic0(Y) et π : Pic0(Y)−→Pic0(X) dénis parπ([x]) := [π(x)] etπ([y]) = P

x∈π−1(y)ex[x], oùex désigne l'indice de ramica-tion deπ enx. Ces dénitions surDivpréservent clairement Div0. Il faut voir qu'elles pré-servent aussi les diviseurs principaux. Pour cela on remarque que π(div(f)) = div(f ◦π) tandis que π(div(f)) = div(N(f)) où N désigne la norme de l'extension C(X)/C(Y) (concrètement, on aN(f)(y) =Q

x∈π−1(y)f(x)ex).

Il induit aussi deux applications C-linéaires

π : Ω1(X)−→Ω1(Y) et π : Ω1(Y)−→Ω1(X).

On a déjà rencontré π, qui est simplement déni en coordonnées locales u = π(z) par π(f(u)du) =f(π(z))π0(z)dz. Dénir π est un peu plus délicat. On commence par dénir π(ω) sur l'ouvert Y0 ⊂ Y au-dessus duquel π est non ramié. Pour y ∈ Y0, on choisit un voisinage V de y tel que π−1(V) = F

x∈π−1(y)Ux avec π|Ux : Ux

−→ V. On pose alors π(ω)|V := P

x|Ux)−1|Ux). Il faut ensuite voir que ceci se prolonge de manière holomorphe à Y. En raisonnant au voisinage d'un point de ramication on se ramène au cas où π est de la forme z 7→ u = ze sur un disque épointé D en 0. On calcule alors que π(P

n∈Nanzndz)|D = P

m∈Nae(m+1)−1umdu qui se prolonge visiblement de manière holomorphe en 0.

Enn, on a aussi des applications

π : H1(X,Z)−→H1(Y,Z) et π :H1(Y,Z)−→H1(X,Z).

L'application π est simplement la composition c 7→π◦c des lacets, et comme ci-dessus, l'applicationπ est plus délicate. Partant d'un lacetctracé surY et basé eny, on commence par le déformer pour qu'il évite le lieu de ramication. Puisqueπest un isomorphisme local, pour chaque x∈ π−1(y), il existe un unique chemin cx relevant cet tel que cx(0) =x. On obtient alors une permutation x 7→ cx(1) de la bre π−1(x). Si x0 7→ x1 7→ · · · 7→ xr est une orbite de cette permutation, alors la concaténation des cxi est un lacet tracé sur X. On dénit π(c)comme l'image de la somme des lacets associés à chaque orbite. On vérie alors sur les dénitions le lemme suivant.

Lemme. Pour un lacet c tracé sur Y et ω ∈ Ω1(X), on a R

πcω =R

cπω. Pour un lacet c tracé sur X et ω ∈Ω1(Y), on a R

πcω=R

cπω.

Ce lemme implique que les adjoints respectifs de π et π sur les Ω1 induisent des morphismes

π :J(X)−→J(Y) et π :J(Y)−→J(X).

Toujours sur les dénitions, on vérie aussi :

Lemme. Les applications d'Abel-Jacobi Pic0 −→J sont compatibles avec π et π.

Enn, la situation qui nous intéresse est la suivante.

Démonstration. Dans les diagrammes, la notation πΓ est légèrement abusive, mais est là pour rappeler que l'isomorphisme Ω1(X(Γ)) ∼

−→ S2(Γ) est déni par ω 7→ f où πΓ(ω) = f(z)dz. A partir de là, la commutativité du premier diagrammes est évidente puisque πΓ0 = (π◦πΓ)Γ◦π.

2.2.3 Correspondances. Une correspondanceC entre deux S.R. compactesX etX0 est un diagramme

X ←−π Y −→π0 X0

dans lequel π et π0 sont des morphismes non constants entre surfaces de Riemann com-pactes. D'après le paragraphe précédent, la correspondanceC induit des homomorphismes

C :=π0 ◦π :





1(X)−→Ω1(X0) Pic0(X)−→Pic0(X0) H1(X,Z)−→H1(X0,Z) J(X)−→J(X0)

compatibles avec l'accouplement d'intégration entreH1etΩ1et l'application d'Abel-Jacobi.

La situation qui nous intéresse est la suivante. Soit X = X(Γ) pour Γ ⊂ Γ(1) un sous-groupe de congruence, et soitΓαΓune double classe dans ∆. On lui associe la corres-pondance CΓαΓ :

X(Γ)←−πα X(α−1Γα∩Γ)−→π X(Γ) où πα est la composée X(α−1Γα ∩ Γ) ∼

−→ X(Γ∩ αΓα−1) −→ X(Γ) et où le premier isomorphisme est induit par α:H →H.

Lemme. Le diagramme suivant est commutatif.

1(X(Γ))

CΓαΓ,∗

πΓ //S2(Γ)

[ΓαΓ]2

1(X(Γ))

πΓ //S2(Γ)

Démonstration. D'après le lemme précédent, l'action de CΓαΓ,∗ sur Ω1(X(Γ)) correspond à l'action suivante sur S2(Γ)

f 7→ X

γ∈(α−1Γα∩Γ)\Γ

(f[α]2)[γ]2 = X

δ∈Γ\(ΓαΓ)

f[δ]2 =f[ΓαΓ]2,

c'est à dire à l'action de l'opérateur de Hecke [ΓαΓ].

On pourrait montrer directement que l'action des CΓαΓ dénit une action de l'anneau de Hecke Z[Γ\∆/Γ] sur chacun des objets Pic0(X(Γ)), H1(X(Γ),Z) etc, du paragraphe précédent. Cependant, on peut maintenant le déduire du fait que c'est vrai sur Ω1 par le lemme, donc sur Ω1,∗ par passage au dual, donc surH1 puisque l'action y est la restricition de celle sur Ω1,∗, et donc nalement sur J et Pic0.

Corollaire. L'image TΓ de Z[Γ\∆/Γ]dans EndC(S2(Γ)) est un Z-module de type ni.

Démonstration. Il sut de voir que l'image de l'anneau de Hecke dans le dual Ω1(X(Γ)) est un Z-module de type ni. Or, l'anneau de Hecke stabilise le réseauH1(X,Z)donc son image est contenue dans EndZ(H1(X,Z))qui est de type ni sur Z.

Nous spécialisons maintenant notre discussion à Γ = Γ0(N) et l'action de l'anneau de Hecke H0(N). On notera T0(N) son image dans EndC(S20(N))), qui est un anneau commutatif.

On rappelle qu'un système de valeurs propres(λ(n)n∈N)desT(n)agissant surS20(N)) est déterminé par les λ(p), p premier, et détermine un caractère (ie un homomorphisme d'anneaux) λ : H0(N) −→ C. Ce caractère se factorise par T0(N) qui, par le corollaire, est de type ni comme module sur Z. Il s'ensuit que Im(λ)est un ordre dans un corps de nombres Kλ. En d'autres termes :

Corollaire. Soitf ∈ S20(N))une forme propre et normalisée pour tous lesT(n), n∈N. Alors le corps Kf engendré par les coecients an(f), n∈N du q-développement de f est un corps de nombres, et les an(f) y sont des entiers algébriques.

Pour la suite, il est utile de comparer les systèmes de valeurs propres de H0(N) dans S20(N)) avec ceux apparaissant dans H1(X0(N),C). On utilise la notation V[λ] pour désigner l'espace propre associé à λ sur V, i.e.

V[λ] ={v ∈V,∀T ∈ H0(N), T v =λ(T)v}.

On utilise aussi la notation Vλ pour désigner l'espace propre généralisé associé à λ surV, i.e.

Vλ ={v ∈V,∀T ∈ H0(N), (T −λ(T))nv = 0 pourn >>0}.

Proposition. Pour tout caractère λ:H0(N)−→C on a dimC(H1(X,C)λ) = 2dimC(S20(N))λ),

et dimC(H1(X,C)[λ])>dimC(S20(N))[λ]) si non nul.

Démonstration. On a dimC(S20(N))λ) =dimC(Ω1(X0(N))λ) =dimC(Ω1(X0(N))λ). Pour voir la dernière égalité, on peut prendre une base B de Ω1(X0(N)) dans laquelle H0(N) agit de manière triangulaire (triangularisation simultanée d'une famille d'endomorphismes commutants 2 à 2). La dimension de Ω1(X0(N))λ est alors le nombre d'occurences de λ sur la diagonale. Mais dans la base duale B de Ω1(X0(N)), H0(N)agit par des matrices triangulaires inférieures et on lit aussi la dimension de Ω1(X0(N))λ sur la diagonale, qui est la même que dans B.

Par ailleurs, on sait que H1(X,Z) est un réseau cocompact de Ω1(X0(N)), et donc l'inclusion H1(X,Z),→Ω1(X0(N)) induit un isomorphismeR-linéaire

H1(X,R) ∼

−→Ω1(X0(N)) et par suite un isomorphismeC-linéaire

H1(X,C) ∼

−→Ω1(X0(N))⊕Ω1(X0(N))

où la notation V désigne le conjugué d'un espace vectoriel complexe, i.e. le même espace mais avec l'action deCconjuguée :∀z ∈C,∀v ∈V , z·v :=zv. Bien-sûr,H0(N)agit encore surΩ1(X0(N)), et le problème est maintenant de montrer que pour tout caractère λ, on a

dimC(Ω1(X0(N))λ) =dimC(Ω1(X0(N))λ), ou encore

dimC(S20(N))λ) =dimC(S20(N))λ).

Remarquons que le produit hermitien de Petersson fournit un isomorphismeS20(N)) ∼

−→

S20(N)) par la formule g 7→(f 7→ hf, gi). Mais les T(n)ne sont pas tous auto-adjoints pour ce produit (seulement si (n, N) = 1), donc cet isomorphisme n'est pas entièrement compatible avec l'action de H0(N). Cependant, on a aussi vu que l'adjoint de [T(p)]2 est [T(p)]2 = [wN]2 ◦[T(p)]2◦[w−1N ]2 lorsque p|N. Cette formule est en fait valable pour tout p car, lorsque p-N,[T(p)]2 commute à [wN]2. Il s'ensuit que l'isomorphisme

S20(N)) ∼

−→ S20(N)), g 7→ϕg : (f 7→ hf[w−1N ]2, gi)

est compatible à l'action de H0(N)(i.e. on a ϕg[T]2(f) =ϕg(f[T]2)), et par conséquent dimC(S20(N))λ) = dimC(S20(N))λ)

et dimC(S20(N))[λ]) =dimC(S20(N))[λ])

pour tout caractère λ : H0(N) −→ C. On a donc prouvé l'égalité annoncée. L'inégalité s'ensuit aussi puisque, si dim(Ω1(X0(N))[λ]) 6= 0 alors dim(Ω1(X0(N))λ) 6= 0 donc aussi dim(Ω1(X0(N))[λ])6= 0.

Corollaire. Soit f ∈ S20(N))primitive etλ le système de valeurs propres asso-cié. Alors

dimC(H1(X0(N),C)[λ]) = dimKf(H1(X0(N), Kf)[λ]) = 2.

Démonstration. On a vu dans ce cas que S20(N))[λ] = S20(N))λ est de dimension 1. D'après la proposition on a donc dimC(H1(X0(N),C)[λ]) 6dimC(H1(X0(N),C)λ) = 2 et aussi dimC(H1(X0(N),C)[λ])>1. On a donc dimC(H1(X0(N),C)[λ]) = 2. Comme λ est à valeurs dans le sous-corps Kf ⊂C, on a aussi dimKf(H1(X0(N), Kf)[λ]) = 2.

Continuons avec f comme dans le corollaire. Soit maintenant ` un premier et l ∈ Max(OKf) au-dessus de`. Posons

Vf :=H1(X, Kf,l)[λ].

Cet espace de dimension 2 sur Kf,l est l'espace de la représentation Galoisienne que nous cherchons. Pour dénir cette représentation, on utilisera le lien suivant avec Pic0.

H1(X, Kf,l) = lim←−m

Pic0(X0(N))[`m]

Z`Kf,l.

En eet, si on désigne par Pic0(X)[N] le noyau de la multiplication par N dans Pic0, le théorème d'Abel-Jacobi identie Pic0(X)[N] avec N−1H1(X,Z)/H1(X,Z) ' H1(X,Z)⊗ (Z/NZ), ce qui en passant à la limite projective fournit un isomorphisme

lim←−m

Pic0(X)[`m]'H1(X,Z)⊗Z` =H1(X,Z`).

On voit ainsi qu'il nous faut maintenant dénir une action de Galois sur Pic0(X0(N))). Pour cela, nous devons d'abord trouver un modèle canonique de X0(N) comme courbe algébrique sur Q.

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