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Afin de permettre au béton de développer la RAG, les échantillons fabriqués en laboratoire sont, plus souvent qu’autrement, maintenus dans des contenants scellés avec au fond une petite quantité d’eau, permettant de maintenir un taux d’humidité de 100% autour des éprouvettes. Or, il a été montré que lorsqu’une condensation excessive de l’eau sur la surface du béton est observable, les ions alcalins de la solution interstitielle peuvent migrer en dehors de l’échantillon. Il se produit alors un lessivage des alcalis contenus dans le béton et ainsi l’alcalinité de la solution interstitielle diminue (Blanks et Meissner, 1946; Rogers et Hooton, 1989). Ce phénomène a été observé dès les années 40, lors des premières expériences visant à déterminer le potentiel de réactivité des sources granulaires (Stanton, 1940). Comme le lessivage peut avoir une influence considérable sur l’alcalinité de la solution interstitielle des échantillons de laboratoire, il est très important de le limiter le plus possible et d’être en mesure de quantifier la quantité d’alcalis perdue.

Au cours de la fin des années 80, les résultats obtenus par les différents essais réalisés afin de déterminer la réactivité de granulats face à la RAS en Amérique du nord étaient très variables d’un laboratoire à l’autre. La différence majeure entre ces résultats a alors été attribuée au lessivage d’alcalis lors de la conservation des échantillons (Rogers et Hooton, 1989). Rogers et Hooton (1993) ont d’ailleurs conduit une étude visant à déterminer l’impact du lessivage d’alcalis d’échantillons de mortier soumis à un essai d’expansion couramment utilisé à cette époque (ASTM C 227). Pour ce faire, ces chercheurs ont utilisé un granulat connu comme étant réactif (calcaire Spratt) dans la confection de barres de mortier conventionnelles, qui ont été entreposées dans différents types de contenants. Comme le voulait la procédure de l’essai d’expansion, une mesure de l’expansion des échantillons était effectuée à différents intervalles de temps. Au final, il a été observé que le lessivage d’alcalis influence directement l’ampleur de l’expansion des échantillons, à savoir que lorsque le lessivage est important, l’expansion est faible et, à l’inverse, lorsque le lessivage est moindre, l’expansion est forte. Ce phénomène est également vérifié par des mesures de l’alcalinité de la solution interstitielle des barres de mortiers en question, ainsi que par des observations visuelles au microscope de la quantité de gel de silice dans les échantillons. Au final, les auteurs suggèrent que le lessivage d’alcalis est plus important

lorsque les contenants hermétiques dans lesquels sont placées les éprouvettes sont entourés d’une membrane absorbante. Aussi, si une telle membrane est utilisée, le fait de placer un sac de plastique non-scellé au-dessus des échantillons peut permettre de réduire de beaucoup le lessivage d’alcalis. En procédant de la sorte, le contact direct de la condensation sur les échantillons est minimisé.

Bien entendu, même si la quantité d’alcalis lessivés des échantillons de mortier ou de béton en laboratoire peut être minimisée, il est important de noter qu’il y en aura tout de même lors de l’essai. Aussi, une quantité importante d’alcalis est liée lors de la formation du gel de silice. La diminution de l’alcalinité dans les échantillons de béton ne peut donc pas être exclusivement attribuée au lessivage. Afin de vérifier ceci, Rivard et al. (2003b) ont effectué un bilan de masse des alcalis lors d’un essai d’expansion sur prismes de béton, confectionnés à l’aide de deux granulats connus comme étant réactifs (calcaire Spratt et grès de Potsdam). Les éprouvettes ont été conservées à 38°C dans les conditions optimales recommandées par Rogers et Hooton (1993), c’est-à-dire dans une chaudière de 20 L scellée dont les côtés sont recouverts d’une membrane absorbante, au-dessus d’un volume d’eau distillée connu et sous une pellicule de polyéthylène. Afin de stimuler la RAG, une quantité de NaOH a été ajoutée à l’eau de gâchage afin d’obtenir un pourcentage en alcalis équivalent de 1,25% Na2Oeq. Lors de la phase expérimentale, les prismes de béton étaient mesurés régulièrement sur une période d’un an afin de quantifier l’expansion. Une mesure de l’alcalinité de la solution interstitielle du béton était effectuée à l’aide de la méthode d’extraction sous haute pression après 1, 4, 12, 24, 36 et 52 semaines. Au final, les auteurs ont observé une diminution de l’alcalinité de la solution interstitielle du béton de 29% pour les échantillons contenant le granulat Spratt et 42% pour les échantillons contenant le granulat Potsdam, en comparaison à la mesure de l’alcalinité initiale. Afin de quantifier le lessivage d’alcalis provenant des échantillons, une mesure de l’alcalinité de l’eau dans le fond des contenants était également effectuée aux mêmes échéances. Les auteurs ont été en mesure d’observer une augmentation de la concentration d’alcalis de cette dernière en fonction du temps d’expérimentation. Aussi, ils ont noté un lessivage d’alcalis près de deux fois plus important pour les échantillons confectionnés avec le granulat Potsdam que ceux confectionnés avec le granulat Spratt. Ainsi, en négligeant la quantité provenant des granulats (qui sont d’ailleurs pauvres en alcalis), après les 52 semaines d’essai, le lessivage

d’alcalis provenant des échantillons correspond à 14% et 25% de la quantité totale d’alcalis contenue dans le ciment utilisé à la confection des échantillons, pour les échantillons Spratt et Potsdam, respectivement. Suite à l’obtention de ces résultats, les auteurs suggèrent que le rythme de la RAG a une influence sur la consommation d’alcalis de la solution interstitielle par les produits de réaction aussi bien que sur le lessivage d’alcalis lors de l’essai. Ainsi, pour un granulat très réactif, la quantité d’alcalis lessivée des échantillons est moindre que pour un granulat peu ou non-réactif.

Lindgård et al. (2013), qui ont conduit une étude portant sur le lessivage d’alcalis dans des éprouvettes de béton soumis aux essais d’expansion, ont également trouvé une corrélation directe entre la quantité d’alcalis lessivés durant les premières semaines d’exposition à l’humidité et l’expansion finale des éprouvettes de béton, plus particulièrement à haute température, et que la teneur en alcali du ciment ainsi que le rapport eau-ciment, ont une influence directe sur le lessivage. Multon et Sellier (2016) ont également été en mesure de calculer une expansion théorique sur des éprouvettes de béton dont la quantité d’alcalis lessivés était connue.

Le lessivage d’alcalis est encore un phénomène largement étudié de nos jours et plusieurs études tentent de déterminer les approches à prioriser en vue de le limiter au maximum (Einarsdottir et Hooton, 2016).

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