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3. Le système visuel et ses dualités

3.1. Les aires visuelles bas-niveau

Comme nous l’avons vu préalablement, il ne pourrait exister de perception visuelle sans l’existence d’une source de lumière naturelle ou artificielle entraînant la génération et le mouvement d’un ensemble de photons constitutifs des ondes électromagnétiques. Pourtant, ce monde riche en couleurs nous resterait totalement inconnu si notre organisme était incapable d’intégrer ce signal ondulatoire. C’est donc par le biais de photorécepteurs spécifiques que notre cerveau, et plus précisément notre système visuel, va pouvoir transcrire, intégrer, et par la suite donner un sens au monde qui nous entoure.

Cônes et bâtonnets : la porte d’entrée d’un monde visuel

L’ensemble des photons passant la cornée et le cristallin vont traverser l’ensemble des couches de la rétine jusqu’à atteindre la couche la plus profonde contenant les photorécepteurs, cellules ciliées spécialisées. Environ 125 millions de photorécepteurs (120 millions de bâtonnets et 5 millions de cônes) vont alors assurer la première étape de traitement du signal lumineux : la transduction de l’onde électromagnétique en signal électrique.

Les bâtonnets, très sensibles à la variation de luminance même en conditions de faible luminosité, sont situés en périphérie de la rétine. Ils sont connectés à un plus grand nombre de cellules ganglionnaires que les cônes permettant ainsi un accroissement de la sensibilité à la lumière. En contrepartie, la résolution spatiale périphérique se voit diminuée. Les cônes plus petits et plus larges sont surtout sensibles à la longueur d’onde et donc aux variations de couleurs dans des conditions de forte luminosité. Ils sont majoritairement situés dans la partie fovéale de la rétine et assurent ainsi une très bonne acuité visuelle en vision centrale. L’ensemble de ces photorécepteurs projettent vers les neurones bipolaires dans lesquels le signal électrique va subir une première étape de traitement avant d’être envoyé vers les cellules ganglionnaires via les neurones bipolaires.

Cellules ganglionnaires

Une des premières découvertes capitales concernant la vision fut effectuée par Kuffler (Kuffler, 1953) en révélant la propriété des cellules ganglionnaires de la rétine à répondre majoritairement sur des points isolés. Il fut également suggéré que la plupart des cellules ganglionnaires ont soit des champs récepteurs de type centre ON – périphérie OFF, soit l’inverse (Barlow, 1953). Dans l’exemple d’une cellule centre ON – périphérie OFF, le centre du champ récepteur sera excitateur tandis que son pourtour sera inhibiteur. Ces neurones sont donc sensibles aux variations spatiales de contraste. De plus, au niveau de la région fovéale, d’autres cellules ganglionnaires apparaissent sélectives à des contrastes chromatiques spécifiques (Kuffler, 1953). Avant d’atteindre le corps genouillé latéral (LGN), les projections des cellules ganglionnaires vont passer par le chiasma optique : les informations visuelles de l’hémichamp temporal de chaque œil vont ainsi être transmises vers le LGN de l’hémisphère ipsilatéral tandis que les informations visuelles de l’hémichamp nasal de chaque œil seront transmises vers le LGN de l’hémisphère controlatéral. L’ensemble de l’hémichamp visuel gauche est ainsi traité par les aires visuelles de l’hémisphère droit, et inversement.

Si la majorité des cellules ganglionnaires projettent en direction du LGN, puis vers le cortex, il est intéressant de noter qu’une partie d’entre elles projettent vers d’autres structures sous-corticales telles que le colliculus supérieur (Schiller & Malpeli, 1977), le pulvinar, l’hypothalamus, le prétectum, ou encore le noyau thalamique latéral postérieur. Bien que n'ignorant pas le rôle important que ces voies visuelles sous corticales peuvent être amenées à jouer, je m'attacherai plutôt à décrire les voies visuelles corticales qui apparaissent indispensables dans le traitement de l'objet.

Le corps genouillé latéral

Si le LGN a longtemps été et reste encore souvent défini comme un simple relais thalamique, il est à noter que ses neurones sont activés par des contrastes de luminance. Le LGN, plus qu’un relais participe donc à l’intégration du signal visuel. Il pourrait, en fonction de l’état de veille de l’individu, transmettre ou non l’information en provenance des cellules ganglionnaires(Wiesel & Hubel, 1966). Nous verrons de plus dans un chapitre ultérieur que le

LGN reçoit de nombreuses connexions feedback provenant des aires visuelles supérieures suggérant un rôle bien plus conséquent.

Aire visuelle primaire V1

La majorité des connexions en provenance du LGN aboutissent dans l’aire visuelle primaire V1. A noter que parallèlement, des projections du LGN vers le colliculus supérieur et le pulvinar ont été mis en évidence et serviraient à guider l’attention et l’action (Grieve, Acuna & Cudeiro, 2000). Par diverses études menées chez le chat (aire 17) et chez le singe (V1), Hubel et Wiesel furent les premiers à caractériser de manière approfondie les neurones de la première aire visuelle corticale (Hubel & Wiesel, 1959, Hubel & Wiesel, 1962, Hubel & Wiesel, 1968) leurs donnant le nom de « bar-detectors ». Contrairement aux cellules de la rétine ou du LGN, les cellules de V1 répondent de manière sélective à la présentation dans leurs champs récepteurs, de barres orientées selon un angle spécifique. La majorité de ces neurones sont sensibles à la couleur, à l’orientation et aux fréquences spatiales (Bullier & Nowak, 1995, Leventhal, Thompson, Liu, Zhou & Ault, 1995). Ils sont binoculaires (et donc sensibles à la disparité), et leurs réponses pourraient être influencées par la direction du regard (Trotter & Celebrini, 1999). Leurs champs récepteurs de 1° en moyenne sont divisés en sous- régions excitatrices et inhibitrices. On constate au sein de V1 plusieurs types de cellules : les cellules simples et les cellules complexes. Alors que les cellules simples ont des champs récepteurs organisés en subdivision centre/pourtour et effectuent une sommation linéaire du signal, les cellules complexes quant à elles permettent une intégration non-linéaire du signal et sont les premières cellules à démontrer une invariance à la position du stimulus. La réponse des cellules de V1 est de plus influencée par les stimuli présents à l’extérieur du champ récepteur, incluant ainsi des effets de facilitation colinéaire et d’inhibition latérale (Allman, Miezin & McGuinness, 1985, Knierim & Van Essen, 1992, Sillito, Grieve, Jones, Cudeiro & Davis, 1995). De manière générale, des régions voisines d’une image contiennent des orientations colinéaires (Sigman, Cecchi, Gilbert & Magnasco, 2001). Ainsi, si deux champs récepteurs proches s’activent à la présence de traits physiques colinéaires, il y a de fortes chances qu’entre les deux régions de l’image traitée, il y ait également présence de traits colinéaires. Le contour des champs récepteurs en V1 pourrait donc recevoir des informations des connexions latérales allant dans ce sens (Gilbert, Sigman & Crist, 2001). Ce réseau de

connexions verticales et horizontales seraient en fait globalement organisé « en colonnes corticales » (Figure 9). Les neurones seraient regroupés en fonction de leur orientation préférée et en fonction de la position de leur champ récepteur dans le champ visuel. Entre ces colonnes d’orientation se trouveraient des « blobs » transmettant les informations de couleurs.

Figure n°9 : Représentation des colonnes d’orientations Tiré de(Bear, Connors & Paradiso, 2002)

L’information visuelle traitée par les neurones de V1 va alors transiter majoritairement via les projections axonales en direction de l’aire hiérarchique supérieure suivante V2 (Cragg, 1969, Zeki, 1969). On note cependant des projections des cellules M de V1 (IVb) en direction de l’aire MT (Lund, Lund, Hendrickson, Bunt & Fuchs, 1975), de l’aire V3, et du colliculus supérieur (V ; Schiller, Malpeli & Schein, 1979), ainsi que des connexions feedback (VI) projetant sur le LGN (Lund, Henry, MacQueen & Harvey, 1979).

Aire visuelle secondaire V2

Les neurones de V2, première aire visuelle extra-striée, sont organisés en bandes corticales (fines, épaisses, et interbandes) et ont des champs récepteurs plus grands que les cellules de V1. Si la plupart montre une sélectivité à l’orientation similaire aux neurones de V1 (Zeki, 1978), d’autres sont déjà spécifiques à des formes locales comme des coins ou des lignes courbes.

L’aire visuelle V2 représente la dernière aire visuelle avant la séparation des voies ventrales et dorsales communément appelées voies « What » et « Where ». Les neurones de V2 vont ainsi projeter sur l’aire visuelle V4 et les aires V3 et MT, représentant respectivement les premières aires des voies ventrale et dorsale.