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Agriculture de subsistance, commerciale, ménages diversifiés : les limites de la dichotomie

CHAPITRE 6. SYNTHESE ET DISCUSSIONS

1.1 Agriculture de subsistance, commerciale, ménages diversifiés : les limites de la dichotomie

1.1.1 Les grandes typologies et leurs nuances locales

Le rapport de la Banque Mondiale de 2008, focalisé sur l’Agriculture en lien avec le développement a classé les ménages ruraux en quatre grandes catégories : (i) les ménages orientés vers l'agriculture en situation de subsistance; (ii) les ménages orientés vers le marché; les ménages diversifiés dont (iii) les salariés et (iv) les migrants (World Bank, 2007).

Globalement, les différentes typologies établies à partir des échantillons locaux renseignent en partie ces grandes typologies, et démontrent que des profils très différents peuvent coexister au sein de mêmes zones.

Du vendeur net propriétaire de grandes rizières aux salariés agricoles journaliers du lac Alaotra, de l'éleveur vulnérable au ménage diversifié en développement d'Ambovombe : les résultats empiriques montrent un échantillon des variétés de situations au sein d’une zone, des situations auxquelles correspondent des processus de développement différents et dynamiques dans le temps.

Cependant, pour les ménages orientés vers l’Agriculture, des ménages producteurs de produits non vivriers - et qui sont donc intégrés au marché - peuvent aussi fonctionner sur l'agriculture de subsistance pour assurer leur sécurité alimentaire (surtout en période de baisse des cours) (« ménages instables » en Alaotra). Ces ménages peuvent faire partie des moins « en difficulté » de leurs zones, notamment sur le plan alimentaire. Il en est de même pour les ménages ne possédant au plus qu'une paire de zébus dans le Sud malgache mais qui produisent plus pour l'autoconsommation que les plus gros éleveurs. Les typologies intégré au

marché/subsistance sont ainsi séparées par une frontière perméable : la combinaison

vivrier/rente prend différentes formes selon les ménages.

1.1.2 Des mobilités interannuelles grâce à des portefeuilles d’activité flexibles

Les résultats de l’analyse dynamique montrent que, bien qu'il existe des barrières structurelles à l’intégration aux marchés, le statut de ménages orientés vers « l’agriculture commerciale » peut ne pas être fixe, et encore plus en zone économiquement dynamique. En

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Alaotra, dix-neuf pourcent des ménages de l’échantillon évoluent de vendeur net à acheteur

net ou passent par d’autres profils transitoires d’une année à l’autre, et il s’avère qu’ils sont

les plus enclins à se maintenir dans l’agriculture. Ce constat souligne l’existence de comportements raisonnés par rapport aux marchés dans ce type de zone où le marché est plus ouvert.

Il n’en est pas de même pour les zones comme Farafangana, à économie plus fermée, où les systèmes d’activités sont plus rigides, sont plus directement proportionnels aux dotations et évoluent moins d’année en année.

L’établissement de typologies dynamiques permet ainsi d’atténuer les biais liés à une typologie basée sur les portefeuilles de revenus comme proxy des systèmes d’activité, qui sont sensibles aux conjonctures. Un ménage étant composé de 2 à 4 actifs en moyenne, le portefeuille d’activités est plus élastique, et permet au ménage de conjuguer avec les chocs et les opportunités ponctuels – ou réguliers et durables. De plus, le caractère saisonnier des activités agricoles permet aussi d’exercer pendant plusieurs mois de l’année une activité complémentaire.

La mobilité dans l’intégration aux marchés répond souvent aux mêmes stratégies d’adaptation ou de gestion des risques en milieu incertain. L’absence d’assurances fait que le ménage ajuste – sur le court terme – son offre agricole. En période de baisse drastique des cours, les producteurs de cultures pérennes ne rémunèrent plus, ni pour la cueillette ni pour l’entretien des pieds. Les gros riziculteurs stockent. Dans le cas des cultures pérennes, les conséquences sur la durabilité des plantations sont désastreuses, mais sur le court terme, cette dérivation des priorités sur les préoccupations vivrières préserve les ménages et leur assure leur survie à court terme. En effet, ni les ménages ni aucun des acteurs nationaux de la filière ne peuvent influer sur les cours internationaux. La diversification culturale (jacquier, fruit à pain, bananiers, taro) de mise dans le sud-est est ici aussi salutaire que la relative déconnexion des ménages aux marchés des produits manufacturés (qui en sont encore au stade de biens « de luxe » pour les populations enclavées). Dans le cas des riziculteurs, l’économie d’échelle qui prévaut au lac Alaotra et la place stratégique du riz tant dans l’économie que dans l’échiquier sociopolitique permettent de moduler les prix intérieurs. Ainsi, dans la plupart des cas, les prix du marché s’ajustent à l’offre.

Le cas d’Ambovombe recèle d’autres mécanismes : la baisse de l’offre produit rapidement une inflation locale qui incite certains ménages disposant de fonds à une production agricole – somme toute limitée et à très petite échelle. En effet, le système basé sur un élevage qui n’est,

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ni pour la consommation alimentaire, ni pour le commerce correspond à un type d’agriculture bien spécifique. Les périodes de hausse du taux d’« intégration » aux marchés sont les périodes de décapitalisation : les périodes où l’agriculture est défaillante. Par ailleurs, les transferts font partie intégrante des revenus « réguliers », et ce pour tous les profils de ménages. C’est ainsi plus l’influence des réseaux de solidarité via les aides alimentaires et humanitaires déployées par les projets d’urgence et de développement, ainsi que les réseaux de « réciprocité » via les réseaux familiaux et de proximité, qui assurent la survie – voire le développement. Le marché agricole a une fonction secondaire.

Tableau 37 : Moyens d’existence types des ménages selon leur environnement

Type de ménage

Milieu / Type de marché Dynamique, marché vivrier domestique Déconnecté et enclavé, marché non vivrier d’exportation Enclavé et non sécurisé, filières traditionnellement peu commerciales

« intégré » Parmi les plus

riches… Base agricole, spécialisation plus forte et en évolution Diversification « haute » Moyens Base agricole, Forte diversification culturale

« subsistance » Parmi les plus

riches… Base agricole, diversification culturale ERN ponctuelle Moyens Base agricole, Forte diversification culturale Moyens Base agricole Diversifications ponctuelles « diversifié » Pauvres Base diversifiée : salariat agricole et activités indépendantes Moyens Base diversifiée : activités indépendantes et salariat peu rémunérateurs Moyens en évolution Base agricole :

salariat non agricole, activités

indépendantes, etc Développement d’activités agricoles

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1.2 De « la richesse des Nations » à la richesse des populations : les paradoxes de la