• Aucun résultat trouvé

État de l’art

1.3 Agents Conversationnels Animés (ECA)

1.3.1 Les besoins psychologiques des novices

Nous avons vu dans la section1.1.4que l’usage de la multimodalité était un moyen efficace de diminuer l’intrusivité des systèmes d’aide habituels tout en luttant contre le paradoxe de la motivation en offrant un mode d’interaction (le dialogue) plus proche de celui employé lorsque l’utilisateur fait appel à “un ami derrière l’épaule” [Capobianco & Carbonell,2001]. Cette ex-pression n’est pas anodine, et révèle un autre aspect essentiel des attentes dunoviceen quête d’assistance : un véritable besoin de soutien psychologique. En effet, les utilisateurs novices

sont bien souvent anxieux lorsqu’ils doivent accomplir une tâche [Blignaut et al. , 2000], ce qui les amène à douter du système informatique qu’ils utilisent de manière générale [Negron,

1995]. Dans ces conditions, leur demander d’utiliser un autre outil informatique pour com-prendre le premier est donc assez paradoxal, et n’a finalement souvent comme conséquence que d’augmenter le stress déjà présent.

En outre,Shneiderman[1980] a montré que cet état les rend moins à même de comprendre cor-rectement et ralentit donc leur apprentissage de l’utilisation du système. Cette situation n’est toutefois pas irrémédiable : ainsi, il peut suffire d’un certain nombre d’expériences “positives” avec le système pour contre-balancer cette tendance naturelle [Cambre & Cook,1987].

1.3.2 Apports des Agents Conversationnels Animés à l’apprentissage 1.3.2.1 De nombreux avantages

Or le développement d’interfaces homme-machine intégrant un Agent Conversationnel

Animéa montré qu’ils constituaient une alternative intéressante, notamment pour des

utilisa-teurs peu habitués aux technologies informatiques (jeunes enfants, personnes âgées, personnes souffrant d’un handicap. . . ). C’est ainsi que Lester et al. [1997] a montré que la simple pré-sence d’un agent animé au sein d’un environnement d’apprentissage permettait de rendre cet environnement plus crédible et donc d’améliorer l’expérience qu’en retire les sujets : cet effet positif a été baptisé le “Persona Effect”.

Depuis lors, cet effet a été confirmé dans diverses études. Moreno & Mayer [2000] a mon-tré que les étudiants recevant des informations dans le cadre d’un dialogue avec un agent conversationnel étaient non seulement plus motivés par l’apprentissage, mais également plus performants dans la mémorisation des informations transmises, par rapport à d’autres étu-diants à qui ces mêmes informations étaient fournies par le biais un simple texte. Les auteurs ont par ailleurs déterminé que c’était l’utilisation d’une modalité supplémentaire (la synthèse vocale réalisée par l’agent) et l’utilisation du dialogue plutôt que d’un monologue qui justifient cette meilleure performance, plus que la présence d’un agent animé à proprement parler. Toutefois un agent animé peut aider à améliorer les performances à partir du moment où il

emploie le regard et des gestes déictiques pour désigner les zones de l’écran liées à l’explica-tion donnée. Ainsi, Atkinson [2002] a montré que même dans le cadre d’un monologue, les sujets apprenant avec un agent animé retenaient davantage les informations transmises que ceux confrontés au même monologue donné sous forme d’un simple texte, même si ce texte était en plus lu par un système de synthèse vocale mais sans agent animé présent. L’ajout d’un personnage virtuel permet d’ajouter de la multimodalité en sortie et donc de renforcer la naturalité de l’interaction déjà permise par l’utilisation du dialogue.

1.3.2.2 Des avantages parfois discutés

Dans d’autres études en revanche, le rôle positif des ECA est apparu comme plus modeste. Par exemple, il semble que lorsqu’ils agissent comme de simples guides de navigation, leur apport ne soit pas significatif en termes d’apprentissage, comme ont pu le montrer Graesser et al. [2003] dans le cas d’un agent visant à indiquer les possibilités de navigation dans un site Web. Ce résultat est toutefois à considérer avec précaution, dans la mesure où aucune différence n’a été observée entre les quatre modes testés (avec tête parlante animée et dotée de possibilité de pointage, avec une simple voix, avec du texte écrit, sans aucun guide) : ce n’est donc pas forcément tant l’agent que l’aide même à la navigation qui serait en cause dans l’exemple testé.

D’autre part, Moreno et al. [2002] ont montré qu’il n’existait pas forcément de corrélation entre l’efficacité réelle d’un apprentissage (en termes de mémorisation ou de capacité à accom-plir la tâche apprise par la suite) et le plaisir pris par l’utilisateur lors de l’emploi du système d’aide à l’apprentissage. Mais même si un agent ne permet que de rendre l’apprentissage plus agréable et n’améliore pas directement la performance, l’utilisateur sera plus enclin à interagir de nouveau avec un système qu’il a évalué positivement à l’avenir : indirectement, l’appren-tissage serait donc tout de même meilleur sur le long terme [Beun et al. ,2003].

Krämer et al. [2003] fait également part de résultats contrastés lorsque l’on compare l’utili-sation d’un agent virtuel animé avec un système d’affichage du texte doublé d’une synthèse vocale. Dans cette expérience, visant à apprendre le fonctionnement d’un système d’enregis-trement vidéo, l’agent n’a pas été évalué plus positivement que le système {texte + voix}, sauf dans les situations où l’agent reportait une information négative, auquel cas il permettait d’atténuer la frustration de l’utilisateur. Ce genre d’expérience négative étant assez caractéris-tique de la situation d’utilisateurs faisant appel à un outil d’assistance, on peut donc estimer que cela renforce l’intérêt que les ECA peuvent avoir dans le cadre de l’assistance.

1.3.2.3 Un contre-exemple notoire

Enfin, dans le domaine des ECA utilisés pour l’assistance à la réalisation d’une tâche, il est impossible de ne pas citer le contre-exemple de l’agent Clippy de Microsoft (cf. fi-gure 1.19) [Horvitz et al. , 2001]. Implémenté au sein de la suite Microsoft Office à partir

d’Office 97, il a définitivement disparu dans Office 2007, après avoir fait face à de nombreuses critiques de la part des utilisateurs qui le considéraient davantage comme une source de frus-tration supplémentaire dans leur utilisation de l’aide. Ce rejet est toutefois à considérer avec précaution, dans la mesure où d’autres facteurs entrent en jeu :

− l’intrusivité : l’agent apparaissant sans être sollicité pour pointer l’existence de procé-dures assistées pour la réalisation de la tâche en cours d’accomplissement (cf. la bulle de la figure1.19) ;

− le manque de prise en compte du niveau de l’utilisateur : les mêmes conseils sont donnés à la personne lançant Office la première fois qu’à un utilisateur chevronné ;

− le manque de multimodalité : Clippy apparaît en surimpression du document en cours d’édition, mais n’est pas en mesure d’interagir avec celui-ci, par exemple en pointant un élément du document en rapport avec la réponse apportée ;

− le manque d’efficacité : le système d’aide auquel est lié Clippy est relativement basique (recherche par mots-clés) et peu performant ;

− le manque de dialogisme : même lorsqu’il comprend correctement une question, Clippy se contente d’ouvrir une fenêtre contenant la procédure à appliquer, et n’exploite donc pas la possibilité d’interagir davantage avec l’utilisateur en langue naturelle.

Clippy n’employant aucun des éléments mentionnés dans ce qui peut faire le succès d’un agent conversationnel animé, son rejet ne remet donc pas en cause les observations précédentes. Néanmoins, il illustre le fait que la présence d’un ECA sous-entend implicitement pour l’utili-sateur que le système est dotée de capacités plus proches de celle d’un humain qu’un système classique : par conséquent, la déception est donc encore plus forte lorsque le système échoue sur des tâches simples [Xiao et al. ,2004].

Figure 1.19 L’agent animé de Microsoft Office : Clippy

Globalement, il semble que dans le contexte de l’assistance à des utilisateurs novices, l’uti-lisation d’un ECA ait toutes les chances de se révéler positive, au moins en termes d’incitation à utiliser le système d’aide. Les ECA peuvent donc être un moyen efficace de lutte contre le paradoxe de la motivation.

1.4 Résumé

À l’issue de cette analyse de l’état de l’art, il apparaît que l’assistance à des utilisateurs

novicesest d’une part nécessaire, et d’autre part demeure un champ de recherche ouvert car les

diverses solutions proposées depuis près d’une quarantaine d’années ne sont pas satisfaisantes. Dans ce contexte, différentes études ont montré que l’assistance par le biais du dialogue (oral ou écrit) semble être particulièrement prometteuse car employant le mode d’expression naturel des utilisateurs en situation de détresse cognitive. Par ailleurs, le recours au dialogue dans le contexte particulier de l’assistance semble envisageable de par les restrictions linguistiques que cela entraîne. Enfin, on a vu que notamment grâce au “Persona Effect”, l’utilisation d’une interface dotée d’unAgent Conversationnel Animépermet d’améliorer l’acceptabilité du système, pour peu que le système soit suffisamment performant. L’utilisation d’un ECA pour l’assistance permet donc d’espérer augmenter l’utilisation effective du système d’assistance par

Architecture d’un Agent