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I.2. Focus sur les films à base de protéines

I.3.1. Quels agents antimicrobiens pour fonctionnaliser des films comestibles ?

Avant tout, d’un point de vue réglementaire, toutes substances destinées à être libérées dans les denrées alimentaires ou dans leur environnement sont considérées comme des ingrédients (Directive CE n° 1935/2004) et donc doivent être autorisées comme additifs pour les aliments destinés à être en contact. L’utilisation d’agents antimicrobiens non-alimentaires est possible uniquement dans le cas où l’agent est immobilisé sur le polymère filmogène[153]. Dans ce manuscrit, nous nous focaliserons sur les conservateurs de qualité alimentaire puisque les systèmes d’emballages en question sont comestibles.

Les emballages antimicrobiens peuvent être classés en 2 groupes :

• ceux contenant des agents actifs qui migrent délibérément vers la surface des denrées alimentaires.

• ceux qui sont efficaces contre une contamination potentielle sur la surface des aliments sans migration éventuelle de l’agent actif. Ces derniers contiennent des agents actifs immobilisés sur le polymère filmogène ou bien le polymère filmogène possède lui-même un caractère antimicrobien(exemple du chitosane)[154]. Ces deux groupes d’emballages antimicrobiens seront discutés plus en détail dans le chapitre suivant (3.2).

De nombreuses substances antimicrobiennes peuvent être intégrées dans les films comestibles afin de créer des systèmes d’emballages comestibles et antimicrobiens. Elles peuvent être regroupées en fonction de leur nature (i.e. les agents obtenus par synthèse chimique, les agents naturels)[153], mais aussi en fonction de leur volatilité (en distinguant les agents volatils (le carvacrol par exemple) des non-volatils (le lysozyme ou la nisine par exemple)[155].Dans ce document, nous allons donc diviser les agents antimicrobiens selon leurs modes de migrations : en effet, la migration des agents volatils des emballages ou enrobages comestibles vers les aliments ne suit pas les mêmes mécanismes que celle des agents non-volatils.

Le tableau 7 présente des exemples d’agents antimicrobiens volatils utilisés pour fonctionnaliser des films comestibles.

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Tableau 7 : Les exemples d’agents antimicrobiens volatils de qualité alimentaire (adapté depuis Han [70])

Agents antimicrobiens volatils d’origine chimique

Gaz Dioxide de carbone, azote, ozone, dioxyde de soufre

Alcool Ethanol

Esters Esters de l’acide dicarbonique, p-biphényl, esters de l’acide hydroxybenzoïque

Les composés phénoliques Biphényl, o-phénylphénol, thiabendazole.

Agents antimicrobiens volatils d’origine naturelle

Les huiles essentielles et les extraits des plantes

Cannelle, clou de girofle, ail, gingembre, citron, moutarde, origan, poivre, thym

Arômes phénoliques Aldéhyde cinnamique, thymol, menthol, eugénol, vanilline Phyto-composés Phyto-phénols, saponines, flavonoïdes, catéchine

Acides gras Acide laurique, acide palmitoléique

Concernant les agents volatils, la libération est principalement contrôlée par la diffusion à travers l’emballage et la pression partielle de vapeur à la saturation. L’agent initialement présent dans le film comestible vaporise dans l’atmosphère inerte de l’emballage, arrive sur la surface de l’aliment et finalement doit être absorbé par l’aliment.

La libération contrôlée de l’agent actif est très importante pour maintenir une concentration qui est supérieure à la concentration minimale d’inhibition des micro-organismes cibles à la surface de l’aliment. Cette libération est grandement dépendante de la volatilité de l’agent actif qui est dominée par les interactions chimiques entre le polymère filmogène et l’agent actif. Afin de contrôler la volatilité de l’antimicrobien, plusieurs techniques sont proposées comme par exemple, les films comestibles multicouches ou encore l’encapsulation[156]. Almenar et al.[156] ont encapsulé l’hexénal, un composé naturel volatil ayant un effet fongicide dans des β-cyclodextrines afin de contrôler sa libération.

Parmi les agents antimicrobiens hautement volatils, les alcools, les aldéhydes, les cétones, les esters et certains composés naturels de plantes peuvent être utilisés. Les acides gras, les huiles essentielles sont des agents antimicrobiens relativement moins volatils. L’efficacité

54 contre des bactéries Gram positives ainsi que dans une moindre mesure des bactéries Gram négatives d’huiles essentielles extraites d’ épices ou de plantes/herbes aromatiques a été démontrée par de nombreux auteurs qui les ont incorporées[157, 158]ou pas [159, 160] dans des films comestibles. En revanche, ces auteurs ont réalisé des études par simulation en mettant l’agent antimicrobien en contact direct avec l’aliment. Almenar et al. ont utilisé un agent antimicrobien naturel volatil (la 2-nonanone) pour renforcer l’efficacité des systèmes d’emballages non-comestibles sous atmosphère modifiée[161].

Les avantages dans l’utilisation des composés volatils comme agents antimicrobiens, sont notamment :

- Premièrement, leur efficacité sans contact direct avec l’aliment emballé[162]. Becerril et

al.[163] ont démontré que des extraits de cannelle et d’origan sont efficaces en phase vapeur

(figure 18) mais aussi en contact direct (figure 19).

- Deuxièmement, leur capacité à pénétrer dans des matrices variées et la possibilité d’utilisation avec succès pour des aliments peu transformés tels que la viande hachée[164] ou des petits fruits comme les fraises [165].

- Enfin, la facilité d’acceptation par le consommateur et par les autorités réglementaires puisque ce sont principalement des extraits naturels d’épices ou d’herbes [153].

Cependant, il y a quelques inconvénients comme notamment la manipulation difficile des agents actifs hautement volatils. Durant le procédé de fabrication, l’évaporation des agents volatils peut conduire à une atmosphère non-respirable dans l’unité de production. De plus, certains extraits de plantes peuvent diffuser des odeurs intenses en déséquilibrant l’arôme naturel de l’aliment [166], limitant ainsi leur utilisation à une très petite variété d’applications.

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Figure 19 : Diamètres d’inhibition obtenus en milieu de culture gélosé ensemencé par des bactéries E.coli ou S.aureus en fonction du temps d’exposition aux huiles essentielles

d’origan (a) et de cannelle (b) en phase vapeur[163]

Figure 20 : Nombre de bactéries viables en milieu de culture gélosé ensemencé par