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II. ETIOLOGIES DES DCM

3) C LASSIFICATION DES ADAM

3.4 Affections musculaires

Elles sont caractérisées par des douleurs, une sensation de tension ou de fatigue et des anomalies de la cinétique mandibulaire. Cette douleur d’origine musculaire est diffuse, continue et profonde, à type de serrement ou pression. Sa localisation par le patient est difficile et son intensité variable. Cette douleur peut provenir d’un seul ou de plusieurs muscles ; elle peut survenir du muscle en lui-même par l’intermédiaire de ses fibres musculaires ou bien de son attache tendineuse ou encore de son fascia (membrane enveloppant le muscle). Les myalgies sont réparties en deux catégories : les formes aiguës et les formes chroniques.

3.4.1 Affections musculaires aiguës

3.4.1.1 Tension musculaire ou réflexe d’éclissage

Le réflexe d’éclissage correspond à un réflexe de protection en réponse à l’agression d’une région. Cette douleur musculaire localisée est également appelée « contracture d’immobilisation ». Le système nerveux central (SNC) va augmenter l’activité d’un muscle antagoniste lorsque le muscle agoniste se contracte, empêchant ainsi ce dernier de subir de plus amples lésions. Par exemple, lors de l’ouverture buccale, il y aura contraction des muscles élévateurs (masséters) permettant d’assurer la protection des structures lésées et douloureuses. Suite à une anesthésie, une avulsion dentaire, une coiffe ou une obturation en surocclusion, il est possible d’observer cette tension musculaire. Ce réflexe constitue une réponse physiologique du système neuro-musculaire. Ce type de douleur apparaît rapidement après le facteur déclenchant (1 à 2 jours). Cliniquement, les mouvements mandibulaires sont limités, la douleur est accentuée par la fonction, les muscles sont tendus. Au repos, la douleur est légère et accentuée par la palpation.

3.4.1.2 Myospasme

Le myospasme correspond à une contraction musculaire violente, soudaine et involontaire induite par le SNC. Le spasme est également appelé « crispation » ou « crampe musculaire ». Cette affection aiguë entraîne un raccourcissement du muscle accompagnée d’une douleur. Elle peut avoir lieu dans un seul muscle ou dans un ensemble de muscles et durer de quelques minutes à plusieurs jours. En cas de fatigue musculaire, le muscle ischémié par les contractions répétées crée un déséquilibre électrolytique par production de déchets métaboliques. L’acide lactique provoque alors le spasme de ce muscle. De plus, il semblerait que la susceptibilité aux spasmes musculaires soit variable selon les individus.

Cliniquement, la rigidité musculaire provoque des douleurs au repos et une limitation des mouvements mandibulaires. A la palpation, le muscle est douloureux et paraît dur, ferme et non-dépressible. Une malocclusion peut être observée suite à la déviation de la posture mandibulaire

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normale. Ce spasme peut être visualisé par électromyographie car le muscle présente une contraction continue objectivant une activité musculaire importante au repos, à la différence des autres troubles musculaires qui ne présentent pas d’activité musculaire au repos.

3.4.1.3 Courbature

Il s’agit généralement de la réponse du muscle suite à un réflexe d’éclissage prolongé. C’est un trouble musculaire non inflammatoire où le SNC ne joue plus aucun rôle. Le tissu musculaire lésé réagit et modifie son environnement local afin de se défendre. Le stress, des traumatismes comme l’utilisation abusive de certains muscles ou l’injection d’anesthésique peuvent générer des courbatures réactionnelles. Au repos, la douleur est légère et accentuée par la palpation, la fonction et la fatigue. L’amplitude des mouvements mandibulaires est amoindrie.

3.4.2 Affections musculaires chroniques

3.4.2.1 Contracture

La contracture correspond à un raccourcissement du muscle faisant suite à un trouble musculaire prolongé ; ce trouble ayant entraîné la diminution de l’amplitude du mouvement afin de se protéger. C’est la symptomatologie la plus fréquente des pathologies musculaires de la sphère oro-faciale. Une fibrose du muscle, des insertions tendineuses ou ligamentaires se produit expliquant la résistance chronique de ce muscle à l’étirement passif. La contracture peut être de deux types : myo-statique (isométrique, réversible) ou fibreuse (irréversible). Il est très difficile de les différencier, seule la réponse au traitement le permet. Dans les deux cas, il y a une limitation de l’ouverture buccale, peu ou pas de douleur au repos.

3.4.2.2 Myosite

La myosite correspond à un trouble musculaire chronique périphérique ; il s’agit en fait d’un phénomène inflammatoire résultant de la présence dans le tissu musculaire de substances algogènes. Les étiologies sont multiples : infection virale ou bactérienne (myosite infectieuse), traumatisme, courbature prolongée ou douleur myofasciale non ou mal traitée (cause la plus fréquente).

Les symptômes sont similaires à ceux d’une inflammation avec diminution de l’amplitude des mouvements mandibulaires, douleur au repos (car l’inflammation neurogène libère des nocicepteurs) accentuée par la fonction et la palpation. La myosite peut évoluer en contracture myo-statique ou provoquer une hypotrophie musculaire si les muscles élévateurs sont mis au repos trop longtemps. La myosite cède aux traitements par anti-inflammatoires et immunosuppresseurs.

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3.4.2.3 Douleur myofaciale

Elle correspond à une douleur musculaire régionale sourde caractérisée par la présence de points de tension musculaire hypersensibles appelés « zone gâchette » ou « trigger points » en anglais. A la palpation, la stimulation de ces zones gâchettes déclenche des douleurs référées dans des zones caractéristiques (répertorié par Travell et Simons 1983). Ces zones hyper-irritables peuvent se situer au sein du faisceau musculaire, du tendon ou du fascia. Lorsqu’ils sont palpés, ces trigger points présentent une sensibilité plus importante que les régions adjacentes. Grâce à la cartographie de Travell et Simons, le praticien peut déterminer le muscle ou le groupe de muscles responsable en fonction de la localisation du foyer douloureux. L’étiologie est mal connue mais plusieurs causes ont été décrites : courbatures prolongées non traitées, douleur profonde continue, troubles du sommeil (surtout si perturbation des phases 3 et 4 du sommeil), stress, facteurs systémiques (fatigue, infections virales, condition physique faible…), facteurs locaux (bruxisme, mauvaise position sommeil…) ou encore douleur myofasciale idiopathique.

Cliniquement, la douleur est légère et spontanée au repos mais accentuée par la fonction ; l’amplitude des mouvements peut être diminuée (légèrement) selon les muscles concernés. La présence de points gâchettes musculaires est le symptôme principal de la douleur myofaciale. Ces points de sensibilité sont fermes, circonscrits à la palpation et peuvent être indolores s’ils sont latents. Le stress, la fatigue, une infection virale ou le froid peuvent réactiver ces points.

3.4.2.4 Fibromyalgie

Il s’agit d’une pathologie chronique généralisée d’origine centrale ; un dysfonctionnement neuroendocrinien associé à un phénomène de sensibilisation centrale engendre une baisse du seuil de la sensibilité douloureuse. La fibromyalgie est caractérisée par des douleurs musculo-tendineuses chroniques et diffuses. En plus de la présence de ces douleurs handicapantes, une limitation fonctionnelle, des troubles du sommeil et une grande fatigue sont souvent associés. 2% de la population sont touchés (pays industrialisés) avec une forte prévalence du sexe féminin entre 30 et 50 ans. Selon, l’American College of Rhumatology, deux critères permettent de diagnostiquer une fibromyalgie :

- Une douleur chronique diffuse : durée d’évolution d’au moins 3 mois et touchant 3 ou 4

quadrants du corps.

- Une sensibilité musculaire retrouvée dans 11 points sur les 18 considérés comme

spécifiques à la palpation.

En plus de ces aspects permettant de poser le diagnostic, d’autres signes peuvent être associés comme des céphalées, des douleurs abdominales, des raideurs et fatigues musculaires généralisées ou encore la présence d’anxiété ou de dépression. Au repos, les douleurs sont généralisées et variables dans le temps et accentuées par la fonction. L’intensité de la douleur est souvent maximale au début et à la fin de journée (région lombaire, dorsale et cervicale principalement). Une limitation des mouvements mandibulaires peut exister si des muscles

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manducateurs sont atteints. Une prise en charge rhumatologique est nécessaire dès lors que le diagnostic de fibromyalgie est posé. D’après Salvetti (2007), 75% des patients atteints de fibromyalgie ont des ADAM et 18.4% des patients atteints d’ADAM ont des symptômes de fibromyalgie.

L’évolution des concepts étiologiques au cours du temps démontre bien la difficulté à isoler une cause unique responsable de l’apparition d’une DCM. Le facteur occlusal a longtemps été considéré comme cause principale puis sa responsabilité a diminué pour n’être considéré que comme un possible facteur d’entretien. Au contraire, les facteurs psychosociaux qui n’étaient que très peu pris en compte autrefois semblent occuper une place de plus en plus importante actuellement.

Même si les causes responsables de survenue d’une dysfonction diffèrent selon les auteurs, tous s’accordent pour qualifier l’étiologie de multifactorielle.

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