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Au terme du traité franco-turc du 20 octobre 1921, dit "Franklin-Bouillon" du nom de son négociateur français, la Turquie avait accepté que la région d'Alexandrette (نورد إ ءاو ) (Hatay en Turc) soit incluse dans les territoires sous mandat français, à la condition qu'elle puisse bénéficier d'un "régime administratif spécial" du fait de la présence d'une forte population turque et que "la

100 langue turque [y] soit officiellement reconnue". Ce régime a été mis et en place et maintenu lors du rattachement du sandjak à l'État d'Alep, le 23 mars 1923, puis à celui de Syrie en 1925. Il fut confirmé par le traité de Lausanne (24 juillet 1923) au terme duquel la Turquie renonçait à toute prétention de souveraineté sur les territoires du Levant détachés de l'empire ottoman (voir A. H. HOURANI, Syria and Lebanon, p. 206-213 et Elizabeth PICARD, "Retour au sandjak", Maghreb-Machrek, n° 99, janvier 1983, p. 46-64.)

À l’occasion de la négociation du traité franco-syrien en 1936, la Turquie exprime son "inquiétude concernant la sécurité de la population turque majoritaire". L'Asie française en 1936 fait état de 39 % de Turcs au sein de la population totale ; selon la presse turque de 1937, les Turcs formeraient 80 % de cette même population, alaouites, Kurdes et Tcherkesses étant considérés comme Turcs. Les élections législatives de novembre donnent la victoire à deux candidats apparentés au Bloc national et sont l'occasion d'affrontements intercommunautaires.

Par deux fois, le gouvernement français refuse la négociation réclamée par la Turquie d'un traité séparé avec le sandjak. Saisi par la France et la Turquie, le Conseil de la Société des Nations envoie une mission d'enquête sur le terrain. Le 27 janvier 1937, le Conseil adopte les conclusions du rapporteur qui mènent à la constitution d'une sorte de condominium franco-turc. Le sandjak y constitue une unité séparée, autonome quant à ses affaires internes, mais rattaché à la Syrie sur les plans diplomatique, monétaire et fiscal, à la France et à la Turquie dans le domaine de la Défense, le sandjak étant démilitarisé. La langue officielle serait le turc, le Conseil étant habilité à y adjoindre d'autres langues. Un résident, de nationalité française, serait nommé par le Conseil. Le 29 mai, la Société des Nations adopte le statut et la loi fondamentale du sandjak qui s'inspirent du projet de janvier, tout en souhaitant que l'arabe constitue la langue officielle au même titre que le turc. Ils prévoient aussi l'élection par les différentes communautés d'une assemblée de quarante membres investie du pouvoir législatif. Un traité est signé en même moment entre la France et la Turquie, garantissant l'intégrité du sandjak. La Loi fondamentale et les statuts sont appliqués à partir du 29 novembre.

Tous ces événements suscitent des heurts intercommunautaires dans le sandjak, la troupe française devant intervenir. À Damas, le gouvernement demeure impuissant. En mai puis en décembre 1937, la Chambre refuse de reconnaître le nouveau statut du sandjak, les Turcs répliquant par la dénonciation du traité d'amitié de 1926.

Un recensement est organisé sous contrôle international au printemps 1938 afin de mettre à jour les listes électorales, chaque citoyen devant déclarer dans quel collège communautaire il désire voter, eu regard à sa langue et sa religion. Ces dernières précisions empêchent une majorité turque de se

101 dégager. La Turquie travaille donc à ce que la seule parole du citoyen suffise (acceptation par la Société des Nations en mars) et à ce que ses partisans parviennent à prendre le contrôle de la police et de la machine électorale.

Le 4 juillet, un nouveau traité d'amitié franco-turc est signé à Ankara, prévoyant la non-agression mutuelle et la coopération en Méditerranée orientale. Un accord tripartite devait suivre entre la France, la Turquie et la Syrie mais les pourparlers s'arrêtent quelques jours seulement après leur inauguration.

N’arrivant à s'acquérir une majorité dans le sandjak, la Turquie parvient en juin à faire entrer son armée afin d'assurer l'ordre public en commun avec l'armée française. Les pressions sur la population permettent enfin d'obtenir une majorité turque de 63 % et il est décidé que l'assemblée comporterait vingt-deux sièges réservés aux Turcs et dix-huit aux Arabes et autres populations. Réunie le 2 septembre, l'assemblée élue durant l'été désigne des Turcs aux postes de président et de premier ministre ; le cabinet ne comporte que des Turcs, le sandjak prenant le nom de Hatay.

Soucieuse de s'acquérir la neutralité de la Turquie dans la guerre toute proche, la France cède le Sandjak à la Turquie le 23 juin 1939, en contradiction avec les devoirs de Puissance mandataire définis par la Société des Nations. Elle signe aussi une déclaration d'assistance mutuelle.

Cette décision suscite une émigration massive de la population non turque vers la Syrie et le Liban. Les alaouites, dont certains s'organisent au sein du mouvement de Zakî al-Arsûzî (يزو ر#ا ز), ‘Usbat al-‘Amal al-Watanî ( ط ا* ا ">4) (Ligue d’Action nationale) figurent parmi les plus actifs à défendre l'arabité du sandjak ; ils se trouveront ensuite à Damas et formeront un noyau important lors de la création du parti Baath. Un député damascène, Fakhrî al-Bârûdî (يدور ا ير "), fonde de son côté un comité, Tanzîm Qawmî li-l-difâ’ ‘an ‘Urûbat Iskandarûn (نور& 1ا و 4/4ع( & H J 6) (Organisation nationale pour la défense de l'arabité d'Alexandrette) qui oriente ses actions principalement vers les instances internationales. L'adhésion générale des diverses formations syriennes autour de la défense du sandjak n'arrivera qu'en juillet 1938, trop tardivement pour enrayer le processus, directement lié dorénavant aux préparatifs de guerre.

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