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6. DEREGULATION DE LA LIPOLYSE MUSCULAIRE

6.2. ADIPOSE TRIGLYCERIDE LIPASE

L’adipose triglyceride lipase (ATGL) a été identifiée en 2004 dans le tissu adipeux (Jenkins et al., 2004; Villena et al., 2004; Zimmermann et al., 2004), et a depuis été décrite dans de nombreux autres organes, dont le muscle squelettique

(Jocken et al., 2008b). La surexpression de l’ATGL dans des cultures d’adipocytes

(Bezaire et al., 2009) ou de cellules musculaires (Badin et al., 2011) humaines induit

une augmentation de la lipolyse des TAG. De plus, l’invalidation de l’ATGL chez la

souris entraîne une forte prise de poids ainsi qu’une accumulation de TAG dans de nombreux organes, dont le tissu adipeux et le muscle squelettique (Haemmerle et al.,

2006). De façon surprenante, ces souris ne présentent pas d’altération de la

sensibilité à l’insuline ni de la tolérance au glucose en régime normal (Haemmerle et

al., 2006), et sont protégées du développement d’une insulino-résistance induite par

un régime riche en graisses (Hoy et al., 2011). De façon marquante, l’activité de l’ATGL est corrélée négativement à la sensibilité à l’insuline chez l’homme, mesurée

lors d’un clamp hyperinsulinémique euglycémique, et sa surexpression dans des cultures primaires de cellules musculaires humaines entraîne une diminution de la signalisation et de l’action de l’insuline. Il est important de souligner que ces effets sont abolis lorsque la LHS est surexprimée de façon concomitante dans ces cellules, reflétant ainsi un rôle important de la balance entre l’activité de l’ATGL et de la LHS dans le maintien de la sensibilité à l’insuline (Badin et al., 2011).

De façon intéressante, alors qu’il a été montré que les souris déficientes pour la LHS ne présentent pas de diminution de la lipolyse musculaire induite par la contraction (Alsted et al., 2013), une augmentation du quotient respiratoire à l’exercice a été observée chez les souris déficientes pour l’ATGL, reflétant une utilisation plus importante des substrats glucidiques, associée à une diminution des stocks de glycogène musculaire (Huijsman et al., 2009; Schoiswohl et al., 2010). L’ensemble de ces travaux semble indiquer que l’ATGL est activée lors d’un exercice

physique et favorise l’utilisation des substrats lipidiques au sein des cellules

musculaires dans ce contexte.

De façon similaire à ce qui a été décrit pour la LHS, l’ATGL semble pouvoir être régulée par phosphorylation sur des résidus activateurs (ser404 et ser428) (Bartz et al., 2007; Lass et al., 2011) (figure 9). Il a en effet été démontré que la protéine kinase activée par l’AMP (AMPK) peut phosphoryler l’ATGL sur son résidu

ser404, entraînant ainsi une augmentation de l’activité TAG hydrolase dans des

adipocytes murins (Ahmadian et al., 2011), et que la PKA est capable de phosphoryler l’ATGL sur ce même résidu dans les adipocytes (Pagnon et al., 2012) et les cellules musculaires chez l’homme (Mason et al., 2012). Une étude récente réalisée par l’équipe de H.S. Sul a démontré que les souris chez lesquelles l’AMPK a été invalidée spécifiquement dans le tissu adipeux présentent une diminution de la phorphorylation de l’ATGL sur son résidu ser404, associée à une réduction de la lipolyse basale (Kim et al., 2016). Une augmentation de la phosphorylation de l’ATGL

en ser404 a été décrite à jeun ainsi que lors de la pratique d’un exercice physique

d’intensité modérée dans le tissu adipeux chez la souris, mais également en réponse

à une stimulation β-adrénergique dans des explants de tissu adipeux sous-cutané

humain (Pagnon et al., 2012). Cependant, aucune augmentation de la phosphorylation du résidu ser404 n’a été observée dans le muscle squelettique humain suite à la pratique d’un exercice physique (Mason et al., 2012). Identifier les

kinases responsables de la phosphorylation de l’ATGL sur son résidu ser428 pourrait permettre de mieux comprendre l’implication de la régulation par phosphorylation de cette enzyme dans le muscle, au repos et à l’exercice.

Indépendamment de sa capacité à être phosphorylée, l’ATGL est finement régulée par son association avec d’autres protéines, ayant un rôle activateur ou inhibiteur sur son activité lipolytique (figure 15). L’ATGL est positivement régulée par son co-activateur, la protéine Comparative Gene Identification-58 (CGI-58). En 2006, A. Lass et al. ont démontré que CGI-58 interagit avec l’ATGL, et que cette interaction entraîne une augmentation de son activité TAG hydrolase (Lass et al., 2006). Il a également été mis en évidence qu’une mutation de CGI-58 était responsable du syndrome de Chanarin Dorfman, entraînant une accumulation de lipides dans de nombreux organes, dont le muscle squelettique (Lass et al., 2006; Lefevre et al., 2001). La surexpression de CGI-58 dans des cultures primaires de cellules musculaires humaines entraîne une augmentation de l’activité de l’ATGL, une réduction de la quantité d’IMTG ainsi qu’une une augmentation de la lipolyse et de l’oxydation des AG (Badin et al., 2012). Il a été décrit que CGI-58 est capable d’interagir avec la périlipine 1 dans les adipocytes, empêchant ainsi son interaction avec l’ATGL en condition basale (Subramanian et al., 2004; Yamaguchi et al., 2004). Lors d’une stimulation β-adrénergique, les phosphorylations de PLIN1 (Granneman

et al., 2009) et de CGI-58 (Sahu-Osen et al., 2015) médiées par la PKA entraînent la

libération de CGI-58, qui va alors pouvoir se lier à l’ATGL et augmenter son activité

lipolytique. De façon intéressante, une augmentation de l’interaction entre l’ATGL et

CGI-58 lors de la contraction musculaire a été décrite chez la souris (MacPherson et

al., 2013). Ceci suggère que CGI-58 pourrait également jouer un rôle important dans

la régulation de la lipolyse musculaire induite par l’exercice physique, bien que les mécanismes moléculaires sous-jacents n’aient pas encore été clairement identifiés. De façon intéressante, une augmentation de l’expression de GCI-58 dans le muscle squelettique a été décrite chez des animaux nourris avec un régime gras (Badin et

al., 2013), ce qui pourrait contribuer à expliquer l’augmentation de l’activité de l’ATGL

musculaire observée avec l’obésité. Cependant, aucune modification de l’expression de CGI-58 n’a été reportée dans le muscle de sujets obèses par rapport à des sujets normo-pondérés (Jocken et al., 2010). Il est possible d’imaginer que, alors que le contenu total de CGI-58 est inchangé, une interaction plus importante avec l’ATGL

ait lieu chez l’homme dans le muscle de sujets obèses, expliquant les résultats à priori contradictoires décrits ci-dessus, et de futurs travaux de recherche seront nécessaires pour évaluer cette hypothèse.

Par ailleurs, il a récemment été décrit que l’activité de l’ATGL peut être

inhibée par la protéine G0/G1 Switch Gene 2 (G0S2) dans le tissu adipeux

(Schweiger et al., 2012; Yang et al., 2010) et dans le foie (Wang et al., 2013; Zhang

et al., 2014). La surexpression de G0S2 dans des adipocytes isolés, ou dans des

explants de tissu adipeux, entraîne une diminution de la lipolyse basale et stimulée. A l’inverse, une invalidation de G0S2 entraîne une augmentation de la lipolyse dans des adipocytes matures (Schweiger et al., 2012; Yang et al., 2010). Il a été montré que le domaine hydrophobe de G0S2 est capable d’interagir avec le domaine patatin-like de l’ATGL, et que cette interaction est nécessaire à l’inhibition de l’activité lipolytique de l’ATGL (Cornaciu et al., 2011; Lu et al., 2010). Le rôle fonctionnel de

G0S2 a récemment été confirmé in vivo à l’aide de modèles animaux. Ainsi, les

souris surexprimant G0S2 dans le tissu adipeux présentent une augmentation de la quantité de masse grasse associée à une diminution de la lipolyse adipocytaire et

une réduction des taux de TAG circulants (Heckmann et al., 2014). A l’inverse, des

souris dont le gène codant pour G0S2 est délété prennent moins de poids lorsqu’elles sont nourries avec régime gras, ont une augmentation de la lipolyse adipocytaire, une diminution de la stéatose hépatique et sont protégées du développement d’une insulino-résistance (El-Assaad et al., 2015).

De façon intéressante, il a été montré que G0S2 est également exprimé dans le muscle squelettique chez l’homme (Louche et al., 2013). Nous avons émis l’hypothèse que G0S2 soit un inhibiteur de l’ATGL dans cet organe et joue un rôle important dans le contrôle du métabolisme énergétique musculaire, c’est ce qui a fait l’objet du deuxième article présenté dans ce manuscrit.

TAG DAG G0S2 CGI-58 ser404 ser428 AMPK PKA ? DAG MAG ser649 ser650 PKA Adrénaline Insuline Contraction ERK

ATGL

P P AG AG

LHS

P P AMPK P ser589 ser554 ?

Figure 15. Régulation de l’adipose triglycéride lipase et de la lipase hormono-sensible

L’adipose triglycéride lipase (ATGL) est régulée par phosphorylation par la protéine kinase activée par l’AMP (AMPK) et par la protéine kinase A (PKA). Elle est également co-activée par le comparative

gene identification-58 (CGI-58) et potentiellement inhibée par le G0/G1 switch gene 2 (G0S2). La lipase

hormono-sensible (LHS) est régulée par phosphorylation par la PKA, par l’AMPK et par extracellular

signal-regulated kinases (ERK). TAG : triacylglycerol ; DAG : diacylglycerol ; AG : acide gras ;

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