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1. Gène et Structure

D’abord appelée « Adipocyte complement-related protein of 30 kDa » ACRP30 du fait de son analogie structurelle avec le facteur du complément C1q, l’adiponectine a été identifiée pour la première fois en 1995 comme une protéine sécrétée par des adipocytes murins (136). Elle a ensuite été isolée dans le tissu adipocytaire humain ainsi que sous forme circulante dans le plasma humain (137).

L’adiponectine (APN) est codée par le gène APM1/ACDC/ADIPOQ gène (Accession ID: D45371) situé sur le chromosome 3 en position 3q27. Il est composé de 3 exons et de 2 introns et s’étend sur 16kb (138). Seuls 2 exons sont traduits en une protéine de 244 acides aminés chez l’homme. Elle est composée de 4 domaines avec une séquence signal dans le domaine amino-terminal, suivie d’une région variable sans spécificité, d’un domaine collagène et d’un domaine globulaire carboxy-terminal. Sa masse est de 30 kDa chez la souris et de 28 kDa chez l’homme (139). La région hypervariable N-terminale contient un résidu cystéine (Cys-39 chez la souris ou Cys-36 chez l'homme) qui est essentiel dans les modifications post-transcriptionnelles et notamment la formation de multimères.

Figure 12. Structure protéique de l’adiponectine

A : Schéma structure tridimensionelle. B : représentation graphique des différents domaines protéiques du monomère. D’après Fang and Judd, comprehensive physiology 2018 (140)

2. Sécrétion et régulation

Les concentrations circulantes d’adiponectine sont importantes, de l’ordre de 5 à 30 mg/L, représentant 0.01% à 0.05% des protéines plasmatiques. Il s’agit de la plus abondante des adipokines. Cette concentration varie en fonction du sexe, elle est significativement plus élevée chez la femme (141), et elle subit un rythme nycthéméral avec des chutes en milieu de

nuit (142). Elle dépend également du statut nutritionnel mais au contraire de la leptine, les taux circulants d’adiponectine diminuent chez les sujets obèses (143) (144) (145). Une perte de poids (10-20%) due à un régime hypocalorique est associée à une augmentation de près de 50% des taux sériques d’adiponectine (146)

Des analyses de liquide baignant des explants de tissu adipeux ont montré que l’APN est plus volontiers sécrétée par les adipocytes du tissu sous-cutané que du tissu péri-viscéral et par les adipocytes de petite taille (72).

Suite à sa production, le monomère d’adiponectine subit des modifications post-traductionnelles intra-adipocytaires importantes qui jouent un rôle crucial dans la formation d’oligomères et sont essentielles pour la liaison ultérieure du ligand à ses récepteurs membranaires. L'assemblage des multimères d'adiponectine se fait en effet par une série complexe d'étapes dans le réticulum endoplasmique (ER) et l’appareil de Golgi (147) (148)

- Formation de trimères par hydroxylation et glycosylation sur des résidus proline et lysine dans le domaine collagène ainsi que par interactions hydrophobes entre les têtes globulaires (149).

- L'adiponectine trimérique est retenue par la protéine chaperon du réticulum endoplasmique ERp44. La formation de ponts disulfures entre les résidus Cys-39 est alors est stimulée par l’enzyme ER oxydoréductase Ero1. Ils permettent la formation d’oligomères d’ordre supérieur (2 à 6 trimères) (150) qui sont stabilisés par la protéine Dsba-L (151) (152).

Les phénomènes induisant un stress du réticulum endoplasmique peuvent entrainer une diminution de production d’adiponectine et/ou variations des ratios entre ses isoformes (153).

Figure 13. Etapes pour la formation des oligomères d’adiponectine

On retrouve ainsi l’adiponectine dans la circulation sous différentes formes moléculaires (Figure 13): la forme dite LMW (low molecular weight) correspondant aux trimères, la forme

MMW (medium molecular weight) correspondant à des hexamères (assemblage de 2 trimères) et la forme dite HMW (high molecular weight) qui correspond à un assemblage de 3 hexamères. Il existe également une forme d’adiponectine globulaire, générée localement par des élastases leucocytaires qui clivent l'adiponectine dans son domaine collagène, résultant en un fragment globulaire de 18 à 25 kDa.

La forme HWM de l’adiponectine est majoritaire (> 80%) car il s’agit de la forme la plus stable. La forme trimérique présenterait une durée de vie plus courte car plus sensible à l’action protéolytique des protéases membranaires (154) (147).

Monomère 28 kDa

Dimères-trimères 60 kDa

Hexamères 100 kDa

Multimères > 200kDa

Low molecular weight LMW

Medium molecular weight MMW

High molecular weight

HWM SDS page- Conditions non réductrices, non chaufféesSérum humain

D’après Waki et al. J Biol Chem 2003

Figure. Différentes formes d’Adiponectine, polymérisation et poids moléculaire

Monomère 28 kDa

Dimères-trimères 60 kDa

Hexamères 100 kDa

Multimères > 200kDa

Low molecular weight LMW Medium molecular weight MMW High molecular weight HWM Sérum humain SDS page- Conditions non réductrices, non chauffées D’après Waki et al. J Biol Chem 2003

Figure. Différentes formes d’Adiponectine, polymérisation et poids moléculaire Forme globulaire 18 kDa

Figure 14. Différentes formes d’adiponectine et leur poids moléculaire chez l’homme.

3. Récepteurs et voies de signalisation

Le récepteur de l’adiponectine existe sous deux isoformes : AdipoR1 et AdipoR2, auxquelles s’ajoute la T-cadhérine, co-récepteur qui peut également fixer l’APN dans certains tissus. AdipoR1 et 2 sont des récepteurs de type 7 domaines transmembranaires mais ils différent des autres récepteurs couplés aux protéines G sur plusieurs points : leur domaine N-terminal est intracellulaire, leur domaine C-terminal extracellulaire, ils ne sont pas couplés à une protéine G et présentent une large cavité au sein de leurs hélices transmembranaires et un site catalytique liant le zinc (155) (156).

Ces deux récepteurs ont une expression ubiquitaire mais AdipoR1 est plus exprimé dans le muscle squelettique et AdipoR2 est majoritaire dans le foie. AdipoR1 présente une affinité forte pour la forme globulaire d’adiponectine alors que AdipoR2 lie indifféremment forme globulaire et forme longue. La T-cadhérine est exprimée, elle, principalement sur les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses. Ses mécanismes de transduction ne sont pas encore complément compris mais elle pourrait agir comme un co-récepteur qui fixerait principalement les formes de haut poids moléculaires d’adiponectine et elle serait impliquée dans la migration et prolifération cellulaire endothéliale (157) (158)

La protéine APPL1 (containing a phosphotyrosine binding domain and leucine zipper motif), identifiée récemment, est une protéine adaptatrice qui se fixe sur le domaine intracellulaire des récepteurs AdipoR1 et AdipoR2 et peut médier une partie de leur signalisation (159). La signalisation du signal induit par l’APN passe par les voies AMPK, p38 MAPK et l’activation du facteur de transcription PPAR-α.

- APPL1 va activer une phosphatase qui va permettre à la Liver kinase B1 (LKB1) d’être relarguée dans le cytosol. LKB1 va alors phosphoryler et activer AMPK (160). APPL1 est également responsable de l’activation du facteur de transcription PPARα, d’une petite GTPase rab5 et de p38 MAPK. Enfin APPL1 favorise les interactions entre le facteur IRS1/2 et le récepteur à l’insuline, favorisant l’action de l’insuline via la voie PI3K-Akt (161).

APPL1 est un régulateur majeur de l’action de l’adiponectine sur la régulation énergétique. L’inactivation d’APPL1 dans un modèle murin génère une insulino-résistance sans diminuer le nombre de récepteurs à l’insuline (161).

- Indépendamment d’APPL1, l’adiponectine va induire l’activation de la phospholipase C qui augmente la concentration intracellulaire de calcium. La kinase

Ca2+/calmoduline-dependent protein kinase CAMKK-b va être stimulée et active la

voie AMPK (162)

- Les récepteurs AdipoR présentent également une activité céramidase intrinsèque et sont capables d’hydrolyser la céramide en sphingoside 1 phosphate (S1P (163)). S1P est un lipide qui favorise la survie et la prolifération cellulaire (164). L’inactivation de adipoR1 et R2 dans des fibroblastes embryonnaires de souris diminue l’activité céramidase induite par l’adiponectine, baisse la concentration de S1P, alors que la surexpression des adpipoR dans le foie fait baisser le contenu en céramide et améliore la sensibilité à l’insuline (165).

C N AdipoR APN Récepteur insuline IRS1/2 PI3K Akt APPL1 AMPKP PPARα P38 MAPK P Noyau LKB1 LKB1 PLC ↗° Ca2+ CAMKKβ Sphingosine Céramide + ↗° S1P Rab5

Figure 15. Voies de signalisation de l’Adiponectine

4. Effets biologiques

La fonction de l’adiponectine dépend de son isoforme, du type de récepteur mis en jeu et de la cellule cible.

Ø L’adiponectine est un facteur clé de la régulation énergétique, capable de moduler la

sensibilité à l’insuline, le métabolisme glucidique et lipidique dans divers organes.

Plusieurs observations cliniques soutiennent une association entre la concentration d'APN et les dysfonctionnements métaboliques liés à l’obésité. Les niveaux plasmatiques d'adiponectine sont corrélés à l'accumulation de graisse viscérale (166). La concentration plasmatique d’adiponectine est diminuée chez les patients atteints de diabète de type 2 et les niveaux élevés d'adiponectine sont associés avec un risque plus faible de développer du diabète (167).

Les souris obèses génétiquement ob/ob ou suite à un régime hypercalorique présentent des taux d’APN circulant diminués et une insulino-résistance ; l’administration d’APN

recombinante chez ces souris améliore leur sensibilité à l’insuline et diminue le contenu en triglycérides dans les muscles et le foie (168)

L’oxydation des acides gras et la diminution du contenu en triglycérides améliorent sensiblement la sensibilité à l’insuline du muscle squelettique. Dans la cellule du muscle squelettique, l’adiponectine favorise l’oxydation des acides gras par une action AMPK-dépendante et diminue ainsi l’élévation des acides gras plasmatiques faisant suite à un repas riche en graisse (169).

Dans le foie, il a été montré que l’adiponectine augmente l’utilisation du glucose et diminue la néoglucogénèse, favorisant l’insulinosensibilité (170) (171). Ceci passe par la voie AMPK qui va diminuer l’expression des enzymes importantes de la néoglucogenèse, la phosphoenolpyruvate carboxykinase (PEPCK) et la glucose-6-phosphatase (G6Pase) (172). APPL1 interagit avec le facteur IRS1/2 et favorise la signalisation intra-cellulaire de ce récepteur à l’insuline (173). Elle promeut également la sécrétion d’insuline par les cellules des ilots pancréatiques (174). L’activation du facteur PPARα dans le foie va augmenter l’expression des gènes des enzymes impliquées dans l’oxydation des acides gras (175). La céramide induit une insulino-résistance par des mécanismes multiples. L’activité céramidase des récepteurs à l’adiponectine est un des facteurs expliquant la régulation de l’insulinosensibilité (165). Cette activité céramidase protège également les cellules des ilots pancréatiques de la lipotoxicité (165)

Ø Dans la cellule endothéliale, l’adiponectine inhibe l’adhésion monocytaire et diminue la transformation des macrophages en cellules spumeuses alors qu’elle exerce un effet pro-angiogénique, anti-apoptotique et stimule la production de monoxyde d’azote NO (176)(177)(178), exercant ainsi un effet vasoprotecteur.

Ø Les récepteurs à l’adiponectine ont été identifiés sur des cellules immunitaires, en particulier sur les macrophages (179).

5. AdipoRon

En 2013, Okada-Iwabu et al. identifiaient pour la première fois une molécule synthétique qui agit comme un agoniste des récepteurs AdipoR (180). Cette molécule, appelée AdipoRon, lie à la fois AdipoR1 et AdipoR2 et induit in vitro, dans les cellules musculaires et hépatiques, les mêmes voies de signalisation que l’adiponectine, à savoir la phosphorylation de l’AMPK et l’activation de PPAR-a. Son effet s’exerce de façon concentration-dépendante, entre 5 à 50 µM. In vivo, l’AdipoRon améliore la sensibilité à l’insuline dans un modèle murin soumis à

un régime hypercalorique. De façon intéressante, les auteurs montraient également que l’AdipoRon diminuait l’expression des cytokines pro-inflammatoires TNF-α, IL-6 et CCL2 dans le tissu adipeux et réduisait l’expression de marqueurs membranaires associés à un phénotype M1 (comme le CD11c) (180).

Figure 16. Structure biochimique de l’AdipoRon

Depuis, de nombreux travaux dans des modèles animaux ont souligné l’effet bénéfique de cette molécule synthétique dans la prévention et/ou traitement des complications métaboliques dues à l’excès de poids et des maladies qui y sont associées (181): dysfonction endothéliale, athérosclérose (182), néprhopathie diabétique (183), ischémie myocardique (184), toxicité hépatique (185).

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