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ADH, 59W35-36 ; ADA, 05W13-22.

Les différents types de collaboration en pourcentage

4 ADH, 59W35-36 ; ADA, 05W13-22.

58 à déterminer de manière précise. Cela peut être pour des raisons familiales. Certaines y vont dans le but de retrouver leur mari, leur père ou leur frère qui s’y trouve en tant que prisonnier de guerre ou requis du STO ou au contraire, pour s’éloigner de la famille. Mme Rac., notamment, part comme travailleuse civile avec son mari après un incident survenu entre son père et elle : « Nous avons pris cette décision à la suite d’une discussion d’ordre familial avec mes parents et ceci dans l’intention de vexer mon père 1». Celui-ci leur reprochait leur mode de vie et voulait les chasser de la maison. Cette décision a alors été prise « sur un moment de colère2 ». De même, le départ en Allemagne peut être perçu comme une échappatoire à un mari violent à l’image de Mme Cab. qui aurait été obligée par son conjoint à partir travailler : « N’ayant aucune ressource, mon mari, sous peine de m’infliger des mauvais traitements m’a obligé d’aller travailler en Allemagne 3». En outre, cela peut être un moyen de s’émanciper de la tutelle patriarcale. En effet, il n’y a pas besoin d’autorisation de la part du mari pour partir et celle des parents est demandée, la plupart du temps, un jour après le départ de la jeune fille4. Enfin, l’attrait d’un salaire et d’un emploi, peut être perçu comme une raison de départ des femmes en Allemagne. Dans l’affaire de Melle Lau., son ami allemand lui a proposé de partir en Allemagne pour travailler. Elle a alors signé un engagement de six mois pour lequel elle a reçu une prime de mille francs. Se trouvant sans ressources, c’est la promesse d’un emploi et donc d’un salaire qui l’a poussé à accepter5. Le travail que les femmes ont là-bas leur permet ainsi de pouvoir soutenir financièrement leur famille.

Si le travail en Allemagne peut représenter une source d’enrichissement, le marché noir l’est tout autant.

Marché noir

Comme partout en France, les « années noires » dans l’Aveyron sont rythmées par les restrictions et les réquisitions. Le département étant majoritairement agricole et pratiquant la polyculture, la population n’a pas vécue de grands manques alimentaires comme cela a pu être

1 ADA, 405W22 : Procès-verbal de Mme Rac. auprès de la commission de vérification en date du 29 janvier 1945. 2 ADA, 405W22 : Procès-verbal de Mme Rac. auprès de la police de Villefranche-de-Rouergue en date du 6 janvier

1945.

3 ADA, 405W21 : Procès-verbal de Mme Cab. auprès de la police de Saint-Affrique en date du 2 février 1945. 4 Camille Fauroux, Séminaire « Echanger des lettres et des photographies. Les relations entre prisonniers de guerre

et travailleuses françaises à Berlin entre 1940 et 1945 » dans le cadre de l’UE Actualités de la recherche en Histoire du genre, Université Toulouse Jean Jaurès, 10 mars 2020.

59 le cas, par exemple, pour le littoral languedocien1. Cependant, la situation est plus ardue en ville qui dépend des ravitaillements qu’à la campagne. Des tensions entre elles sont récurrentes. De même, certains produits sont plus difficiles à obtenir que d’autres tels que le café, le sucre, le beurre ou encore l’essence. Afin de pallier à ces carences, les Aveyronnais font preuve de débrouillardises. Ils utilisent des produits de substitution ou effectuent des trocs. Des marchés parallèles se mettent alors en place, notamment avec les Allemands. Des femmes, trouvant à cette occasion une manière d’améliorer leur quotidien, échangent des services avec ces derniers contre des produits en nature. C’est le cas de Melle W., vendeuse chez une fourreuse de Rodez : « En tant que vendeuse, j’ai eue (sic) l’occasion de rentrer en contact avec un soldat allemand à qui j’ai rendue (sic) quelques services qui m’ont été payés en nature, par deux fois une livre de sucre, du pain, et en tout 5 cigarettes que je crois être de la marque « Abdullah »2 ». Ces actes qui sont généralement sans conséquences sont rarement poursuivis par la justice. Ainsi, si une enquête a été ouverte pour Melle W., elle n’a eu aucun aboutissement. Si certaines ne font que profiter d’opportunités pour améliorer leur quotidien, d’autres s’adonnent à des trafics. Les historiens Henri Moizet et Christian Font notent dans leur ouvrage L’Aveyron et les

Aveyronnais dans la 2ème guerre mondiale que le marché noir de sous type brun3 y a largement fonctionné4. Melle Car., arrêtée pour avoir eu plusieurs relations avec des Allemands et travaillé au sein de la LVF, est aussi accusée d’avoir fait des affaires avec ces derniers :

Me trouvant démunie d’argent de poche, j’ai fait du marché noir et ai vendu du café et du chocolat aux allemands du bureau de l’Einsatzstab et de la Gestapo. Ces denrées m’étaient fournies par M. G. épicier rue Monteil à Rodez, et un Monsieur qui m’a dit être de Millau et qui me vendait le café à 1600 frs et le chocolat à 400 frs, le tout le kilo. Je revendais le café à 1800 frs et le chocolat à 450 frs le kilo5

A titre de comparaison, en 1942, le beurre est acheté quarante-trois francs et revendu sur le marché noir cent-sept francs ; la douzaine d’œufs cinquante-trois contre vingt euros dans le commerce légal6.

1 Christian Font et Henri Moizet, L’Aveyron et les aveyronnais dans la 2ème guerre mondiale, Rodez, CDDP,

Toulouse, CDIHP Aveyron et CRDP Midi Pyrénées, 1995, p.87.

2 ADH, 59W36 : Procès-verbal de Melle W. auprès de la police de Rodez en date du 08 septembre 1944. 3 Marché noir effectué avec des Allemands

4 Christian Font et Henri Moizet, L’Aveyron et les aveyronnais dans la 2ème guerre mondiale, Rodez, CDDP,

Toulouse, CDIHP Aveyron et CRDP Midi Pyrénées, 1995, p.136.

5 ADA, 405W18 : Procès-verbal d’information de Melle Car. auprès des Groupes Francs de l’Aveyron en date du

24 août 1944.

6 Michel Cépède, Agriculture et alimentation en France durant la Deuxième Guerre mondiale, édit. Génin, 1961

cité dans Yves Durand, La France dans la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), 2ème édition, Armand Colin,

60 Ainsi, si pour la grande majorité des femmes aveyronnaises la collaboration économique est instiguée par la nécessité économique, c’est aussi l’occasion, pour quelques-unes d’entre elles, d’améliorer leur quotidien ou bien de s’enrichir. Dans ces cas-là, la recherche du profit est souvent accompagnée de la revendication d’une certaine idéologie.