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6. Pathogénicité

6.1. Adhésion et pénétration cellulaire

Figure 6 : De la vie saprophytique au pathogène intracellulaire : les différentes étapes du

cycle d’infection de L. monocytogenes (Freitag, Port et al. 2009)

Les mécanismes moléculaires impliqués dans les différentes étapes d’infection depuis la pénétration cellulaire sont relativement bien connus et font intervenir un certain nombre de facteurs de virulence dont la plupart sont régulés par le facteur de transcription PrfA.

6.1 Adhésion et pénétration cellulaire

6.1.1 Les internalines

L’efficacité de pénétration varie selon les lignées cellulaires ou le type de cellules utilisées et n’atteint jamais le taux d’entrée observé chez les macrophages. L’entrée dans les cellules a été étudié dans le détail depuis la découverte des protéines appelées internalines, InlA et InlB, (Lecuit, Ohayon et al. 1997; Braun, Ohayon et al. 1998) et leur récepteurs respectifs, l’E-cadhérine (E-cad) et Met. Ces protéines possèdent un domaine dans leur partie N-terminale constitué de régions riches en leucine (LRR : Leucin Rich Region) composées de 22 acides aminés répétés en tandem (Schubert, Gobel et al. 2001). Ces domaines LRR intègrent des unités de reconnaissance pour les interactions protéine-protéine ainsi que pour l’activation de protéines aussi bien procaryotes qu’eucaryotes. Ces protéines sont toutes deux liées à la paroi cellulaire mais de façon différente puisque InlA possède un motif LPXTG permettant une fixation covalente aux peptidoglycanes de la paroi alors que InlB est liée aux acides lipotéichoïques de la paroi par des interactions électrostatiques faisant intervenir les modules GW.

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La protéine InlA permet l’entrée de la bactérie dans les cellules épithéliales après s’être fixée à son récepteur spécifique, la E-cadhérine. Leur interaction entraîne une cascade de réactions et une réorganisation du cytosquelette menant à son internalisation. InlA permettrait également le franchissement de la barrière placentaire (Lecuit, Nelson et al. 2004). Cependant, son rôle reste encore à démontrer. En effet, un facteur supplémentaire interviendrait dans l’infection placentaire puisqu’il a été montré que la transmission materno-fœtale s’effectue chez des souris qui n'ont pas le récepteur d’InlA et chez des cochons d’Inde infectés avec un mutant dépourvu du gène inlA (Bakardjiev, Stacy et al. 2004). Etant donné que les cellules épithéliales qui sont au contact du liquide céphalorachidien expriment également la E-cadhérine, il est supposé que InlA joue un rôle dans le franchissement de la barrière hémato-encéphalique (Seveau, Pizarro-Cerda et al. 2007).

La protéine InlB, quant à elle, est impliquée dans l’invasion d’une plus grande variété de cellules. Plusieurs récepteurs pour InlB ont été identifiés : gClqR, le récepteur tyrosine kinase Met (c-Met) et les glycosaminoglycanes (GAGs) (Braun, Ghebrehiwet et al. 2000; Shen, Naujokas et al. 2000). InlB interagit avec les GAGs par l’intermédiaire de modules GW. Les récepteurs GAG facilitent le détachement des protéines InlB de la surface bactérienne qui vont pouvoir se regrouper pour activer fortement c-Met par la suite et induire l’entrée de la bactérie (Banerjee, Copp et al. 2004). L’activation de c-Met par InlB est espèce dépendante. En effet, chez la souris, InlB n’est pas impliqué dans le franchissement de la paroi intestinale, mais il est important pour la colonisation du foie et de la rate (Disson, Grayo et al. 2008). Chez le lapin et le cochon d’Inde, la virulence n’est pas atténuée lorsque ces derniers sont infectés par le mutant ΔinlB (Khelef, Lecuit et al. 2006). Enfin, des études récentes ont montré que InlB jouait un rôle important dans le franchissement de la barrière placentaire, en collaboration avec InlA (Disson, Grayo et al. 2008).

D’autres membres de la famille des internalines sont impliqués dans l’adhésion aux cellules eucaryotes. C’est notamment le cas de InlF et InlJ. En effet, InlF permet d’augmenter l’adhésion et l’entrée de L. monocytogenes dans les cellules hôtes suite à l’inactivation de la voie RhoA/ROCK (Kirchner and Higgins 2008). InlF est donc un exemple de facteur de virulence dont l’action n’est significative que sous certaines conditions et chez des espèces spécifiques. InlJ est une protéine uniquement exprimée à la surface cellulaire dans le sang et le foie des animaux infectés (Sabet, Toledo-Arana et al. 2008). Lorsque le gène inlJ est délété, la virulence de L. monocytogenes est fortement réduite suite à une infection par voie intraveineuse et intragastrique (Sabet, Lecuit et al. 2005).

36 6.1.2 Lap et LapB

Lap (Listeria adhesion protein), initialement appelée p104, est une protéine d’adhésion de 104 kDa, présente chez toutes les espèces du genre Listeria excepté chez L. grayi. La fonction primaire de cette protéine multitâche (« moonlighting ») est une activité alcool acétaldéhyde déshydrogénase lorsqu’elle est présente dans le cytoplasme ; elle interagit avec le récepteur Hsp60 des cellules hôtes permettant l’adhésion de la bactérie aux cellules intestinales lorsqu’elle est présente à la surface cellulaire (Pandiripally, Westbrook et al. 1999; Wampler, Kim et al. 2004; Burkholder and Bhunia 2010; Jagadeesan, Koo et al. 2010). La réduction de la virulence chez une souris, suite à l’administration par voie orale d’une souche dépourvue du gène lap, confirme l’importance de Lap en tant que facteur de virulence (Burkholder, Kim et al. 2009).

LapB, qui n’a rien à voir avec Lap, est une protéine de 184 kDa à motif LPXTG, dont le gène est absent chez les espèces non pathogènes du genre Listeria. L’expression du gène lapB est régulée positivement par le facteur PrfA et augmente fortement au niveau de la rate de souris infectées. LapB est nécessaire à l’adhésion et à l’entrée de L. monocytogenes dans les

cellules épithéliales ainsi que pour la virulence de cette dernière suite à une infection par voie orale ou par voie intraveineuse. La fonction d’adhésine est située au niveau de la partie N-terminale de la protéine, qui interagit probablement avec un récepteur de la cellule hôte (Reis, Sousa et al. 2010).

6.1.3 FbpA

FbpA (fibronectin-binding protein A) est une protéine de 65 kDa exposée à la surface bactérienne et localisée à la membrane malgré l’absence de peptide signal et de domaines transmembranaires, tout comme ses homologues du genre Streptococcus (Dramsi, Bourdichon et al. 2004). FbpA est capable de fixer la fibronectine humaine immobilisée et augmente l’adhésion de L. monocytogenes aux cellules épithéliales lorsque de la fibronectine exogène

est présente. De plus, l’expression de FbpA affecte le niveau en protéine de deux facteurs de virulences majeurs : InlB et la listériolysine O (LLO) décrite plus loin. Non seulement FbpA est capable de fixer la fibronectine mais elle jouerait le rôle de chaperonne permettant de stabiliser et/ou d’assurer la sécrétion de LLO et InlB (Dramsi, Bourdichon et al. 2004).

37 6.1.4 Ami

Ami est une protéine de 99 kDa présentant une activité N-acétylmuramoyl-L-alanine amidase (McLaughlan and Foster 1998). Elle est liée aux acides lipotéichoïques de la paroi bactérienne par des modules GW qui peuvent également permettre l’adhésion aux cellules épithéliales humaines (Milohanic, Jonquieres et al. 2001; Milohanic, Jonquieres et al. 2004). Ami améliore la colonisation des hépatocytes de souris et notamment en interagissant avec les glycosaminoglycanes (Asano, Kakizaki et al. 2012). Son absence entraîne une réduction de la virulence chez les souris (Asano, Sashinami et al. 2011).

6.1.5 CwhA

CwhA (cell wall hydrolase A) est une protéine de 60 kDa également appelée p60 ou encore Iap (invasion associated protein). CwhA est une hydrolase pariétale impliquée dans la division cellulaire chez L. monocytogenes. Son absence entraîne la formation de courts filaments cellulaires pendant la phase exponentielle de croissance qui retrouvent une taille normale en phase stationnaire (Pilgrim, Kolb-Maurer et al. 2003). De plus, le mutant ΔcwhA montre une capacité inférieure à celle de la souche sauvage à pénétrer dans les cellules hôtes telles que les fibroblastes ou les cellules épithéliales (Kuhn and Goebel 1989; Ruhland, Hellwig et al. 1993). Le mutant peine également à se déplacer au sein de la cellule hôte du fait de son incapacité à former la queue d’actine lui permettant de passer d’une cellule à une autre (Pilgrim, Kolb-Maurer et al. 2003). En effet, l’absence de CwhA conduit à une mauvaise localisation de la protéine ActA qui se situe tout autour de la cellule au lieu d’être regroupée au niveau d’un pôle. La réduction de virulence observée chez le mutant ΔcwhA serait

principalement due à cette absence de motilité et de propagation plutôt qu’à la faible réduction d’invasion cellulaire, ce qui a conduit à proposer le nom de CwhA plutôt que Iap pour cette protéine (Pilgrim, Kolb-Maurer et al. 2003).

6.1.6 LpeA

LpeA (lipoprotein promoting entry) est une lipoprotéine de 35 kDa qui est nécessaire à l’entrée de L. monocytogenes au niveau des hépatocytes et des cellules épithéliales de l’intestin. De façon étrange, le mutant dépourvu du gène lpeA survit beaucoup mieux dans les macrophages que la souche sauvage ce qui a pour conséquence d’exacerber faiblement la virulence de L. monocytogenes chez la souris (Réglier-Poupet, Pellegrini et al. 2003).

38 6.1.7 Auto

Auto est une protéine autolytique de 64 kDa possédant un domaine N-acétylglucosamidase qui est activé par un clivage protéolytique et dont l’activité est optimale à pH acide (Bublitz, Polle et al. 2009). Tout comme Ami et InlB, Auto est associée à la paroi cellulaire par des modules GW (Cabanes, Dussurget et al. 2004) et impliquée dans l’entrée de

L. monocytogenes dans différentes lignées de cellules épithéliales. C’est un facteur de

virulence important puisque son absence entraîne une forte réduction de cellules viables suite à une injection par voie veineuse chez la souris ou par voie orale chez le cochon d’Inde (Cabanes, Dussurget et al. 2004). Il a donc été proposer de définir Auto comme un facteur de virulence nécessaire au contrôle de l’architecture de la surface cellulaire de L. monocytogenes lors de son exposition à une cellule hôte (Camejo, Carvalho et al. 2011).

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