modifie le revenu total disponible ; il existe une véritable externalité lorsque l’action d’un agent
augmente ou diminue le revenu total de la communauté. Ils prennent pour exemple un parc public
financé par une taxe sur les ventes au sein d’une communauté. La fréquentation du parc induit
des coûts d’entretien. Une nouvelle famille entre dans la communauté. Elle consomme moins au
1 Les marchés sont dits complets si pour chaque bien, il existe un marché à tout moment et dans tous les états du monde possibles (cf. Salanié, 2000).
sein de la communauté mais fréquente le parc. Afin de maintenir la qualité du parc, le taux de
taxe est augmenté. Ainsi, la famille impose une externalité pécuniaire puisque la répartition des
coûts d’entretien est modifiée. Si la nouvelle famille accorde davantage de valeur au parc,
c’est-à-dire plus que sa part de taxe, mais moins que les coûts d’entretien liés à l’usage, alors il y a une
véritable externalité. La nouvelle famille a une incitation financière à faire partie de la
communauté, mais la valeur nette du parc pourrait être augmentée en empêchant l’accès à des
nouveaux résidents.
De toute évidence, la littérature ne fournit pas de définition rigoureuse et consensuelle des
externalités pécuniaires. Par conséquent comment pouvons-nous définir les effets des espaces
verts sur les prix des biens immobiliers ? Dans une analyse de l’influence des aménités sur les
prix des biens immobiliers, Small and Steimetz (2007) proposent la distinction suivante : les
externalités pécuniaires interviennent lorsqu’un acheteur utilise les prix des biens immobiliers
alentours pour estimer la valeur du bien immobilier qui l’intéresse. Ils évoquent les externalités
technologiques lorsqu’un individu retire une utilité à vivre dans un quartier où les prix
immobiliers sont élevés, en raison de la qualité des logements et des aménités, ou du statut social
du quartier. Selon cette distinction, il apparaît que seul le second type d’externalité suscite une
variation de l’utilité.
La littérature recense des classifications alternatives des externalités. Elles sont directes ou
indirectes : par exemple, un individu entretenant son jardin produit une externalité directe pour
ses voisins (à travers les aménités paysagères) et une externalité indirecte pour sa commune en
contribuant à son fleurissement. Elles sont publiques ou privées (Baumol et Oates, 1988). La
biodiversité constitue un exemple d’externalité publique car elle est indivisible. Elle ne varie pas
en fonction du nombre d’individus. En revanche, un jardin mal entretenu peut constituer une
externalité privée parce qu’elle est divisible. L’individu lésé sera le voisin disposant d’un accès
visuel privé sur ce jardin.
Nous pouvons également nous interroger sur le caractère intentionnel et incontrôlable des
externalités (Burrows, 1995). De par la nature anthropique des espaces verts, les externalités sont
volontaires. En revanche, elles ont un caractère incontrôlable pour celui qui les subit ou en
bénéficie. Effectivement, étant donné que l’effet n’est pas véhiculé par un système de prix, il est
par définition hors contrôle (Laffont, 1988). Cependant, un individu peut choisir de bénéficier ou
non des externalités liées aux espaces verts de par ses choix de localisation résidentielle ou de
fréquentation de ces espaces. La question qui se pose alors est de savoir si la production d’une
externalité est un acte délibéré de bienveillance ou de malveillance. Un individu peut être à
l’origine d’une externalité négative en dégradant une pelouse sans pour autant vouloir nuire aux
autres usagers. Un autre peut produire une externalité négative par des actes de vandalisme dans
un parc. Dans un tel cas, il retire de l’utilité de cet acte de malveillance. Formellement cela se
traduit par une interdépendance d’utilité entre l’individu à l’origine de l’externalité et ceux qui la
subissent. Certains auteurs, comme Mishan (1965), soutiennent que de tels cas d’interdépendance
d’utilité ne doivent pas être considérés comme des externalités. Ce point est discuté par Morey
(2004). Suivant son développement, si un individu apprécie de dégrader le cadre de vie d’autrui,
il n’y a pas d’externalité puisqu’il prend en compte l’impact de ses actions sur les autres. La seule
façon d’améliorer le bien-être des autres consisterait alors à diminuer celui de l’individu à
l’origine des nuisances.
Dans ce développement, nous avons montré la diversité des externalités suscitées par la
production et la consommation des espaces verts. En raison de l’absence de définition et de
typologie rigoureuses des externalités, il importe de mettre en lumière les problèmes
économiques sous-jacents. Les coûts sociaux sont différents des coûts privés dans le cas d’une
externalité négative. Les bénéfices sociaux sont différents des bénéfices privés dans le cas d’une
externalité positive. Le principal problème est que les espaces verts auront tendance à être
produits de façon sous-optimale (ou à l’inverse sur-optimale) s’ils sont source d’externalités
positives (ou au contraire négatives) parce que le marché n’intègre pas l’intégralité des bénéfices
(ou des coûts). L’absence de droits de propriété sur les effets externes est la source du problème.
A ce stade, nous ne pouvons pas soutenir de manière argumentée que ces défaillances du marché
ouvrent la voie à l’intervention publique. Il convient d’abord de déterminer les caractéristiques
publiques ou privées des espaces verts.
1.2 Les espaces verts, entre biens privés et biens publics
1.2.1 Définition standard des biens publics
La théorie des biens publics
1a été initiée par Samuelson (1954)
2. Il distingue les biens privés des
biens publics purs. Les premiers sont échangés sur le marché. Ils satisfont le principe de rivalité
selon lequel deux agents ne peuvent pas bénéficier simultanément d’un même bien
3. Les biens
publics ne respectent pas ce principe. La non-rivalité d’un bien est liée à son indivisibilité. Si un
individu consomme le bien, sa consommation ne réduit pas la quantité disponible pour les autres
consommateurs. Le critère d’excluabilité permet également de différencier les biens : un individu
ne peut consommer un bien que s’il paie le prix. La plupart des biens privés respectent ce
principe (exception faite de certains biens distribués gratuitement). Les biens publics purs sont
non-excluables ; en ce sens il n’est pas possible d’exclure un individu de la consommation du
bien. Les raisons sont techniques, sociales, culturelles ou liées au coût de l’exclusion.
Ainsi, les biens publics purs répondent aux caractéristiques de non-excluabilité et de non-rivalité.
Ces deux critères permettent de déterminer si un bien est privé ou public. Lorsqu’une seule
condition est remplie, un bien est dit impur. Afin de définir la nature d’un bien, Picard (1987)
propose une démarche en trois étapes.
(i) L’exclusion est-elle possible ? Cela revient à se demander s’il est possible de rationner
l’usage du bien et d’exclure un individu de sa consommation. Dans certains cas, il est
possible d’exclure un individu de la consommation ou de réserver l’usage à certains.
On peut citer pour exemples une forêt urbaine (impossibilité d’exclusion), un jardin
1 Les termes « bien public » et « bien collectif » sont équivalents. La traduction de « public good » en « bien public » peut conduire à une ambiguïté et renvoyer à un mode de fourniture. Dans cette thèse, nous utilisons le concept de bien public sans faire référence à un mode de fourniture spécifique a priori.
2
Par la suite, elle a été développée dans de nombreux ouvrages comme Bénard (1985), Buchanan (1965), Cornes et Sandler (1996), Musgrave (1959) et Stiglitz (2000).
3 Toutefois, les exceptions sont de plus en plus nombreuses avec notamment le développement des biens virtuels (par exemple les jeux vidéo en ligne).