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Pour Adelstein et Edelson (1976), on est en présence d’une externalité pécuniaire si l’action d’un agent influence la redistribution du revenu entre les membres d’une communauté sans que cela ne

modifie le revenu total disponible ; il existe une véritable externalité lorsque l’action d’un agent

augmente ou diminue le revenu total de la communauté. Ils prennent pour exemple un parc public

financé par une taxe sur les ventes au sein d’une communauté. La fréquentation du parc induit

des coûts d’entretien. Une nouvelle famille entre dans la communauté. Elle consomme moins au

1 Les marchés sont dits complets si pour chaque bien, il existe un marché à tout moment et dans tous les états du monde possibles (cf. Salanié, 2000).

sein de la communauté mais fréquente le parc. Afin de maintenir la qualité du parc, le taux de

taxe est augmenté. Ainsi, la famille impose une externalité pécuniaire puisque la répartition des

coûts d’entretien est modifiée. Si la nouvelle famille accorde davantage de valeur au parc,

c’est-à-dire plus que sa part de taxe, mais moins que les coûts d’entretien liés à l’usage, alors il y a une

véritable externalité. La nouvelle famille a une incitation financière à faire partie de la

communauté, mais la valeur nette du parc pourrait être augmentée en empêchant l’accès à des

nouveaux résidents.

De toute évidence, la littérature ne fournit pas de définition rigoureuse et consensuelle des

externalités pécuniaires. Par conséquent comment pouvons-nous définir les effets des espaces

verts sur les prix des biens immobiliers ? Dans une analyse de l’influence des aménités sur les

prix des biens immobiliers, Small and Steimetz (2007) proposent la distinction suivante : les

externalités pécuniaires interviennent lorsqu’un acheteur utilise les prix des biens immobiliers

alentours pour estimer la valeur du bien immobilier qui l’intéresse. Ils évoquent les externalités

technologiques lorsqu’un individu retire une utilité à vivre dans un quartier où les prix

immobiliers sont élevés, en raison de la qualité des logements et des aménités, ou du statut social

du quartier. Selon cette distinction, il apparaît que seul le second type d’externalité suscite une

variation de l’utilité.

La littérature recense des classifications alternatives des externalités. Elles sont directes ou

indirectes : par exemple, un individu entretenant son jardin produit une externalité directe pour

ses voisins (à travers les aménités paysagères) et une externalité indirecte pour sa commune en

contribuant à son fleurissement. Elles sont publiques ou privées (Baumol et Oates, 1988). La

biodiversité constitue un exemple d’externalité publique car elle est indivisible. Elle ne varie pas

en fonction du nombre d’individus. En revanche, un jardin mal entretenu peut constituer une

externalité privée parce qu’elle est divisible. L’individu lésé sera le voisin disposant d’un accès

visuel privé sur ce jardin.

Nous pouvons également nous interroger sur le caractère intentionnel et incontrôlable des

externalités (Burrows, 1995). De par la nature anthropique des espaces verts, les externalités sont

volontaires. En revanche, elles ont un caractère incontrôlable pour celui qui les subit ou en

bénéficie. Effectivement, étant donné que l’effet n’est pas véhiculé par un système de prix, il est

par définition hors contrôle (Laffont, 1988). Cependant, un individu peut choisir de bénéficier ou

non des externalités liées aux espaces verts de par ses choix de localisation résidentielle ou de

fréquentation de ces espaces. La question qui se pose alors est de savoir si la production d’une

externalité est un acte délibéré de bienveillance ou de malveillance. Un individu peut être à

l’origine d’une externalité négative en dégradant une pelouse sans pour autant vouloir nuire aux

autres usagers. Un autre peut produire une externalité négative par des actes de vandalisme dans

un parc. Dans un tel cas, il retire de l’utilité de cet acte de malveillance. Formellement cela se

traduit par une interdépendance d’utilité entre l’individu à l’origine de l’externalité et ceux qui la

subissent. Certains auteurs, comme Mishan (1965), soutiennent que de tels cas d’interdépendance

d’utilité ne doivent pas être considérés comme des externalités. Ce point est discuté par Morey

(2004). Suivant son développement, si un individu apprécie de dégrader le cadre de vie d’autrui,

il n’y a pas d’externalité puisqu’il prend en compte l’impact de ses actions sur les autres. La seule

façon d’améliorer le bien-être des autres consisterait alors à diminuer celui de l’individu à

l’origine des nuisances.

Dans ce développement, nous avons montré la diversité des externalités suscitées par la

production et la consommation des espaces verts. En raison de l’absence de définition et de

typologie rigoureuses des externalités, il importe de mettre en lumière les problèmes

économiques sous-jacents. Les coûts sociaux sont différents des coûts privés dans le cas d’une

externalité négative. Les bénéfices sociaux sont différents des bénéfices privés dans le cas d’une

externalité positive. Le principal problème est que les espaces verts auront tendance à être

produits de façon sous-optimale (ou à l’inverse sur-optimale) s’ils sont source d’externalités

positives (ou au contraire négatives) parce que le marché n’intègre pas l’intégralité des bénéfices

(ou des coûts). L’absence de droits de propriété sur les effets externes est la source du problème.

A ce stade, nous ne pouvons pas soutenir de manière argumentée que ces défaillances du marché

ouvrent la voie à l’intervention publique. Il convient d’abord de déterminer les caractéristiques

publiques ou privées des espaces verts.

1.2 Les espaces verts, entre biens privés et biens publics

1.2.1 Définition standard des biens publics

La théorie des biens publics

1

a été initiée par Samuelson (1954)

2

. Il distingue les biens privés des

biens publics purs. Les premiers sont échangés sur le marché. Ils satisfont le principe de rivalité

selon lequel deux agents ne peuvent pas bénéficier simultanément d’un même bien

3

. Les biens

publics ne respectent pas ce principe. La non-rivalité d’un bien est liée à son indivisibilité. Si un

individu consomme le bien, sa consommation ne réduit pas la quantité disponible pour les autres

consommateurs. Le critère d’excluabilité permet également de différencier les biens : un individu

ne peut consommer un bien que s’il paie le prix. La plupart des biens privés respectent ce

principe (exception faite de certains biens distribués gratuitement). Les biens publics purs sont

non-excluables ; en ce sens il n’est pas possible d’exclure un individu de la consommation du

bien. Les raisons sont techniques, sociales, culturelles ou liées au coût de l’exclusion.

Ainsi, les biens publics purs répondent aux caractéristiques de non-excluabilité et de non-rivalité.

Ces deux critères permettent de déterminer si un bien est privé ou public. Lorsqu’une seule

condition est remplie, un bien est dit impur. Afin de définir la nature d’un bien, Picard (1987)

propose une démarche en trois étapes.

(i) L’exclusion est-elle possible ? Cela revient à se demander s’il est possible de rationner

l’usage du bien et d’exclure un individu de sa consommation. Dans certains cas, il est

possible d’exclure un individu de la consommation ou de réserver l’usage à certains.

On peut citer pour exemples une forêt urbaine (impossibilité d’exclusion), un jardin

1 Les termes « bien public » et « bien collectif » sont équivalents. La traduction de « public good » en « bien public » peut conduire à une ambiguïté et renvoyer à un mode de fourniture. Dans cette thèse, nous utilisons le concept de bien public sans faire référence à un mode de fourniture spécifique a priori.

2

Par la suite, elle a été développée dans de nombreux ouvrages comme Bénard (1985), Buchanan (1965), Cornes et Sandler (1996), Musgrave (1959) et Stiglitz (2000).

3 Toutefois, les exceptions sont de plus en plus nombreuses avec notamment le développement des biens virtuels (par exemple les jeux vidéo en ligne).

botanique avec une entrée payante (possibilité d’exclusion par les prix) et un théâtre