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1.4 Maladie coronarienne athérosclérotique

1.4.4 Activité physique et athérosclérose

Il existe plusieurs définitions de la sédentarité et de l’inactivité physique dans la littérature. En 2017, un consensus a été publié dans le but de standardiser cette terminologie 294. Sur

cette base, le terme inactivité physique représente un niveau d’activité physique insuffisant pour atteindre les recommandations actuelles de pratique d’activité physique qui sont de réaliser au moins de 150 minutes par semaine d’activité physique aérobie à une intensité modérée, ou au moins de 75 minutes par semaine à une intensité vigoureuse, par périodes d’au moins 10 minutes 294-297. Le terme sédentarité comprend les comportements associés

avec une dépense énergétique ≤ 1,5 équivalents métaboliques (METs) 294.

Il faut faire la distinction entre l’activité physique et la condition cardiorespiratoire. Cette dernière est une mesure de la capacité à maintenir une activité physique dynamique, qui utilise les grands groupes musculaires, à une intensité modérée à élevée 298. Elle représente

la capacité du corps à transporter l’oxygène aux muscles durant un exercice prolongé, mais aussi à utiliser cet oxygène 298. Bien que le déterminant le plus important de la condition

cardiorespiratoire soit l’activité physique, elle est également influencée par des facteurs génétiques non modifiables 299. Ainsi, l’évolution de la condition cardiorespiratoire peut

informer sur le niveau de pratique d’activité physique, mais ces deux variables ne sont pas parfaitement corrélées. Néanmoins, comme pour un niveau élevé de pratique d’activité physique, une condition cardiorespiratoire élevée est associée à un risque moindre d’évènements cardiovasculaires 298, 300, 301.

1.4.4.2 Modulation du risque cardiovasculaire et athérosclérotique

C’est en 1953 que Jeremy Morris a suggéré pour la première fois que l’activité physique pouvait s’avérer protectrice contre les évènements coronariens, observant que les individus ayant un emploi actif présentaient une incidence de la maladie coronarienne plus faible que les travailleurs sédentaires 302. Poussant sa réflexion plus loin, son équipe s’est intéressée

sédentaires présentaient également des tours de taille plus élevés en comparaison aux travailleurs actifs 303. Ces travaux audacieux ont permis de soulever pour la première fois le

lien entre l’activité physique, l’adiposité abdominale et le risque de maladie coronarienne. Plusieurs études ont par la suite appuyé les hypothèses du Dr Morris 296, 299, 304-306. L’étude

Framingham a d’ailleurs suggéré l’activité physique comme un joueur important dans la modulation du risque coronarien 307. En fait, l’inactivité physique augmenterait le risque

relatif de la maladie coronarienne de 45 % 214, 308. Malgré tout, une grande proportion de la

population demeure inactive 293. Or, on observe une diminution du risque coronarien de

14 % lorsque l’activité physique est réalisée sous les recommandations actuelles d’activité physique 309 et il existerait une relation dose-réponse entre la pratique d’activité physique et

le risque cardiovasculaire 296, 299, 302, 304-306, 309-311.

L’activité physique réduit le risque cardiovasculaire de différentes façons. Tout d’abord, elle améliore la gestion des facteurs de risque traditionnels (dyslipidémie, hypertension, dysglycémie), lesquels sont associés au développement de l’athérosclérose 310, 311. Mais un

élément encore plus important est que l’activité physique, même si elle ne génère pas de perte de poids, réduit considérablement l’adiposité viscérale, comme l’illustre la

Figure 14 312. De plus, il existe une relation dose-réponse entre la pratique d’activité

physique et la réduction du gras viscéral 313, 314. Ainsi, en améliorant les marqueurs du risque

cardiovasculaire et en diminuant le gras viscéral, l’activité physique a le potentiel de ralentir la progression de l’athérosclérose 250, 312.

Figure 14. Activité physique et composition corporelle.

Figure adaptée de Janiszewski et coll. 312.

Poids corporel Gras viscéral Muscle squelettique 3 mois d’activité physique aérobie

% de changement

Femmes Hommes

Un autre rôle important de l’activité physique est son action sur les lipoprotéines athérogènes. L’étude RESOLVE a vérifié les effets d’un programme d’intervention en habitudes de vie, incluant une restriction calorique et un programme d’activité physique à la maison, sur la concentration et la taille de diverses lipoprotéines athérogènes 315. Cette

étude rapporte qu’une intervention en habitudes de vie, incluant un programme d’activité physique, permet de réduire la concentration des particules LDL petites et denses, d’augmenter la taille des particules LDL, d’augmenter les grosses particules HDL et de diminuer les petites particules HDL 315. Une autre étude a vérifié si les effets de l’activité

physique sur la concentration des lipoprotéines athérogènes étaient indépendants de la diète, sachant que l’alimentation joue un rôle important sur le métabolisme des lipides 55.

Dans cette étude, les participants étaient soumis à une diète standardisée, accompagnée d’un programme d’entraînement aérobie supervisé durant 24 semaines 316. Les

changements des lipoprotéines étaient examinés avant et après l’intervention à l’aide de la spectroscopie par résonance magnétique 316. Il s’est avéré qu’indépendamment des

changements de l’adiposité, l’activité physique réduisait la concentration des particules VLDL et des petites particules LDL, augmentait la concentration des grosses particules LDL et la taille des particules HDL 316. De plus, une méta-analyse rapporte que l’activité physique

réduit la concentration des lipoprotéines athérogènes, en réduisant les petites particules LDL et en augmentant les grosses particules LDL, et ce, indépendamment des autres facteurs de risque 317. Considérant le rôle des lipoprotéines athérogènes sur l’évolution de

l’athérosclérose, le fait que l’activité physique en est un médiateur indépendant est un argument de poids pour promouvoir un mode de vie actif.

L’activité physique génère donc des effets bénéfiques sur les facteurs de risque traditionnels, l’adiposité viscérale et les lipoprotéines athérogènes. En plus, l’activité physique induit des bénéfices directement sur la paroi artérielle. Dans une section précédente, l’impact des contraintes hémodynamiques sur l’initiation de l’athérosclérose a été discuté. En utilisant un vélo et l’IRM, Cheng et ses collègues se sont intéressés aux effets hémodynamiques d’une activité physique d’intensité légère à modérée sur l’aorte abdominale, une artère ayant une géométrie complexe, prédisposée au développement de l’athérosclérose 318. Au repos, ils ont observé de faibles contraintes de cisaillement et un

flux oscillatoire 318. Toutefois, à l’exercice, les contraintes de cisaillement augmentaient et le

flux oscillatoire était éliminé 318, ce qui favorise l’augmentation de la lumière artérielle 319, 320

l’augmentation du flux sanguin généré augmente la libération de NO 78 et réduit l’expression

des molécules d’adhésion 324, ainsi que l’oxydation des lipides 325. L’activité physique a donc

le potentiel d’améliorer la vasodilatation et l’élasticité artérielle, en plus de réduire la progression de l’athérosclérose 323, 326-330. D’ailleurs, deux essais contrôlés randomisés ont

montré une diminution de la progression de l’athérosclérose coronarienne chez les patients assignés à un groupe avec exercice en comparaison aux patients du groupe témoin, sans exercice 331, 332. L’activité physique peut aussi diminuer l’épaisseur de la paroi de l’artère

carotide 329. Ainsi, bien qu’un remodelage positif induit par la progression du fardeau de

l’athérosclérose augmente la vulnérabilité de la lésion, celui associé à un milieu hémodynamique sain et anti-inflammatoire est à l’inverse bénéfique, contrant la progression de l’athérosclérose 333. Alors que l’activité physique montre des effets bénéfiques, l’inactivité

physique est à l’inverse néfaste sur la progression de l’athérosclérose. Les études Cardiovascular Risk in Young Finns Cohort et Los Angeles Atherosclerosis Study démontrent qu’une faible pratique d’activité physique est associée à l’accélération de la progression de l’athérosclérose dans l’artère carotide 145, 334.

Bien que les individus peu actifs ont un plus grand risque de calcification coronarienne 306,

une seule étude s’est intéressée à l’impact de l’activité physique sur l’évolution des caractéristiques tissulaires de l’athérosclérose, incluant le LRNC. Réalisée chez des patients ayant subi une intervention coronarienne percutanée, cette étude suggère que seulement 12 semaines d’activité physique peuvent générer des bénéfices sur la progression du LRNC dans les artères coronaires, à la suite d’angioplasties coronariennes 335. Toutefois, les tuteurs implantés dans le segment étudié peuvent avoir

influencé les résultats. Ainsi, bien que l’activité physique soit associée à un fardeau d’athérosclérose moindre, ses effets sur la composition artérielle, incluant le LRNC, sont peu connus. Il serait pertinent d’étudier davantage cette question, puisque la progression du LRNC dans les artères coronaires est un prédicteur indépendant des évènements coronariens 173, alors que le fardeau du LRNC s’est avéré être un prédicteur de la

déstabilisation de la plaque dans l’artère carotide 104. Considérant le lien entre l’activité

physique, le gras viscéral, les lipoprotéines athérogènes et l’athérosclérose, une étude approfondie sur les relations entre ces variables pourrait éclaircir les zones grises quant à la survenue d’évènements coronariens chez des sujets à faible risque selon les scores de risque traditionnels. Puisque l’étude de l’athérosclérose nécessite l’utilisation de méthodes

d’imagerie, la prochaine section présente les principales techniques utilisées pour l’étude des artères coronaires, ainsi que leurs limites.