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Activité antioxydante des polyphénols dans les aliments

II. Espèces réactives oxygénées - Stress oxydant

III.1. Activité antioxydante des polyphénols dans les aliments

L’auto-oxydation (oxydation non enzymatique par O2) est un des principaux phénomènes de dégradation des lipides polyinsaturés présents dans divers produits alimentaires tels que les huiles végétales et leurs dérivés (margarines) [60]. Ce phénomène intervient typiquement au cours des traitements industriels et domestiques : procédés thermiques, conditionnement, stockage et cuisson [61, 62]. Globalement, ce processus conduit à la formation des produits

Sources d’ERO Endogènes NADPH oxydase ; Chaine respiratoire mitochondriale ; Peroxysome ; Cycloxygénase ; Lipoxygénase ; Xanthine oxydase ; Cytochrome P-450. Exogènes Polluants ; Radiations (X, UV) ; Xénobiotiques pro-oxydants ; Cytokines pro-inflammatoires. Systèmes antioxydants Enzymatiques Superoxyde dismutase ; Glutathion peroxydase; Catalase. Non enzymatiques Glutathion ; Ubiquinol ; Vitamines (E, C) ; Caroténoïdes ; Polyphénols alimentaires.

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lipidiques oxydés (aldéhydes, époxydes, hydroperoxydes), à leur tour, réagissent avec d'autres ingrédients alimentaires (vitamines, protéines et autres lipides) en diminuant :

- Les propriétés organoleptiques des aliments : apparition de saveurs et odeurs désagréables rendant les aliments difficilement acceptables par le consommateur ;

- La valeur nutritionnelle des aliments : les AGPI sont essentiels à la composition des membranes cellulaires et pourraient exercer une action protectrice contre le développement des maladies cardiovasculaires. Par contre, certains de leurs produits d’oxydation sont oxydants et/ou électrophiles donc potentiellement toxiques.

Il faut noter que l’oxydation des AGPI des aliments peut intervenir dès le tractus digestif, c’est-à-dire immédiatement après ingestion des aliments. Le compartiment gastrique, en raison de son acidité, de sa teneur en dioxygène et de la présence éventuelle de fer héminique d’origine alimentaire (ex. μ viande rouge) est un site où l’oxydation des AGPI peut être rapide.

Une voie pour inhiber les évolutions oxydatives des lipides consiste à ajouter aux préparations alimentaires des antioxydants capables de piéger rapidement les radicaux peroxyles lipidiques propagateurs des chaînes radicalaires et/ou les espèces initiatrices de l’oxydation [63-

67]. De ce point de vue, les antioxydants naturellement présents dans les plantes d’intérêt alimentaire, voire certains de leurs dérivés amphiphiles, présentent un grand intérêt, notamment depuis la mise en évidence de problèmes d’allergie alimentaire induits par certains additifs d’origine synthétique. Par exemple, le propylgallate, l’octylgallate [68] et le dodecylgallate [69] sont des antioxydants fréquemment ajoutés aux margarines. Ces antioxydants permettent de prolonger la durée de conservation des AGPI, de les préserver lors de traitements thermiques et éventuellement après ingestion.

19 | P a g e III.2. Pouvoir antioxydant des polyphénols chez les Humains

Les effets des polyphénols sur la santé sont indissociables de la notion de biodisponibilité, qui intègre un grand nombre de paramètres comme : l’absorption intestinale, l’excrétion des métabolites dans la lumière intestinale, le métabolisme par la microflore, le métabolisme intestinal et hépatique, les propriétés des métabolites circulants (structures, cinétiques d’apparition et d’élimination, liaison à la sérum albumine et autres protéines du plasma), la captation cellulaire, le métabolisme dans les tissus cibles, la sécrétion biliaire et l’excrétion urinaire (Fig. 18).

Figure 18: Schéma général de biodisponibilité des polyphénols [70, 71]

Les principales données de la biodisponibilité des polyphénols de l’alimentation sont résumées comme suit [72] :

III.2.1. Absorption au sein de l’estomac

Seuls les anthocyanes et quelques acides hydroxycinnamiques sous forme liée tels que l’acide chlorogénique peuvent être absorbés directement à partir de l’estomac [72].

20 | P a g e III.2.2. Absorption à partir de l’intestin grêle

Les aglycones de polyphénols (ex.: les flavanols) et les O-β-D-glucosides peuvent être notablement absorbés dans le petit intestin, les premiers par diffusion passive, les seconds selon deux mécanismes [73] : Une absorption directe des glucosides via le transporteur de glucose sodium-dépendant. Elle est suivie par l'hydrolyse des glucosides dans le cytosol par une β-glucosidase cytosolique. Un autre mécanisme impliquant la lactase phloridzine hydrolase, une glucosidase de la bordure en brosse de l'intestin qui catalyse l'hydrolyse extracellulaire des glucosides, a aussi été démontré. Il est suivi par l'absorption de l'aglycone ainsi libéré par diffusion passive.

III.2.3. Absorption à partir du côlon

Les polyphénols non absorbés au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle atteignent le côlon, puis sont catabolisés par la microflore colique, ayant des activités enzymatiques diverses, avant d’être absorbés. En particulier, la rutine, un flavonol commun de l’alimentation (quercétine (3-O-β-D-(L-rhamnosyl--1,6-D-glucoside)), doit être hydrolysée par les enzymes bactériennes avant d’être absorbée au niveau du côlon et atteint la circulation sanguine (sous forme de conjugués de quercétine) avec un retard notable par rapport aux cas des glucosides de quercétine (abondants dans l'oignon), absorbés dès le petit intestin. D'une manière générale, le catabolisme de la microflore colique peut produire des métabolites biodisponibles, en concentration de l’ordre de 1 mM, comme l'acide benzoïque, l'acide phénylacétique et l'acide phénylpropionique

[74]. En particulier, les proanthocyanidines ne sont pas biodisponibles sous leurs formes natives

et l'absorption est limitée aux catabolites microbiens libérés à partir des oligomères les plus courts [75, 76]. De même, chez les humains, il a été montré que l'acide 3,4-dihydroxybenzoïque, produit par la microflore colique, représente plus de 70% des métabolites de la cyanidine 3-O- β-D-glucoside (principale anthocyane du jus d'orange sanguine) avec une concentration circulante maximale de 500 nM contre seulement 2 nM pour la forme native [77].

La fraction de polyphénols absorbés subit une conjugaison dans les entérocytes et dans les hépatocytes. Ainsi les formes circulantes sont typiquement les glucuronides, sulfates et sulfoglucuronides. De plus, les groupements catéchol, important pour l'activité antioxydante, sont partiellement méthylés par la catéchol O-méthyltransférase dans le foie.

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En conséquence de l'absorption intestinale limitée et de l’importance du catabolisme, la concentration plasmatique maximale de polyphénols et de leurs formes conjuguées (après une consommation moyenne de 50 mg en équivalent d’aglycone) dépasse rarement 1 µM et peut être beaucoup plus faible (< 50 nM pour les anthocyanes) [72]. Ces concentrations sont de plusieurs ordres de grandeur plus faibles que celles des antioxydants hydrophiles du plasma (L-ascorbate, urate, glutathion et sérum albumine). La faible biodisponibilité des polyphénols d’intérêt alimentaire est également soulignée dans l'excrétion urinaire faible, typiquement inférieure à 10%, à l'exception des isoflavones, de certains acides hydroxycinnamiques et des flavanols [72].

Dans l'ensemble, en tenant compte de la faible concentration circulante de polyphénols alimentaires et de la faible activité antioxydante intrinsèque de leurs métabolites (en raison des modifications chimiques des groupements phénoliques par conjugaison, voire désoxygénation par des enzymes microbiennes), nous pouvons conclure que les effets santé attribués à la fraction absorbée à partir du tractus digestif ne sont pas dominés par l'activité antioxydante au sens strict, c’est-à-dire la réduction directe des ERO (impliquées dans le stress oxydant). Cette conclusion est en contradiction apparente avec l'augmentation importante de la capacité antioxydante dans le plasma (protocole expérimental basé sur la réduction de FeIII en FeII), généralement observée après la consommation d'aliments riches en polyphénols. Cependant, il est maintenant clair que ce phénomène n'est pas dû aux métabolites de polyphénols mais surtout à l'élévation du taux d'urate provenant du métabolisme de divers produits végétaux tels que le fructose, le saccharose, le sorbitol, le lactate et la caféine [78].

Compte tenu de la biodisponibilité limitée et du métabolisme des polyphénols chez les êtres humains, aucun lien systématique ne peut être établi entre la capacité des polyphénols (composés purs ou extraits) à donner des électrons (généralement évaluée dans les tests populaires ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity) et TEAC (Trolox-equivalent antioxidant capacity) et leur éventuelle activité antioxydante in vivo après ingestion [79].

En résumé, les données sur la biodisponibilité imposent des restrictions sévères sur la possibilité que les polyphénols agissent réellement, in vivo, comme antioxydants. Les sites possibles pour l'action antioxydante de ces composés sont les suivants :

- Le tractus gastro-intestinal dans lequel les polyphénols natifs peuvent s'accumuler en forte concentration et protéger les AGPI alimentaires de l'auto-oxydation initiée par les espèces pro-oxydantes alimentaires telles que le fer héminique ;

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- Certains sites d’inflammation (cellules endothéliales, macrophages) impliqués dans le développement de l’athérosclérose à condition que des concentrations relativement importantes de métabolites de polyphénols, avec une forte capacité résiduelle donatrice d'électrons, puissent s'accumuler sur ces sites [80]. Des phénomènes de déconjugaison (catalysés par des -glucuronidases cellulaires) qui permettent de restaurer le pouvoir réducteur ont également été observés.