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Des actions culturelles marquées par la prépondérance de l’État au Mexique et le

Comparer les conditions d’émergence et les caractéristiques des États mexicain et argentin permet de comprendre leurs évolutions et leurs actions pendant la période analysée dans la thèse (1983-2010) étant donné qu’ils sont les principaux acteurs de l’action culturelle sur cette période. Nous comparons la construction des États et des nations afin de dégager les caractéristiques nous permettant de dresser les trajectoires institutionnelles des États et comprendre le type d’identité et de culture nationales qu’ils ont souhaité créer (a). Dans un second temps, nous confronterons les actions culturelles dans les deux pays afin de souligner les types d’actions culturelles qui découlent de certaines représentations de la nation, mais aussi des caractéristiques de la population (b). Ainsi, nous verrons que si au XXe siècle au Mexique, les arts plastiques et visuels sont fortement soutenus par les gouvernements, alors qu’en Argentine, c’est davantage le livre, la lecture et le théâtre, c’est parce qu’il n’y a pas les mêmes taux d’analphabétisme dans la population et que les représentations de la nation sont différentes.

a. Les processus de construction des États et des nations au Mexique et en Argentine

Les États-nations argentins et mexicains sont-ils le produit des mêmes processus ? Ont-ils mis en avant les mêmes éléments dans la construction de la nation ? Diffusent-ils de la même manière l’identité nationale ? Les conditions d’émergence des État-nations expliquent les différences observées au XXe siècle entre un État mexicain fort et un État argentin instable. Dans un second temps, nous montrerons que malgré des populations différentes, les deux États ont utilisé la culture de manière similaire pour construire l’identité nationale et la nation.

Pour T. Di Tella594 le premier contraste que l’on trouve entre le Mexique et l’Argentine concerne les manières dont les pays ont obtenu leur Indépendance. Alors que c’est l’élite du Río de la Plata qui lance l’insurrection, en Nouvelle-Espagne, elle commence avec le prêtre

594 T. Di Tella, « México y Argentina un contraste de estructuras », dans T. Di Tella Estructuras sociales y

politicas comparadas, Educ.ar, 1998, [consulté en ligne le 22-07-2013], URL : http://didactalia.net/comunidad/materialeducativo/recurso/estructuras-sociales-y-politicas-

Hidalgo et un militaire de rang moyen. Elle est d’ailleurs le résultat de l’alliance entre des paysans et des oligarques propriétaires terriens organisés dans les loges franc-maçonnes595. Les luttes d’indépendance (1810-16 en Argentine, 1810-21 au Mexique) créent « une forme d’identité collective et un sentiment de destin commun »596

. Cependant, cette amorce de nationalité est diluée dans des existences organisées à une échelle très locale, les centres de pouvoir s’articulant autour de caudillos597 locaux.

Pendant le XIXe siècle, conservateurs, libéraux, unitaires et fédéralistes s’affrontent dans les deux pays. On note toutefois quelques différences : en Argentine les libéraux modérés sont unitaires alors qu’ils sont fédéralistes au Mexique, les caudillos fédéralistes argentins oscillent entre valeurs libérales et conservatrices et enfin le poids des conservateurs catholiques est beaucoup plus important au Mexique598. Par ailleurs, la population mexicaine à cette époque est sept fois plus importante que l’argentine qui ne dépasse pas le demi-million d’habitants avant 1810. C’est la preuve pour A. Rouquié du peu d’importance que lui donnait la Couronne espagnole. Il affirme que c’est de là que « découle aussi le sentiment profondément enraciné dans la conscience argentine d’appartenir à un pays neuf sans tradition coloniale comme sans passé précolombien »599. En revanche, au Mexique le glorieux passé aztèque et maya n’est pas nié, même s’il n’est pas revendiqué à toutes les périodes.

Les deux pays repoussent des invasions qui vont avoir un rôle important dans la construction du nationalisme600. Leurs conflits internes sont pacifiés par des dictateurs601 et ils construisent un appareil d’État à la fin du XIXe

siècle. La bataille de Pavón (1861) qui contraint Buenos Aires à revenir dans la Confédération qu’elle avait quittée pendant une décennie, est un moment clé dans le processus de construction de l’État argentin. La Cour Suprême accorde

595 Il y a d’un côté la loge des Écossais monarchistes et défenseurs de la couronne et de l’autre les Yorks

partisans du fédéralisme et de la séparation entre l’Église et l’État.

596 O. Oszlak, La construcción del Estado Argentino, Orden, progreso y organización nacional, Buenos Aires,

Emecé, 1997, p. 46.

597 Le caudillo est un notable possédant des ressources matérielles et sociales importantes. Il domine un territoire

délimité et y impose son autorité. Il occupe une position d’intermédiaire entre l’État et le peuple en fournissant des votes ou des soldats au premier, et des privilèges (sécurité, emplois ou argent) au second. F. Escalante Gonzalbo, Ciudadanos imaginarios. Memorial de los afanes y desventures de la virtud y apología del vicio triunfante de la República Mexicana. Tratado de moral pública, Mexico, El Colegio de México, 1992.

598 La séparation de l’Église et de l’État est entérinée par la Constitution de 1857 au Mexique, alors qu’il n’y en a

pas en Argentine. L’union entre l’Église et l’État est héritée de la Couronne espagnole. Le clergé constitue une partie importante de la classe politique argentine.

599 A. Rouquié, Pouvoir militaire, op. cit., p. 19. 600

Il y a des invasions anglaises en Argentine en 1806-07 et une invasion française au Mexique (1862-67).

alors tous les pouvoirs au vainqueur en vertu des « devoirs qu’implique la victoire »602. Cette décision va marquer la trajectoire institutionnelle argentine lors des siècles à venir, tout comme le fait qu’elle soit une terre d’accueil pour des centaines de milliers d’immigrés. L’Argentine est très ouverte sur l’extérieur. Sa prospérité est due aux exportations et est très influencée par le capital et les idées provenant de l’étranger. Comme au Mexique, l’organisation politique qui surgit à cette époque repose principalement sur le clientélisme et le patronage603. Toutefois, alors que l’appareil étatique est faible, le mexicain est fort.

L’État mexicain, né pendant la dictature de P. Díaz, de la confiscation du pouvoir aux caudillos et aux caciques604 et de l’« unité économique et politique »605, est fort et centralisé606. Après une longue période de stabilité, des dérèglements structurels et le mécontentement face à l’autoritarisme du régime, précipitent le Mexique dans la Révolution en 1910607. Si l’élite traditionnelle ne disparaît pas, elle n’occupe plus la sphère publique, mais développe des entreprises administrées par les réseaux familiaux en marge des institutions politiques. En revanche, l’élite d’État post-révolutionnaire occupe le pouvoir politique en restant éloignée du secteur privé. La consolidation de l’État est la conséquence d’un pacte entre caudillos régionaux révolutionnaires608

et de l’unification de tous les vainqueurs au sein d’un parti « à caractère national »609

. Le Parti National de la Révolution (PNR) (le PRI à partir de 1946) devient une structure de patronage verticale qui relie centre et

602

C. S. Nino, Un país al margen de la ley, Buenos Aires, Emecé, 1992, cité par H. Quiroga, La Argentina op. cit., p. 237.

603 Les caudillos issus des grands groupes de propriétaires fonciers, usent de leur pouvoir militaire et de leur

relation de parenté dans leurs batailles pour le pouvoir politique, Y. Delazay, B. Garth, La mondialisation des guerres de palais, op. cit., p. 58.

604

Chef de tribu indienne au Mexique. Ce terme désigne le type de pouvoir autoritaire d’un notable (souvent propriétaire terrien) qui utilise son réseau de clientèles à des fins personnelles (B. Marques-Perreira, D. Garibay, La politique en Amérique latine, op. cit.). Le cacique s’impose « comme médiateur avec les acteurs nationaux » et exerce un « contrôle politique sur les localités qu’il domine », C. Maldonado, Valerda « Clientélisme, démocratisation et émergence de mécanismes de redevabilité dans les politiques sociales fédérales au Mexique (1995-2008). De l’invention du Programme PROGRESA à la mise en œuvre de la Loi générale de développement social », thèse en science politique, l’IEP de Paris, sous la direction d’O. Dabène, 2012.

605 L. Meyer, « El Estado mexicano contemporaneo », dans L. Meyer, Lecturas de politica mexicana, México,

Colmex, Centro de Estudios Internacionales, 1977, p. 5.

606 L. J. Garrido, El partido de la Revolución Institucionalizada. La formación del nuevo Estado Mexicano

(1928-1945), Mexico, Siglo XXI, 1991, p. 6.

607 L’augmentation de l’investissement étranger, le rapprochement avec le marché nord-américain, le

développement du chemin de fer et la modernisation agricole entraînent respectivement de l’inflation sur les salaires ouvriers, la vulnérabilité et la dépendance du pays à l’économie nord-américaine, l’augmentation des prix des terres et la constitution d’oligarchies et enfin la destruction de l’économie paysanne. Ces phénomènes précipitent le pays vers la Révolution, H. Aguilar Camín, L. Meyer, A la sombra de la Revolución, Cal y Arena, 1989.

608 M. Merino, Gobierno local, poder nacional. op.cit. 609

L. J. Garrido, El partido de la Revolución institutionalizada. La formación del nuevo Estado Mexicano (1928- 1945), Mexico, Siglo XXI, 1991, p. 65.

périphérie puis coopte par la suite différents groupes sociaux en distribuant des postes publics610.

Des États fédéraux ont émergé dans les deux pays. Toutefois les provinces argentines ont beaucoup plus de pouvoir que les États fédérés mexicains, même si dans les deux cas, ces entités sont fortement dépendantes du centre. Ces facteurs politiques sont importants pour comprendre les caractéristiques des États mexicain et argentin au XXe siècle et donc les politiques publiques dont ils sont les principaux acteurs. Le tableau suivant synthétise les principales caractéristiques des États, populations et nations au Mexique et en Argentine au début du XXe siècle.

Comparaison des principales caractéristiques des États et sociétés étudiés

Argentine Mexique

Caractéristiques de l’appareil de l’État

Faible, instable, autoritaire, nationaliste surtout pendant la

période péroniste, ouvert sur l’international

Fort, stable, autoritaire, nationaliste et protectionniste

jusque dans les années 1980

Caractéristiques de la population

Très faible population indienne, forte population d’origine européenne (principalement

italienne et espagnole)

Importante population indienne et métisse, peu d’immigration

européenne

Représentation de la nation

Fruit de l’influence espagnole précoloniale et de l’immigration européenne, « creuset de races »

Société métisse héritière des cultures indiennes précolombiennes, « race

cosmique »

Tableau n°5. Élaboration propre.

Une fois l’appareil d’État consolidé, les dirigeants s’attellent à inventer une nation. Dès le XIXe siècle, les questions de l’identité et de la nation sont centrales pour les gouvernements des deux pays. Le même type de débats surgit sur la question de la naissance des nations : avant ou après l’Indépendance ? On s’interroge également sur les moyens de susciter dans des populations hétérogènes et des sociétés inégalitaires, un même sentiment d’appartenance à une nation. Pierre Rosanvallon considère que, pour que l’État « produise de la nation », il doit « agir sur tout ce qui gouverne sensiblement le lien social – l’organisation de l’espace, la

610 Cette pratique est instaurée par P. Díaz et vise à distribuer des postes publics à des représentants des

différents groupes sociaux (Créoles, Métis et Indiens). C. Cárdenas la modifie en créant un système de division corporative intégré par des ouvriers (Confédération des Travailleurs Mexicains (CTM)), des paysans (Confédération Nationale Paysanne (CNC)), des bureaucrates, des militaires et des chefs d’entreprises, qui ont très peu de relations entre eux, mais des liens privilégiés avec l’État. Voir O. Dabène, L’Amérique latine à l’époque contemporaine, op. cit. 99-101.

langue, la mesure des choses, la mémoire – pour instaurer dans l’imagination des hommes le sens d’une appartenance que plus aucune structure sociale ne signifie désormais directement »611. Des symboles et des rites sont choisis afin de représenter matériellement la nation. Ainsi l’instauration de fêtes nationales fait partie du « travail d’institution de la nation par l’État » et permet de rendre « visible l’unité du peuple [et de] mettre en circulation des symboles et des images destinées à construire la réalité »612. Dans les deux pays, la fête nationale correspond au début de l’insurrection pour l’Indépendance613

. Afin de construire la nation, les pouvoirs publics argentin et mexicain ont utilisé la culture pour créer des symboles, des pratiques et des rites qui vont constituer l’identité nationale et susciter un attachement des citoyens à la nation. En imposant l’usage de l’espagnol, l’apprentissage de l’histoire nationale et des rites civiques, l’école a un rôle prépondérant dans ce processus dans les deux pays. Toutefois, en Argentine le rôle de l’armée est également central dans la construction de la nation ainsi que celui des associations civiles. En revanche au Mexique, c’est le rôle de l’État et des intellectuels qui est déterminant614

. Ces acteurs restent centraux pendant le XXe siècle.

Les pouvoirs publics argentin et mexicain ont respectivement affaibli les « affiliations primaires »615 des immigrants européens et des populations indiennes à travers des processus d’acculturation et d’intégration. Le secrétaire à la Culture J. Bárbaro, considère que ces processus expliquent pourquoi il n’y a pas de composante indienne dans l’identité argentine : « Nous, nous n’avons pas une culture indigène comme le Mexique, parce que notre métissage est énorme »616. Toutefois pour lui le processus de construction d’une identité nationale continue, car les identités européennes sont encore très fortes dans la société argentine actuelle :

« Moi, je suis descendant d’Italiens et cela me marque alors même que je ne suis qu’un petit fils [d’Italien] [...]. Certains mangent des pâtes, d’autres des paellas... On

611 P. Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990, p. 110. 612

Ibid.

613 Le Mexique célèbre le jour où le prêtre Dolores Hidalgo a convoqué la lutte armée (le Grito de Dolores) le 16

septembre 1810 alors que l’Argentine fête la destitution du Vice-Roi et la formation du premier gouvernement indépendant (La Primera Junta) le 25 mai de la même année.

614 Même si des écrivains comme Sarmiento, Alberdi, Mitre (et les autres auteurs que T. Halperín Donghi a

compilés dans Proyecto y construcción de una nación (1846-1880)), tout semblerait indiquer qu’une fois la construction de l’État achevée, leur légitimité dans le politique se serait épuisée. Ils ne trouvent plus leur place auprès des militaires, des syndicats ou dans l’administration contrairement à leurs homologues mexicains.

615

E. Gellner, « Le nationalisme en apesanteur », op. cit., p. 4.

garde encore les traditions, mais cela ne permet pas que ça se transforme en une identité syncrétique, en une identité unique »617.

Cette citation permet de voir qu’au contraire du Mexique, la figure du Métis n’est pas mise en avant et que l’identité nationale semble être un agrégat de cultures.

Les pouvoirs publics ont pourtant tenté de créer une identité nationale lors de la construction de la nation. Selon N. García Canclini, la principale différence entre les deux processus de construction de la nation est que le mexicain s’appuie sur l’art visuel alors qu’en Argentine il s’appuie sur la lecture.

« Depuis les codex jusqu’au muralisme, depuis les calaveras de José Guadalupe Posada jusqu’aux peintures et bandes dessinées, depuis les marchés artisanaux jusqu’au public massif des musées, la conservation et la célébration du patrimoine, sa connaissance et son utilisation, tout est essentiellement une opération visuelle »618.

Cela s’explique en partie par les forts taux d’analphabétisme, situation que ne connaît pas l’Argentine qui a réglé ce problème rapidement, où il y a eu très tôt de fort taux de scolarisation et un développement important des journaux. Dans ce cadre l’écrit a revêtu une grande importance et la culture et l’identité se sont diffusées à travers les bibliothèques populaires et autres clubs de lecture.

Le Mexique et l’Argentine consolident un appareil d’État fédéral à peu près en même temps et affrontent des difficultés similaires au moment de construire leurs nations du fait de l’hétérogénéité de leurs populations. Pour susciter l’attachement à la nation dans la population, les gouvernements argentin et mexicain utilisent principalement l’école, mais aussi l’armée en Argentine. Du fait des caractéristiques des populations, ce ne sont pas les mêmes supports qui sont utilisés pour diffuser les caractéristiques de l’identité nationale. Ainsi, si la culture écrite est davantage utilisée en Argentine, peut-on en déduire que l’action culturelle est principalement dirigée vers la littérature et l’industrie éditoriale en Argentine ou que l’action culturelle mexicaine privilégie davantage les arts plastiques et visuels ?

617

Ibid.

618 N. García Canclini, Culturas Híbridas, op. cit, p. 162. Notons que le bureau cinématographique avait pour

but, lors de sa création, de « favoriser le développement de la culture de notre peuple, grâce à la diffusion de films à la fois instructifs et récréatifs », Memoria de la secretaría de Educación pública, 1948, p. 428, cité par R. Plu « Cultures politiques », op. cit. p. 231.

b. Comparaison de l’émergence d’actions culturelles dans les deux pays

Comparer les actions culturelles depuis la construction des États-nations, jusqu’à la veille de la période analysée dans la thèse, permet de comprendre les politiques culturelles contemporaines lorsqu’elles sont resituées dans l’histoire sociopolitique des pays, mais aussi de souligner leurs trajectoires institutionnelles. On confrontera les principaux cadres cognitifs et normatifs des actions culturelles argentine et mexicaine, puis le type et les conditions de création des principales institutions et enfin, le rôle des acteurs publics, associatifs et universitaires menant une action culturelle dans les deux pays.

L’évolution des cadres cognitifs de l’action culturelle des pouvoirs publics

De l’Indépendance au premier tiers du XXe

siècle, l’action publique dans le domaine de la culture se dirige principalement vers la construction d’une identité et d’une culture nationales permettant de consolider la nation. Dans ce cadre, les gouvernements argentin et mexicain mènent principalement des politiques distributives, en fournissant des services, et régulatrices, en faisant adopter normes et lois, puis des politiques institutionnelles constitutives lorsqu’un effort est fait pour coordonner l’action des musées, théâtres et bibliothèques. Ces actions s’inscrivent dans le « type d’action culturelle » de la « culture comme Beaux-Arts » dans lequel les dirigeants cherchent à préserver le patrimoine et les arts où l’on trouve les fondements de la culture nationale dans le passé colonial créole et espagnol. En Argentine, ce paradigme se trouve notamment dans les premiers gouvernements après l’Indépendance et avec Porfirio Díaz au Mexique.

Dans les deux cas étudiés, les gouvernements développent un nationalisme culturel visant à doter leurs pays d’une identité spécifique et distinctive. La culture permet alors de créer les éléments symboliques et tangibles exprimant l’identité, l’argentinité ou la mexicanité. En outre, en Argentine le nationalisme culturel vise à préserver les traditions nationales face au danger que représentent les nombreux immigrants alors qu’il est un moyen d’intégrer les populations indiennes au Mexique. Si pratiquement tous les gouvernements PRIistes avant M. de la Madrid financent les actions culturelles nationalistes, ce n’est pas le cas en Argentine, où ce trait est plutôt marqué pendant le gouvernement de Perón et les dernières dictatures militaires.

Les gouvernements de Perón (1946-55) et de L. Cárdenas (1936-40) mettent l’accent sur la promotion et la diffusion de la culture populaire. Le péronisme soutient le folklore autour du gaucho et les expressions culturelles résultant de l’immigration européenne et de la migration interne (comme le tango et le boléro)619. L. Cárdenas soutient pour sa part les expressions sportives et culturelles émanant de la figure du charro : la charrería620, la musique et la danse ranchera, les groupes de mariachis621 et le jarabe tapatío622. Par ailleurs, ces deux dirigeants soutiennent particulièrement l’industrie du cinéma qui diffuse ces expressions culturelles. Si dans le cas du Mexique, les politiques redistributives dans le secteur du cinéma sont constantes des années 1920 aux années 1990, elles sont particulièrement importantes pendant le mandat d’Echeverría dans les années 1970, surtout pour les productions dont le contenu est en accord avec l’idéologie du régime. En Argentine, le soutien public aux industries culturelles commence réellement avec Perón. Des politiques régulatrices sont mises en œuvre à partir des années 1950 (avec la promulgation d’une loi sur le cinéma) puis redistributives (avec la création d’un fonds de soutien dans le cinéma).

En plus d’être les principaux producteurs de films, le Mexique et l’Argentine sont les principaux exportateurs de livres du continent jusqu’à la fin du franquisme. Alors que l’État