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L’actionnariat salarié : d’une protection des investissements en capital humain à une évolution des modes de gouvernance ?

Synthèse 1. Les objectifs, méthodologies, apports et perspectives des recherches sur les évolutions organisationnelles et influences sur la Gestion des Ressources Humaines de

2.2. L’actionnariat salarié : d’une protection des investissements en capital humain à une évolution des modes de gouvernance ?

Avec un peu moins de 3,5 millions d’actionnaires salariés, représentant ainsi le tiers des actionnaires salariés européens, la France est le pays européen où ce dispositif est le plus répandu, devant le Royaume-Uni (2,4 millions d’actionnaires salariés). Contrairement aux dispositifs d’épargne salariale qui font tous l’objet de définitions très claires, il n’est pas si aisé de cerner précisément ce que recouvre le terme d’actionnariat salarié. C’est l’article L225-102 du Code de Commerce qui permet d’en apprécier les contours6 et de préciser que l’on ne peut parler d’actionnariat salarié que lorsque la détention des actions se fait par le biais d’un support collectif (PEE7, FCPE), et non en cas de détention directe par les salariés par le biais d’un compte titre ou PEA.

Plusieurs dizaines d’études empiriques ont porté sur les effets de l’actionnariat salarié sur les performances de l’entreprise ainsi que sur les attitudes et comportements des salariés (pour une synthèse récente des principaux champs étudiés, voir notamment Kaarsmaker et al., 2010). Nous avons, dans le cadre d’un contrat de recherche [41], réalisé une réévaluation de ces résultats. Nos résultats, issus d’observations recueillies en période de crise économique (2010) mettent notamment en évidence que, pour des entreprises semblables, le fait qu’elles mettent en œuvre ou non un dispositif d’actionnariat salarié n’a d’influence ni sur la productivité des salariés ni sur la performance financière de l’entreprise. Les explications pourraient être similaires à celles avancées par Poulain-Rehm et Lepers (2013), à savoir le fait que la part de capital détenue par les actionnaires salariés est généralement faible et l’évolution vers un mode de management plus participatif rare. Au-delà de nos résultats, la majorité des études plaide en faveur d’un effet positif de l’actionnariat salarié sur les attitudes et comportements des salariés ainsi que sur la performance de l’entreprise, même si ces effets sont souvent très faibles (Kaarsmaker et al., 2010).

6 Sont ainsi considérées comme de l’actionnariat salarié « les actions détenues par le personnel de la société et

par le personnel des sociétés qui lui sont liées au sens de l'article L. 225-180 dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise prévu par les articles L. 443-1 à L. 443-9 du code du travail et par les salariés et anciens salariés dans le cadre des fonds communs de placement d'entreprise régis par le chapitre III de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances. Sont également prises en compte les actions détenues directement par les salariés durant les périodes d'incessibilité prévues aux articles L. 225-194 et L. 225-197, à l'article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations et à l'article L. 442-7 du code du travail ».

7 PEE : Plan d’Epargne Entreprise ; FCPE : Fonds Commun de Placement d’Entreprise ; PEA : Plan d’Epargne en Actions.

Plusieurs explications existent à ces effets de l’actionnariat salarié. La première est à trouver dans le cadre de la théorie de l’agence (Jensen, Meckling, 1976 ; Charreaux, 2000) qui étudie les problèmes générés par la séparation entre les fonctions de décision (déléguées aux dirigeants par les actionnaires) et de mise en œuvre (confiées aux salariés). Cette relation peut devenir conflictuelle dans la mesure où les intérêts des deux parties ne sont pas nécessairement les mêmes. En raison du caractère incomplet des contrats qui empêche de prévoir toutes les situations pouvant survenir et de l’impossibilité pour un coût acceptable de pouvoir contrôler parfaitement le comportement du salarié (Desbrières, 2002), il s’agit de mettre en place des systèmes incitatifs pour encourager les salariés à agir spontanément dans le sens des dirigeants et, au-delà, des actionnaires. Les incitations financières constituent un mécanisme privilégié d’alignement des intérêts. Le fait de faire des salariés des actionnaires de l’entreprise apparaît comme un moyen particulièrement efficace en ce sens. C’est la perspective de gains financiers liés à la participation au capital qui influencerait alors l’attitude et le comportement des salariés, dans une logique de « satisfaction extrinsèque » (Klein, 1987). Même si cela a été rarement testé empiriquement, les perceptions qu’ont les salariés des profits réalisés grâce à l’actionnariat semblent conforter le modèle (notamment French, 1987). Plus récemment, Sengupta et al. (2007) concluent que les meilleures performances des entreprises faisant de l’actionnariat salarié viennent d’un moindre turnover et d’une plus grande productivité qui sont liés directement à l’incitation financière plutôt qu’à une plus grande implication affective. Au-delà des dimensions conflictuelles et opportunistes régulées par le contrôle et les incitations financières, des travaux estiment que la motivation au travail dépend principalement de facteurs intrinsèques et que la rémunération comme levier de management et outil de motivation extrinsèque n’a que des effets limités (Herzberg, 1971 ; Deci, Ryan, 2000). Des effets pervers pour la motivation des salariés et les performances de l’entreprise liés aux mécanismes d’incitation extrinsèques, dont la participation financière en particulier, ont même été mis en évidence (Luchak, 2003 ; Delahaie et Diaye, 2007). Delahaie et Diaye (2007) montrent ainsi les enjeux du Plan d’Epargne en France qui rend « moralement » acceptable le partage du profit. Si l’on étend ces réflexions à l’actionnariat salarié, ce ne serait pas tant l’intéressement financier lié à celui-ci qui serait de nature à améliorer l’implication et les performances des salariés au travail mais le principe même d’ouvrir le capital de l’entreprise au salarié, de lui reconnaître le droit de participer à celui-ci en tant que partie prenante interne directe de l’entreprise, qui serait de nature à renforcer la satisfaction et l’implication. Ceci correspond à la « satisfaction intrinsèque » du modèle de Klein (1987). La dernière dimension du modèle de Klein, la « satisfaction instrumentale »,

relèverait quant à elle du fait que l’actionnariat salarié serait associé à des pratiques favorisant la participation des salariés dans le fonctionnement de l’entreprise, répondant à une attente de leur part.

A travers ces différentes dimensions, l’actionnariat salarié constitue donc dans une logique de financiarisation un moyen d’association des salariés à la performance de l’entreprise beaucoup plus fort que ne l’est l’épargne salariale. Comme le rappelle Blair (1995), cette forme d’association génère un risque important pour les salariés (plus important que ne n’est celui supporté par les actionnaires) en cas de difficultés financières de leur entreprise, au sens où ils pourraient perdre tant leur emploi que leur épargne. Cette question du risque que l’actionnariat salarié fait encourir aux salariés renvoie plus largement à une interrogation de nature éthique quant aux décisions managériales (Mercier, 2014).

Deux champs de recherche nous ont semblé relativement peu explorés en l’état, malgré l’intérêt qu’ils peuvent susciter tant d’un point de vue théorique qu’opérationnel. Le premier, qui émerge depuis peu dans le monde anglo-saxon vise à analyser l’actionnariat salarié en tant qu’outil permettant de développer et de protéger l’investissement des entreprises dans le capital humain de leurs salariés (Robinson, Zhang, 2005 ; Pendleton, Robinson, 2011). Une partie de nos travaux relatifs à l’actionnariat salarié s’inscrit dans ce champ (2.2.1.). Le second champ, qui rejoint la chaîne « Actionnariat – Gouvernance – Gestion des Ressources Humaines » présentée en introduction de cette note, est relatif à l’incidence de l’actionnariat salarié sur la gouvernance des entreprises (2.2.2.), thématique présentée comme étant peu étudiée il y a déjà plus d’une dizaine d’années (Desbrières, 2002).

2.2.1. L’actionnariat salarié : un vecteur de protection de l’investissement en capital humain en cohérence avec d’autres pratiques RH

Deux questions se posent quant au lien présupposé entre l’actionnariat salarié et l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs salariés : la première est celle de la temporalité, rejoignant la question plus large des processus d’adoption de pratiques de Gestion des Ressources Humaines ; la seconde celle des effets complémentaires, indépendants ou substitutifs de l’actionnariat salarié et des pratiques de mobilisation8 en vue de protéger les investissements en capital humain.

8 Nous faisons ici le choix, dans la lignée de Barraud-Didier, Guerrero et Igalens (2003), de traduire le terme de « involvement practices » pour celui de « pratiques de mobilisation » ou « pratiques mobilisatrices ». Cela

Les dépenses de formation comme préalable à l’adoption de l’actionnariat salarié

Une voie de recherche récente en matière d’actionnariat salarié consiste en l’analyse de la complémentarité entre ce mécanisme de participation financière et l’investissement des entreprises en capital humain9 (Robinson, Zhang, 2005). Deux arguments plaident en faveur d’une telle complémentarité. Le premier revient à considérer l’actionnariat salarié comme un mécanisme qui permet de protéger tant l’employeur que les salariés des risques de hold-up liés aux dépenses de formation engagées par les entreprises (Ben-Ner et al., 2000). D’un côté, l’employeur court le risque que les dépenses de formation qu’il a engagées le soient en pure perte si les salariés ne s’investissent pas dans leur formation et ne mettent pas ou peu en pratique dans leur situation de travail les enseignement reçus, sachant qu’un individu est le seul arbitre de l’utilisation ou non de sa propre connaissance (Pfeffer, Salancik, 1978). Dans le pire des cas, les salariés quittent l’entreprise après avoir bénéficié des formations. De l’autre côté, les salariés courent le risque que l’employeur ne les fasse pas bénéficier des conséquences positives des formations (en termes de gains de productivité par exemple) et que ce dernier en soit le seul bénéficiaire, d’autant plus si les compétences acquises présentent un fort degré de spécificité à l’entreprise et n’ont par conséquent que peu de valeur sur le marché du travail. Arriver à une convergence d’intérêts entre employeur et salariés est par conséquent nécessaire pour que les entreprises investissent en capital humain (Ferrary, 2015). Le second argument est plus large et renvoie à l’évolution du capitalisme moderne. Il s’agit de la tendance à long terme selon laquelle le capital humain, intangible, prend une importance croissante dans les entreprises modernes au détriment du capital physique (Rousseau, Shperling, 2003). Il est évidemment plus difficile de gérer les salariés de manière à faire en sorte qu’ils travaillent de la manière la plus efficace possible que ce n’est le cas pour les outils

permet notamment d’éviter de recourir au terme de «participation», plus large et qui recouvre la participation financière dont font partie l’épargne salariale et l’actionnariat salarié.

9 Dans le prolongement des premiers travaux anglo-saxons explorant cette nouvelle manière d’envisager l’actionnariat salarié, nous recourons au concept de capital humain, issus des travaux de G. Becker (1964). Il est possible de se reporter à l’article de Nyberg et Wright (2015) pour une discussion récente de la pertinence de ce concept et de son évolution au fil du temps. Ayant une importance stratégique pour les entreprise (Wright et al., 2014), variable médiatrice de la relation liant les pratiques de Gestion des Ressources Humaines à la performance organisationnelle (Wright, McMahan, 2011), les conditions dans lesquelles il peut être source d’avantage concurrentiel peuvent néanmoins être discutées (Campbell et al., 2012). Initialement appréhendé à un niveau individuel, le capital humain s’envisage progressivement dans le champ de la stratégie à un niveau plus collectif à travers l’idée d’agrégation des connaissances, compétences, capacités et autres caractéristiques individuelles des salariés et de son effet sur la performance organisationnelle (Nyberg et al., 2014). Cette évolution conduit d’ailleurs certains auteurs à proposer d’utiliser non plus le terme de « human capital » mais celui de « human capital resources » (Ployhart et al., 2014).

de production alors même que, selon une perspective fondée sur les ressources, ils peuvent être l’origine d’un avantage concurrentiel (Barney, 1991). Certains considèrent également qu’il peut être difficile de sécuriser cet investissement des salariés dans leur travail dans un contexte où les entreprises ne sont pas toujours en mesure de leur garantir la pérennité de leur emploi. En ce sens, pourquoi les salariés s’engageraient-ils dans le développement de leur capital humain et sa mise en œuvre si l’entreprise n’est pas en mesure de proposer une certaine réciprocité ? Pour Blair (1995), l’actionnariat salarié est un moyen de résoudre ce dilemme en conférant aux salariés une partie des droits de décision résiduels et de la rente organisationnelle (via les mécanismes de gouvernance et les dividendes).

Les quelques rares études existant sur le sujet ont confirmé l’existence d’un lien significatif entre l’actionnariat salarié et l’engagement de l’entreprise en termes de formation (Robinson, Zhang, 2005 ; Pendleton, Robinson, 2011). Deux principales explications liées aux avantages de l’actionnariat salarié peuvent être avancées à cette relation, les deux allant dans le sens de l’établissement d’une relation de long terme entre l’entreprise et ses salariés. La première est la création d’une communauté d’intérêt entre l’employeur et les salariés, laquelle est liée tant aux mécanismes de gouvernance qui peuvent être associés à l’actionnariat salarié (accès à l’information, droit de vote, présence éventuelle d’un représentant des salariés actionnaires au sein du conseil d’administration ou de surveillance), qu’à ses conséquences psychologiques (cf. le modèle de Klein (1987)). L’actionnariat salarié peut également venir renforcer un sentiment de propriété psychologique déjà ressenti par les salariés (Pierce et al., 1991). La seconde est plus simplement un effet de « rétention » des salariés lié aux caractéristiques techniques des plans d’actionnariat salarié. Dans le cas français, les actions acquises dans le cadre d’un dispositif d’attribution d’actions gratuites ne peuvent par exemple pas être cédées par les salariés bénéficiaires avant un délai minimal de quatre ans (deux ans au titre de la période d’acquisition, deux ans au titre de la période de conservation). De la même manière, si l’acquisition de titres dans le cadre d’une augmentation de capital réservée aux salariés se fait par le biais des primes de participation et d’intéressement, un délai de placement minimal de cinq ans est requis pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux et sociaux associés aux dispositifs d’épargne salariale.

Si les études existantes mettent en évidence une complémentarité entre actionnariat salarié et investissements en formation, elles ne disent rien sur la manière selon laquelle cette complémentarité se développe au cours du temps. Dit autrement, la dimension processuelle et chronologique reste absente de ces études, comme cela est fréquemment le cas des recherches en Gestion des Ressources Humaines, alors même que cela revêt un intérêt tant théorique

qu’opérationnel. La prise en compte des apports des théories évolutionnistes peut éclairer la compréhension de l’adoption de pratiques de Gestion des Ressources Humaines (Pil, MacDuffie, 1996). Cette littérature suggère que la plupart des changements vécus par les entreprises prennent une forme incrémentale, alors que les changements radicaux de leur mode de fonctionnement sont peu fréquents (Nelson, Winter, 1982). Les changements relèveraient souvent d’une logique d’essai-erreur, l’expérimentation se trouvant par ailleurs entravée par l’inertie et la réticence à changer les routines organisationnelles. Les entreprises adopteraient alors rarement un ensemble de pratiques de Gestion des Ressources Humaines de manière simultanée, préférant attendre d’évaluer l’efficacité des pratiques déjà adoptées avant de prendre la décision d’en implanter de nouvelles. Au regard de l’ensemble des contraintes que représente l’actionnariat salarié (que ce soit en termes de coût d’implantation, de coût de gestion, d’information et d’explications auprès des salariés, d’incidence sur les mécanismes de gouvernance, etc.), l’adoption de ce dispositif apparaît comme beaucoup plus « révolutionnaire » que ne l’est une augmentation, même significative, des dépenses de formation. Cela suggère que la complémentarité entre actionnariat salarié et investissement en capital humain résulte, d’un point de vue processuel, de l’existence de dépenses de formation élevées qui précèdent l’adoption d’un dispositif d’actionnariat salarié. Nous avons par conséquent tout d’abord testé l’existence d’une telle complémentarité dans le cas français, puis testé si l’adoption d’un dispositif d’actionnariat salarié se fait à la suite d’importants investissements en formation. Ce travail a donné lieu à une communication [18] et un article [3] co-écrit avec le Pr. Andrew Pendleton, l’un des principaux spécialistes de l’actionnariat salarié.

Méthodologie. Les données utilisées dans le cadre de cette recherche sont issues des enquêtes

REPONSE 1998-1999 et 2004-2005, plus précisément du « panel » de l’enquête REPONSE qui est composé des mêmes établissements pour 1998-1999 et 2004-2005. Cela permet donc non seulement d’analyser l’utilisation de l’actionnariat salarié en 1998-1999 et en 2004-2005, mais également d’étudier les situations où des établissements adoptent un dispositif d’actionnariat salarié entre les deux périodes. Une variable permet de savoir si les salariés détiennent des actions de leur entreprise. Au regard des restrictions apportées à l’échantillon et des vérifications faites, cette variable reflète bien l’actionnariat salarié tel que défini par le Code de Commerce. A partir de cette variable pour 1998-1999 et 2004-2005, une nouvelle variable est construite, qui reflète les différentes situations possibles des établissements au regard de l’actionnariat salarié entre les deux dates : 1) absence d’actionnariat salarié à la fois

en 1998-1999 et en 2004-2005 ; 2) présence à la fois en 1998-1999 et 2004-2005 ; 3) adoption du dispositif entre les deux périodes. L’investissement en capital humain est quant à lui appréhendé au travers du montant des dépenses de formations, relativement à la masse salariale. Nous distinguons la situation où les dépenses de formation de l’établissement sont inférieures à la médiane de son secteur d’activité de celle où elles sont supérieures. Ceci permet encore une fois de construire une nouvelle variable reflétant les variations entre les deux périodes considérées. Une autre variable reflétant le capital humain est utilisée, correspondant au temps nécessaire à un nouveau salarié pour qu’il réalise son travail aussi bien qu’un salarié déjà en place. Cela renvoie plus précisément à la dimension spécifique du capital humain. Les autres facteurs susceptibles d’influencer l’adoption de l’actionnariat salarié sont également contrôlés.

Dans un premier temps, des modèles de régression logistique modélisent la probabilité que plusieurs facteurs, y compris le capital humain, soient associés à la présence d’un dispositif d’actionnariat salarié en 2004-2005. La deuxième étape analyse les effets retardés des dépenses de formation de 1998-1999 sur l’utilisation de l’actionnariat salarié en 2004-2005. La troisième et dernière étape revient à estimer les effets des variations de dépenses de formation sur l’adoption de l’actionnariat salarié entre 1998-1999 et 2004-2005. Pour cette dernière étape nous avons recours à un échantillon réduit aux établissements qui ne disposaient pas d’actionnariat salarié en 1998-1999, de manière à utiliser des modèles d’adoption (Kruse, 1996). Le délai de six ans entre les deux périodes prises en compte dans les analyses peut être discutable. Au-delà des contraintes évidentes liées aux dates de réalisation des enquêtes REPONSE et en l’absence d’éléments théoriques clairs pouvant guider les choix, cette durée est similaire à celle prise en compte dans la seule autre étude (à notre connaissance) qui considère l’introduction de pratiques de mobilisation des salariés (Pil, MacDuffie, 1996).

Les principaux résultats mettent en évidence un lien entre l’investissement en capital humain et la présence d’actionnariat salarié, et plus précisément le fait que les entreprises n’adoptent pas un dispositif d’actionnariat salarié en même temps qu’elles augmentent leurs dépenses de formation. Il faut bien plus que les dépenses de formation soient importantes (supérieures à la médiane du secteur) et continues (c’est-à-dire sur les deux périodes considérées) pour qu’il y ait adoption d’un dispositif d’actionnariat salarié entre les deux périodes considérées. Ce résultat est cohérent avec une étude récente portant sur le partage des profits de Fang et Long (2012), qui intègre la dimension temporelle et suggère que les établissements qui investissent

en capital humain utilisent les dispositifs de partage des profits pour partager avec les salariés les rentes issues de ces investissements.

Malgré ses limites (principalement le fait que les données ne permettent de prendre en compte ni le pourcentage de capital détenu par les salariés ni le pourcentage de salariés effectivement actionnaires de l’entreprise), cette étude contribue de manière significative au champ de recherche qui porte sur l’actionnariat salarié. En effet, en mettant en évidence la dimension séquentielle de la relation qui lie les dépenses de formation et l’actionnariat salarié et ainsi une certaine forme de causalité, cette recherche aide à mieux comprendre cette forme