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Action d’Hurwitz sur les factorisations primitives et conjugaison forte dans ncp W 33

dans ncpW 33

D’autre part, l’ordre 4 est invariant par conjugaison, donc si c = aca1, alors ncpW(c) =

ancpW(c)a1. Ainsi, la structure dencpW(c)ne dépend pas du choix de l’élément de Coxeter

c; on notera souvent simplement ncpW.

DansncpW, la longueur correspond toujours à la codimension de l’espace des points fixes :

Proposition 1.8. Soit w∈ncpW. Alors :

ℓ(w) = codim Ker(w−1).

Remarque 1.9. Cela revient à dire que pour les éléments dencpW, la longueur relativement àRest la même que la longueur relativement à l’ensemble de toutes les réflexions du groupe unitaire U(V). Dans le cas des groupes réels, cette propriété est vraie pour tout élément de

W (cf. [Car72, Lemme 2.8], ou [BW02a, Prop. 2.2]).

Démonstration : On a toujours ℓ(w) ≥ codim Ker(w−1). En effet, si w = r1. . . rk alors

Ker(w−1)⊇T

iKer(ri−1). Donc pour conclure il suffit de montrer queℓ(c) =n(considérer

w et w1c). L’inégalité ℓ(c) ≥ n est évidente car Ker(c−1) = {0} d’après la théorie de Springer. On conclut en notant qu’on peut construire géométriquement des factorisations de

cen nréflexions ([Bes07a, Lemme 7.2] ou partie 1.4 de cet article). 1.1.3 Théorème de Brady-Watt

Une conséquence de la proposition 1.8 est que l’ordre 4dans ncpW est la restriction de l’ordre partiel surU(V) étudié par Brady et Watt dans [BW02b] : u 4 v si et seulement si

Im(u−1)⊕Im(u1v−1) = Im(v). On en déduit en particulier :

Proposition 1.10. Soitw∈ncpW. Si (r1, . . . , rp) est une décomposition réduite de w, alors

Ker(w−1) = Ker(r1−1)∩ · · · ∩Ker(rk−1).

Les résultats de [BW02b] sont donnés dans le cadre deO(V)pourV espace euclidien, mais restent valables sans modifications dans U(V) avec V hermitien complexe. On pourra donc appliquer le théorème suivant :

Théorème 1.11 (Brady-Watt). Pour tout g∈U(V), l’application

({f ∈U(V) |f 4g}, 4) → ({s.e.v.de V contenant Ker(g−1)}, ⊇)

f 7→ Ker(f −1)

est un isomorphisme d’ensembles partiellement ordonnés.

Par conséquent, l’applicationw7→Ker(w−1)est injective surncpW.

1.2 Action d’Hurwitz sur les factorisations primitives et

conju-gaison forte dans ncp

W

Soit p∈ {1, . . . , n}. Le groupe de tresses classique Bp agit par action d’Hurwitz sur l’en-semblefactp(c)des factorisations enpblocs dec, selon la définition 1.2. Dans le cas oùp=n, l’action de Bn est transitive sur factn(c) = Red(c). Ce n’est pas vrai dans le cas général, puisque des invariants évidents apparaissent :

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Chapitre 1. Orbites d’Hurwitz des factorisations primitives d’un élément de Coxeter

– la partition de nassociée au p-uplet des longueurs des facteurs ;

– le multi-ensemble des classes de conjugaison des facteurs (car l’action d’Hurwitz conjugue les facteurs).

Plus précisément, l’action d’Hurwitz conjugue les facteurs par d’autres facteurs « dont les longueurs s’ajoutent ». Cela motive l’introduction d’une notion plus forte de conjugaison.

Définition 1.12. Pour w, w ∈ ncpW(c), on définit la relation « w et w sont fortement conjugués dans ncpW(c) » (notée w ∼c w) comme la clôture transitive et symétrique de la relation suivante :

w∼1 w s’il existex∈W tel quexw=wx, avec xw∈ncpW(c) etℓ(xw) =ℓ(x) +ℓ(w).

Remarque 1.13. Bien sûr la relation∼1 reflète l’incidence, sur un facteur, de l’action d’Hur-witz d’une tresse élémentaire σi sur une factorisation de c. Par transitivité, si une tresse β

transforme une factorisation ξ en une factorisation ξ, et envoie le numéro d’un facteur w de

ξ sur celui d’un facteur w deξ, alors w etw sont fortement conjugués.

On voit facilement qu’on obtient la même relation d’équivalence si on impose que les conjugateurs x de la définition soient toujours des réflexions de ncpW. En effet, si w et

w sont tels que w ∼1 w, notons x un élément de W tel que xw = wx ∈ ncpW, avec

ℓ(xw) =ℓ(x) +ℓ(w). Si l’on décompose xen produit minimal de réflexions (x=r1. . . rk), et si l’on noteuref∼v la relation «u est élémentairement conjugué à v par une réflexion », alors on a :wref∼ rkwrk1ref∼rk1rkwrk1rk11 ref∼ . . .ref∼xwx1 =w. Cette remarque permet de faire le lien avec les orbites d’Hurwitz defactorisations primitives dec, où tous les facteurs sauf un sont des réflexions (cf. définition 1.3).

Proposition 1.14. Soient u, v∈ncpW, de longueurs strictement supérieures à 1. Alors les propriétés suivantes sont équivalentes :

(i) u etv sont fortement conjugués dansncpW;

(ii) il existeξ = (u, r2, . . . , rk) etξ= (v, r2, . . . , rk)deux factorisations primitives de c, avec u (resp. v) facteur long de ξ (resp. ξ), telles que ξ et ξ soient dans la même orbite d’Hurwitz sous Bk.

Remarque 1.15. Dans le cas des réflexions, on a une proposition similaire, mais il faut s’assurer que la (permutation associée à la) tresse qui transformeξ en ξ envoie le numéro de la position deu sur celui de la position de v.

Démonstration : (ii) ⇒ (i) est clair par définition, puisque, étant donnée l’invariance de la longueur par conjugaison,vest nécessairement obtenu à partir deu par forte conjugaison (cf. remarque 1.13). Pour le sens direct, montrons d’abord (ii) lorsqueuetvsont tels queur=rv4 c, avecr ∈ Retℓ(ur) =ℓ(u) + 1. Il suffit dans ce cas de prendre une factorisation quelconque dec qui commence par(u, r), et de faire agir la tresseσ2

1. On conclut par transitivité. Ainsi le théorème 1.4 se déduit du théorème suivant, qui donne également des propriétés supplémentaires de l’action d’Hurwitz sur Red(c):

Théorème 1.16. Soit u, v∈ncpW. Alors u et v sont fortement conjugués dans ncpW si et seulement siu etv sont conjugués dans W.

1.3. Le morphisme de Lyashko-Looijenga 35

On aura ainsi déterminé les orbites d’Hurwitz de factorisations primitives. Toutefois, cela ne suffit pas pour comprendre complètement l’action d’Hurwitz sur les factorisations de forme quelconque. En effet, pour toute factorisation, le multi-ensemble des classes de conjugaison forte des facteurs est naturellement invariant par l’action d’Hurwitz. Cependant, pour les factorisations non primitives, la condition n’est en général pas suffisante pour que deux fac-torisations soient dans la même orbite. Par exemple, dans le cas où p= 2, l’orbite d’Hurwitz de(u1, u2)∈fact2(c) est{(uc1k, uc2k),(uc2k+1, uc1k), k∈Z}(où la notation uv désigne le conju-gué v1uv). Donc dans le type A, cela revient à agir par rotation sur le diagramme des partitions non-croisées. On peut ainsi facilement trouver un contre-exemple dansS6. Posons

u1 = (2 3)(1 5 6), u2 = (1 3 4), et v1 = (3 4)(1 5 6), v2 = (1 2 4) : alors les factorisations

(u1, u2) et(v1, v2) de fact2((1 2 3 4 5 6))ne sont pas dans la même orbite d’Hurwitz sous

B2, alors que u1 etv1, resp. u2 etv2, sont conjugués. Le problème vient du fait que lorsqu’on fait agirBp par action d’Hurwitz, les conjugateurs qui s’appliquent ne sont pas quelconques, mais doivent être des éléments qui sont aussi des facteurs (en particulier pas nécessairement des réflexions).

Désormais on supposera toujours que W est irréductible (et bien engendré). Si W n’est pas irréductible, le théorème 1.16 pourW se déduit du cas irréductible : on vérifie aisément qu’il suffit d’appliquer le résultat à chacune des composantes irréductibles deW.

1.3 Le morphisme de Lyashko-Looijenga

Dans cette partie on rappelle la construction du morphisme de Lyashko-Looijenga de [Bes07a, Part. 5], et on fixe des notations et conventions concernant l’espace de configuration denpoints.

Le morphisme de Lyashko-Looijenga a été introduit par Lyashko en 1973 (selon Arnold [Arn74]) et indépendamment par Looijenga dans [Loo74] : voir [LZ04, Chap.5.1] et [LZ99] pour un historique détaillé. Bessis, dans [Bes07a], a généralisé la définition de LL à tous les groupes de réflexions complexes bien engendrés, le cas initial correspondant aux groupes de Weyl.

1.3.1 Discriminant d’un groupe bien engendré

Soit W ⊆ GL(V) un groupe de réflexions complexe bien engendré, irréductible. Fixons une base v1, . . . , vn de V, et f1, . . . , fn dansS(V) = C[v1, . . . , vn] un système d’invariants fondamentaux, polynômes homogènes de degrés uniquement déterminés d1 ≤ · · · ≤ dn =

h, tels que C[v1, . . . , vn]W = C[f1, . . . , fn] (théorème de Shephard-Todd-Chevalley). On a l’isomorphisme

W\V → Cn

¯

v 7→ (f1(v), . . . , fn(v)).

Notons A l’ensemble des hyperplans de réflexions de W. L’équation de S

H∈AH peut s’écrire comme un polynôme invariant, noté ∆, le discriminant de W :

∆ = Y H∈A

αeH

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Chapitre 1. Orbites d’Hurwitz des factorisations primitives d’un élément de Coxeter

oùαH est une forme linéaire de noyauHeteH est l’ordre du sous-groupe parabolique cyclique

WH.

LorsqueW est bien engendré, il existe un système d’invariantsf1, . . . , fntel que le discri-minant∆de W s’écrive :

∆ =fnn+a2fnn2+· · ·+an,

où les ai sont des polynômes en f1, . . . , fn1 [Bes07a, Thm. 2.4]. La propriété fondamentale est que∆est un polynôme monique de degrénenfn (le coefficient defn−1

n est rendu nul par simple translation de la variablefn).

On note : H:={¯v∈W\V |∆(¯v) = 0}=p [ H∈A H ! ,

où p est le morphisme quotient V։ W\V. Désormais, lorsqu’on se placera dans l’espace quotient, on considèrera(f1, . . . , fn) comme les coefficients des points de W\V ≃Cn.

Le morphisme de Lyashko-LooijengaLL, que l’on définira précisément en partie 1.3.3, per-met d’étudier l’hypersurfaceHà travers les fibres de la projection(f1, . . . , fn)7→(f1, . . . , fn1). Ensemblistement,LLassocie à(f1, . . . , fn−1)le multi-ensemble des racines de∆(f1, . . . , fn)vu comme polynôme en fn. Dans la partie suivante on fixe les notations et définitions concernant l’espace d’arrivée de LL.

1.3.2 L’espace des configurations de n points

On noteEn l’ensemble des configurations centrées denpoints, avec multiplicités, i.e. En:=H0/Sn

oùH0 est l’hyperplan de Cnd’équationP

xi= 0.

Considérons le morphisme quotient f :H0 →En. C’est un morphisme fini (donc fermé), correspondant à l’inclusion C[e1, . . . , en]/(e1)֒→C[x1, . . . , xn]/(P

xi), oùe1, . . . , endésignent les fonctions symétriques élémentaires en les xi. L’espace En est une variété algébrique, son anneau des fonctions régulières sera notéC[e2, . . . , en].

On peut stratifier naturellement En par les partitions de l’entier n. Pour λ⊢ n, on note

Eλ0l’ensemble des configurations X∈Endont les multiplicités sont distribuées selonλ. Ainsi,

Enest l’union disjointe des E0

λ.

Une partie Eλ0 n’est pas fermée ; des points peuvent fusionner et on obtiendra une confi-guration correspondant à une partition moins fine :

Définition 1.17. Soient λ, µdeux partitions de n. On note µ≤λla relation « µ est moins fine queλ», i.e. µest obtenue à partir de λaprès un ou plusieurs regroupements de parts.

On pose Eλ :=F µ≤λE0

µ (le symbole Fdésigne une union disjointe).

Ainsi, pourε:= 1n⊢n,Eεest l’espaceEnentier, etEε0 est l’ensemble des points réguliers de En, que l’on notera Enreg. On a Enreg = H0reg/Sn, où H0reg = {(x1, . . . , xn) ∈ H0 | ∀i 6=

j, xi 6=xj}. Pour α:= 211n2⊢n, on aEα=En−Enreg.

Pour la topologie classique, comme pour la topologie de Zariski, Eλ est un fermé qui est l’adhérence de Eλ0.

1.3. Le morphisme de Lyashko-Looijenga 37

Fixons une configuration de référence X dans Enreg, par exemple sur la droite réelle. On note Bn:=π1(Enreg, X) le groupe de tresses ànbrins. On a la présentation classique :

Bn≃ hσ1, . . . ,σn−1iσi+1σii+1σiσi+1,σiσjjσipour |i−j|>1i,

où par convention σiest représenté par le chemin suivant dans le plan complexe :

• • • • • • • xi xi+1 x1 xn / / o o

Tout chemin dansEnreg peut être vu comme un élément du groupe de tressesBn. Précisons la construction, qui sera importante par la suite. On définit l’ordre lexicographique sur C :

z≤lexz ⇔ [re(z)≤re(z)] et [re(z) = re(z) ⇒ im(z)≤im(z)].

Soit X une configuration quelconque de Enreg, et posons Xe = (x1, . . . , xn) son support ordonné pour≤lex. Considérons un chemint7→(x1(t), . . . , xn(t))dansH0reg de Xe versXf (le support ordonné deX), tel que pour toutt,x1(t)≤lex. . .≤lexxn(t). Il détermine une unique classe d’homotopie de chemin deX versX, que l’on note γX. SiX, X ∈Enreg, on fixe ainsi une bijection entre le groupeπ1(Enreg, X) et l’ensemble des classes d’homotopie de chemin de

X versX par : τ 7→γX·τ·γX1.

Via ces conventions, on pourra désormais considérer tout chemin dans Enreg comme un élément de Bn. De la même façon, siλest une partition den, on peut associer à tout chemin deEλ0 un élément de Br, oùr= #λest le nombre de parts deλ: on considère simplement le mouvement du support de la configuration. On utilisera ces conventions dans la proposition 1.26 et le lemme 1.30.

1.3.3 Définitions et propriétés du morphisme LL

On poseY := SpecC[f1, . . . , fn1]≃Cn−1. D’autre part,En= SpecC[e2, . . . , en]. Rappe-lons que a2, . . . , an, éléments de C[f1, . . . , fn−1], désignent les coefficients du discriminant ∆

en tant que polynôme enfn.

Définition 1.18 ([Bes07a, Def.5.1]). Le morphisme de Lyashko-Looijenga (généralisé) est le morphisme deY dansEn défini algébriquement par :

C[e2, . . . , en] → C[f1, . . . , fn1]

ei 7→ (−1)iai

Ensemblistement, LL envoie y = (f1, . . . , fn−1) ∈ Y sur le multi-ensemble (élément de

En) des racines du polynôme ∆ = fnn+a2(y)fnn2+· · ·+an(y), i.e. les intersections, avec multiplicité, de H avec la droite Ly := {(y, fn) |fn ∈ C}. On peut voir aussi LL comme le morphisme algébrique qui envoiey∈Y sur(a2, . . . , an): il est alors quasi-homogène pour les poids :degfi =di,degai=ih.

On pose K := {y ∈ Y | Disc(∆(y, fn);fn) = 0}, appelé lieu de bifurcation de ∆. C’est le lieu où ∆ a des racines multiples en tant que polynôme en fn. Ainsi K = LL1(Eα) et

Y − K = LL1(Enreg), avec les notations de la partie 1.3.2. Les propriétés fondamentales de

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Chapitre 1. Orbites d’Hurwitz des factorisations primitives d’un élément de Coxeter

Théorème 1.19 ([Bes07a, Thm. 5.3]). Les polynômes a2, . . . , an∈C[f1, . . . , fn−1] sont algé-briquement indépendants, et C[f1, . . . , fn1] est unC[a2, . . . , an]-module libre gradué de rang

n!hn

|W|. Par conséquent, LL est un morphisme fini. De plus, sa restriction Y − K։Enreg est un revêtement non ramifié de degré n!hn

|W|.

La dernière propriété permet de définir, pour chaquey∈Y − K, une action de Galois (ou action de monodromie) deπ1(Enreg,LL(y))sur la fibre deLL(y). D’après les conventions de la partie 1.3.2, cela détermine une action du groupe de tressesBnsur l’espaceY− K : les orbites sont exactement les fibres deLL (carY − Kest connexe par arcs). Pourβ ∈Bn, on notey·β

l’image de y par l’action de β.

Dans la partie suivante, on va construire pour chaque y ∈ Y une factorisation de c; on verra plus loin que l’action d’Hurwitz sur les factorisations (définition 1.2) est compatible avec l’action de Galois définie ici.

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