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1 L’ATHEROSCLEROSE : GENERALITES

1.7 Mécanismes de l’apoptose et son rôle dans l’athérosclérose

1.7.2 Les différents acteurs de l’apoptose

Deux voies majeures d’induction de l’apoptose ont été décrites, la voie des récepteurs de mort (récepteurs à death domain) ainsi que la voie mitochondriale (Hengartner 2000).

La voie mitochondriale d’apoptose répond à des signaux intrinsèques comme l’atteinte de l’ADN de la cellule à la suite d’une irradiation aux UV et γ, un stress oxydatif ou une déplétion en facteurs de croissance.

La voie des récepteurs à death domain, de la famille des récepteurs du TNF (tumor necrosis factor) est activée par des signaux extrinsèques comme la liaison des ligands, TNFα, FasL, TRAIL-R (TNF Related Apoptosis Ligand-R), DR6 (Death Receptor 6) avec leur récepteur respectif (TNFR, Fas).

Ces deux voies majeures permettent l’activation des protéines essentielles au déroulement de l’apoptose, les caspases.

1.7.2.1 Les caspases

Un évènement clé dans le déclenchement de l’apoptose est l’activation d’un ensemble de protéases appelées caspases. Les caspases appartiennent à la famille des cystéines protéases, enzymes catalysant de manière spécifique le clivage de résidus aspartate en C-terminal.

Les caspases sont exprimées sous forme de précurseurs inactifs, zymogène ou procaspases, constitués de trois parties : un prodomaine à l’extrémité N-terminale, suivi d’une grande sous-unité p20 et d’une petite sous-unité p10. L’activation des caspases nécessite un clivage entre les deux unités et l’élimination du prodomaine suivis de l’assemblage des sous-unités en hétérodimère. Deux hétérodimères vont ensuite s’associer pour former la caspase active qui possède deux sites actifs fonctionnant indépendamment l’un de l’autre (Figure 9).

35 Figure 9 : Exemple d’une voie d’activation des caspases : l’activation par clivage.

(D’après Ribe EM, Biochem J. 2008 Oct 15;415(2):165-82)

Figure 10 : Les différents groupes de caspases (D’après Ribe EM, Biochem J. 2008 Oct 15;415(2):165-82)

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Les caspases peuvent être subdivisées en trois grands groupes selon leur site spécifique de reconnaissance du substrat, selon leur structure ou selon leur fonction biologique (Figure10). Le premier groupe comprend les caspases -1,-4 -5 -11 -12 et -14 qui contrôlent les réponses inflammatoires et ne jouent pas de rôle important dans l’apoptose.

Les deux autres groupes sont constitués des caspases impliquées dans l’apoptose, avec d’une part les caspases initiatrices et d’autre part les caspases effectrices. Les caspases initiatrices regroupent les caspases activées suite à des signaux extra- ou intracellulaires (-2,-8,-9,-10). Elles possèdent généralement un long prodomaine contenant un des deux motifs caractéristiques : DED ou CARD. Par l’intermédiaire de ces domaines, elles sont recrutées au niveau de complexes protéiques de signalisation puis auto-activées. Une fois activées, les caspases initiatrices vont à leur tour activer les caspases effectrices -3,-6 et -7. Ces dernières sont caractérisées par un prodomaine de petite taille et clivent un certain nombre de substrats dans la cellule.

Les caspases initiatrices jouent un rôle dans l’amplification du signal d’apoptose en clivant et en activant d’autres caspases initiatrices, qui à leur tour cliveront et activeront les caspases exécutrices. L’activation des caspases initiatrices peut aussi résulter d’une association avec des molécules adaptatrices comme Apaf-1 ou FADD formant ainsi des complexes multiprotéiques appelés Apoptosome ou DISC. La formation de ces complexes active les caspases initiatrices qui vont alors activer les caspases effectrices.

Environ une centaine de substrats des caspases effectrices a été identifiée, de nature très variée. Ces molécules cibles sont responsables des changements morphologiques observés lors de l’apoptose :

• Protéines impliquées dans l’assemblage du cytosquelette avec les membranes cellulaires comme la gelsoline ainsi que des protéines structurales de la membrane nucléaire et de la chromatine comme la lamine.

• Protéines de fragmentation de l’ADN, la CAD (caspase-activated DNAse ou DFF40 pour DNA fragmentation factor).

• Protéines impliquées dans le maintien du pool cellulaire d’ATP, quantité nécessaire pour le processus apoptotique.

37 1.7.2.2 Deux voies majeures d’apoptose dans les cellules de mammifères • La voie extrinsèque : engagement des récepteurs de mort

L’apoptose est ici déclenchée par des signaux provenant de l’environnement de la cellule. Certains des récepteurs de mort ont la particularité de posséder dans leur portion intracellulaire une région conservée appelée le « domaine de mort » (DD, death domain), un motif protéique nécessaire à la transmission du signal de mort par ces récepteurs. L’oligomérisation du récepteur de mort suite à la liaison de son ligand induit le recrutement à la membrane de protéine adaptatrice comme FADD, une protéine cytoplasmique ubiquitaire qui contient un domaine de mort. FADD contient également un domaine effecteur de mort (DED), grâce auquel il attire la pro-caspase 8. Le complexe multiprotéique formé à la membrane par Fas, FADD et la caspase 8, a été appelé le DISC (complexe de signalisation d'induction de la mort cellulaire). Ce complexe permet l’activation de la caspase 8 qui va à son tour activer des caspases effectrices telles que les caspases -3, -6 et -7 (Figure 11).

• La voie intrinsèque : engagement de la mitochondrie

Cette voie est activée en réponse à des signaux intracellulaires ou par la dérégulation de la transduction de signaux contrôlant la prolifération cellulaire. Dans une cellule engagée dans un processus de mort cellulaire, on observe une perméabilisation des membranes mitochondriales qui induit une chute du potentiel transmembranaire mitochondrial. Cette perméabilisation est régulée par une famille de protéines, la famille Bcl2, et permet la libération de protéines pro-apoptotiques de l’espace intermembranaire vers le cytosol. Une de ces protéines, le cytochrome c interagit dans le cytosol avec la protéine Apaf-1 et la forme zymogène de la caspase 9, formant ainsi, en présence d’ATP, un complexe multiprotéique appelé apoptosome à l’origine du clivage et donc de l’activation de la pro-caspase 9. Cette dernière activera à son tour d’autres pro-caspases effectrices comme les caspases 3 ou 7 (Tait and Green 2010). D’autres protéines sont libérées par la mitochondrie, elles sont regroupées sous le nom générique de SIMP (soluble inter-membrane mitochondrial proteins) et possèdent toutes une activité pro-apoptotique. La protéine Smac/DIABLO, quant à elle, se lie aux protéines inhibitrices de l’apoptose (IAP) et les inactivent (Figure11). Les deux voies d’activation sont liées par la formation de tBid, un fragment de la molécule Bid engendré à la suite du clivage par la caspase 8.

38 1.7.2.3 Les protéines de la famille Bcl-2

Les membres de la famille Bcl-2 (B cell leukemia/lymphoma 2) régulent la perméabilisation de la membrane externe mitochondriale, un élément clé dans la voie mitochondriale de l’apoptose.

Au vu de leur fonction intracellulaire, les protéines de la famille Bcl-2 peuvent être divisées en deux sous-groupes aux rôles opposés : les protéines anti- et les protéines pro-apoptotiques (Tait and Green 2010)(Figure 12).

La quantité relative de ces deux sous-ensembles déterminera la susceptibilité de la cellule à entrer en apoptose. Un déséquilibre de ces protéines peut induire une accumulation ou une perte cellulaire conduisant à des pathologies telles que le cancer, les maladies auto-immunes, une immunodéficience, l’infertilité et des pathologies neurodégénératives.

Ces protéines possèdent dans leur séquence protéique quatre domaines appelés domaines BH (Bcl-2 homology) 1 à 4. Les molécules anti-apoptotiques comme Bcl-2, Bcl-W, Bcl-XL, Mcl-1, Bcl-2 A1 possèdent les quatre domaines BHMcl-1, BH2, BH3, BH4.

Les facteurs pro-apoptotiques de cette famille sont divisés en deux sous-groupes :

Le premier groupe contient des protéines avec les domaines BH1, BH2 et BH3 dont Bak et Bax tandis que le deuxième groupe contient des protéines avec un seul domaine BH3 comme Bad, Bim, Bid). Ces protéines sont surnommées « BH3 only ».

Les molécules anti-apoptotiques préservent l’intégrité de la membrane externe mitochondriale par interaction directe avec les molécules pro-apoptotiques responsables de la perméabilisation de la membrane et donc de l’apoptose.

En condition d’apoptose, les protéines Bak et Bax sont les effecteurs de la perméabilisation membranaire. Bak et Bax sont activés par les protéines à domaine BH3 comme (BID et BIM). Une fois activés, Bak et Bax forment à la surface de la membrane un pore protéo-lipidique, d’une largeur suffisamment grande pour laisser passer la majorité des protéines solubles de l’espace inter-membranaire vers le cytosol comme le cytochrome c essentiel pour la formation de l'apoptosome et pour l'activation des caspases (Lama and Sankararamakrishnan 2008; Akl, Vervloessem et al. 2014; Czabotar, Lessene et al. 2014).

39 Figure 11 : Deux voies majeures d’apoptose : la voie des récepteurs de mort et la voie mitochondriale

(Adapté de Tait SW et al, Nat Rev Mol Cell Biol. 2010 Sep;11(9):621-32)

Figure 12 : Membres de la famille Bcl-2

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Bak et Bax sont également impliqués dans l’initiation de l’apoptose au niveau du réticulum endoplasmique où ils induisent la libération d’ions calcium permettant l’activation des caspases (Zong, Li et al. 2003).

Les études sur des modèles de souris transgéniques ont permis de clarifier la fonction de ces membres de la famille Bcl-2, à la fois dans des conditions physiologiques et pathologiques. La fonction pro-apoptotique de Bcl-2 a été découverte dans les années 1980 et 1990 à partir de lymphome folliculaire humain. Dans différents types cellulaires, comme les LT et les LB, il a été montré que la surexpression des molécules anti-apoptotiques de la famille de Bcl2 permet une résistance à divers stimuli apoptotiques (McDonnell, Deane et al. 1989; Strasser, Harris et al. 1991).

Plus récemment, plusieurs équipes ont observé le rôle de la molécule anti-apoptotique Mcl-1 dans la survie des cellules hématopoïétiques et notamment le développement et la maintenance des LT, des LB et des plasmocytes (Opferman, Iwasaki et al. 2005; Vikstrom, Carotta et al. 2010; Peperzak, Vikstrom et al. 2013). Par ailleurs, une déficience en Bcl-XL conduit à une mort par apoptose massive des précurseurs hématopoïétiques (Motoyama, Wang et al. 1995).

A l’inverse, une déficience en molécules pro-apoptotiques induit un excès de cellules myéloïdes et lymphoïdes démontrant un rôle important de l’apoptose dans l’homéostasie des cellules hématopoïétiques (Fischer, Bouillet et al. 2007).