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1. LE RÔLE DU TERRITOIRE DANS LES DYNAMIQUES D’ENTREPRISES DE

1.3 F ACTEURS INFLUENÇANT LES RAPPORTS ENTRE ENTREPRISE ET TERRITOIRE : QUATRE

Pour terminer le positionnement théorique de la recherche, nous avons dégagé quatre grands ensembles de facteurs déterminant les rapports entreprise / territoire et qui structurent notre cadre d’analyse. Trois sont inspirés de la littérature évoquée précédemment (point 1.1), axés sur des aspects touchant la production. Il s’agit de : 1) l’entrepreneur comme producteur; 2) les ressources et les activités productives et 3) l’environnement institutionnel. Le quatrième et dernier axe de facteurs est issu du cinquième postulat et ne concerne pas directement la sphère de la production. Il regroupe des facteurs touchant le milieu de vie de l’entrepreneur. Les variables d’analyse attachées à chacun de ces axes sont détaillées dans ce point.

1.3.1 L’entrepreneur

La première catégorie d’analyse regroupe toutes les variables en lien avec le dirigeant d’entreprise. Autant son parcours professionnel que son parcours personnel liés aux activités de l’entreprise y sont considérés. Pensons aux formations, compétences et expériences d’emplois antérieures comme à sa trajectoire résidentielle, depuis son lieu de naissance et ses origines

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familiales jusqu’à sa localisation actuelle. Enfin, les motivations et intérêts plus personnels sont d’autres dimensions associées à cette catégorie d’analyse, comme la volonté de valoriser une compétence personnelle, de créer de l’emploi pour lui-même ou d’autres personnes, de concrétiser un projet de vie en lien avec le territoire ou le désir d’une forme d’autonomie.

1.3.2 Les ressources et les activités productives

La deuxième catégorie de facteurs considérés pour l’analyse rassemble variables directement associées aux activités de production. Elles peuvent être regroupées en quatre sous-catégories. Il y a d’abord celles touchant la ressource principale qui est transformée, y compris : les motivations sous-jacentes à sa valorisation pour créer un débouché et apporter une valeur ajoutée à cette ressource ou éviter les pertes, de même que sa disponibilité et son accessibilité pour l’approvisionnement, les facteurs déterminant la qualité de la ressource comme ceux liés au site de production. Certaines variables sont quant à elles liées aux réalités de l’entreprise touchant ses marchés et ses clientèles : proximité / éloignement, visibilité de l’entreprise et de ses produits, image du lieu affectant positivement ou négativement celles des produits, défi de faire connaître la ressource auprès de la clientèle, etc. Toujours sur la question du marché, mais cette fois sous l’angle des concurrents, les variables font alors référence à la présence plus ou moins marquée des concurrents, au défi de positionnement de l’entreprise sur des marchés où des stratégies sont prises pour se distinguer ou au contraire pour s’aligner sur le modèle concurrent. Enfin, une dernière sous-catégorie de variables associées à ce deuxième axe d’analyse fait référence aux ressources humaines (autres que le dirigeant interrogé), autant les personnes employées par l’entreprise que celles impliquées de façon contractuelle et plus ponctuellement sur des tâches spécifiques de l’activité de production. Il s’agit alors entre autres de questions relatives à la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, à la proximité des fournisseurs, à la présence de lieux d’expertise ou aux relations développées avec des partenaires.

1.3.3 L’environnement institutionnel 

La troisième catégorie regroupe des variables en lien avec l’environnement institutionnel dans lequel évolue l’entreprise. Elle fait écho aux facteurs considérés comme déterminants dans la littérature sur les systèmes productifs et qui touchent les aspects relationnels entre les agents économiques et les institutions (coopération, compétition, coordination) et qui prennent place dans un système plus ou moins stable de règles formelles et informelles. Certains acteurs peuvent être situés à l’échelle locale ou extra-locale (régionale, provinciale, nationale, internationale). Pour les fins de cette étude, nous ne considérons cependant que les aspects formalisés de ces relations, et qui sont transposés dans des règles et des institutions10. Nous estimons ces dernières comme une forme d’engagement d’acteurs à l’endroit des entreprises, sur le moyen et le long terme, que ce soit dans le sens de soutien et d’accompagnement ou d’encadrement et de contrôle du travail des entreprises. De même, nous nous centrons principalement (quoique non exclusivement) sur les institutions territorialisées, soit celles dans lesquelles des acteurs locaux et régionaux peuvent intervenir et influencer des décisions. Ainsi, pour réguler les relations de cohabitation entre l’entreprise et son voisinage (par exemple pour déterminer si une activité est autorisée, ou si un agrandissement est possible), deux cadres institutionnels relevant de l’aménagement du territoire apparaissent importants, soit le zonage inscrit au plan local d’urbanisme et celui prévu par la Loi sur le zonage agricole et son organe

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Les pratiques de soutien et d’encadrement plus ponctuelles, voire informelles, seront quant à elles considérées dans la quatrième catégorie d’analyse, dite «milieu de vie».

décisionnel centralisé à l’échelle provinciale, la CPTAQ, qui exige un avis d’acteurs régionaux. Les investissements faits par la municipalité dans des infrastructures publics sont aussi considérés, car pouvant devenir des «ressources» pour l’entreprise. Pensons aux infrastructures d’aqueduc et d’égout nécessaire pour répondre aux besoins en eau de qualité des entreprises, comme à la présence d’un port en haute mer qui devient une composante essentielle pour l’approvisionnement en poissons et fruits de mer. De même, pensons à l’image positive d’un village générée par un travail de mise en valeur touristique fait par des autorités municipales et qui pourrait contribuer à l’image du produit et de l’entreprise. Enfin, les règles et normes touchant la production bioalimentaire (hygiène, environnement, gestion), surtout régies par des institutions provinciales et nationales, sont aussi considérées dans cette catégorie d’analyse.

1.3.4 Le milieu de vie

La quatrième catégorie, soit les dimensions touchant le «milieu de vie» de l’entrepreneur, est généralement peu considérée dans la littérature en économie industrielle. Situées aux marges de la sphère productive, ces dimensions renvoient à la figure de l’entrepreneur comme habitant, comme citoyen et membre d’une communauté. Dans la proposition de recherche, nous avions formulé une hypothèse en ce sens qu’elles pourraient avoir une influence sur la dynamique des entreprises, hypothèse que l’enquête incite à considérer comme valable pour l’analyse11. L’axe «milieu de vie» regroupe des facteurs qui, tout en concourant à la vie de l’entreprise, ne concernent pas directement la sphère des activités productives de celle-ci. Ils peuvent tout de même se situer sur ses marges et avoir une influence déterminante sur la vie de l’entreprise ou de son dirigeant. Ainsi, il peut s’agir du réseau familial et communautaire qui apporte diverses formes de soutien soit dans des activités de l’entreprise, soit dans la vie de l’entrepreneur, et cela, à l’intérieur de rapports non marchands, mais qui sont parfois nécessaires pour assumer des tâches productives. Pensons aux grands-parents qui assument la garde ponctuelle des enfants en remplacement du dirigeant de l’entreprise (souvent propriété d’un couple) qui doit s’absenter du foyer pour son travail. Pensons aussi aux oncles qui viennent donner un coup de main lors d’activités saisonnières plus intense (récoltes, saison des sucres, etc.). Enfin, il peut aussi s’agir du soutien fourni de façon sporadique et informelle par des élus ou des habitants, comme un accompagnement lors du lancement d’un nouveau produit ou dans une démarche de dézonage auprès de la CPTAQ. Cette catégorie comporte aussi des dimensions liées à la vie personnelle du dirigeant, comme sa qualité de vie et celle de son cadre de vie : services et aménités disponibles au quotidien, opportunité d’achat pour une résidence répondant aux goûts et besoins de l’entrepreneur-habitant, proximité de celle-ci et son entreprise, etc. Enfin, elles renvoient à des aspects qui concernant l’engagement du dirigeant envers son entreprise et son développement et engagement qui dépasse les seules considérations économiques. Par exemple, pensons à la volonté de vouloir habiter dans la région qui l’incite à développer sa propre entreprise, à reprendre l’entreprise familiale ou encore à s’impliquer dans son milieu à l’extérieur de ses activités d’entreprise.

Pour mettre à l’épreuve ces propositions relatives aux rapports entre des entreprises fabriquant un produit alimentaire de spécialité et leurs territoires, nous avons choisi de nous intéresser à des entreprises qui sont présentes dans trois régions non métropolitaines du Québec : Bas- Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches et Gaspésie. L’explication détaillée de ce choix et la démarche méthodologique plus large sont décrites au chapitre suivant.

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L’analyse de contenu des réponses à trois questions ont particulièrement nourri la construction de cette catégorie d’analyse, soit celles concernant : les raisons ayant présidé à la création de l’entreprise (q. 1.6), la localisation de l’entreprise (q. 1.10 : raisons, avantages et inconvénients) et la localisation résidentielle (q. 2.6).