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Chapitre IV Une idée de collectionnement ?

IV.2 Rapports justificatifs des acquisitions par achat et par don

IV.2.1 Les acquisitions par achat

De 1992 à 2012, le MACM a enregistré 450 achats, ce qui représente un peu moins d’un cinquième des 2141 dons. Un peu moins de la moitié des dossiers d’achat contiennent un rapport justificatif dont le contenu est semblable à celui qu’on trouve dans les dossiers de don.

Tableau XIa : Acquisitions par achat : motivations liées à la collection dans les 218 rapports justificatifs Année % de rapports justificatifs Accroissant le corpus contemporain Comblant un

manque Première entrée Valeur historique Esthétique actuelle Collection Lavalin

1992 100 % 38,8 % 1993 100 % 10 % 4 % 20 % 1994 94 % 10 % 20 % 20 % 1995 60 % 30 % 6 % 3 % 1996 85 % 5,8 % 10 % 6 % 5 % 1997 60 % 30 % 6 % 8 % 1998 60 % 20 % 4 % 1999 100 % 30 % 15 % 30 % 2000 48 % 15 % 15 % 2001 aucun 2002 aucun 2003 75 % 6,5 % 11 % 2004 aucun 2005 aucun 2006 5,5 % 2007 aucun 2008 aucun 2009 aucun 2010 aucun 2011 aucun 2012 42 %

2001 est une année charnière. De 1992 à 2000, il y a très majoritairement des rapports justificatifs. On en trouve un dans tous les dossiers (100 %) de 1992, de 1993 et de 1999. À partir de 2001, la tendance commence à s’inverser : on en trouve en 2003 (75 %), en 2006 (5,5 %) et en 2012 (42 %).

Le Musée peut acquérir, en 2006, In extenso (2005) de Roland Poulin grâce à l’obtention d’une subvention du Conseil des Arts exigeant un rapport justificatif125. En 2012,

Tomorrow Repeated (2010) de Brian Jungen est aussi acheté grâce à une subvention du

Conseil des Arts. Deux œuvres de Michel de Broin, Dead Star (2008) et Cut into the Dark (2010), sont acquises durant la soirée de vente aux enchères organisée par la Fondation Le Symposium des collectionneurs126. À l’occasion de cet événement de levée de fonds organisé depuis 2006, les conservateurs du MACM préparent un document pour présenter les œuvres qui sont mises aux enchères et justifier leur acquisition par le Musée. Ces autres

125 Roland Poulin, In Extenso (2005) [A0640S1] ; Brian Jungen, Tomorrow Repeated (2010) [A1212S2]. 126 Michel de Broin, Dead Star (2008) [A1247S1] et Cut into the Dark (2010) [A1248VID1].

raisons motivant la rédaction de rapports justificatifs modulent quelque peu le rôle de la Commission dans ce domaine puisque dans ces cas, ils sont rédigés d’abord pour rendre compte de l’apport de l’œuvre à la collection.

Parmi les motivations les plus fréquemment évoquées pour acquérir une œuvre, on trouve l’accroissement du corpus contemporain. Cela n’est pas étonnant étant donné que la plus grande partie du budget d’acquisition du MACM est orienté en priorité vers des œuvres réalisées après 1980. Ainsi, on peut lire dans le rapport de l’acquisition en 1998 de la deuxième œuvre de Jeff Wall, Citizen (1996) que celle-ci « comble un manque important dans la représentation de cet artiste » et, dans celui de l’acquisition en 2003 de Solitude no 6

(2002) de Roland Poulin que « le MACM ne possède aucune œuvre dans sa collection de cet artiste prolifique »127.

La première fois qu’un artiste est représenté dans la collection est indiquée. C’est le cas en 1992 et en 1993. Le MACM achète deux œuvres qui se trouvaient dans l’exposition inaugurale Pour la suite du monde : une installation de Giuseppe Penone et une autre de Melvin Charney. En 1994, le Musée acquiert les premières œuvres d’Eric Cameron, d’Adolf Gottlieb et d’Andres Serrano ; en 1996, c’est le tour de Pierrick Sorin et de Kim Adams ; en 1997, de Doningam Cumming et de Naomi London ; en 2003, de Martin Bourdeau128.

La valeur historique est rarement mentionnée pour les acquisitions par achat. Elle l’est toutefois dans le rapport justificatif concernant l’acquisition d’un tableau d’Alfred Pellan en 1993 et d’Edmund Alleyn en 1995129.

L’esthétique actuelle est une motivation fréquente jusqu’en 2000 (entre 6 % et 30 %) et concerne des œuvres de Danielle Sauvé et de Michael Smith en 1994 ; de Jean McEwen en

127 Jeff Wall, Citizen (1996) [A986PH1] ; Roland Poulin, Solitude no 6 (2002) [A032TM49].

128 Giuseppe Penone, I have Been a Tree in the Hand (1984-1991) [A921335S1] ; Melvin Charney, Parabole

no 9… ainsi soit-il : les usines ferment, les musées ouvrent (1992) [A9351I5] ; Eric Cameron, Alarm Clock (3295)

(1994) [A946MD1] ; Adolf Gottlieb, Four Red Clouds (1956) [A947P1] ; Andres Serrano, Hacked to Death II (1992) [A9421PH1] et Rat Poison Suicide (1992) [A9422OH1] ; Doningam Cumming, The Quartet (1991) [A979PH4] ; Naomi London, The Sweater Project (1992) [A97101I4] ; Pierrick Sorin, Pierrick et Jean Loup (1994) [A9612VID1] ; Kim Adams, Dash-Hound (1995-1996) [A969S1] ; Martin Bourdeau, Fig. 62 (Le déjeuner

sur l’herbe de Manet) (1999) [A0358P1].

1995 ; de Michel Boulanger en 1996 ; de Marc Séguin en 1997 ; de Gilles Mihalcean, d’Ann Hamilton en 1999 ; et de Shirin Neshat en 2000130.

Tableau XIb : Acquisitions par achat : exposition passée au MACM, exposition future au MACM, rayonnement international

Année % de rapports

justificatifs Exposition passée au MACM Exposition future au MACM Rayonnement international 1992 100 % 66 % Pour la

suite du monde 4 % exposition prévue de mars à mai 1993

1993 100 % 4 % participation à la Biennale de Venise

1990, Documenta 1992 et Pompidou 1993

1994 94 % 1995 60 %

1996 85 % 10 % réalisé pour une

exposition du MACM 1997 60 % 1998 60 % 30 % exposition prévue en 1999 et 10 % en 2003 1999 100 % 2000 48 % 5 % : envergure internationale 2001 Aucun 2002 Aucun 2003 75 % 10 % exposition

au MACM 20 % : envergure internationale

2004 Aucun 2005 Aucun 2006 5,5 % 2007 Aucun 2008 Aucun 2009 Aucun 2010 Aucun 2011 Aucun 2012 42 %

La présence dans la collection d’une œuvre réalisée par un même artiste est une motivation évoquée dans les rapports justificatifs jusqu’en 1996, un peu comme si le fait d’avoir appartenu à cet ensemble faisait office de plus-value131. Cet argument n’apparaît plus après 1996, une fois l’archivage et l’exposition de la collection Lavalin terminés.

130 Danielle Sauvé, Plage, sillons (1992-1993) [A943I2] ; Michael Smith, Inland (Broken Ground) (1992) [A9416P1] ; Jean McEwen, Ni plus ni moins (1994) [A959G1] ; Michel Boulanger, L’impossible verticale (1995) [A9635P1] ; Marc Séguin, Peinture (1996) [A9741P1] ; Gilles Mihalcean, L’Anxiété (1971) [A993S1] ; Ann Hamilton, Bearings (1996) [A994I1] ; Shirin Neshat, Soliloquy (1999) [A00I1].

131 Citons comme exemples les acquisitions de 1993 : Charles Gagnon, Histoire naturelle VI (Nubilae) (1991) [A934MD2] : « La collection Lavalin comporte cinq œuvres de Gagnon dont quatre peintures (1962, 1963,

La présence de l’artiste et/ou de l’œuvre à une exposition déjà présentée au MACM est une motivation qui revient épisodiquement lorsqu’on souhaite acquérir une œuvre, qu’il s’agisse d’une exposition monographique, de groupe ou rétrospective. En 1992, 66 % des œuvres achetées ont été commandées pour l’exposition marquant l’arrivée du Musée à la Place des Arts, Pour la suite du monde, comme The Sleepers (1992) de Bill Viola, Les Archives

du Musée d’art contemporain de Montréal (1992) de Christian Boltanski, Artiste en conversation un jour d’audience (1992) de Gilles Boyer, Détails (1992) de Dominique Blain,

ou Réservoir (1992) de Dennis Adams132.

La participation d’une œuvre à une future exposition du MACM est une autre motivation mise de l’avant pour un achat. C’est le cas de la photo de Geneviève Cadieux achetée en 1992 et réalisée en prévision d’une exposition monographique de l’artiste au printemps 1993. En 1996, le même cas se présente avec une sculpture faite par Kim Adams expressément pour l’événement à venir la même année. En 2003, on souhaite acheter la photo de Nan Goldin pour la présenter dans une exposition thématique prévue au cours de l’année133.

En 1993, le rayonnement international d’un artiste est l’argument évoqué dans le rapport justificatif concernant l’acquisition de l’œuvre de Stan Douglas pour sa participation à la Biennale de Venise en 1990, à Documenta 1992 et à une exposition au Centre Pompidou en 1993. La réputation internationale de Shirin Neshatt est également prise en compte pour l’achat de son installation en 2000. Trois ans plus tard, la candidature

1974, 1979) et un dessin de 1976 » ; Serge Lemoyne, Sans titre (1965) [A9340D1] : « La collection Lavalin compte douze œuvres de l’artiste, six peintures (1962, 1963, 1975, 1976, 1976-1977, 1983, 1984) et six œuvres sur papier (1963, 1973, 1974, 1977) » ; ou Raymond Lavoie, Simulation indéfinie, dynamo 3 (1993) [A9343P1] : « La collection Lavalin compte deux peintures de 1980. »

132 Bill Viola, The Sleepers (1992) [A921333I21] ; Christian Boltanski, Les Archives du Musée d’art

contemporain de Montréal (1992) [A9213334I353] ; Gilles Boyer, Artiste en conversation un jour d’audience

(1992) [A921333I19] ; Dominique Blain, Détails (1992) [A921338I26] ; Dennis Adams, Réservoir (1992) [A922137216].

133Geneviève Cadieux, Le corps du ciel (1992) [A9313PH2] ; Kim Adams, Dash-Hound (1995-1996) [A969S1] ; Nan Goldin, Bruno and Valerie embraced with Blue Blanket, Paris (2001) [A0396PH1].

de Pascal Grandmaison au prix Sobey est une motivation appuyant l’acquisition de son installation134.

Après 2001, les dossiers justificatifs pour les achats ne nous apprennent plus grand- chose à propos des artistes ou des œuvres. Cependant, pendant les années où ils sont fréquents (de 1992 à 2001), on constate une interruption dans l’élan d’achat d’œuvres actuelles réalisées par des artistes internationaux que l’on constate au moment de l’arrivée à la Place des Arts en 1992. En se reportant au tableau VII (chapitre III), on remarque que, de 1992 à 1995, le nombre d’œuvres internationales augmente et culmine en 1995 avec 17 acquisitions parmi lesquelles se trouve Red Room-Child (1994) de Louise Bourgeois135. En 1996, les acquisitions internationales sont brusquement limitées à une seule vidéo de l’artiste belge Anne de Keermaeker136, puis sont interrompues en 1997. Nous y voyons un effet direct de l’acquisition Lavalin qui, pendant quelque temps, a ralenti les acquisitions d’œuvres ayant un rayonnement international.

- Lieux d’achat

La provenance de l’œuvre et le nom de la galerie avec laquelle la transaction a eu lieu sont systématiquement inscrits dans le dossier. Ces renseignements sont intéressants parce qu’ils mettent en évidence les tendances du marché de l’art.

134 Pascal Grandmaison, Solo (2003) [A0359I]. Nommé ainsi en l’honneur du collectionneur Frank Sobey, ce prix annuel est un des plus importants au Canada pour les artistes canadiens ; il est géré et organisé par le Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse.

135 Louise Bourgeois, Red Room-Child (1994) [A9514I1]. Mentionnons ici, à titre d’exemples, d’autres œuvres internationales achetées en 1995 : Eve Ramboz, L’escamoteur (1991) [A9557VID1] ; Francisco Ruiz de Infante, Les choses simples (1993) [A9558VID1] ; Tony Oursler, I can’t Hear You (Autochtonous) (1995) [A9559l11] ; Robert Cahen, Juste le temps (1983) [A9589CID1] ; Peter Fischli et David Weis, Der Lauf der

Dinge (1987) [A9590VID1] ; Jean-Luc Godard, Scénario du film Passion (1982) [A9591VID2] ; Peter

Greenaway, Les Morts de la Seine (1989) [A9592VID1] ; Marcel Odenbach, Der Widerspruch der Erinnerungen (1982) [A9594VID1].

Tableau XIc : Provenance (individus ou galeries) Année Acheté à

l’artiste % galeries de Montréal % galeries ailleurs au Canada % galeries américaines % galeries internationales

1992 50 % 100 %

1993 50 % 95 % 2,5 % (Vancouver) 2,5 % (New York)

1994 35 % 95 % 5 % (Paris à partir de la

Biennale de Venise)

1995 12 % 60 % 10 % (Vancouver) 20 % (New York) 10 % (Londres)

1996 50 % 50 % 30 % (Toronto) 10 % (New York) 10 % (Bruxelles)

1997 50 % 60 % 20 % (Toronto) 20 % (New York)

1998 60 % 30 % 30 % (Toronto) 40 % (New York)

1999 25 % 40 % 60 % (New York)

2000 75 % 40 % 30 % (New York) 30 % (Paris)

2001 50 % 50 % 20 % (Toronto) 30 % (New York)

2002 20 % 50 % 25 % (New York) 12,5 % (Paris à partir de

Armory Show, New York) 12,5 % (Londres)

2003 15 % 50 % 20 % (Toronto) 10 % (New York) 10 % (Paris)

2004 aucun 50 % 50 % (New York)

2005 25 % 30 % 20 % (Toronto)

10 % (Vancouver) 10 % (New York) 10 % (Londres) 10 % Paris

2006 30 % 40 % 20 % (Toronto)

10 % (Vancouver) 10 % (New York) 10 % (Chicago) 10 % (Madrid)

2007 6 % 30 % 22 % (Toronto)

8 % (Vancouver) 20 % (New York) 10 % (Chicago) 5 % (Londres) 5 % (São Paolo)

2008 37 % 50 % 20 % (Toronto) 30 % (New York)

2009 aucun 90 % 10 % (Miami)

2010 16 % 60 % 40 % (New York)

2011 aucun 60 % 20 % (Toronto) 10 % Milan

10 % Londres

2012 27 % 70 % 10 % (Toronto)

10 % (Vancouver) 10 % (New York)

Entre 2004 et 2011, une partie non négligeable des œuvres sont achetées directement aux artistes (jusqu’à 75 % en 2000). Bon an, mal an, ce mode de fonctionnement concerne la moitié des acquisitions (à l’exception de 1999 où seulement 25 % des œuvres sont achetées aux artistes). Cela indique que les conservateurs prennent le pouls de l’activité artistique en visitant les ateliers, entretiennent des liens directs avec les artistes et procèdent aux transactions sans l’intermédiaire de galeristes. À partir de 2002, les achats se font davantage dans les galeries qui occupent désormais une place incontournable dans le marché de l’art, et où le galeriste devient l’homme du milieu, la « clé de voûte du système » de la distribution artistique comme le mentionne la sociologue Raymonde Moulin (2009 : 46) en 1992 déjà. Parmi les galeries montréalaises, le nom de la Galerie René Blouin est

celui qui revient le plus souvent (15 fois), suivie de la Galerie Christiane Chassay (7 fois), de Art45 (6 fois) et de la Galerie Graff (5 fois).

L’année 1992 est la seule de notre période au cours de laquelle 100 % des acquisitions sont faites dans des galeries montréalaises. Les années suivantes, on achète également des œuvres dans des galeries ailleurs au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays. Les galeries de Vancouver et surtout de Toronto occupent une place importante dans les transactions entre 2005 et 2008. Conséquemment, durant cette période (pendant laquelle Marc Mayer est directeur), le pourcentage des achats effectués dans les galeries montréalaises décline. On serait tenté de croire que le marché de l’art s’est déplacé vers l’ouest, mais on observe un regain d’intérêt pour les galeries montréalaises en 2008, tandis que le Musée achète moins d’œuvres à Toronto. À partir de 2012, on fait seulement affaire avec la galerie Parisian Laundy de Montréal, qui représente, entre autres, le collectif BGL et l’artiste Valérie Blass.

La Galerie Lambert de Paris est la première galerie internationale à apparaître dans les documents consultés pour un achat effectué en 1994 dans le cadre de la Biennale de Venise. On la retrouve en 2002, à l’Armory Show de New York cette fois. Le nombre de galeries internationales fréquentées par les conservateurs (Londres, Paris, Madrid et São Paolo) et où des œuvres (internationales) sont acquises atteint un sommet entre 2002 et 2007 pour retomber les années suivantes. Il semble que le MACM n’échappe pas à l’influence grandissante des foires internationales dans le domaine du marché de l’art international qu’évoquent l’historien de l’art américain Paul O’Neil (2007 : 17) et la sociologue Raymonde Moulin (2009 : 61).

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