• Aucun résultat trouvé

3.3 Les Mesures

3.3.1 Acquisition des données

3.3.1.1 Puissance laser : temps d’acquisition et chauffage

L’une des principales difficultés que l’on relève en parcourant la littérature sur les expériences de diffusion Raman concerne le chauffage local lié au spot laser. Les signaux Raman étant en général très faibles, il faut parfois augmenter la puissance du laser, ce qui a pour conséquence d’élever localement la température de l’échantillon qui peut fortement différer de celle annoncée par les capteurs logés dans le doigt froid. Le dispo- sitif expérimental dont nous disposons permet de contourner largement cette difficulté puisque sa chaîne de détection, notamment la caméra CCD, est extrêmement sensible. Cela nous permet non seulement de réduire considérablement le temps de mesure par rapport à un photomultiplicateur monocanal (PM), mais nous donne aussi l’occasion de limiter le chauffage du au laser en limitant sa puissance. Là où une puissance de 10 mW à la surface de l’échantillon et 24 heures d’acquisition étaient nécessaires pour obtenir un spectre avec un PM, une puissance inférieure à 3 mW à la surface de l’échantillon et des acquisitions d’une demi-heure suffisent pour réaliser nos mesures. Ceci nous a permis d’effectuer de nombreuses mesures à différentes températures, qui ne sont per- tinentes que si nous avons un moyen de contrôler la température effective de notre échantillon. Nous pouvons évaluer le chauffage en comparant les sections efficaces dif- férentielles des processus Raman Stokes (lors desquels le laser transfère de l’énergie au

système) et anti-Stokes (l’inverse), reliées par l’équation suivante (Hackl 1998)3 :

∂2σ ∂Ω∂ω anti−Stokes = ∂ 2σ ∂Ωω Stokes × µ ωL+ ω ωL− ω ¶2 × e−~ωkB T (3.1)

dans laquelle ωL représente l’énergie de la lumière incidente, ω le déplacement Ra-

man, et T la température du système, qui est le seul paramètre ajustable de cette

équation. Nous présentons l’exemple d’un tel ajustement pour le cuprate Y-1234 sur la

figure 3.5. Nous l’avons réalisé pour plusieurs températures entre 100 et 300 K et avons évalué la borne supérieure du chauffage à 3K. Notons que la présence de la fonction ex- ponentielle dans l’équation 3.1 rend la réponse anti-Stokes extrêmement faible à basse température, et typiquement, la procédure d’ajustement décrite ci-dessus n’est plus applicable pour des températures inférieures à 80 K, faute de signal anti-Stokes. Nous

3

Avis aux historiens de sciences germanistes : la démonstration originale de cette relation, basée sur le principe de balance détaillée, se trouve dans Placzek (1934).

4

L’ajustement se fait sur les phonons de basse énergie, ce qui n’est pas réalisable sur les échantillons Hg-1201, vu leur faible activité phononique. Nous avons ainsi supposé que dans des conditions expéri- mentales identiques le chauffage était équivalent pour ces 2 familles de cuprates. Ceci est justifié par le fait que ces familles ont des conductivités thermiques du même ordre de grandeur (∼8-10 Wm−1K−1 pour Y-123 (Hagen 1989),∼3-6 Wm−1K−1 pour Hg-1201 (Knížek 1998)).

avons donc extrapolé le chauffage mesuré à haute température pour évaluer le chauf- fage à basse température. Les températures annoncées dans la suite de ce manuscrit ont toutes été corrigées de cet échauffement.

-400 -300 -200 -100 100 200 300 400 0 1 2 In te n s it é ( u .a .) Déplacement Raman (cm-1)

Section efficace différentielle Stokes calculé a partir de l'anti-Stokes Y-123 pur TC=92.5 K P < 3 mW Tmes = 150 K T fit = 153 K

Fig. 3.5: Réponses Raman Stokes et anti-Stokes du cuprate Y-123 en symétrie A1g. Les

pointillés représentent le spectre anti-Stokes converti grâce à l’équation 3.1.

3.3.1.2 Stabilité et reproductibilité

L’intensité du signal mesuré lors d’une expérience peut dépendre fortement de la position du spot sur l’échantillon, et celle-ci peut bouger lors de mesures en fonction de la température (du fait par exemple de la dépendance du volume du doigt froid avec la température). Lorsque nous réalisons des mesures en faisant varier lentement la température, il est facile de nous assurer que nous restons toujours exactement focalisés sur le même point à la surface de l’échantillon. La reproductibilité est alors excellente : nous ne trouvons aucune dépendance de la forme ou de l’intensité du continuum élec-

tronique à haute énergie (ω > 800 cm−1 ) avec la température. En revanche, lorsque la

température est changée brutalement et que nous passons rapidement, par exemple, de 10 à 100 K, une légère différence entre ces intensités à haute énergie de l’ordre de 10 % peut se produire, et une normalisation des spectres est nécessaire. Nous pouvons limiter

grandement cet effet grâce à l’écran de contrôle5 sur lequel nous pouvons dessiner notre

échantillon et repérer précisément la position du spot.

5

Une caméra (le "périscope") située derrière la fente d’entrée du spectromètre et reliée à un écran de contrôle nous permet de visualiser le spot laser sur l’échantillon. Si celui-ci est assez petit (avec des côtés de l’ordre de 500 µm), il est possible de le voir entièrement à l’écran

3.3.1.3 Plages d’énergies accessibles

La plupart des résultats que nous présentons dans la suite de ce manuscrit corres-

pond à des déplacements Raman allant typiquement jusque 1000 cm−1. Nous avons

vu dans la section 3.1.3.1 que c’est l’ouverture de la fente intermédiaire f2 dans la

configuration triple-soustractif qui définit la taille de la plage de longueurs d’ondes ∆λ mesurées. Nous sommes cependant limités à basse fréquence par la diffusion Rayleigh : si du fait de sa bonne qualité de surface nous pouvons nous approcher de l’énergie

de la lumière incidente jusqu’à environ 30 cm−1 dans Y-123, dans Hg-1201, il est très

rare que nous puissions descendre sous les 70 cm−1 , même après polissage. La borne

supérieure de notre spectre sera déterminée par l’ouverture de la fente intermédiaire, comme nous l’avons déjà mentionné, mais aussi par la longueur d’onde de la lumière incidente. Ceci est une conséquence directe de la relation fondamentale des réseaux (équation 3.2) qui veut que sous un angle d’incidence α donné, l’angle de dispersion β augmentera avec la longueur d’onde λ (k représente l’ordre de la diffraction et n le nombre de traits par unité de longueur du réseau).

sin(α) + sin(β) = knλ (3.2)

Ainsi, la plage de longueurs d’ondes pouvant passer une ouverture donnée de la fente intermédiaire sera plus importante pour des longueurs d’ondes proches d’une

raie bleue (λI = 488 nm) que pour celles proches d’une raie rouge (λI = 647.1 nm), les

dernières dispersant plus que les premières. Pour une ouverture de la fente intermédiaire

à 50 mm, pour une longueur d’onde incidente λI = 488 nm nous obtenons un spectre

s’étendant sur ∆ω ∼ 1250 cm−1 (ce qui correspond à ∆λ ∼ 32 nm) tandis que pour

λI = 647.1 nm, le spectre ne s’étend que sur ∆ω ∼ 600 cm−1 (∆λ ∼ 26 nm). Dans ce

dernier cas, nous sommes donc obligés de réaliser 2, voire 3 acquisitions centrées sur

différents nombres d’ondes ωi pour obtenir la réponse Raman sur 1000 cm−1 , puis de

les "recomposer" via un procédé que nous allons détailler dans la partie suivante.

Documents relatifs