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Acides organiques et produits dérivés

3. METHODES CHIMIQUES DE PREVENTION - LES CONSERVATEURS Les différents types de conservateurs pour foins humides vont être examinés dans ce chapitre

3.3. LES CONSERVATEURS POUR FOINS HUMIDES

3.3.2. Acides organiques et produits dérivés

3.3.2.1. Historique

Hormis l'acide acétique, employé depuis très longtemps pour la conservation des aliments, la mise en évidence de l'action inhibitrice ou répressive des acides organiques (et de leurs sels) sur la microflore, est beaucoup plus récente. Selon LUECK (1980), ce pouvoir conservateur a été démontré en 1865 pour l'acide formique, en 1875 pour l'acide benzoïque et en 1939 pour l'acide sorbique ; les sels de l'acide propionique ont été utilisés dès 1930 aux USA pour la conservation du pain.

C'est effectivement dans le domaine de l'alimentation humaine que l'on a cherché, en premier lieu pour des raisons commerciales évidentes, à exploiter les propriétés de ces substances; aujourd'hui, les acides sorbique, formique, propionique, lactique, acétique, borique, benzoïque et certains de leurs sels font partie des conservateurs alimentaires, objet d'une codification de la Communauté Economique Européenne (BOTTON et al., 1985).

L'étude de leur emploi pour l'alimentation animale semble avoir commencé en 1951 aux USA, avec les travaux de LEWIS sur la conservation du foin humide. C'est cependant sur les céréales, avec l'acide propionique, que les résultats les plus probants ont été obtenus (HUITSON, l968), conduisant BP Chemicals Ltd à breveter ce procédé en France, dès 1968. L'acide propionique a été alors commercialisé pour la conservation du maïs grain humide, sous le nom de PROPCORN, les doses d'emploi recommandées par BP variant selon la durée de stockage et le taux d'humidité du grain (cf. tableau 13). Durant les années 70-80, les recherches pour transposer ce procédé à la conservation des foins humides vont se multiplier, aux USA, en France, en Allemagne et surtout en Grande-Bretagne grâce aux travaux de la Station Expérimentale de Rothamsted et du "National Institute of Agricultural Engineering" de Silsoe.

Tableau 13 : Doses de Propcorn recommandées par BP pour la conservation du maïs grain humide (BP, non daté)

TAUX D'HUMIDITE DU GRAIN

DOSE EN LITRES DE PROPCORN PAR QUINTAL DE GRAINS HUMIDES EN FONCTION DE LA DUREE DE CONSERVATION

- de 1 mois 1 à 3 mois 3 à 6 mois 6 à 12 mois

% L L L L 30 0,80 1,00 1,15 1,30 34 1,00 1,20 1,35 1,60 38 1,25 1,45 1,65 1,90 42 1,55 1,75 1,95 2,20 46 1,85 2,05 2,25 2,55 50 2,15 2,35 2,60 2,95

Pendant cette période, ont également été expérimentés, pour le même objet, certains sels de l'acide propionique ainsi que d'autres acides organiques (et certains de leurs sels), employés purs ou en mélange. L'ensemble de ces travaux va maintenant être passé en revue, en examinant plus particulièrement ceux, très nombreux, menés sur l'acide propionique, travaux dont les principales

conclusions s'appliquent aux autres acides organiques et produits dérivés.

3.3.2.2. Acide propionique

3.3.2.2.1. Caractéristiques physico-chimiques

Formule : CH3CH2COOH - Masse molaire : 74,08 Point d'ébullition : 140,8°C

Pression de vapeur : 2,4 mm de Hg à 20°C (annuaire ROUSSET, 1969)

L’acide propionique, produit industriellement à partir du pétrole, se présente sous la forme d'un liquide huileux miscible à l'eau, de densité 0,996 à 20°C d'odeur piquante. Il est corrosif vis-à-vis des métaux usuels et son contact avec la peau provoque des brûlures.

3.3.2.2.2. Essais de laboratoire

L'action fongistatique de l'acide propionique a été en particulier vérifiée par PELHATE (1973, 1973a) sur des cultures d'espèces fongiques prédominantes des maïs grains. L'action antimicrobienne de l'acide propionique résulte principalement du fait qu'il pénètre dans les cellules et en bloque le métabolisme par effet inhibiteur sur les enzymes (LUECK, 1980).

Réparti uniformément au sein de petits lots de foin, l'acide propionique s'avère un conservateur efficace (NASH et EASSON, 1971). LACEY et LORD (1977) ont précisé la quantité d'acide propionique à utiliser selon la teneur en matière sèche du foin : rapportée à l'eau du fourrage, elle doit être au moins égale à 1,25 % pour empêcher le développement de moisissures et l'échauffement de fourrages de 50 à 75 % de matière sèche. Ce ratio correspond à une dose d'acide propionique ramenée au poids brut de fourrage de 0,625 % à 50 % de MS, de 0,5 % à 60 % de MS et de 0,375 % à 70 % de MS.

3.3.2.2.3. Essais en conditions réelles

3.3.2.2.3.1. Résultats

Les premiers essais en conditions réelles (Anon., 1970, 1971, 1972 et PIZARRO, 1972), cités par DAVIES et WARBOYS (1978) se sont révélés insatisfaisants, le traitement n'améliorant que légèrement la conservation. KNAPP, HOLT et LECHTENBERG (1974), en arrosant des balles de luzerne récoltée à 65 % de MS avec 1 % d'acide propionique, ont pu réduire la température maximale d'échauffement du fourrage (33°C pour le lot traité contre 46°C pour le lot témoin) et les pertes de matière sèche (7,6 % contre 15,1%) durant la conservation. NICOULAUD (1975) en pulvérisant 1,3 % d'acide propionique sur les andains avant le pressage en balles moyenne densité n'a pas pu conserver dans de bonnes conditions du trèfle à 67 % de MS.

CURRENCE et SEARCY (1975) ont réalisé plusieurs séries d'essais en traitant lors du pressage en grosses balles rondes, des fourrages de taux de matière sèche compris entre 50 et 75 %, avec 0,75 % et 1 % d'acide propionique. Les mesures faites (échauffement, digestibilité de la matière sèche et des matières azotées, qualité microbiologique) sur les fourrages traités et témoins n'ont pas mis en évidence d'amélioration suffisamment sensible pour justifier le coût du traitement. NEHRIR et al. (1977) ont conclu de leurs essais que les acides organiques, dont l'acide

propionique, appliqués à la dose de 1 à 2 %, présentaient un intérêt pour la conservation de foins humides récoltés entre 70 et 75 % de MS, en basant surtout leur opinion, sur la comparaison entre le foin traité et le foin séché au sol, ce dernier concédant une perte de 650 kg de MS par ha par rapport au foin traité.

globalement l'échauffement et les pertes de MS, sans toutefois parvenir à empêcher totalement le développement de moisissures, malgré l’emploi de doses de traitement atteignant 4 à 5 %. Des résultats analogues, confirmant les aléas du traitement, ont été obtenus par DAVIES et WARBOYS (1978).

L'efficacité indiscutable de l'acide propionique dans les essais de laboratoire, obtenue avec moins de 1 % d'acide incorporé au fourrage, se trouve donc mise en défaut en conditions réelles, dans la majorité des essais réalisés, malgré l'emploi de taux d'application atteignant parfois 4 à 5 %.

3.3.2.2.3.2.. Causes des échecs rencontrés en conditions réelles

Elles tiennent en quatre points :

 les pertes d'acide au moment de l'application et lors du stockage,

 l'hétérogénéité de l'incorporation au sein du fourrage,

 l'hétérogénéité de la teneur en matière sèche du fourrage,

 la tolérance de certains microorganismes à l'égard de l'acide propionique.

Pertes d'acide

DAVIES et WARBQYS (1978) ont mesuré, de la récolte à la fin du stockage, des pertes globales d'acide de l'ordre de 85 % dont plus de 40 % lors du traitement. CHARLICK (1974) fait état de pertes globales d'acide comprises entre 68 % et 90 %, après le stockage du fourrage traité pendant 5 mois et demi. A l'occasion d'autres travaux, CHARLICK et al. (1980) en mesurant, après le traitement, la quantité d'acide retenue par le fourrage, selon la méthode de HUGUES (1978), ont constaté un taux de rétention compris entre 41 et 46 %, soit des pertes toujours supérieures à 50 %.

Ces pertes, lors du traitement, dues principalement à la grande volatilité de l'acide propionique, augmentent avec la température et la finesse de pulvérisation (CHARLICK et al., 1980) ; les auteurs cités ont pu réduire les pertes à 26 % en pulvérisant l'acide en gouttes d'environ 700 à 1200 μ, grâce à des buses vibrantes à jet conique (les buses classiques à miroir donnent des gouttes de taille comprise entre 50 et 400 μ, les diffuseurs à disque rotatif des gouttes de 200 μ).

Hétérogénéité de l'incorporation

La pulvérisation directe sur les andains de fourrage lors, par exemple, de leur introduction dans la presse, se solde par une grande hétérogénéité de distribution de l'acide, les gouttelettes ne

pénétrant pas au-delà de 150 mm à l'intérieur des andains (CHARLICK, 1974), dont l'épaisseur est généralement de l'ordre de 300 à 400 mm.

Pour tenter de résoudre ce problème, les chercheurs du NIAE ont séparé l'opération de traitement du pressage proprement dit, en utilisant pour appliquer l'acide au fourrage, deux types modifiés de faneurs-aérateurs. Cette technique consiste à, traiter le fourrage lors de son passage dans le faneur aérateur, à un moment où il se présente en couche mince, du fait de l'action du rotor (cf. figure 6).

Figure 6 : Schéma de principe du matériel d'incorporation développé par le NIAE (CHARLICK et al., 1980)

L'homogénéité de la distribution, quantifiée par le coefficient de variation (CV =écart-type/valeur moyenne) de la mesure en plusieurs points de la quantité d'acide présente sur le fourrage, est améliorée par cette technique de traitement (CV = 42 % contre 79 % pour le traitement sur la presse (CHARLICK et al., 1980)); points faibles de cette technique : un investissement supplémentaire auquel s'ajoute l'alourdissement du chantier de récolte, d'autant plus que le pressage doit être effectué immédiatement après le traitement, sous peine de pertes supplémentaires d'acide par évaporation. Ces inconvénients ont conduit les chercheurs du NIAE à s'intéresser aussi à un chantier combiné d'andainage-pressage dans lequel l'acide est appliqué sur le fourrage lors de son andainage, réalisé avec un andaineur frontal, le tracteur entraînant à l'arrière la presse de ramassage (KLINNER et HOLDEN, 1978).

La nécessité d'obtenir une excellente homogénéité de répartition, à l'origine des travaux du NIAE, a été confirmée en laboratoire par LORD, CAYLEY et LACEY (1981). En examinant la conservation de couches de fourrages humides traitées et témoins, placées en sandwich, LORD, CAYLEY et LACEY ont constaté que des poches de seulement 1 g de foin non traité (soit un volume d'environ 10 cm3) pouvaient être à l'origine de développements de moisissures qui, progressivement, parvenaient à coloniser des zones correctement traitées. Des résultats analogues avaient été obtenus en 1975 par SMITH et STEVENSON lors d'essais de laboratoire sur la conservation du maïs grain humide. Le développement des moisissures dans les zones non atteintes par le conservateur s'accompagne d'un échauffement global du fourrage traité plus faible que celui du fourrage témoin, mais suffisant pour n'être pas étranger aux pertes d'acides constatées durant la conservation (DAVIES et WARBOYS, 1978).

Hétérogénéité de la teneur en eau du fourrage

L'hétérogénéité de la teneur, en eau du fourrage dans les andains est importante et inévitable; le tableau 14 donne quelques exemples de cette hétérogénéité, caractérisée selon les auteurs par l'écart-type, le coefficient de variation (écart-type/moyenne) ou la plage de variation (humidités minimale et maximale). Des différences de teneur en eau de plus de 15 points peuvent être observées au sein des fourrages les plus humides (CURRENCE, SEARCY et MATCHES, 1976).

Tableau 14 : hétérogénéité de l'humidité du fourrage à la récolte (selon différents auteurs) HUMIDITE MOYENNE en % COEFFICIENT DE VARIATION en % ECART-TYPE en % PLAGE DE VARIATION en % AUTEURS 35,5 43,0-24,0 CURRENCE, SEARCY 23,9 27,4-20,7 et MATCHES 24,5 31,0-16,0 (1976) 25,8 28,0-24,0 44,8 5,9 MARLEY, WILCOX 35,2 3,3 et DANLEY 31,3 2,6 (1976) 26,9 1,9 21,3 4,9 24,2 2,3 JOHNSON et Me CORMICK 21,5 1,2 (1976)

23,64 7,62 1,8 (valeur calculée) NASH et EASSON

24,13 6,74 1,6 (valeur calculée) (1977)

29,50 12,99 3,8 (valeur calculée) 27,76 9,03 2,5 (valeur calculée)

...

La dose de traitement calculée selon l'humidité moyenne du fourrage peut donc être insuffisante dans certaines zones très humides. CHARLICK et al. (1980) estiment que la quantité d'acide à apporter doit être telle que statistiquement, 95 % du fourrage soit traité à un niveau suffisant (en faisant abstraction des difficultés de répartition).

Pour LORD, CAYLEY et LACEY (1981) qui ont étudié au laboratoire la conservation de couches superposées de fourrage, de teneurs en eau différente, mais uniformément traitées, ce problème n'est pas véritablement important à condition que le produit conservateur soit partout présent.

Tolérance de certains microorganismes

Certaines espèces fongiques sont signalées comme étant relativement tolérantes à l'acide propionique :

Monascus ruber (SMITH et STEVENSON, 1975)

Scopulariopsis brevicaulis (SMITH et STEVENSON, 1975)

Aspergillus glaucus (LACEY et LORD, 1977 ; LORD et LACEY, 1978)

Paecilomyces variotii (KOZAKIEWICZ et CLARKE, 1973 ; LORD et LACEY, 1978)

Selon LORD et LACEY (1978), Paecilomyces variotii et Aspergillus glaucus sont non seulement tolérants à l'égard de l'acide propionique présent en quantité insuffisante, mais capables de le métaboliser pour leur croissance ; toutefois, ce phénomène peut être évité en additionnant à l'acide propionique 10 % en poids de l'une des substances suivantes: formaldelhyde, zineb, acétate phényl de mercure, 8 hydroxyquinoline et d'autres dérivés, chloro, 5,7-dichloro, 5-nitroquinoline.

3.3.2.3. Autres acides organiques et produits dérivés

Il s'agit, selon les cas, d'acides utilisés purs ou en mélange, de sels ou de mélanges d'acides et de sels :

Acides purs

Acide formique (LACEY et al., 1978) Acide acétique (NEHRIR et al., 1978)

Mélanges d'acides

Acide propionique - acide formique (50-50) (LACEY et al., 1978) Acide propionique - acide acétique (80-20) (NEHRIR et al., 1978)

Acide propionique - acide acétique - eau (40-57-3) (GOERING et GORDON, 1973)

Acide propionique - acide isobutyrique - eau (20-30-50) (40-60-0) (NEHRIR et al., 1978)

Sels

Propionate de phényl (LACEY et LORD, 1977) Propionate d'éthyl (LACEY et LORD, 1977)

Propionate de sodium (GOERING et GORDON, 1973)

Propionate d'ammonium (CHARLICK et al., 1980) (LACEY et LORD, 1977) Diacétate de sodium (JONES et al., 1985) '

Isobutyrate d'ammonium (GOERING et GORDON, 1973) (NEHRIR et al., 1978)

Mélanges d'acides et de sels

Acide propionique - propionate d'ammonium (LORD, CAYLEY et LACEY, 1981)

Selon LACEY et LORD (1977) de tous les produits testés, l'acide propionique et le propionate d'ammonium se sont avérés les plus intéressants pour la conservation des foins humides. Le propionate d'ammonium présente l'avantage, par rapport à l'acide propionique d'être moins volatil et moins corrosif ; ne contenant que l'équivalent de 57 % d'acide propionique, il doit toutefois être employé à une dose 1,75 supérieure pour obtenir la même efficacité (CHARLICK et al., 1980). Un produit intermédiaire, de composition non précisée et appelé "ammonium bis-propanoate" par KLINNER et HOLDEN (1978) a été lancé vers 1975 en Grande-Bretagne. Contenant l'équivalent de 63 % d'acide propionique, son pouvoir de corrosion et sa volatilité sont intermédiaires entre ceux de l'acide propionique et du propionate d'ammonium; il s'agit vraisemblablement d'un mélange aqueux de ces deux produits.