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Faire accepter une innovation sociale

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 71-75)

A. Partie bibliographique

A.4 Comment mettre en place une filière d’assainissement durable dans un contexte de grande

A.4.2 Faire accepter une innovation sociale

Atteindre la pérennité pour toute innovation sociale est toujours un challenge. Et la mise en place d’un dispositif à base de toilettes individuelles au sein d’une population qui n’a toujours pratiqué que la défécation à l’air libre ou dans de vagues trous dans un coin du jardin est bel et bien une innovation sociale, à savoir une réponse nouvelle à un besoin social nouveau ou mal satisfait, « en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et des usagers » et « en passant par un processus en plusieurs démarches : émergence, expérimentation, diffusion, évaluation » (CSESS, 2011).

Mais la pérennité ne sera possible que lorsque l’innovation aura été acceptée.

Les hommes ne sont pas toujours réceptifs aux idées nouvelles. Ils sont pour la plupart résistants aux modèles non encore prouvés. La réplication ou la diffusion des idées nouvelles à travers les cultures a été l’objet de préoccupations des grandes entreprises de production

et de technologie. Le processus d’adoption de nouvelles idées ou innovations par les cultures a été étudié pendant plus de 30 ans.

Le modèle d’adoption le plus populaire à date est celui décrit par Everett Rogers dans son fameux livre Diffusion des innovations (ROGERS, 1995).

A.4.2.1 Facteurs d’influence pour la diffusion d’une innovation

D’après Rogers, quatre principaux éléments influencent la diffusion d’une innovation :

L’innovation elle-même, dont l’acceptation ou non dépend de la perception des individus, via trois étapes importantes, à savoir la connaissance, la persuasion et la décision. La manière d’introduire une innovation auprès d’un individu ou d’un groupe peut jouer un rôle important dans son adoption ou son rejet. Pour réduire l'incertitude de l'adoption de l'innovation, les individus doivent être informés des avantages et des inconvénients de façon à prendre conscience de toutes les conséquences qui peuvent être désirables ou indésirables.

Le réseau de communication : il permet de créer et de partager les messages concernant l’innovation d’un individu à un autre dans le but d’obtenir une compréhension mutuelle. Les leaders d’opinion jouent un rôle important dans la circulation de ces messages en créant un important réseau de communication favorable à la diffusion de l’innovation.

Le temps : c’est un paramètre important dans le processus de décision visant l’adoption ou pas d’une innovation, qui permet de suivre l’évolution de l’adoption.

Le système social : il est défini comme un ensemble d'unités interdépendantes partageant un objectif commun qui se sont engagées à trouver des solutions à leurs problèmes. Les membres ou unités d'un système social peuvent être des particuliers, des groupes informels, organisations, et / ou sous-systèmes.

A.4.2.2 Caractéristiques d’une innovation

Toujours selon Rogers, les caractéristiques d’une innovation sont :

L’avantage relatif, qui est le fait pour l’usager potentiel de percevoir une innovation comme étant meilleure que les autres produits du même genre utilisés dans une

communauté. Il n’est pas nécessaire que cette innovation offre beaucoup plus d’avantages ou de possibilités que les autres mais ce qui est important, c’est que l’individu la perçoive comme étant avantageuse.

La compatibilité, qui est une mesure du niveau d’adéquation d’une innovation avec les valeurs existantes, les expériences passées, les pratiques sociales et normes des utilisateurs. L’adoption d’une innovation sera d’autant plus difficile qu’elle est incompatible avec les valeurs et normes actuelles. L’adoption d’une innovation nécessite, dans certains cas, l’adoption au préalable d’un nouveau système de valeurs, ce qui peut prendre un temps considérable.

La complexité, qui est une mesure du niveau de difficultés à comprendre et à utiliser une innovation. Plus une idée nouvelle est difficile à intégrer, plus son processus d’adoption sera compliqué et demandera du temps.

La testabilité, qui est la possibilité offerte aux potentiels utilisateurs de tester une innovation et de la modifier avant de décider de son utilisation. Le test est fait pour augmenter la confiance de l’utilisateur.

L’observabilité, qui est le degré auquel les résultats d'une innovation sont visibles pour les autres. L’innovation a la plus forte probabilité d’être adoptée quand les résultats sont visibles pour les utilisateurs et d’autres personnes de leur environnement. Plus les résultats de l’adoption de l’innovation seront clairs et plus les individus l’adopteront facilement.

A.4.2.3 Les catégories d’adoptants d’une innovation

Le travail de Rogers lui a permis de classer les adoptants d’une innovation en cinq catégories :

Les innovateurs (aventureux) regroupent les individus qui ont un intérêt particulier pour les nouvelles idées, donc plus accessibles. Ils sont les premiers à présenter une innovation à l'intérieur de leur système social. Ils peuvent être comparés aux Pionniers ou Mordus (BIBEAU, 2006).

Les premiers adoptants représentés par les leaders des communautés sont des références en termes d’informations pour les autres membres. Ce sont des leaders d’opinion, des dirigeants de groupes sociaux organisés. Plus intégrés à l'intérieur du système social que les innovateurs, les premiers adoptants sont très importants dans le processus de transmission de messages concernant l’innovation.

La première majorité représente environ 1/3 des membres d’un système social susceptible d’adopter une innovation juste avant la moyenne du groupe. Elle joue un rôle important dans la sensibilisation des adoptants ayant besoin de beaucoup plus d’informations.

La majorité tardive constitue aussi 1/3 des membres du système social intéressé par l’innovation. Elle est intéressée par une innovation juste après la moyenne du système social et généralement pour des raisons économiques. Elle attend que les incertitudes sur l'innovation soient levées avant de l'adopter.

Les retardataires (ROGERS, 1995) ou réfractaires (BIBEAU, 2006), très fortement attachés aux valeurs traditionnelles et aux expériences du système, résistent aux idées nouvelles. Ils exigent des résultats positifs, visibles de l'innovation avant de l’adopter.

A.4.2.4 Les différentes phases vers l’adoption d’une innovation

Rogers a identifié cinq phases déterminantes dans le processus de décision vers l'adoption d'une innovation, qui sont :

La connaissance, phase au cours de laquelle l’individu explore l’innovation, pose des questions d’éclaircissement sur son fonctionnement. Le processus de décision qui doit conduire à l’adoption ou au rejet de l’innovation commence à cette phase.

La persuasion est la phase pendant laquelle un individu développe une attitude favorable ou défavorable par rapport à l'innovation.

La décision, phase qui doit lui permettre d'adopter ou de rejeter l'innovation.

L'implantation est l’étape au cours de laquelle un individu utilise, expérimente quotidiennement l'innovation afin d’évaluer ses avantages.

La confirmation est la phase la plus décisive où un individu cherche à obtenir des informations pouvant renforcer son choix (adoption ou rejet).

A.4.2.5 Vers une acceptation communautaire d’une innovation

La théorie de Rogers s’applique avant tout à un individu, dont l’adhésion à l’innovation pourra entraîner peu à peu celle d’autres individus. Mais en ce qui nous concerne, c’est l‘adhésion non pas individu par individu que nous souhaitons obtenir, mais celle de toute une communauté, au travers d’une approche collective et participative, pour aller vers une solution consensuelle. La théorie de Rogers, dont on peut difficilement réfuter la pertinence, doit donc être adaptée.

En milieu rural, une approche telle que le « diagnostic rural participatif » ou « diagnostic participatif des contraintes et des potentialités » a été proposée dans les années 90 pour les projets de développement, dans des domaines tels que l’agriculture, la sécurité alimentaire, la santé, la microfinance et l’éducation. Il est clairement précisé que les principes méthodologiques proposés doivent mener à des approches de terrain adaptées à leur contexte, approches innovantes et mettant la participation active de la population au premier plan. Un tel diagnostic permet d’identifier les contraintes et les solutions, de développer des méthodes de sensibilisation, d’identifier les points de recherche en lien avec la demande exprimée. Il faut pour cela démontrer la nécessité, faciliter le dialogue et la communication et définir ensemble les stratégies adaptées au problème spécifique (FAO, 2002 ; SCHOONMAKER FREUDENBERGER, 1999).

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