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Figure 2.7 – Spectre des photons issus de la collision pp pour des protons incidents d’une énergie de 50 TeV sur un nuage de matière.

2.3 Accélération par les restes de Supernova

Des candidats privilégiés Depuis leur découverte par Baade & Zwicky (1934), les restes de supernova sont des candidats sérieux pour l’accélération des CRs. Cette hypothèse a été confirmée au fil du temps. De simples critères sur la taille et le champ magnétique ainsi que l’énergie qu’elles injectent et leur fréquence ont permis de faire de l’accélération des particules dans ces sources le paradigme de l’origine des CRs Galactiques pour les énergies inférieures à∼ (3 − 5) × 1015eV.

L’éjection des couches externes de l’étoile lors de son explosion en supernova forme une onde de choc sphérique se propageant dans le milieu interstellaire que l’on appelle le reste de supernova (SNR). L’accélération diffusive par onde de choc (DSA pour Diffusive Shock Acceleration) qui est la version plus moderne des mécanismes de Fermi évoqués précédemment est naturellement présente dans ces SNRs. Ce mécanisme permet d’expliquer très facilement un spectre en loi de puissance pour les particules accélérées similaire à celui observé pour les rayons cosmiques d’origine Galactique sur la figure 2.2. De plus, l’énergie cinétique qui est libérée lors de l’explosion d’une supernova est typiquement de l’ordre de1051erg. La puissance requise pour renouveler le rayonnement cosmique au regard du temps de confinement des CRs dans la Galaxie est autour de1.5× 1041erg s−1 (Fields et al., 2001). Au vu du taux de SN dans la Galaxie (environ une tous les trente ans, Tammann et al., 1994),∼ 10% de l’énergie cinétique libérée au moment de l’explosion est nécessaire pour maintenir la densité d’énergie des CRs Galactiques.

Même si ce sont des candidats privilégiés, le paradigme des SNRs isolées comme source du rayonnement cosmique Galactique est toujours débattu. Les différentes observations multi-longueurs d’ondes effectuées avec des instruments à haute et très haute énergie confirment la présence de particules accélérées dans ces SNRs. Au moins localement, les SNe participent à l’accélération des CRs.

Des signatures observationnelles Des revues détaillées des signatures observationelles de l’ac-célération des particules par les SNRs peuvent être trouvées dans Helder et al. (2012) et Reynolds (2011). En plus des critères spectraux et énergétiques, les différentes analyses multi-longueurs d’onde que nous possédons mettent en évidence que les SNRs sont des sites d’accélération de particules. Les électrons énergétiques tournant autour des lignes de champ magnétique émettent une émission synchrotron (section 2.2.1). Autour de 300 SNRs sont observés actuellement en radio (Green, 2009) et indiquent la présence d’électrons au GeV. La découverte d’une émission synchrotron en rayon X de la supernova SN 1006 (Koyama et al., 1995) au niveau du front de choc a permis de montrer la présence d’électrons au TeV dans ces sources. Depuis 1995, le nombre de restes de supernova présen-tant une émission synchrotron en rayon X a augmenté de manière très rapide, certaines se révélant être aussi des sources brillantes au TeV comme RX J1713.7-3946 ou RX J0852.0-4622 (Helder et al., 2012, et références incluses). La meilleure résolution angulaire du satellite Chandra a permis de ré-véler des restes plus jeunes comme Tycho, Kepler ou Cas A (figure 2.8). Dans ces SNRs, l’émission X est concentrée dans des filaments très fins ce qui suggère une accélération récente des électrons (de la centaine d’années à quelques dizaines d’années). Les SNRs sont donc des objets accélérant activement les particules et non plus seulement des objets contenant des particules accélérées dans une phase plus ancienne. Depuis une dizaine d’année, une émissionγ au GeV et au TeV est détectée en provenance des restes de supernova (Aharonian et al., 2004c; Abdo et al., 2010b; collaboration HESS, 2017) qui indiquent donc la présence de particules accélérées au GeV et au TeV dans ces chocs. L’observation récente avec le télescope du Fermi/LAT (Large Array Telescope)1 d’une

émis-sion au GeV en provenance d’un nuage moléculaire au voisinage du SNR W44 a permis de favoriser un scénario hadronique. En effet l’absence de détection synchrotron en radio favorise un scénario où l’émission résulte de l’interaction des CRs avec la matière du nuage (Uchiyama et al., 2012). Au TeV, l’émission de nuages moléculaires proches du SNR W28 serait également expliquée par un scénario hadronique (Aharonian et al., 2008b). Ces observations mettent en évidence l’accélération et l’échappement de protons des SNRs.

Évolution d’un reste de supernova Lors de l’explosion d’une supernova, l’éjecta se propage dans le milieu entourant la source à des vitesses pouvant atteindre des dizaines de milliers de kilomètres par seconde. Ces éjecta emportant l’énergie cinétique de l’explosion créent une onde de choc se propageant dans le MIS avec des nombres de Mach très élevés.

On définit une supernova comme une explosion d’étoile mais nous en distinguons deux types principaux : celles de type II,Ib etIcqui sont créés par des étoiles massives en fin de vie et celles de typeIa qui se produisent lorsqu’une naine blanche accrétant la matière d’un compagnon atteint la masse de Chandrasekhar (1.4M ). Dans les deux cas un plasma chaud est éjecté avec des vitesses bien supérieures à celle du son dans le milieu interstellaire ce qui provoque une onde de choc. Le reste de supernova ainsi produit va évoluer en trois phases : la phase d’expansion libre, la phase adiabatique ou phase de Sedov-Taylor et la phase radiative. Lors de la phase d’expansion libre, la pression du gaz interstellaire est négligeable, les éjecta ne sont quasiment pas freinés et évoluent à une vitesse constante jusqu’à ce que la masse de la matière balayée soit égale à la masse de ces éjecta. Au bout d’un temps tSedov, la décélération s’accentue. Cette durée est dépendante des modèles d’expansion considérés et des conditions initiales d’explosion de la SNe (Cioffi et al., 1988; Truelove & McKee, 1999), en particulier son énergie cinétique ESN, la masse de l’éjecta Mej et la densité du milieunH. La rayon de la SNe étant proportionnel au temps depuis l’explosion dans cette

1. Le LAT est l’instrument principal à bord du Fermi Gamma-ray Space Telescope lancé en 2008 qui observe le ciel entre 20 MeV et 300 GeV (Atwood et al., 2009).

2.3. ACCÉLÉRATION PAR LES RESTES DE SUPERNOVA

Figure 2.8 – Image Chandra en Rayon X du SNR Cas A où est représentée en vert l’émission synchrotron. Notons la présence de croissants extrêmement fins au niveau du front de choc. Crédits : Vink (2006).

première phase, nous estimons :

tsedov ≈ 417  Mej 1 M 5/6  ESN 1051erg −1/2  nH 1 cm−3 −1/3 ans (2.3)

A ce moment-là, une onde de choc en retour va traverser l’enveloppe et chauffer le gaz à très haute température. À partir de là, l’expansion va être contrôlée par la pression thermique du gaz chaud. Cette phase où le refroidissement est dû uniquement à l’expansion dure entre quelques milliers d’années et quelques dizaines de milliers d’années en fonction des conditions du milieu dans lequel se trouve le SNR. L’évolution est bien décrite par la solution auto-similaire de Taylor-Sedov où le rayon du choc et sa vitesse évoluent en loi de puissance avec le temps :Rchoc ∝ t2/5 etvchoc ∝ t−3/5

(Longair, 2011). A partir du moment où l’âge du reste de supernova devient égal au temps de pertes des particules par émission radiative, nous entrons dans la phase radiative et une coquille dense et froide se forme peu à peu après recombinaison des électrons et des ions. L’accélération de particules se produit lors des deux premières phases via l’accélération diffusive par onde de choc. Pendant la phase radiative, la contribution aux CRs Galactique sera faible puisque la vitesse du choc est faible et qu’une fraction importante de l’énergie est perdue sous forme radiative. Plusieurs modèles prédisent d’ailleurs un échappement des particules les plus énergétiques avant le passage en phase radiative.

Énergie maximale L’énergie maximale que peuvent atteindre les particules accélérées au niveau du choc des SNRs dépend principalement de trois critères : le temps d’accélération qui est limité par l’âge du vestige, l’échappement des particules qui dépend de la taille et les pertes radiatives. Cette énergie maximale dépend donc très fortement de la valeur du coefficient de diffusion et en

particulier du spectre de turbulences du champ magnétique. S’il est faible, les particules restent confinées au choc et peuvent à nouveau être accélérées à la traversée du choc. S’il est important, elles s’échapperont plus vite. En se plaçant dans la limite du régime de Bohm où le coefficient de diffusion dépend linéairement de l’énergie et favorise le confinement des particules au choc, Lagage & Cesarsky (1983) ont déterminé une limite à l’énergie maximum d’accélération des particules autour de1014eV. Cette valeur est estimée en considérant des valeurs du champ magnétique proche de celle du MIS (quelquesµG). L’observation de croissants extrêmement fins dans le domaine des rayons X dans ces SNRs, comme sur la figure 2.8, dont l’épaisseur serait limitée par les pertes synchrotron des électrons les plus énergétiques, ont permis d’identifier depuis longtemps la présence d’un champ magnétique beaucoup plus fort. La variabilité temporelle de l’émission non thermique dans le SNR RXJ1713.7-3946 (Uchiyama et al., 2007) a été considérée comme la signature du fait que le champ magnétique est localement amplifié par les effets non linéaires dans l’accélération diffusive par onde de choc (Ellison et al., 2006). A titre d’exemple des valeurs situées entre 250 et 800 µG ont été déterminées pour Cas A, Kelpler ou Tycho (Helder et al., 2012, et références incluses). Le fait que le champ B détermine en grande partie l’énergie maximale des particules qu’un choc peut produire implique que l’amplification magnétique est un phénomène critique pour savoir si les SNRs peuvent produire des CRs au genou et au-delà. Des énergies de l’ordre du PeV peuvent être atteintes grâce à cette amplification du champ dans le SNR (Parizot et al., 2006). Toutefois, les énergies de l’ordre du genou (3-5 PeV) semblent difficilement atteignables par ces sources (Bell et al., 2013; Parizot et al., 2006).

Des phénomènes d’accélération collectifs, par exemple dans les superbulles (cavités chaudes de plusieurs millions de degrés et très étendues formées par les vents et les explosions d’étoiles massives de type spectral OB) pourraient aussi être une possibilité pour atteindre des énergies bien supé-rieures à celle du genou (Casse et al., 2002; Parizot et al., 2004; Bykov, 2014). Dans ces objets, un autre mode d’accélération que l’accélération diffusive par onde de choc serait impliqué et pourrait également produire un spectre en loi de puissance. Il s’agirait d’une accélération turbulente, rendue possible par les interactions des vents d’étoiles massives et des chocs dans la cavité, maintenant un haut niveau de turbulences et d’inhomogénéités magnétiques. Les particules accélérées pourraient atteindre des énergies de l’ordre de 100 PeV puisque les contraintes liées aux SNRs isolées sont bien plus faibles dans ces objets en raison de leur grande taille (plusieurs centaines de parsec de rayon) et de leur temps de vie beaucoup plus long (107 ans).