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3.2 Une émission diffuse

3.2.1 Une émission diffuse au TeV

Il est possible de soustraire les deux sources ponctuelles du GC (figure 3.1) pour révéler une émission diffuse plus faible dans la région présentée sur la figure 3.4.a. La première source diffuse (en bas à droite), HESS J1745-303, est en coïncidence spatiale avec une des sources détectées par le Fermi/LAT dans son troisième catalogue 3FGL J1745.1-3011 (Acero et al., 2015). Aharonian et al. (2008a) proposent que cette émission soit liée à l’interaction entre un reste de supernova et un nuage moléculaire, ou à la présence d’une Nébuleuse de Pulsar. La seconde est une émission diffuse s’étendant sur environ 2 en longitude et 0.2 en latitude le long du plan Galactique. En 2006, Aharonian et al. (2006a) révélaient déjà la présence de cette émissionγ diffuse et étendue de très haute énergie. Dans cette nouvelle étude, une nouvelle source ponctuelle est détectée au GC, HESS J1746-285, située vers l’Arc radio sur laquelle nous revenons en détail dans le chapitre 9.

Avec environ 50 heures d’observation pour la collaboration Veritas (Archer et al., 2016) et 70 heures pour la collaboration MAGIC (Ahnen et al., 2016), les deux instruments ont récemment découvert cette émission diffuse au-delà du TeV ainsi qu’un excès en direction de la source ponc-tuelle HESS J1746-285 nouvellement détectée (figure 3.4.b et figure 3.4.c respectivement). Ces deux instruments disposent d’un nombre d’heures d’observation similaire à celui que possédait H.E.S.S. en 2006. Depuis, la statistique sur le GC avec les observations de H.E.S.S. ayant quasiment doublé, environ 250 heures d’observation actuellement, il est possible de réaliser une étude morphologique et spectrale plus détaillée. La nouvelle estimation du spectre en loi de puissance de cette émission par Abramowski et al. (2017) donne un indice spectralΓ=2.28 ± 0.03stat± 0.2syst très proche de l’estimation de 2006. Nous revenons sur l’extraction de ce spectre dans le chapitre 9 qui a été rendu possible grâce à un outil que nous avons développé pour réduire les biais spectraux pour les sources diffuses. D’un point de vue morphologique, la très forte corrélation entre cette émission et la matière amène à penser qu’elle est d’origine hadronique. Les CRs au GC interagissent avec les protons de la matière. Cette région est donc remplie de CRs de haute énergie avec un spectre beaucoup plus dur que celui mesuré localement autour de 2.7 et une densité d’énergie pouvant aller jusqu’à un facteur 9 au-dessus de la densité d’énergie des CRs mesurée dans l’environnement solaire proche (Aharonian et al., 2006a), d’où la notion d’excès de CRs au GC. Dans cette étude, les auteurs ont estimé que l’énergie requise sous forme de CRs est de l’ordre de1050 erg pour des protons compris entre109-1015 eV soit 10% de l’énergie cinétique libérée au moment de l’explosion d’une SN. Cette estimation rajoutée à la non corrélation entre l’émission diffuse et la matière au-delà d’une longitude de1− 1.3 les a amenés à penser que la source responsable de l’excès était une injection ponctuelle

massive par le reste de supernova Sagittarius A Est, dont l’explosion a probablement eu lieu il y a 10 000 ans.

3.2. UNE ÉMISSION DIFFUSE

(a)

(c)

Figure 3.4 – (a) Carte en significativité de la région du Centre Galactique en coordonnées Ga-lactiques de l’émission γ de très haute énergie, observée avec le télescope H.E.S.S. Le lissage est effectuée avec la PSF de H.E.S.S. La carte correspond à celle des résidus après avoir soustrait les deux sources ponctuelles G0.9+0.1 et HESS J1745−290. La méthode utilisée pour soustraire pro-prement ces deux sources ponctuelles, avec une modélisation en plusieurs composantes de l’émission diffuse sous-jacente, est expliquée dans le chapitre 9. Les contours en cyan indiquent la distribution de gaz moléculaire tracée par la molécule CS (Tsuboi et al., 1999), également lissée par la PSF de H.E.S.S. Crédit : Abramowski et al. (2017). (b) La carte en significativité de l’émission du Centre Galactique observée avec VERITAS et lissée par la PSF de l’instrument, après avoir soustrait les émissions liées à Sgr A? et G0.9+0.1 pour une énergie > 2 TeV. Crédits : Archer et al. (2016). (c) La carte en excès de l’émission du Centre Galactique observée avec MAGIC et lissée par la PSF de l’instrument après avoir soustrait les émissions liées à Sgr A? et G0.9+0.1 pour une énergie > 1 TeV. Crédits : Ahnen et al. (2016).

Ce scénario d’une unique source impulsive est désormais exclu au regard du profil de densité de CRs, piqué vers le centre extrait par Abramowski et al. (2016) à partir de l’émissionγ diffuse. Dans cette étude, nous déterminons la luminositéγ, Lγ, dans sept régions du plan Galactique de rayon 0.1 à différentes distances du GC (figure 3.5.a). Dans chacune de ces régions, nous estimons la masse totale de gaz à partir de l’émission de la molécule CS,Mgaz et nous en déduisons un profil de densité de CRs en fonction de la distance au GC. Le rapportLγ/Mgas permet ensuite de déterminer la densité d’énergie moyenne de CRs sur la ligne de visée (LDV)wCG puisque :

wCGLγ× τpp Mgas

= R

LDV wCR(y)× Mgas(y)dy R

LDV Mgas(y)dy

où τpp est le temps caractéristique de conversion d’énergie des protons enγ (section 2.2.2) et y la direction selon la ligne de visée.

Nous en déduisons donc ensuite la densité d’énergie des CRs d’énergie supérieure à 10 TeV, qui produisent les rayons γ d’énergie supérieure à 1 TeV, moyennée selon la ligne de visée. Les point noirs sur la figure 3.5.b représentent le rapport de la densité moyennewCGpar rapport à la densité

3.2. UNE ÉMISSION DIFFUSE

locale mesurée dans l’environnement solaire à ces énergies, w0(> 10 TeV) ≈ 10−3 eV/cm3. Une injection impulsive engendrerait un profil trop plat pour reproduire ces données. Sur la figure, est également représenté le profil intégré en 1/r produit par une source stationnaire au GC (ligne rouge). Il est moyenné sur la ligne de visée par la distribution de matière en supposant que la matière est distribuée uniformément dans un cylindre autour du GC. Ce profil très piqué dans les 10pc centraux est consistant avec un scénario où les CRs se propagent par diffusion et sont émis par une source stationnaire au Centre Galactique.

Le spectre de cette émission est également extrait dans un anneau de rayon intérieur et extérieur de 0.15 et 0.45 centré sur le GC. Il est bien représenté par une loi de puissance d’indice Γ = 2.3 jusqu’à quelques dizaines de TeV sans coupure spectrale significative. Nous en avons déduit que le spectre de protons produisant ce spectre en γ doit s’étendre à des énergies de l’ordre du PeV. Cet accélérateur au PeV localisé au GC a une position compatible avec la source γ au TeV HESS J1745-290 (section 3.1.1) mais cette source présente une coupure exponentielle dans son spectre autour de 10 TeV ce qui semble invalider une association entre les deux. Cependant, Abramowski et al. (2016) proposent que la coupure soit due à l’absortion des rayonsγ au-dessus de 10 TeV par les interactions avec le champ de rayonnement infrarouge autour de la source. Ils concluent que le candidat le plus probable pour accélérer ces particule au GC et reproduire le profil piqué de CRs est le trou noir central Sgr A? pour lequel nous avons mentionné quelques mécanismes possibles pour l’accélération de particules à très haute énergie dans son environnement proche (section 3.1.1).

Nous estimons la puissance nécessaire pour l’accélération des CRs autour de1037− 1038erg s−1. Elle se situe entre 1% et 10% de la puissance d’accrétion au niveau du rayon de Bondi de Sgr A? de 1039erg s−1 (section 1.2.3). L’association avec Sgr A? est donc plausible. Dans cette étude, la possibilité d’injections récurrentes par les SNe au GC est écartée car si l’émission des particules est impulsive, leur taux dans l’amas Central doit être bien trop élevé. Cependant cette estimation du taux est fondée sur un profil de CRs qui est une moyenne sur toute les énergies accessibles par H.E.S.S. Or des variations en fonction de l’énergie sont possibles et ne pourraient pas être expliquées par une unique source stationnaire au GC. De plus, comme nous en reparlerons dans le chapitre 4, les particules ont un temps de confinement dans les SNRs avant de s’échapper qui dépend de leur énergie. Ce temps de confinement a pour effet en particulier de rendre stationnaire le profil, notamment aux basses énergies. Nous montrerons en particulier qu’en considérant un échappement dépendant du temps et une distribution spatiale des SNe réaliste donc concentrée dans les parties centrales du GC, un profil piqué vers le centre de CRs est également obtenu. De plus, dans ce scénario, une évolution importante de la morphologie de l’émission γ avec l’énergie est attendue. Une étude plus poussée de la morphologie de cette émission a été réalisée au cours de cette thèse et est présentée dans le chapitre 9. Elle permet en particulier une soustraction propre des deux sources ponctuelles, HESS J1745-290 et G0.9+0.1, nécessaire à l’extraction du spectre sur toute la région de l’émission diffuse ainsi que la découverte de la nouvelle source ponctuelle au GC, HESS J1745-303. Afin de répondre aux questions de l’origine de l’émission diffuse, il est donc nécessaire de développer de nouveaux outils pour permettre de réaliser une étude de cette émission sur plusieurs bandes en énergie, dont les premiers résultats seront également détaillés dans le chapitre 9.

Dans le chapitre 4, nous présenterons en détail le modèle hadronique à 3D que nous avons développé pour modéliser cette émission au TeV. Nous présentons les idées principales des modèles hadroniques et leptoniques qui existent actuellement afin de la modéliser dans la section 3.3.

(a)

(b)

Figure 3.5 – (a) Image de l’émission en γ à très haute énergie de la région du Centre Galactique. Les cercles noirs indiquent les régions de0.1 sectionnées le long du plan Galactique pour estimer la densité de CRs à différentes distances du GC. Les contours blancs indiquent la distribution de matière. (b) Profil 1D de la densité de CRs en fonction de la distance au GC par rapport à la densité moyenne dans l’environnement local. La ligne rouge (bleue) représente la densité de CRs moyenne sur la ligne de visée produite par une source stationnaire au GC produisant un profil en 1/r (1/r2). Crédit : Abramowski et al. (2016).