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Accès aux stages : pas de discrimination repérée du fait du jeune âge, mais un cadre légal

CHAPITRE 3. LES DISCRIMINATIONS LIÉES À L’ÂGE (ISOLÉ DE TOUT AUTRE CRITÈRE) : UNE

2. Accès aux stages : pas de discrimination repérée du fait du jeune âge, mais un cadre légal

Stage de troisième et apprentissage : un cadre légal

Les deux enquêtes visant à repérer d’éventuelles discriminations liées à l’âge dans l’accès aux stages et à l’apprentissage ont d’abord mis en lumière des cadres légaux contraignants ou au contraire favorables aux plus jeunes. En effet, le code du travail précise que les élèves âgés de moins de 14 ans ne peuvent effectuer leur séquence d’observation dans les établissements régis par le droit privé, il s’agit d’une mesure de protection. L’article L. 4153-5 prévoit une exception puisque les élèves peuvent être autorisés à accomplir des séquences d’observation « [...] dans les établissements où ne sont employés que les membres de la famille sous l'autorité soit du père, soit de la mère, soit du tuteur [...] ». De même, les employeurs tels que les administrations, les établissements publics administratifs et les collectivités territoriales, peuvent accueillir les élèves sans restriction d'âge (Charbonnier et al., 2016). Les élèves qui ont moins de 14 ans au moment du stage – ils ne sont qu’une petite minorité – sont contraints dans l’éventail de possibilités concernant leur stage de troisième.

Pour ce qui est de l’accès à l’apprentissage, le cadre légal semble favoriser les plus jeunes. « Le salaire des apprenti·e·s est réglementé par l’article L 117-10 du code du travail « l'apprenti·e perçoit un salaire déterminé en pourcentage du salaire minimum de croissance […] dont le montant […] varie en fonction de l'âge du bénéficiaire et de sa progression dans le ou les cycles de formation faisant l'objet de l'apprentissage ». Le coût de l’apprenti·e augmente avec l’âge et l’année d’étude et il apparaît donc toujours plus économique pour un employeur de retenir le plus jeune des candidats qui se présentent à lui » (Kergoat, 2017). À titre de comparaison, l’âge comme motif de refus a été mentionné par 50 % des lycéen·ne·s33 à propos de leurs recherches de stages. Il y aurait donc bien un effet significatif de l’âge sur l’obtention du contrat d’apprentissage34. Si les plus jeunes sont donc favorisés, les moins de 18 ans sont contraints par le fait de ne pas avoir de permis. De plus il apparait au cours de l’enquête que certaines grandes enseignes ne prennent pas de mineurs en stage. Une pratique qui s’étend de manière informelle à d’autres secteurs, notamment l’esthétique et la parfumerie (Kergoat, 2017). Une information confirmée par la direction de la Confédération nationale de l’esthétique Parfumerie contactée par les enquêteurs et qui évoquerait la superposition de contraintes administratives et des problèmes de savoir être des jeunes qui « ne maitrisent pas les codes du luxe » (Kergoat, 2017, p. 140).

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Des apprentis plus âgés que les lycéens : l’effet des parcours

En comparant la population des apprentis à celle des lycéens, il apparait que les apprenti·e·s sont en moyenne plus âgé·e·s que les lycéen·ne·s : « Plus d’un tiers des apprenti·e·s ont au moins 18 ans, contre seulement 13 % des lycéen·ne·s » (Kergoat, 2017, p. 50). L’enquête rend compte de bifurcations et de

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Qui n’étaient pas intéressés par l’apprentissage ou qui n’ont pas cherché de contrat d’apprentissage.

34 Rappelons que plus d’un tiers des apprenti·e·s de notre corpus complet ont au moins 18 ans, contre seulement 13 % des

INJEP NOTES & RAPPORTS/ NOTE THÉMATIQUE

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reprises d’étude plus fréquemment observées chez les apprentis », alors que « les lycéens ont tendance à s’orienter directement après le collège. En effet, « La population des apprenti·e·s comprendrait un certain nombre de jeunes, qui s’étaient d’abord inscrits en lycée, faute d’avoir trouvé un contrat d’apprentissage. Beaucoup n’abandonnent pas ce projet, jusqu’à ce qu’aboutisse leur désir d’entrer en apprentissage » (Kergoat, 2017, p. 55). Ainsi, les apprentis, lorsqu’ils ne bénéficient pas du réseau transmis par la famille, doivent se constituer eux-mêmes le réseau nécessaire à la signature d’un contrat d’apprentissage lors des stages en lycées professionnels.

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Le jeune âge n’est pas un critère de discrimination dans l’accès au stage

de troisième

Les résultats de l’enquête auprès des élèves, des équipes éducatives, des parents et des accueillants de stage « amènent à établir qu’il n’y a pas de discrimination liée au jeune âge dans l’expérience du stage de troisième, entendue alors comme traitement différencié et défavorable aux élèves » (Charbonnier et al., 2016, p. 114). Les élèves eux ont eu le sentiment que leur (jeune) âge, ou le fait d’être un élève de troisième est plutôt perçu comme un avantage. Sur les lieux de stages « la majorité des élèves (70 %) pensent également que les accueillants leur ont donné leur âge ou plus et seulement 4 % des élèves ont pensé être perçus comme moins âgés » (Ibid.). Les réponses des élèves quant aux remarques liées à leur apparence ou leur personnalité n’ont pas non plus fait émerger l’expression de stéréotypes liés au jeune âge. L’âge ne paraît donc pas retenir l’attention des accueillants. Les réponses de ces derniers témoignent en effet d’une certaine indifférence à l’âge de leur stagiaire. D’ailleurs, les professionnels ayant parfois refusé des sollicitations de stage ne l’ont généralement pas expliqué par l’âge des élèves. Il semble même que la « jeunesse » du stagiaire de troisième peut être un atout dans les interactions avec les accueillants dont la motivation principale à recevoir des stagiaires est la transmission d’un savoir-faire. Du point de vue des parents, le constat est le même puisque la plupart « ont émis un avis positif sur le stage et sa temporalité. Pour 16,3 % d’entre eux, le stage arrive au « bon moment ». À l’âge de 14 ans, les enfants sont, selon leurs propos, suffisamment « matures » pour se confronter au monde du travail (Ibid., p. 115).

En croisant les expériences des élèves, de leur parents, des accueillants de stage et des équipes enseignantes, il apparait qu’« in fine, ce sont les équipes éducatives qui se sont montrées les plus attentives à la question de l’âge, oscillant entre l’idée que les élèves sont au “bon âge” pour effectuer le stage et celle qui consiste à les voir comme des “adolescents” parfois immatures. […] C’est toutefois moins la question de l’âge, “scolaire”, que nous laissent entrevoir les différences dans l’accompagnement des équipes éducatives que d’autres questions relatives aux catégories sociales des élèves et aux lieux d’implantation des collèges » (Ibid.). Le fait que seules les équipes éducatives évoquent la question de l’âge interroge l’équipe de recherche qui se demande si ce discours particulièrement présent dans les établissements où les élèves, du fait de leur caractéristiques sociales ont des difficultés à trouver un stage, n’est pas une forme de « dénégation » d’autres formes de discriminations dont seraient victimes des élèves, comme a pu l’évoquer Fabrice Dhume-Sonzogni dans son enquête à propos de « l’ethnicisation des frontières scolaires » (Dhume-Sonzogni, 2014, p. 112).