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Chapitre 1 : Introduction, état de l’art

1.3. INSCRIPTION PAR IMPULSIONS ULTRA BRÈVES

1.3.1. Absorption non linéaire d’une impulsion courte

Le dépôt d’énergie par une impulsion courte dans le volume d’un diélectrique résulte du processus d’absorption non linéaire des électrons. L’énergie d’un seul photon du laser n’est pas suffisante pour faire passer un électron de la bande de valence à la bande de conduction. Mais si l’intensité est suffisamment grande (typiquement supérieure à 10 TW.cm-2), les électrons peuvent être excités vers la bande de conduction par photo-

ionisation, qui correspond à l’absorption multiphotonique et à l’ionisation par effet tunnel [41]. Ces deux processus sont représentés à la Figure 1.7-a-b.

Figure 1.7 : Schéma des processus d’ionisation possibles dans un champ

électromagnétique intense : (a) absorption multiphotonique (b) effet tunnel (c) ionisation en cascade (inspiré de [42]).

L’absorption multiphotonique est l’absorption simultanée de plusieurs photons d’énergie ℏ𝜔, où 𝜔 est la pulsation du photon. Le nombre de photons absorbés, 𝑚, doit être suffisant pour que l’électron franchisse l’énergie de bande interdite 𝐸𝑔 : 𝑚ℏ𝜔 > 𝐸𝑔. Plus 𝑚 est grand, plus

multiphotonique peut être exprimé par 𝜎𝐼𝑚, où 𝐼 est l’intensité lumineuse et 𝜎 est la section

efficace d’absorption à 𝑚 photons pour un électron de la bande de valence.

L’absorption par effet tunnel vient de la déformation du potentiel électrique de piégeage des électrons par les ions du réseau. À l’équilibre, les électrons de la bande de valence sont piégés dans des puits de potentiel (champ coulombien) formés par les ions. La superposition du champ électrique du laser et du champ coulombien se traduit par une oscillation de la barrière de potentiel à travers laquelle les électrons liés peuvent passer vers la bande de conduction par effet tunnel.

Une combinaison des deux phénomènes est aussi possible : l’absorption de plusieurs photons par un électron peut augmenter ses chances de franchir la barrière de potentiel par effet tunnel. La prépondérance de l’un ou l’autre des processus peut être ramenée à un nombre, le paramètre de Keldysh, noté 𝛾 [43] :

𝛾 =𝜔 𝑒√

𝑚𝑒𝑐𝑛𝜖0𝐸𝑔

𝐼 (3)

où 𝑒 est la charge de l’électron, 𝑚𝑒 est la masse effective de l’électron, 𝑐 est la vitesse de

la lumière, 𝑛 est l’indice de réfraction du diélectrique, 𝜖0 est la permittivité du vide et 𝐼 est

l’intensité lumineuse du laser au point focal. Si 𝛾 est bien plus petit que 1,5, c’est-à-dire pour des intensités très élevées et des fréquences du laser basses rapport à l’énergie de bande interdite, l’effet tunnel domine l’ionisation. Si 𝛾 est bien plus grand que 1,5, c’est-à-dire pour des intensités relativement faibles et des fréquences du laser élevées, c’est l’absorption multiphotonique qui domine. Dans les conditions d’irradiations explorées au cours de cette thèse, on a calculé des paramètres de Keldysh allant de ~2,5. La photo-ionisation est donc dans notre cas dominée par l’absorption multiphotonique.

Une fois les premiers porteurs de charges générés par l’un ou l’autre des processus précédents, un autre type d’ionisation prend place : l’ionisation en cascade. Elle survient lorsque des électrons présents dans la bande de conduction sont accélérés par le champ électrique du laser par bremsstrahlung inverse. S’il absorbe une énergie suffisante, un électron de la bande de conduction peut collisionner avec un électron de la bande de valence et le faire passer dans la bande de conduction. Les nouveaux électrons excités de cette manière peuvent à leur tour être accélérés dans le champ électrique du laser et exciter encore d’autres électrons. Les premiers électrons de conduction peuvent être générés par

photo-ionisation (multiphotonique et effet tunnel), mais peuvent aussi être présents à cause de défauts ou d’impuretés (électron excité thermiquement).

Pendant l’impulsion laser, la densité d’électrons dans la bande de conduction augmente par photo-ionisation et ionisation en cascade jusqu’à ce que la fréquence plasma approche la fréquence du laser où il devient très alors absorbant. Ce point est appelé densité critique du plasma et il est communément admis que les modifications permanentes apparaissent quand on l’atteint, car l’absorption de l’énergie du laser au point focal augmente significativement [44,45].

Figure 1.8 : Échelle de temps des phénomènes se produisant lors de l’inscription par laser femtoseconde (inspiré de [46]). Les temps sont indicatifs, ils varient avec les conditions d’irradiation et les caractéristiques du diélectrique.

Le transfert de l’énergie du plasma au réseau d’ions ou d’atomes a lieu dans des temps significativement plus grands que la durée de l’impulsion laser. Les différents processus d’absorption et de diffusion de l’énergie et leurs échelles de temps sont résumés à la Figure 1.8. Après l’excitation des porteurs de charges, leur énergie est transmise au réseau par collisions entre les porteurs et les phonons du réseau, avec des temps caractéristiques de l’ordre de la picoseconde. La chaleur, très localisée juste après l’impulsion, diffuse dans le milieu environnant sur des échelles de temps de l’ordre de la nanoseconde. Il peut arriver que la température dépasse la température de fusion du solide. Parfois, la densité d’énergie est telle qu’une onde de choc se produit, éjectant de la matière du volume focal et laissant derrière elle une zone de faible densité [47].

Pour des impulsions sub-picosecondes, l’absorption a lieu à une échelle de temps plus courte que le temps caractéristique de transferts de l’énergie au réseau, découplant les deux processus. Les impulsions ultra-courtes requièrent moins d’énergie que des impulsions longues (picoseconde ou plus) pour atteindre la densité critique de porteurs de charges dans le plasma. La génération du plasma en régime sub-picoseconde est donc bien plus précise qu’en régime nanoseconde par exemple. De plus, pour des impulsions longues, l’ionisation est principalement permise par la présence d’impuretés et de défauts fournissant les premiers électrons pour l’ionisation en cascade, ce qui rend la génération du plasma plus stochastique.