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Absence d’effets coordonnés sur les marchés départementaux de transport

Dans le document Décision 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 (Page 84-87)

CHAPITRE 3. ANALYSE CONCURRENTIELLE

C. Absence d’effets coordonnés sur les marchés départementaux de transport

391. Le Conseil puis l’Autorité de la concurrence ont sanctionné à de nombreuses reprises des pratiques d’ententes sur les marchés du transport interurbain, notamment du transport scolaire. Dans la plupart de ces affaires, l’Autorité a constaté que les entreprises concernées s’échangeaient des informations sur leur intention de soumissionner ou se communiquaient des projets de réponse aux appels d’offre afin d’établir des offres de couverture. Ces pratiques suggèrent que la transparence du marché est insuffisante pour que les entreprises puissent, sans accord explicite entre elles, convenir d’une ligne d’action.

392. En tout état de cause, Veolia Transport et Transdev ne sont, préalablement à l’opération, actifs de façon simultanée que sur un nombre limité de départements. Sur la plupart de ces départements, la présence de l’un ou l’autre de ces opérateurs était marginale et l’opération ne peut avoir d’effet sur l’incitation des acteurs du marché à coordonner leur comportement. Enfin, sur les marchés de l’Eure-et-Loir, du Loir-et-Cher, du Var et du Vaucluse pour lesquels l’opération créée des conditions de marché défavorables à la concurrence, les engagements proposés par les parties suppriment tout chevauchement de parts de marché et permettent d’écarter le risque que l’opération ne favorise un comportement coordonné des acteurs dans ces départements.

III. Sur le marché des transports routiers de voyageurs en Ile de France

393. Les principales caractéristiques du marché des transports routiers de voyageurs en Ile-de-France, et notamment la position singulière occupée par la RATP, seront examinées

177 Formulaire de notification, §1105 : « Il convient de noter la présence d’une régie départementale très puissante (RDT 13) qui exploite 195 véhicules (soit 13% des véhicules exploitées dans le département) sur des lignes telles qu’Aix-Marseille, Aix-Vauvenargues et Marseille-ZI Les Mines. »

dans un premier temps (A) avant d’analyser les effets de l’opération sur la concurrence (B).

A. CARACTÉRISTIQUES DU FONCTIONNEMENT DE LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ

394. Le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France possède une organisation très spécifique : la LOTI n'y est historiquement pas applicable et la région dispose d'un cadre législatif particulier, fixé par l'ordonnance n° 50-151 du 7 janvier 1959. Les transports publics y sont organisés par le STIF, établissement public local à caractère administratif, qui exerce ses prérogatives pour le compte de la région Ile-de-France, de la ville de Paris et des départements des Hauts-de-Seine, de l’Essonne, des Yvelines, du Val-d’Oise et de Seine-et-Marne. Face au STIF, l’ensemble des entreprises privées exploitant des lignes régulières de bus inscrites au Plan Régional de Transport, soit à ce jour 84 entreprises ou centres d’exploitation dont les parties notifiantes, sont regroupées au sein d’OPTILE (Organisation Professionnelle des Transports d’Ile-de-France).

395. Le STIF est soumis à un régime juridique qui le dispense de mettre en concurrence les opérateurs routiers pour l’exploitation des services réguliers de transport de voyageurs : il procède simplement par inscription d’un transporteur au plan de transport, ce qui confère à ce dernier un droit exclusif d’exploitation à durée indéterminée, à la suite de l’octroi par le STIF d’une autorisation administrative, concernant des parcours particuliers, dans le cadre de procédure sans mise en concurrence et non soumise à la loi Sapin ou au code des marchés publics.

396. Enfin, les transports publics dans cette région sont largement structurés autour du réseau RATP. Schématiquement, la situation historiquement en vigueur concernant l’attribution des lignes en Île de France en général et des lignes exploitées par la RATP en particulier est la suivante :

- aux termes de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948, la RATP s’est vu attribuer l’exploitation « des réseaux de transport en commun de Paris et du département de la Seine et des lignes de Seine et Oise et Seine et Marne concédées ou affermées antérieurement à la Compagnie du chemin de fer métropolitain ou à la Société des transports en commun de la région parisienne »178. A ce titre, la RATP a exploité et exploite toujours, dans le cadre notamment de la zone de Paris et sa petite couronne, des lignes qui n’ont jamais été soumises à concurrence, ni à une possibilité de renouvellement de gré à gré et qui n’auraient en tout état de cause pas pu être attribués à un autre prestataire que la RATP ; - la loi de 1948 prévoyait également que la RATP pourrait être chargée de

l’exploitation d’autres lignes à partir de la mise en vigueur du plan d’aménagement et de répartition des transports, sous l’autorité concédante du STIF, ce que l’ordonnance de 1959 a confirmé. L’établissement public RATP, de même que des sociétés privées dont font partie les parties notifiantes, se sont ainsi vu attribuer l’exploitation d’un certain nombre de lignes dans la deuxième couronne de la région parisienne pour une durée indéterminée ;

178 Soit, depuis 1964, pour les réseaux de Paris et de l’ancien département de la Seine, Paris et l’actuelle petite couronne : Val de Marne, Seine Saint Denis et Hauts de Seine, et pour les lignes concédées ou affermées à l’époque de cette loi aux sociétés de transport dont la RATP, la Seine et Marne et les départements ayant succédé à la Seine et Oise : Yvelines, Val d’Oise et Essonne.

- en 2000179, la RATP a été autorisée à créer des filiales aux fins d’exploiter des réseaux en province et à l’étranger, c'est-à-dire en dehors de la zone que le principe de spécialité géographique impose à cet établissement public. Une filiale, RATP Développement, a été ainsi créée en 2002 et exploite également des lignes dans le cadre des autorisations délivrées par le STIF ;

- un certain nombre de lignes ont néanmoins été attribuées par le STIF ou quelques autres collectivités au terme d’appels d’offres. D’après les informations fournies par les parties, le groupe RATP serait titulaire d’un certain nombre d’entre elles.

397. Dans ce cadre, l’analyse des autorités de concurrence a consisté à considérer comme hors marché l’activité sous monopole de la RATP issue de la loi de 1948, sur laquelle l’établissement public RATP est le seul opérateur actif. Ainsi, dans plusieurs décisions, les parts de marché de la RATP ont été calculées sur la base soit de la seule activité de sa filiale RATP Développement180, soit de l’activité de RATP Développement ajoutée à l’estimation du chiffre d’affaires généré par les activités de la RATP hors de son monopole géographique181.

398. Néanmoins, les parties signalent qu’une telle analyse ne vaut que pour l’état du marché antérieur à l’entrée en vigueur de la loi ORTF182 faisant application des principes définis dans le règlement OSP183. Elles considèrent que, depuis l’entrée en vigueur de ces textes, il faut inclure la totalité des activités de la RATP dans le périmètre du marché pertinent, compte tenu de l’ouverture à la concurrence de la zone de monopole de la RATP. Elles précisent ainsi que la loi ORTF a organisé une période de transition (article 8 de la loi) sur le marché des transports en Île de France dans des conditions identiques, quel que soit le statut de l’opérateur. Elles soulignent surtout, en substance, que depuis l’entrée en vigueur de la loi à compter du 3 décembre 2009, de nouvelles lignes, autres activités en Île de France et être de ce fait réintégrée dans le périmètre du marché pertinent.

179 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite loi SRU), article 117 : « En dehors de la région d'Ile-de-France et à l'étranger, la Régie autonome des transports parisiens peut également, par l'intermédiaire de filiales, construire, aménager et exploiter des réseaux et des lignes de transport public de voyageurs, dans le respect réciproque des règles de concurrence. Ces filiales ont le statut de société anonyme. Leur gestion est autonome au plan financier dans le cadre des objectifs du groupe ; elles ne peuvent notamment pas bénéficier de subventions attribuées par l'Etat, le Syndicat des transports d'Ile-de-France et les autres collectivités publiques au titre du fonctionnement et de l'investissement des transports dans la région d'Ile-de-France. »

180 Voir décision de l’Autorité de la Concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010, SNCF-P/ CDQ/ Keolis/ EFFIA précitée, dans un cas où ne posant pas de problème de concurrence alors que ce mode de calcul représentait le cas le plus défavorable. Dans la présente affaire, la décision de renvoi de la Commission a visiblement suivi le même mode de calcul et a ainsi conclu que les parties notifiantes détiendront environ [50-60] % de parts sur le marché de transport routier de l’Île de France.

181 Voir les lettres du ministre de l’Economie n°C2000-39 et n°C2000-40 du 7 juin 2000 et n°C2008-33 du 28 mai 2008, Transdev/ Espaces.

182 Loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a modifié l’ordonnance de 1959. L’article 5 de cette loi précise que les nouveaux contrats de transport public, intervenant à partir du 3 décembre 2009, doivent être passés conformément à la LOTI. Les contrats en cours se poursuivent conformément aux règles applicables avant le 3 décembre 2009, jusqu’au 1er janvier 2025 pour les services routiers de transport (sauf convention contraire).

183 Règlement communautaire n° 1370/2007 du 23 octobre 2007.

399. Néanmoins, si l’application du règlement OSP mettra fin à terme au régime singulier dont bénéficie actuellement la RATP184, tel n’est pas encore le cas. Ainsi, juridiquement, la période de transition ne change le régime applicable qu’aux lignes créées après le mois de décembre 2009. Mais le fait que des nouvelles lignes puissent être créées également à Paris185 ne change pas le statut des lignes liées au monopole historique de la RATP : ces lignes se sont pas ouvertes à l’exploitation par une autre entreprise et restent de ce fait hors marché. Elles le resteront jusqu’à l’ouverture effective de cette partie du marché à la concurrence.

400. En outre, la mise en place par le STIF à partir de 2007 d’une contractualisation en deux phases ayant pour but de préparer séquentiellement le passage à la mise en concurrence a pour résultat théorique d’avancer à 2017 au plus tard la fin de la période de transition prévue par la loi ORTF à 2024 sauf convention contraire186. Cette contractualisation a été mise en place avec les entreprises réunies au sein de l’OPTILE mais pas avec la RATP. Il en résulte que le passage en concurrence aura lieu, pour les lignes exploitées par la RATP, sept ans après celles des autres opérateurs.

401. Les parts de marché prises en compte pour le groupe RATP n’intègreront donc que les activités extérieures à son monopole.

402. Toutefois, et ainsi qu’il sera repris ci-dessous, il convient de préciser, d’une part, que l’activité en monopole ne peut naturellement être ignorée dès lors qu’il s’agira d’évaluer le pouvoir de marché de la RATP en Île de France et la pression concurrentielle qu’elle exercera sur les parties notifiantes après l’opération et, d’autre part, que la question de l’inclusion de l’activité en monopole de la RATP dans les parts de marché n’aurait en tout état de cause pas d’influence sur la conclusion de l’analyse.

Dans le document Décision 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 (Page 84-87)