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ABOLITION DÉFINITIVE DES DROITS FÉODAUX

Dans le document La Grande Révolution ( ) Pierre Kropotkine (Page 171-200)

Lorsque la royauté fut abolie, la Convention, dès ses premières séances, dut s’occuper des droits féodaux.

Mais, comme les Girondins s’opposaient à l’abolition de ces droits sans rachat, et comme ils ne proposaient aucun système de rachat,obligatoire pour le seigneur, le tout restait en suspens, tandis que c’était la principale question pour la moitié de la France. Le paysan rentrerait-il sous le joug féodal, et subirait-il de nouveau la famine, dès que la période révolutionnaire serait arrivée à sa fin ?

Après que les chefs Girondins furent expulsés de la Convention, celle-ci, nous venons de le voir, s’empressa de voter le décret qui rendait aux communes leurs terres communales. Mais elle hésita encore à se prononcer sur les droits féodaux, et ce ne fut que le 17 juillet 1793 qu’elle se décida enfin à frapper le grand coup qui allait sceller la Révolution, en la légalisant dans un de ses deux principaux objectifs, — l’abolition définitive des droits féodaux.

La royauté avait cessé d’exister le 21 janvier 1793. Maintenant, le 17 juillet 1793, la loi cessait de reconnaître en France les droits du seigneur féodal — la servitude de l’homme envers un autre homme.

Le décret du 17 juillet était parfaitement explicite. Les distinctions établies par les Assemblées précédentes entre différents droits féodaux, dans l’espoir d’en conserver une partie, furent annulées. Tout droit issu du contrat féodal cessait d’exister purement et simplement.

« Toutes redevances ci-devant seigneuriales, droits féodaux, fixes et casuels, même ceux consacrés par le décret du 25 août dernier, sont supprimés sans indemnité, » dit l’article 1er du décret du 17 juillet 1793. Il n’y a qu’une exception ; ce sont les rentes ou prestationspurementfoncières, non féodales, qui resteront (art. 2).

Ainsi l’assimilation des rentesféodalesaux rentesfoncières, qui avait été établie en 1789 et 1790, est complète-ment abolie. Si une rente, ou une obligation quelconque, a une origine féodale, quelle que soit sa dénomination, elle est abolie irrévocablement, sans indemnité. La loi de 1790 disait que si quelqu’un avait loué une terre, à la condition de la payer une certaine rente annuelle, il pouvait racheter cette rente, en payant une somme qui représentait de 20 à 25 fois la rente annuelle. Et les paysans acceptaient cette condition. Mais, ajoutait la loi, si, outre la rente foncière, le propriétaire avait imposé autrefois une redevance quelconque de caractère féodal, — un tribut, par exemple, à payer sur les ventes ou héritages, un fief quelconque, ou une censive qui représentait une obligation personnelle du fermier à l’égard du propriétaire (ainsi, l’obligation d’employer le moulin ou le pressoir du seigneur, ou une limitation du droit de vente des produits, ou un tribut sur ceux-ci), ou bien, ne serait-ce qu’un tribut à payer au moment de la résiliation du bail, ou au moment où la terre changerait de propriétaire, — le fermier devait racheter cette obligation féodale, en même temps que la rente foncière.

Maintenant, la Convention frappe un coup vraiment révolutionnaire. Elle ne veut rien entendre de ces subtilités.

Votre fermier tient-il votre terre sous une obligation de caractère féodal ? Alors, quel que soit le nom de cette obligation, elle est supprimée sans rachat. Ou bien, votre fermier vous paie une rente foncière qui n’a, elle, rien de féodal. Mais en plus de cette rente vous lui avez imposé un fief, un cens, un droit féodal quelconque ? Eh bien, il devient propriétaire de cette terre, sans rien vous devoir.

Mais, direz-vous, cette obligation était insignifiante, elle était purement honorifique. Tant pis. Vous vouliez tout de même faire de votre fermier un vassal, — le voilà libre, en possession de la terre à laquelle s’attachait l’obligation féodale, et ne vous devant rien. De simples particuliers, comme le dit M. Sagnac (p. 147), « eux aussi, soit par vanité, soit par la force de l’usage, ont employé ces formes proscrites, ont stipulé dans leurs baux à rentes de modiques cens ou de faibles lods et ventes, » — ils ont simplement « voulu jouer au seigneur. »

Tant pis pour eux. La Convention montagnarde ne leur demande pas s’ils ont voulu jouer au seigneur, ou cherché à le devenir. Elle sait que toutes les redevances féodales furent faibles et modiques au début, pour devenir très lourdes avec le temps. Ce contrat est entaché de féodalité, comme tous ceux qui ont servi pendant des siècles à asservir le paysan ; elle y voit l’empreinte féodale, et elle donne la terre au paysan, qui avait loué cette terre, sans lui demander aucune indemnité.

Plus que cela. Elle ordonne ( art. 6) que « tous les titres récognitifs de droits supprimésseront brûlés. » Seigneurs, notaires, commissaires à terrier, tous devront porter au greffe de leur municipalité, dans les trois mois, tous ces titres, toutes ces chartes qui consignaient le pouvoir d’une classe sur une autre. Tout cela sera mis en tas et brûlé.

Ce que les paysans révoltés faisaient en 1789, au risque d’être pendus, on le fera maintenant de par la loi. « Cinq

ans de fers contre tout dépositaire, convaincu d’avoir caché, soustrait ou recelé les minutes ou expéditions de ces actes. » Beaucoup de ces actes constatent le droit de propriété de l’État sur les terres féodales, car l’État avait eu autrefois ses serfs et plus tard ses vassaux. Peu importe ! Le droit féodal doit disparaître et il disparaîtra. Ce que l’Assemblée Constituante avait fait pour lestitresféodaux, — prince, comte, marquis, — la Convention le fait aujourd’hui pour lesdroits pécuniairesde la féodalité.

Six mois plus tard, le 8 pluviôse an II (27 janvier 1794), en présence de nombreuses réclamations, surtout de la part des notaires qui inscrivaient dans les mêmes livres, souvent sur la même page, les obligations purement foncières et les redevances féodales, — la Convention consentit à suspendre l’effet de l’article 6 : les municipalités pouvaient garder dans leurs archives les titres mixtes. Mais la loi du 17 juillet restait intacte, et encore une fois, le 29 floréal an II (18 mai 1794), la Convention confirmait que toutes les rentes, « entachées de la plus légère marque de féodalité » étaient supprimées sans indemnité.

Ce qui est surtout à remarquer, c’est que la réaction fut incapable d’abolir l’effet de cette mesure révolutionnaire.

Il est évident qu’il y a loin, comme nous l’avons déjà dit une fois, de la loi écrite à sa mise en exécution sur les lieux. Là où les paysans ne s’étaient pas soulevés contre leurs seigneurs ; là où ils marchaient, comme ils le firent en Vendée, sous la conduite des seigneurs et des prêtres contre les sans-culottes ; là où leurs municipalités villageoises restèrent dans la main des prêtres et des riches, — là, les décrets du 11 juin et du 17 juillet 1793 ne furent pas appliqués. Les paysans ne rentrèrent pas en possession de leurs terres communales. Ils ne prirent pas possession des terres qu’ils tenaient en bail de leurs ex-seigneurs féodaux. Ils ne brûlèrent pas les titres féodaux.

Ils n’achetèrent même pas les biens nationaux, de peur d’être maudits par l’Église.

Mais dans une bonne moitié de la France, les paysans achetèrent les biens nationaux. Çà et là ils se les firent vendre par petites parcelles. Ils prirent possession des terres qu’ils tenaient en bail de leurs ex-seigneurs féodaux, plantèrent des Mais et firent des feux de joie de toute la paperasse féodale. Ils reprirent aux moines, aux bourgeois et aux seigneurs les terres communales. Et dans ces régions, le retour de la réaction n’eut aucune prise sur la révolution économique accomplie.

La réaction revint le 9 thermidor, et avec elle la terreur bleue de la bourgeoisie enrichie. Plus tard vinrent le Directoire, le Consulat, l’Empire, la Restauration, et ils balayèrent la plupart des institutions démocratiques de la Révolution.Mais cette partie de l’œuvre accomplie par la Révolution resta; elle résista à tous les assauts. La réaction put démolir, jusqu’à un certain point, l’œuvre politique de la Révolution ; mais son œuvre économique survécut. Resta aussi la nouvelle nation, transfigurée, qui se forma pendant la tourmente révolutionnaire.

Autre chose. Quand on étudie les résultats économiques de la Grande Révolution, telle qu’elle s’est accomplie en France, on comprend l’immense différence qu’il y a entre l’abolition de la féodalité accomplie bureaucratiquement, par l’État féodal lui-même (en Prusse, après 1848, ou en Russie, en 1861), et l’abolition accomplie par une révolution populaire. En Prusse et en Russie, les paysans n’ont été affranchis des redevances et des corvées féodales qu’en perdant une partie considérable des terres qu’ils possédaient et en acceptant un lourd rachat qui les a ruinés.Ils se sont appauvris pour acquérir une propriété libre, tandis que les seigneurs, qui avaient d’abord résisté à la réforme, en ont retiré (du moins dans les régions fertiles) un avantage inespéré. Presque partout en Europe, la réforme a agrandi la puissance des seigneurs.

En France seulement, où l’abolition du régime féodal s’était faite révolutionnairement, le changement tournait contre les seigneurs, comme caste économique et politique, à l’avantage de la grande masse des paysans.

LI. BIENS NATIONAUX

La Révolution du 31 mai eut le même effet salutaire sur la vente des biens nationaux. Jusqu’alors cette vente avait profité surtout aux riches bourgeois. Maintenant les Montagnards firent en sorte que les terres mises en vente pussent être achetées par ceux des citoyens pauvres qui voulaient les cultiver eux-mêmes.

Lorsque les biens du clergé et, plus tard, ceux des émigrés, furent confisqués par la Révolution et mis en vente, on divisait d’abord une partie de ces biens en petits lots, et l’on donnait aux acheteurs douze ans pour payer le prix d’achat. Mais cela changeait, à mesure que la réaction de 1790-1791 grandissait et que la bourgeoisie constituait son pouvoir. D’autre part, l’État, à court d’argent, préférait vendre tout de suite aux agioteurs. On ne voulut plus fractionner les corps de ferme ; on vendit en bloc, à des individus qui achetaient comptant, en vue de

la spéculation. Il est vrai que les paysans firent quelquefois des groupements, des syndicats pour acheter, mais la législation voyait ces syndicats d’un mauvais œil, et une masse immense de biens passait aux spéculateurs. Les petits agriculteurs, les journaliers, les artisans dans les villages, les indigents se plaignaient. Mais la Législative ne prêtait pas attention à leurs plaintes156.

Plusieurs cahiers avaient bien demandé que les terres de la Couronne et celles de mainmorte, autour de Paris, fussent partagées et louées par lots de quatre à cinq arpents. Les Artésiens demandaient même que les dimensions des fermes fussent réduites à « trois cents mesures de terre » (Sagnac, p. 80). Mais, comme l’a déjà dit Avenel, « ni dans les discours prononcés à ce sujet [à l’Assemblée], ni dans les décrets votés, nous ne trouvons une seule parole en faveur de ceux qui n’ont pas de terre… Personne dans l’Assemblée ne propose l’organisation d’un crédit populaire pour que ces affamés pussent acquérir quelques parcelles… On n’attacha même aucune attention au vœu de quelques journaux, comme leMoniteur, qui proposaient que la moitié des terres à vendre fût partagée en lots de 5.000 francs, pour créer une certaine quantité de petits propriétaires157. » Les acquéreurs de lots furent pour la plupart ceux des paysans qui avaient déjà des propriétés, ou bien des bourgeois venus de la ville, — ce qui fut très mal vu en Bretagne et en Vendée.

Mais voilà que le peuple se soulève au 10 août. Alors, sous la menace du peuple révolté, la Législative cherche à apaiser les plaintes, en ordonnant que les terres des émigrés seront mises en vente par petits lots de 2 à 4 arpents, pour être vendues « à perpétuité par bail à rente en argent ». Cependant ceux qui achètent argent comptant ont toujours la préférence.

Le 3 juin 1793, après l’expulsion des Girondins, la Convention fit la promesse de donner un arpent à chaque chef de famille prolétaire dans les villages, et il y eut un certain nombre de représentants en mission qui firent cela en réalité et distribuèrent de petits lots de terre aux paysans les plus pauvres. Mais ce ne fut que le 2 frimaire an II (22 novembre 1793) que la Convention ordonna que les biens nationaux, mis en vente, fussent subdivisés le plus possible. Pour l’achat des biens des émigrés, des conditions favorables aux pauvres furent crées, et elles furent maintenues jusqu’en 1796, époque où la réaction les abolit.

Il faut dire que les finances de la République étaient toujours dans une situation déplorable. Les impôts rentraient mal, et la guerre absorbait des milliards et des milliards. Les assignats perdaient de leur valeur et, dans ces conditions, l’essentiel était de réaliser de l’argent au plus vite par la vente des biens nationaux, afin de détruire une quantité correspondante d’assignats des émissions précédentes. C’est pourquoi, les gouvernants, Montagnards aussi bien que Girondins, pensaient bien moins au petit cultivateur qu’à la nécessité de réaliser de suite les plus fortes sommes possibles. Celui qui payait comptant avait toujours la préférence.

Et cependant, malgré tout cela, malgré tous les abus et toutes les spéculations, il se faisait des ventes considé-rables par petits lots. À côté des gros bourgeois qui s’enrichirent du coup par l’achat des biens nationaux, il y eut dans certaines parties de la France, surtout dans l’Est, des quantités considérables de terres qui passèrent (comme l’a montré Loutchitzky) par petits lots aux mains des paysans pauvres. Là, ce fut une vraie révolution accomplie dans le régime de la propriété.

Ajoutez aussi que l’idée de la Révolution était de frapper la classe des grands propriétaires et de détruire les grandes propriétés en abolissant le droit d’aînesse dans les successions. Pour cela, elle supprima d’abord, dès le 15 mars 1790, la succession féodale, par laquelle les seigneurs transmettaient leurs propriétés à un seul de leurs descendants, — généralement le fils aîné. L’année suivante (8-15 avril 1791) toute inégalité légale dans les droits d’héritage fut abolie. « Tous héritiers en égal degré succèdent par portions égales aux biens qui leur sont déférés par la loi. » Peu à peu le nombre des héritiers est agrandi, par l’adjonction des collatéraux et des enfants naturels, et enfin, le 7 mars 1793, la Convention abolissait « la faculté de disposer de ses biens, soit à cause de la mort, soit entre vifs, soit par donation contractuelle en ligne directe » ; « tous les descendants auront une part égale sur les biens des ascendants ».

C’était rendre obligatoire le morcellement des propriétés, du moins en cas d’héritage.

Quel fut l’effet de ces trois grandes mesures, — l’abolition sans rachat des droits féodaux, le retour des terres communales aux communes, et la vente des biens séquestrés chez le clergé et les émigrés ? Comment agirent-elles

156Ph. Sagnac, La Législation civile de la Révolution française, p. 177

157Avenel, Lundis révolutionnaires, pp. 30-20 ; Karéïev, p. 519.

sur la répartition des propriétés foncières ? La question est débattue jusqu’à présent, et les opinions restent toujours contradictoires. On peut même dire qu’elles varient selon que l’étude de tel ou tel explorateur porte sur telle ou telle autre partie de la France158.

Cependant un fait domine tous les autres, et celui-ci est absolument certain. La propriété fut subdivisée. Là où la Révolution entraîna les masses, de grandes quantités de terres passèrent aux paysans. Et partout, l’ancienne misère noire, la sombre misère de l’ancien régime commença à disparaître. La famine à l’état chronique, ravageant périodiquement un tiers de la France, n’a plus été connue au dix-neuvième siècle.

Avant la Révolution, la famine frappait régulièrement, chaque année, une partie ou une autre de la France.

Les conditions étaient exactement ce qu’elles sont aujourd’hui en Russie. Le paysan avait beau travailler, il ne parvenait pas à avoir du pain d’une récolte à l’autre. Il labourait mal, ses semences étaient mauvaises, ses maigres bêtes, épuisées par le manque de nourriture, ne lui donnaient pas le fumier nécessaire pour amender la terre. D’année en année les récoltes devenaient plus mauvaises. « C’est comme en Russie ! » on est forcé de se le dire à chaque page, lorsqu’on lit les documents et les ouvrages traitant de la France paysanne sous l’ancien régime.

Mais vient la Révolution. La tempête est terrible. Les souffrances occasionnées par la guerre sont inouïes, tragiques. Par moments on aperçoit le gouffre où la France va s’engloutir ! Puis, viennent la réaction du Directoire, les guerres de l’Empire. Arrive enfin la réaction des Bourbons, replacés sur le trône en 1814 par la coalition des rois et des empereurs. Vient avec eux la Terreur blanche, plus terrible encore que la Terreur rouge. Et les superficiels de dire : « Vous voyez bien que les révolutions ne servent à rien ! »

Cependant, il y a deux choses qu’aucune réaction n’a pu changer. La France fut démocratisée par la Révolution à tel point que quiconque a vécu en France ne peut plus vivre dans aucun autre pays de l’Europe, sans se dire :

« On voit à chaque pas que la Grande Révolution n’a pas encore passé par ici. » Le paysan, en France, est devenu un homme. Ce n’est plus « la bête sauvage » dont parlait La Bruyère. C’est un être pensant. Tout l’aspect de la France rurale a été changé par la Révolution, et même la Terreur blanche n’a pu faire rentrer le paysan français sous l’ancien régime. Certes il y a encore beaucoup trop de pauvreté dans les villages, en France comme ailleurs ; mais cette pauvreté, c’est la richesse, en comparaison de ce que fut la France il y a 150 ans, et de ce que nous voyons jusqu’à nos jours, là où la Révolution n’a pas encore porté sa torche.

LII. LUTTE CONTRE LA DISETTE — LE MAXIMUM — LES ASSIGNATS

Une des principales difficultés pour chaque révolution, c’est de nourrir les grandes villes. Les grandes villes sont aujourd’hui des centres d’industries diverses qui travaillent surtout pour les riches ou pour le commerce d’exportation ; et ces deux branches chôment dès qu’une crise quelconque se déclare. Que faire alors pour nourrir les grandes agglomérations urbaines ?

C’est ce qui arriva en France. L’émigration, la guerre — surtout la guerre avec l’Angleterre qui empêchait l’exportation et le commerce lointain, dont vivaient Marseille, Lyon, Nantes, Bordeaux, etc., — enfin, ce sentiment commun à tous les riches, qui évitaient de trop montrer leur fortune pendant une révolution, — tout cela arrêta les industries de luxe et le grand commerce.

Les paysans, surtout ceux qui s’étaient emparés des terres, travaillaient dur. Jamais labour ne fut si énergique que celui de l’automne de 1791, dit Michelet. Et si les récoltes de 1791, 1792 et 1793 avaient été abondantes, le pain n’aurait pas manqué. Mais, depuis 1788, l’Europe et surtout la France traversaient une série de mauvaises années : hivers très froids, étés sans soleil. Au fond, il n’y eut qu’une bonne récolte, celle de 1793, et encore, dans la moitié seulement des départements. Ceux-ci avaient même un excédent de blé ; mais lorsque cet excédent, ainsi que les moyens de transport furent réquisitionnés pour les besoins de la guerre, ce fut la disette dans plus d’une moitié de la France. Le sac de blé, qui ne valait auparavant que 50 livres à Paris, monta à 60 livres en février 1793, et jusqu’à 100 et 150 livres au mois de mai.

Les paysans, surtout ceux qui s’étaient emparés des terres, travaillaient dur. Jamais labour ne fut si énergique que celui de l’automne de 1791, dit Michelet. Et si les récoltes de 1791, 1792 et 1793 avaient été abondantes, le pain n’aurait pas manqué. Mais, depuis 1788, l’Europe et surtout la France traversaient une série de mauvaises années : hivers très froids, étés sans soleil. Au fond, il n’y eut qu’une bonne récolte, celle de 1793, et encore, dans la moitié seulement des départements. Ceux-ci avaient même un excédent de blé ; mais lorsque cet excédent, ainsi que les moyens de transport furent réquisitionnés pour les besoins de la guerre, ce fut la disette dans plus d’une moitié de la France. Le sac de blé, qui ne valait auparavant que 50 livres à Paris, monta à 60 livres en février 1793, et jusqu’à 100 et 150 livres au mois de mai.

Dans le document La Grande Révolution ( ) Pierre Kropotkine (Page 171-200)