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1.3 Thérapies d’électrophysiologie cardiaque

1.3.2 Ablation par radiofréquences

L’ablation par radiofréquences (ARF) est une thérapie basée sur l’élimination des tissus responsables d’arythmies (section 1.3.2.a), recommandée pour le traitement d’arythmies pharmaco-résistantes [Kirchhof et al. 2016;Brugada et al. 2019]. De plus, les solutions médicamenteuses (amiodarone, propafenone) présentant de graves effets secondaires pour le patient, des études questionnent sur le bienfait d’augmenter la posologie de ces traitements avant d’avoir recours à l’ablation [Sapp et al. 2016]. Cette thérapie a des effets positifs reconnus, mais est une procédure particulièrement longue, donc coûteuse (section 1.3.2.b). Des pistes permettant d’améliorer l’efficacité de la procédure et de diminuer les risques pour le patient sont aujourd’hui proposées (section 1.3.2.c).

D’autre part, il est à noter qu’on dote d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) près de 90% des patients souffrant de tachycardie ventriculaire, pour prévenir toute mort subite dans le cas où une fibrillation ventriculaire se déclencherait. Ce dispositif détecte les activités électriques correspondant à une fibrillation, et choque alors le patient pour stopper celle-ci. Bien que ce dispositif le maintienne en vie, les chocs électriques reçus sont particulièrement inconfortables, en particulier si ces évènements sont fréquents.

1.3. Thérapies d’électrophysiologie cardiaque

1.3.2.a Principe de l’ARF

La procédure consiste à identifier dans le tissu myocardique les foyers arythmogènes, et à les éliminer. Par le passé, l’élimination de ces tissus se faisait à cœur ouvert, impliquant une chirurgie lourde et risquée pour le patient, avec une longue période de convalescence. Aujourd’hui, il s’agit d’une procédure mini-invasive, réalisée sous anesthésie locale dans un temps allant de 4 à 6 heures.

Dans le cas d’une tachycardie ventriculaire, un schéma présentant l’objectif de la procédure est visible sur la figure 1.10. Sur la figure 1.6, nous avons présenté le cas de la tachycardie avec réentrée sur cicatrice. Afin d’empêcher cette réentrée, l’isthme de conduction lente est déconnecté du reste du circuit électrique, en en condamnant les entrées et les sorties. Ainsi, le front de dépolarisation contourne le tissu cicatriciel, et aucun phénomène de réentrée ne survient.

Les tissus sont détruits, par petites zones, à l’aide d’un cathéter d’ablation, par émissions de radiofréquences, ou par cryogénie. Des discussions sont menées sur l’avantage ou non de l’une ou l’autre de ces méthodes. L’European Society of Cardiology avertit d’une possible plus grande récurrence des évènements en ablatant par cryogénie [Brugada et al. 2019], tandis que d’autres études indiquent qu’aucune différence notable n’existe [Andrade et al. 2019;Katritsis 2019]. L’électrophysiologiste doit détruire suffisamment de tissu pour limiter la récidive de l’arythmie, mais doit préserver au maximum le tissu cardiaque viable.

L’ARF a pu se développer grâce à des systèmes dits de cartographies électro-anatomique, permettant d’assister la navigation et l’identification des foyers arythmogènes. Ces systèmes sont présentés dans le paragraphe suivant [Stevenson et al. 1998]. Dans les trente jours suivant l’ARF, les décès des patients sont extrêmement limités [Tanner et al. 2010].

Figure 1.10 – Schéma de principe de l’ablation d’une tachycardie ventricu-laire avec réentrée sur cicatrice

Cartographie électro-anatomique Dans la fin des années 1990, le développement des systèmes de cartographie électro-anatomique (EAM) a permis une approche nouvelle de cette thérapie, plus efficace et plus sûre pour le patient. Il fonctionne conjointement avec plusieurs systèmes situés dans le bloc d’électrophysiologie :

1. La sonde de cartographie : On peut assimiler cette sonde à un voltmètre. Mise au contact du tissu cardiaque, la tension en ce point est relevée. L’intégration de l’ECG permet de connaître le délai entre le pic d’activité du tissu étudié et le pic du complexe QRS. Une tension faible est révélatrice d’un tissu ayant une qualité de conduction médiocre, et un

Chapitre 1 – Présentation du problème

Figure 1.11 – Capture d’une ablation dans le ventricule droit, guidée par le système EAM CARTO-3® de Biosense-Webster®

potentiel tardif, d’une proximité avec la sortie de l’isthme dans le cas d’une tachycardie ventriculaire.

2. Le cathéter d’ablation : Dans le cas de l’ARF, les foyers arythmogènes sont brûlés à l’aide de ce cathéter, dont la tête est chauffée par radiofréquences. Un dynamomètre en bout de ce cathéter permet de s’assurer du bon contact avec le tissu à détruire.

3. Le système de localisation : La table est équipée d’un système magnétique permettant de localiser la sonde de cartographie et le cathéter d’ablation dans l’espace. Cela permet d’associer les relevés de la sonde à une position géométrique, et de situer la sonde dans l’espace.

À partir des différentes mesures de la sonde de cartographie et du relevé de sa position, le système EAM est en mesure de générer un maillage en temps réel, donnant la morphologie de la cavité cartographiée, sur laquelle les informations de délai d’activation électrique et de potentiel électrique sont projetées. Cela permet à l’électrophysiologiste de se localiser dans la cavité, et d’identifier la source de l’arythmie à traiter. Beaucoup de manipulations sont nécessaires dans l’utilisation de ces systèmes. Durant la procédure, un ingénieur biomédical est chargé de l’utilisation du système EAM pour assister l’électrophysiologiste durant l’intervention.

Une capture du système EAM utilisé au CHU de Rennes est visible sur la figure 1.11, présentant une ablation de tachycardie ventriculaire dont la source a été identifiée sur le septum interventriculaire. Dans la situation présentée, le foyer à ablater se situe sur l’épicarde du VG, et est donc plus accessible par le VD. On peut donc voir sur cette figure une cartographie du VD, d’où le tir est pratiqué.

1.3. Thérapies d’électrophysiologie cardiaque

Ablation endocardique : Cette ablation est pratiquée sur la paroi endocardique du VG. L’accès se fait par voie artérielle, en insérant la sonde de cartographie et le cathéter d’ablation dans l’artère fémorale, permettant de rejoindre l’aorte puis l’OG. La difficulté principale de cette procédure est la navigation dans le VG, du fait que les muscles papillaires et les cordages tendineux gênent les déplacements des différents instruments. Elle ne présente pas en revanche de risque particuliers.

Ablation épicardique : Cette ablation est pratiquée sur la paroi épicardique du VG. Une ponction est réalisée au niveau du sternum, puis les outils sont insérés. L’électrophysiologiste pénètre alors le péricarde, une poche enveloppant le cœur, le protégeant des chocs, des virus et des bactéries. Cette fois, aucun obstacle n’obstrue la navigation du clinicien, mais il évolue dans un environnement où beaucoup de structures à préserver, dites à risques, sont présentes. La principale difficulté consiste donc à réaliser les ablations nécessaires sans endommager ces structures.

Les structures à risque Dans le cas de l’ablation épicardique, on dénombre deux structures à risque principales :

Artères coronaires Introduites dans la section 1.1.2.a, les artères coronaires sont chargées de l’alimentation en O2 et en nutriments du myocarde. Le réseau artériel est composé de deux artères principales, les artères droite et gauche, prenant leur origine juste au-dessus de la valve aortique. L’artère coronaire droite irrigue l’OD et le VD ainsi que la partie inférieure du VG, et la partie postérieure du septum interventriculaire. Un schéma de cette artère ainsi qu’une coronographie sont visibles sur la figure 1.12. L’artère coronaire gauche irrigue l’OG, la face antérieure du VG, et la partie antérieure du septum interventriculaire. Un schéma de cette artère ainsi qu’une coronographie sont visibles sur la figure 1.13. Les artères sont repérées par coronographie durant l’intervention. Si l’électrophysiologiste venait à ablater une artère, il provoquerait alors un infarctus du myocarde du patient.

(a) Schéma d’après

[Micheau et al. 2019a] (b) Vue antérieure obliquegauche, d’après [Drake et al. 2006]

Figure 1.12 – Présentation de l’ar-tère coronaire droite.

1 Artère coronaire droite 2 Branche interventriculaire

postérieure

Chapitre 1 – Présentation du problème

Figure 1.13 – Présentation de l’ar-tère coronaire gauche.

1 Branche interventriculaire antérieure

2 Branche circonflexe 3 Branche marginale gauche

(a) Schéma d’après [Micheau et al. 2019a]

(b) Vue antérieure oblique droite, d’après [Drake et al. 2006].

Nerf phrénique La seconde structure à risque dans l’environnement de l’ARF épicardique est le nerf phrénique. Le nerf phrénique, ou plutôt les nerfs phréniques gauche et droit, naissent dans la région cervicale, et sont chargés de l’innervation motrice du diaphragme, produisant un mouvement essentiel à la respiration. Le nerf phrénique droit descend le long de la face latérale droite du péricarde, tandis que le nerf phrénique gauche longe sa face latérale gauche. Une représentation du trajet du nerf phrénique le long du péricarde est visible sur la figure 1.14. La proximité des veines et artères péricardiacophréniques permet d’estimer la position du nerf phrénique sur un scanner. Différentes stratégies ont été proposées pour mettre en évidence la position du nerf phrénique [Di Biase et al. 2009], comme par exemple sa stimulation électrique. Si l’électrophysiologiste venait à ablater une branche du nerf phrénique, il endommagerait la fonction respiratoire du patient de manière irréversible.

Figure 1.14 – Visualisation du nerf phrénique gauche et droit, d’après [Micheau et al. 2019b]. Rouge : artère ; Bleu : veine ; Jaune : nerf.

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1.3.2.b Réponses à l’ARF

L’ARF est une thérapie efficace pour le traitement d’arythmie et la réduction du nombre de chocs délivrés par les DAI. Le taux de récurrence de à long terme est variable suivants les études, de 10% à 60% [Liang et al. 2015], suivant les causes sous-jacentes (cardiomyopathie ischémique/non-ischémique, cardiomyopathie dilatée. . .). Cette thérapie est aujourd’hui la meilleure thérapie pour les patients souffrants d’arythmie. La procédure reste cependant longue et présente des risques dans le cas d’une ablation épicardique.

1.3.2.c Pistes d’améliorations

La communauté scientifique travaille sur trois axes en particulier pour améliorer cette thérapie :

• Visualiser les structures à risque dans le système EAM pour sécuriser la procédure ; • Visualiser les foyers potentiels d’arythmies dans le système EAM pour améliorer

l’efficacité de la procédure ;

• Étudier les paramètres des foyers d’arythmies dans une analyse post-procédure, afin d’améliorer la prédiction de la localisation de ces foyers.

Dans ces travaux, nous nous sommes concentrés sur la visualisation des structures à risque et des foyers potentiels d’arythmies. Il a été montré que la visualisation des artères coronaires et du nerf phrénique a un impact important sur la procédure [Yamashita et al. 2015]. Des études cliniques précédentes ont montré que la localisation des foyers d’arythmies peut être prédite à l’aide :

1. des zones de fibrose observées sur une IRM de rehaussement tardif préopératoire [Cochet et al. 2013;Andreu et al. 2014] (cette méthode reste cependant limitée dans le cas des cardiomyopathies non-ischémiques [Liang et al. 2015]) ;

2. des zones d’amincissement du myocarde, mesurées sur un scanner préopératoire comme prédicteur de la localisation des foyers arythmogènes [Komatsu et al. 2013].