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ae rosols en Arctique : Etat des connaissances

III. Les nuages arctiques

III.1. a Variations saisonnières et géographiques

En été, la fonte de la banquise fait apparaitre un sol absorbant le rayonnement solaire. L’albédo diminue et le sol se réchauffe, favorisant les mouvements convectifs. Les masses d’air relativement chaudes se chargent en humidité en passant au-dessus de l’Océan Arctique. Lorsqu’elles surplombent la terre ferme, ces masses d’air sont entrainées dans les mouvements convectifs et deviennent sursaturés par rapport à la vapeur par refroidissement adiabatique. Si elles passent au-dessus de la banquise, elles peuvent se refroidir par diffusion thermique avec une surface plus froide (Curry et al., 1996). Des nuages multicouches sont fréquemment observés en été dans la troposphère, avec, très souvent, une couche liquide fine et stratifiée située en dessous d’une couche en phase mixte au sommet du système nuageux (Curry et al., 1988, 1996, Intrieri et al., 2002a).

En hiver, les couches de cristaux de glace à faible concentration sont omniprésentes. En effet, les températures très basses qui y règnent favorisent la condensation de la vapeur d’eau sous forme de cristaux qui, selon leur croissance, se déposent lentement au sol. La surface glacée possède un albédo élevé, ce qui mène à une atmosphère très stable avec peu de mouvements verticaux, ce qui limite fortement la formation de nuages. L’humidité nécessaire à la formation d’hydrométéores est fournie par les fissures ou craquements de la banquise, qui recouvre la quasi-totalité de l’Arctique. En effet, lorsque les plaques de la banquise divergent ou bougent parallèlement l’une par rapport à l’autre, des craquements étroits et linéaires peuvent survenir et ainsi laisser l’océan à l’air libre. Cette eau relativement chaude est une source de chaleur et d’humidité pour l’atmosphère. Ces craquements sont donc généralement accompagnés par la formation de panaches ou de nuages composés de cristaux de glace (Curry et al., 1996).

Pendant les périodes de transition (printemps tardif et automne), les nuages en phase mixtes (MPC pour Mix Phase Clouds) sont prédominants. Dans les autres régions du globe, les MPC sont instables et la phase liquide ou glace finit rapidement par dominer, mais la particularité

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du climat arctique fait que les MPC sont persistants et peuvent perdurer jusqu’à plusieurs jours (Morrison et al, 2012). La physique des MPC en Arctique est détaillée dans la section III.2.

Les mécanismes de formation des nuages arctiques varient également en fonction de la région et des caractéristiques de la surface sous-jacente. Ainsi, au-dessus de l’Alaska par exemple, l’élévation des masses d’air due à la topographie du sol est désignée comme un mécanisme important de formation des nuages. Ceux-ci se présenteront donc préférentiellement sous forme de stratus, excepté durant les journées les plus chaudes de l’été où la convection peut se déclencher. Au-dessus de l’océan arctique, la formation des nuages de moyennes et hautes altitudes est plutôt associée à des systèmes frontaux. Les nuages de basses altitudes sont assez indépendants de la situation synoptique et sont le résultat d’une modification des masses d’air chaudes et humides qui sont advectées vers l’Arctique et ainsi se refroidissent (Curry et al., 1996).

Figure III.10 : Occurrences saisonnières et géographiques en Arctique, mesurées par CALIPSO-CloudSat, de (a) tout type de nuages Fcloud et (b) des MPC FMPC dans les

cas de présence de nuages, d’après Mioche et al. (2015).

La figure III.10 présente les variations saisonnières et géographiques de la couverture nuageuse Fcloud et de l’occurrence des MPC FMPC dans les cas de présence de nuages. Ces observations, issues de mesures des satellites CALIPSO et CloudSat avec l’algorithme DARDAR (synergie raDAR-liDAR, voir Delanoë et Hogan, 2008, 2010), montrent que la couverture nuageuse est plus importante dans la mer de Groenland et la mer de Barents que dans les autres régions de l’Arctique. La fraction de nuage en phase mixte est plus importante

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en été et en automne (environ 50 % des nuages) qu’en hiver et au printemps (environ 35 %). Cependant, sa distribution est hétérogène et dépend du type de surface : le minimum étant situé au Groenland et le maximum au nord de l’Océan Atlantique. En effet, cette partie de l’Arctique étant rarement sous la banquise, elle fournit ainsi à la région une source d’humidité toute l’année. Ainsi, la région du Svalbard possède une FMPC aux environs de 50 % toute l’année. De plus, la fraction de MPC étant à des altitudes basses est plus importante au Svalbard que la moyenne sur toute la région Arctique. Cette région de l’Arctique constitue donc une base privilégiée afin d’étudier ce type de nuage (Mioche et al., 2015). Shupe et al. (2006) ont également montré qu’environ 60 % des nuages arctiques sont composés de phase mixte.

Figure III.11 : Profil vertical de l’occurrence de nuages Fcloud en %, mesuré à la station de Ny-Alesund pendant les mois de Mars et Avril 2007, d’après la publication de Mioche et al. (2015). La courbe tracée en noir correspond aux observations lidar au sol à une résolution de

1 km, d’après Hoffmann et al. (2009). Les courbes jaune et bleue correspondent respectivement aux données lidar du satellite CALIPSO et radar du satellite CloudSat. Les

courbes rouge et verte proviennent des donnés de l’algorithme DARDAR, respectivement avec et sans prendre en compte les corrections des effets de sol. Les données satellite sont

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La figure III.11 présente la structure verticale des nuages, selon différentes méthodes de mesure, en termes d’occurrence des différents types de nuages arctiques au printemps. Des mesures lidar au sol, des mesures radar et lidar des satellites météorologiques de l’A-Train et les résultats de l’algorithme DARDAR sont représentés. D’une part, les résultats montrent une différence importante entre les méthodes de mesure. En ajoutant le fait que le radar est aveugle en dessous de 500 m à cause des échos de sol, les mesures par satellites ne semblent pas être adaptées à la restitution des propriétés des nuages à basses altitudes. D’autre part, l’occurrence maximale pour les nuages est située en dessous de 2 km, ce qui confirme que les nuages en Arctique se forment très préférentiellement dans la basse atmosphère. Les travaux de Blanchard et al. (2014) montrent des résultats similaires lors de mesures colocalisées à la station Eureka, au nord du Canada. Les nuages de basses altitudes, très souvent en phase mixte pendant le printemps, sont donc une cible privilégiée pour les mesures in situ car il est important de mieux caractériser les MPC de couche limite.