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4.2.1 Législation

Dans la formation actuelle présentée lors des focus group, les directeurs estiment la partie de la formation consacrée à la législation pure relative au secteur des ainés largement insuffisante non seulement en termes de volume d’heures mais aussi en termes de contenu. « Moi ce que je veux dire c’est que c’est un survol de tout, ça donne une légère idée. Si quelqu’un est curieux, il va peut-être aller creuser mais il est bien clair qu’ après les 72h, il ne sait pas grand-chose de la législation. Si il doit ouvrir une maison de repos et devenir directeur, et si il n’est pas bien guidé, écolé, à mon avis, il ne s’en sortira pas ça s’est clair. Mais si il veut s’en sortir, en effet, il faudra peut-être 4 à 5 fois plus de temps que ça. ». Les directeurs trouvent que certains cours devraient être approfondis comme par exemple, la gestion des déchets, la sécurité, les contrôles périodiques, ou encore l’aide à l’emploi et le droit relatif à la protection des biens. Ils sont conscients qu’il est impossible de voir toute la législation en profondeur mais selon eux, la formation devrait leur permettre d’avoir des bases solides en matière de législation. Ils ont mis en évidence que certaines normes manquent de clarté, de précisions ou sont sujettes à interprétations et il s’avère que c’est un problème assez récurrent. « Il y a le fameux RGPD qui vient de sortir qui interdit d’afficher les noms à la maison de repos ! Or, on a tous affiché le nom de nos résidents à l’entrée de la maison pour pouvoir trouver facilement les chambres. Avec les anniversaires, c’est pareil. Tout ça est interdit par le RGPD. Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? » ; « Je m’interroge aussi parfois à la lecture du code de l’action sociale et de la santé, je bloque parce que ça n’est pas suffisamment précis ou en tout cas pas suffisamment clair » ; « Des fois, il faut lire même 5 fois le texte pour arriver à comprendre quelque chose. » ; « Parfois ce qui est compliqué aussi, c’est de faire les liens entre les différentes législations. Par exemple, les normes INAMI vont donner un certain nombre de normes à respecter, les normes de la région wallonne c’est d’autres normes encore, donc, il faut faire le match. Au niveau de la législation et des contraintes de sécurité et autres c’est pareil. Donc on a tout le Code de l’Action Social et de la Santé qui est propre aux centres d’ hébergements et puis, il y a la fameuse loi sur le bien-être au travail qui fait que là, il y a aussi des contrôles périodiques autres que ceux qui sont demandés et c’est ça qui est compliqué pour nous, c’est d’avoir la vue globale ». Une autre difficulté pour eux est la complexité de la législation qui change au cours du temps. Ils doivent donc se remettre à jour en permanence.

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4.2.2 Financement

En abordant la partie relative au financement avec les directeurs, les problèmes déjà rencontrés dans la partie relative à la législation se répètent : le nombre d’heures consacrées au financement de l’institution est insuffisant, les normes se contredisent et ils remarquent un manque de clarté dans les textes. Les cours ne sont pas remis systématiquement à jour et les normes changent au fur et à mesure du temps. Ce qui marque principalement les directeurs c’est que le nombre d’heures consacrées au calcul du forfait est très faible, partie pourtant très importante dans la fonction du directeur. Quand ceux-ci reçoivent des stagiaires, c’est le point principal qu’ils leur expliquent. « Pour avoir reçu les trois dernières années des stagiaires directrices, qui m’accompagnaient pendant une semaine, je pense que c’est vraiment beaucoup trop peu et beaucoup trop théorique. J’essayais toujours sachant qu’elles allaient arriver de garder un moment pour ça, pour faire un peu d’encodage INAMI avec elles de manière à le voir en pratique. Elles étaient à 1000 lieues de la réalité. C’est trop théorique et c’est trop peu d’heures parce que c’est compliqué comme matière ». De plus, les directeurs disent que pour la partie relative au financement, les cours devraient beaucoup plus se baser sur des exercices pratiques similaires aux situations rencontrées dans la réalité. « Il faudrait mettre des exemples de Pratico pratique dans la formation. » ; « C’est clair qu’on ne savait pas comment calculer un forfait quand on sort de l’école. ». Les directeurs trouvent qu’il existe un réel décalage entre les cours et la réalité du terrain et qu’ils ont surtout appris en rentrant dans la fonction. Pour eux, le cursus n’aborde pas assez la question de l’optimalisation du financement. « Dans la législation qui est relative au financement, il y a savoir se servir du vélo mais aussi savoir s’en servir pour rouler vite donc il y a toute une partie optimisation qui devrait être intégrée au cursus des futurs directeurs». Un autre point qui touche beaucoup les directeurs c’est l’aspect humain du financement et la problématique des pensions trop faibles des résidents pour pouvoir assumer leur frais. « Je trouve, qu’on n’insiste pas assez sur le côté humain du financement. Nous sommes malheureusement dans un pays où les pensions sont vraiment trop basses. Moi par exemple quand j’ai indexé, j’ai augmenté de 0,50 € par jour, J’ai eu des résidents en pleurs dans mon bureau en me disant qu’ils ne vont pas y arriver… et ça, on ne nous prépare pas à ça, à se retrouver devant des gens en pleurs parce qu’ils n’ont pas les moyens…. » ; « Il n’y a pas que le financement de l’AVIQ qui compte, il y a aussi ce que les gens payent… le All In, je ne suis pas sûre que ça va régler le problème, on va obliger les gens

16 déments à prendre la télévision, le Wi-Fi et cetera alors qu’ils n’en ont pas besoin. Alors payer pour la solidarité, je veux bien… mais ces gens-là n’ont peut-être pas les moyens. Je me vois mal faire payer des gens qui ne regardent pas la TV… »; « J’ai un résident qui est décédé dernièrement, il dépendait du CPAS et on m’a dit que il n’y avait rien de prévu pour son enterrement… on a dû tous se cotiser pour payer l’enterrement d’un des résidents. Je ne trouve pas ça correct, on n’a pas de pension suffisante que pour répondre au financement. ».

4.2.3 Comptabilité

Selon les directeurs interrogés, ceux-ci trouvent que la partie de la formation se penchant sur la comptabilité devrait être beaucoup plus pratico-pratique et devrait être beaucoup plus axée sur la comptabilité analytique et moins sur la comptabilité générale. « Moi je trouve que la comptabilité on la voit beaucoup trop en théorie ! » ; « On devrait être amené à plus utiliser WinBook, éventuellement être amené à utiliser un peu plus BOB pour pouvoir se rendre compte de comment fonctionne exactement la comptabilité de manière pratico-pratique que juste purement de la théorie. » ; « Je ne pense pas que la comptabilité générale soit utile aux directeurs mais par contre, la comptabilité analytique si car elle parlerait beaucoup plus parce qu’elle a une connotation de gestion quotidienne. Je pense que ce serait plus efficace. ». La comptabilité pure est de plus en plus gérée par des services externes, des personnes ressources. En tant que directeur, ils disent devoir surtout comprendre ce qu’il se passe dans les comptes pour pouvoir prendre les bonnes décisions. Un souhait serait d’avoir des exemples pratiques lors des cours qui amèneraient à la réflexion et développeraient l’analyse critique. Il faudrait apprendre à utiliser les logiciels qui existent pour les aider sur le terrain. « On a un service de comptabilité mais par contre, le responsable de l’établissement doit pouvoir interpréter un bilan et un compte de résultats, approuver des bons de commandes et des factures aussi. » ; « Les maisons grossissent, les directeurs ne font pas tout eux-mêmes, que ce soit pour l’assistance sociale, pour la comptabilité et pleins d’autres choses mais je pense qu’il faut pouvoir comprendre parce que sinon on va droit dans le mur ». Au niveau des cours, le nombre d’heures consacrées à la partie relative à la comptabilité devrait être revu à la baisse et ces heures devraient être redistribuées à des parties plus importantes, selon les directeurs, comme à la gestion des ressources humaines ou au programme qualité.

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4.2.4 Gestion des ressources humaines

Le plus gros sujet qui amenait des débats dans les trois focus group réalisés est la partie relative à la gestion des ressources humaines. Les directeurs y consacrent la majeure partie de leur temps. « La gestion du personnel et des ressources humaines c’est primordial et je pense qu’on est tous d’accord pour dire que ça prend au moins 80 % de notre temps sur une journée si pas les 100 % par moment. ». C’est selon eux, ce qui leur prend le plus de temps et paradoxalement le point sur lequel ils ont été le moins formés, le moins préparés. « C’est vraiment le point qui m’a le plus manqué après la formation parce que personnellement je trouve que c’est ce qu’il y a de plus compliqué. » En effet, ils rencontrent pas mal de difficultés à gérer les conflits d’équipes, les problèmes et souhaits des familles, de leurs membres du personnel et des résidents. « On est confronté à l’agressivité des familles aussi, de plus en plus. » ;« La culpabilité des familles aussi. Ils se sentent coupables aussi des fois de ne pas pouvoir s’occuper entièrement de leur parent. Et le fait de le mettre en institution… ils voudraient que tout soit parfait, parce que eux pensent qu’ils feraient mieux mais ils ne savent pas le faire. Et ils ont souvent donc des attentes qui sont irréalistes par rapport à ce qu’on peut apporter. Ils ont aussi des attentes justement, par rapport à leur culpabilité, pas toujours par rapport à leurs parents parce que souvent les résidents, eux, n’ont pas les mêmes attentes. ». Les établissements sont de plus en plus grands, les mentalités évoluent, les personnes deviennent de plus en plus exigeantes avec le temps. Face à tout cela, les directeurs se sentent parfois désemparés, seuls avec à leurs difficultés.« C’est vraiment très difficile et moi ça fait 25 ans que je suis là, et en 25 ans, les gens ont changé ! ». Ils disent manquer d’outils pour s’en sortir et ne pas avoir été suffisamment assez formés pour assumer ces tâches relationnelles durant leurs cursus. Des personnes ressources existent et les directeurs peuvent s’entourer de ces personnes pour se faire aider ou conseiller. « Le responsable doit aussi savoir qu’il y a autour de lui, toute une série d’éléments, de points de repères. Je trouve qu’on n’y fait pas assez souvent appel. Il y a la cellule bien-être de la médecine du travail par exemple qui peut apporter toute une série de réponses, et c’est dans notre contrat avec la médecine du travail, ou vous avez des unités pour pouvoir avoir la présence dans votre établissement du responsable du service bien-être au travail de la médecine du travail et donc cette personne-là est une personne ressource très intéressante dans le cadre de la gestion des conflits et qui peut venir donner les outils dont vous parlez aussi même en dehors de la

18 formation initiale de directeur. Mais par contre, mentionner que cette personne-là existe de manière plus précise serait bien. Notre rôle c’est d’être généraliste par-rapport à une gestion d’une maison de repos mais il faut avoir des personnes ressources qui sont pointues dans leurs domaines à chaque fois ». Un des souhaits des directeurs serait que dans la formation, il existe des exemples concrets, des mises en scènes, des cas pratiques pour pouvoir s’exercer sur des situations similaires qu’ils pourraient rencontrer sur le terrain. « Il y a un gros manquement dans les cours de management. » ; « Même plus que le management parce qu’il n’y a pas que le personnel, Il y a les résidents, les familles, les patrons administratifs et politiques qui sont pas faciles à manager non plus… donc c’est vraiment tout ce qui tourne autour de la personne et là, il y a quand même plein de choses, plein de formations qui ont lieu maintenant et encore une fois des trucs qui sont plus chers mais utiles. Ce serait clairement mieux de les inclure dans la formation initiale. » ; « Il faut encore savoir que des outils, des personnes ressources existent et savoir où aller chercher et je pense que ça, ça manque dans la formation. » ; « Pour moi, la gestion des ressources humaines, ça se donne dans des jeux de rôle en situation, ce n’est pas des cours de théorie, Il faut un minimum de théorie ». Un point important a également émané du discours, celui de la gestion de projet et la qualité du directeur à fédérer ses membres du personnel autour d’un projet, les amener à vouloir participer, à s’impliquer dans l’institution. « Aussi la gestion de projet, comment fédérer des personnes autour d’un projet, et comment aussi mettre en route un projet de manière organisationnelle ? Et aussi se gérer soi-même… ». La gestion des ressources humaines est, selon les directeurs, un métier à part entière, c’est une formation complète à elle-seule et c’est normal qu’un directeur éprouve des difficultés dans ce volet. Les directeurs disent qu’il faut apprendre à déléguer certaines tâches et à s’entourer de personnes ressources mais aussi à continuer à se former tout au long de leur vie. Apprendre à gérer une équipe ne s’improvise pas. Les directeurs sont soumis à un stress

permanent et souhaiteraient que la formation puisse leur apprendre à gérer ce stress mais aussi à mieux gérer leur temps. « Comment planifier une journée en plaçant ce qui est important, ce qui l’est moins, ce qui peut attendre ? Il faudrait une formation sur ça, sur apprendre à gérer son temps, son agenda, savoir que dire ‘non’ c’est aussi facile que de dire ‘oui’. » . Les directeurs peuvent également éprouver des difficultés à se faire comprendre et entendre par leur pouvoir organisateur.« Nous ne sommes que des directeurs, cependant pouvoir mettre en place des choses au niveau de l’humain, des ressources humaines, ça va

19 aussi être en fonction de ce qui nous est imposé par le pouvoir organisateur. Que ce soit un grand groupe ou que ce soit une ASBL, un CPAS… il faut voir les valeurs qu’on nous demande… si c’est une valeur à deux chiffres ou une valeur zéro et prendre en compte l’humain au maximum… ça ne sera pas du tout pareil. » . En effet, les deux entités n’ont pas toujours les mêmes valeurs et les directeurs se retrouvent parfois coincés dans leurs prises d’initiatives par leur gestionnaire. Les directeurs souhaiteraient avoir une approche plus humaine du management et parallèlement à cette envie, ils souhaiteraient être formés pour pouvoir mener à bien les entretiens de développement (anciennement appelé « entretien d’évaluation ») de leur membre du personnel. « Moi je pense qu’il faudrait développer le management par la bienveillance qui englobe plus que les articles de loi. C’est une approche effectivement plus humaine, plus quotidienne, la gestion des gens, au contact des gens. » ; « Il faut qu’on puisse avoir une évaluation du personnel qui soit constructive. On n’a jamais rien reçu sur l’évaluation du personnel. ». Selon les directeurs, il est primordial que les formations continues puissent aussi porter sur la gestion des ressources humaines, la gestion du personnel, le gestion des conflits mais aussi sur la question de la motivation du personnel ainsi que sur l’animation. « L’importance d’avoir des formations continues tout au long de sa carrière. Ici c’est une base, quand on sort de l’université ou d’une autre école, franchement on ne connait rien et tant qu’on ne vit pas des choses, tant qu’on n’expérimente pas, on ne sait rien ! ».

4.2.5 Programme qualité

Le programme qualité semble être, après la partie relative à la gestion des ressources humaine, la deuxième plus grosse préoccupation pour les directeurs d’établissement pour ainés. Cette constatation est ressortie dans l’ensemble des focus group. « La gestion des ressources humaines et le programme qualité sont vraiment pour nous les points essentiels de notre métier et il faut faire comprendre aux étudiants que c’est vraiment ça, réellement ça qui est important. Il faut bien leur faire comprendre que c’est réellement ça le cœur de métier ». Selon eux, le nombre d’heures consacré à cette partie est largement insuffisant. « C’est peu d’heures pour le cœur de métier ! ». Les termes utilisés par les directeurs pour décrire le programme de cours présenté durant la présentation étaient assez marquants : « survolages », « flashs ». Certains disent que c’est juste pour attirer l’attention. D’autres abordent le contenu du programme qualité comme « la qualité de la prise en charge» ; « ce

20 qui va faire la différence, c’est le bien-être de nos résidents » ; « On peut presque le mettre en lien avec la gestion des ressources humaines, ça peut motiver, ça peut dynamiser, et tout ça, au bénéfice des résidents. ». D’autres rebondissent et se disent choqués par la partie consacrée à la comptabilité prenant plus de place dans le programme que la partie qualité. « Le directeur doit avoir une vision de tous les services et c’est important ». Une minorité des directeurs ont un avis quelque peu divergent : « Dans le cadre de la formation de directeur de maison de repos, mis à part le projet de vie qui est repris dans le décret, moi le reste, je suis désolé, mais je ne le mettrais pas dans la formation de directeur de maison de repos. Peut-être dans la formation d’une diététicienne, peut-être dans la formation d’une ergo mais dans la formation de la direction de la maison de repos… 3h pour dire attention vous devez être attentif, 3h au total pour dire vous devez avoir une attention avec votre chef de cuisine au niveau de la nutrition, au niveau des personnes désorientées, il y a une partie du décret qui y est relatif, l’accompagnement de fin de vie, vous devez savoir qu’il y a la législation sur l’euthanasie, l’activité et l’animation, on a tous des kiné, ergo, logo dans nos établissements. ». Un des sujets les plus débattus lors des focus group était le projet de vie de l’établissement

qui dépendra de la sensibilité et des valeurs que veut faire véhiculer le directeur au sein de son institution. « C’est peut-être un peu à notre image quelque part qu’on veut teinter la maison de repos » ; « J’ai l’impression que ça dépend très fort aussi de notre sensibilité et de quel est le sens qu’on donne. Et donc quelle est la manière idéale pour nous de gérer et de quelle voie on veut prendre. ». Le projet de vie est aussi un moyen utilisé par les directeurs de fédérer leurs membres du personnel autour de projets collectifs. Les directeurs souhaiteraient

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