• Aucun résultat trouvé

contribué à sa rédaction, shintai 身体 n’est pas indexé en temps que notions philosophique*10, pas plus que 体  karada, 肉体 nikutai et

1.4 NISHIDA - FIEDLER, UNE COMPARAISON

A côté d'un certain nombre de correspondances entre Fiedler et Nishida, il y a aussi des écarts qui se creusent. Une des divergences les plus nettes entre Fiedler et Nishida se trouve au niveau du lien entre 5

art et morale, autrement dit au niveau du rôle que joue – ou ne joue pas – la métaphysique pour l’art.

Nous entendons par métaphysique de l’art le fait d’investir l’art d’une visée – morale, éducative, religieuse, politique, idéologique – qui 10

ne lui est pas intrinsèque, mais qui est plaquée sur lui. Il s’agit de toute tentative d’expliquer la nature de l’art par une origine extra-artistique.

En liant intimement l’art et la morale dans sa réflexion, Nishida procède au maintien de la métaphysique dans l'art, métaphysique que 15

Fiedler avait, une fois pour toute - comme il le croyait - dé-construite et balayée.

« // Und so müssen wir auch die volle Konsequenz anerkennen, dass, sofern die Kunst im höchsten Sinne das ist, als was wir sie 20

dargestellt haben, an ihrem Dasein keiner von den Bestandteilen des geistigen, sittlichen, ästhetischen Lebens, an die man den Fortschritt, die Veredelung, die Vervollkommnung der menschlichen Natur gebunden erachtet, irgend ein Interesse haben kann. Erst wenn wir zu dieser Unbefangenheit der Kunst gegenüber gelangt sind, können wir 25

ihr etwas verdanken, was freilich etwas ganz anderes ist, als die Förderung unserer wissenden, wollenden, ästhetisch empfindlichen Natur *1 » (Fiedler 1887,364-65, les soulignements se trouvent dans le livre, au crayon, par un trait ondulé)

30

1 « Natur » est utilisé ici dans le sens de « caractère humain ».

(Traduction : Et ainsi devons-nous également admettre la pleine conséquence, à savoir que , si l'art est au meilleur sens tel que nous l'avons présenté, aucune des composantes de la vie spirituelle, morale ou esthétique auxquelles on considère que le progrès, l'annoblissement, le perfectionnement de la nature humaine soient liés, 5

ne peut avoir un quelconque intérêt le [l'art] concernant . C'est seulement lorsque nous avons atteint ce stade d'ouverture d'esprit vis-à-vis de l'art que nous pouvons en obtenir quelque chose, et ce quelque chose est bien évidemment très différent de l'amélioration de notre nature humaine savante, volontaire et esthétiquement sensible.)

10

Nous doutons que Nishida ait pu approuver ce passage, où l'art serait sans lien avec une éthique, et où le beau n’aurait pas comme autres qualificatif le vrai et le bien. Dans Art et morale, l'art et la morale ont une origine commune, néanmoins :

15

« Entre l'art et la morale il y a toutefois une différence comme entre une chose donnée et une chose construite, différence telle que Kant la mentionne dans son chapitre "Analogies de l'expérience" *2. » (NKZ III,239,Préface)

20

L’art se range du côté de la chose donnée, alors que la morale est une chose construite. Nishida tient la morale en plus haute estime que l’art, il reste dans la lignée de l’ Etude sur le bien.

« Le point de vue de l'art est supra-conceptuel, tandis que dans le 25

point de vue de la morale, le point de vue conceptuel est intégré. »(NKZ III,310,chap.3.3)

2 経験の์推 Keiken no ruisui, Analogien der Erfahrung, dans Kant, Kritik der reinen Vernunft (1781), I, 2.Teil, 2.Buch: Die Analytik der Grundsätze, 2.3.3.

"Analogien der Erfahrung". Kant, Werke in zwölf Bänden, Hrg W. Weischedel, Frankfurt a.M., Suhrkamp 1977, Band 3, pages 216-248. - Kant parle dans cette section des trois analogies (ou principes) qui déterminent l'apparition de l'être (Dasein) dans le temps: durée de son existence, succession dans le temps, et simultanéité. –

Au moment de la verve créatrice, l’artiste se trouve au-dessus des concepts (au-dessus du monde de l’intellect) , alors que le comportement moral est présenté par Nishida comme plus englobant car il inclut les concepts. Tout au long de son texte, Nishida établit des parallèles entre l’art et la morale, et développe sa réflexion à partir de ce 5

binôme.

La position de Nishida n'est en aucun cas aussi radicale que celle de Fiedler qui écarte la dimension morale de la création artistique.

Pour Fiedler, l'art est une activité autonome, qui crée son monde et ne 10

peut être valablement jugée ailleurs qu’au sein de ce monde de la création artistique, sans recourir à des critères extérieurs. Elle est en soi une « valeur ». Chez Nishida, par contre, l’art est présenté comme moins développé que la morale.

15

Est-ce qu’elle tombe aussi sous le joug de la morale ? Nishida s’en défendait :

« Penser que ce qu'on appelle « encourager le bien et réprimer le mal (

勧善懲悪 

kanzen-chôaku*3) soit un moyen utilisé par l'art n'est 20

évidemment rien d'autre qu'une vision infantile de l'art. » (NKZ III,310,chap.3.3)

En fin de compte, l'art obéit à d'autres maîtres que lui-même, il n'est pas entièrement libre, il reste encore quelque chose de "sombre"

25

au fond de l'acte artistique, tandis que l'acte moral est tout à fait lumineux et clair.

Nous ne trouvons aucun endroit étayant le propos de Nishida sur d'une chose donnée et d'une chose construite.

3 Littéralement "Encourager le bien et réprimer le mal", une maxime sino-japonaise qui trouve son équivalent dans le Nirvâna-sûtra : shuzenbugyô (suivre et préserver le bien) shoakumakusa (ne pas faire le mal) jijôgoi (purifier son propre coeur) zeshobukkyô (voilà l'enseignement du Bouddha).

« Ce qui a été latent sur le plan artistique devient manifeste sur le plan moral, .. »(cf.NKZ III,309, chap.3.3).

L'acte artistique n'est pas tout à fait réel, tandis que l'acte moral l'est pour Nishida :

5

« Puisqu'un tel point de vue moral est le point de vue créatif de la personne entière, on pense que la conduite morale est réelle et diffère de l'activité artistique.*4 La conduite morale est réelle non pas parce qu'elle obéit aux lois de la nature, mais puisqu'elle contient en elle-10

même les lois de la nature. » (NKZ III,313,chap.3.3).

Autant d'indices qui témoignent que l’art est souvent, si ce n’est subordonné, du moins intimement lié à la morale chez Nishida.

15

« Je crois que l'art s'établit en prévoyant la morale; je pense qu'il y a l'imagination artistique par le fait qu'on prévoit le développement de la morale. Toutes les bases ne sont qu'une seule vie; il n'y a qu'un seul libre moi. L'art qui ne se base pas sur une exigence sérieuse de la vie est seulement une habileté, si ce n'est de l'amusement. »(NKZ 20

III,309,chap.3.3)

Pour Nishida, la portée de la création artistique est moindre que celle de l'action morale :

25

« Ainsi, quand nous nous demandons, dans une certaine situation, ce qu'il faut faire du point de vue moral, un impératif inébranlable et grave viendra se présenter à nous. Nous devrons y obéir, s'y soustraire serait un mal, un crime. Contrairement à cela, l'activité créatrice en tant que telle de l'artiste est peut-être un événement dans le 30

4 L'activité artistique n'est pas 100% réelle parce qu'elle contient encore une ombre d'objectivité, une nuance de scission en sujet et objet.- "Réel" toujours dans le sens de "réalité de l'expérience pure, immédate".

monde de l'existence, mais on peut penser que le telos de l'œuvre d'art n'est jamais rien de plus que le produit (

所 産

s h o s a n) de notre imagination, subjective et non-réelle. »(NKZ III,479,chap.10.5)

Cela explique peut-être pourquoi l'art, bien que souvent thématisé 5

implicitement dans les écrits de Nishida, ne joue pourtant pas le rôle de concept clé fondamental. Il n'apparaît en fait que dans deux titres : Art et morale (1923, dans NKZ III) et La création artistique en tant qu'activité formatrice historique (1941, dans NKZ X). L'art et, partant, la création, accompagnent constamment la pensée de Nishida, mais ne s'imposent 10

pas comme concepts directeurs.

« Si ce que je viens d'exposer est jugé du point de vue de ceux qui soutiennent une théorie de <l'art pour l'art>, on considèrera mon opinion sur l'art comme impure. Mais ce n'est pas que je pense que l'art doit 15

obéir à la morale, ni qu'il doit servir à encourager le bien et à réprimer le mal (勧善懲悪的 kanzenchôaku-teki.). Le contenu de l'acte pur est la nature humaine pure. La morale n'existe pas non plus séparément ou indépendamment de cette nature humaine. » NKZ III,326,chap.3.4)

20

En effet, du moment que Nishida pose le moi créateur comme le moi avec une nature humaine pure, la morale se trouve naturellement impliquée dans tous les actes.

Quant au mouvement de la main, les deux penseurs divergent 25

également. Fiedler parle clairement de l'acte de la main en temps réel, du geste corporel extérieur qui agit sur la matière. Nishida, cependant, parle également du mouvement interne de la main :

« L'esprit qui est caché à l'arrière-plan la vision pure crée l'œuvre 30

d'art au travers du mouvement interne de la main ;... » (NKZ III,325,chap.3.4)

Pourquoi est-ce Nishida écrit « interne »? S'agit-il d'un écart entre Fiedler et Nishida? Nous pensons que non. Plus que de morceler l'acte en interne et externe, nous pensons que Nishida tente de souligner la continuité interne-externe, de la même façon qu'il s'efforce constamment de placer sujet et objet dans un rapport dynamique.

5

Pour Nishida, la pensée du mouvement et du développement à sens unique de Fiedler (voir devient agir) se métamorphose en mouvement cyclique (voir devient agir, agir devient voir), voir c'est agir et agir c'est voir. Cette interprétation se confirme dans un écrit plus tardif, 10

Je et Tu *5 , que nous avons déjà cité plus haut :

« L'œuvre d'art n'est pas simplement la copie de l'imagination subjective de l'artiste ; l'artiste procède coup par coup [Nishida parle d'un sculpteur] en dialoguant avec l'esprit objectif. Ainsi on peut penser que 15

dans l'activité créatrice artistique selon Fiedler, agir c'est voir, et voir c'est agir. »(NKZ VI,394,chap.6)

Il s’agit d’une interprétation libre que Nishida donne de Fiedler pour qui seul le développement « voir devient agir » est attesté dans le 20

texte original. Mais cette interprétation épouse bien l'idée de Fiedler à savoir que le processus de création a ses propres lois, et que l'artiste est pris dans un mouvement dynamique de détermination mutuelle avec son œuvre.

25

Pour Nishida, ce n'est pas seulement la création artistique qui commence par le regard, mais toute expérience de la réalité débute avec le regard, la vision interne ou externe, la « Anschauung », intuition, et partant toute compréhension de la réalité est instaurée par l'intuition dans le sens d’une connaissance préalable. Ce n'est pas seulement la 30

5 私と汝 Watakushi to nanji, 1932 (dans NKZ VI,341-427)

vision qui connaît des développements infinis chez Nishida; d'autres sensations aussi connaissent des développements infinis:

« Les perceptions pures doivent, toutes, être des développements infinis, les contenus de la conscience doivent eux-5

mêmes se développer. » (cf. NKZ II,291,chap.3.1).

Il est question des perceptions « pures », c’est-à-dire des perceptions laissées telles quelles, brutes, sans adjonction de la réflexion.

10

Que penser du lien entre l’œil et la main ?

« Comme le dit Fiedler, le développement de notre perception visuelle pure est spontanément accompagné par un mouvement expressif et devient une activité créatrice artistique.*6 [312] Ainsi, ce qui 15

se révèle possède, face à notre moi psychologique, une objectivité inébranlable comme celle de la nature elle-même. Etant donné que [l'activité créatrice] se base sur une unification par l'acte qui est plus profonde que [l'unification] par le savoir, elle possède un sens inintelligible pour le savoir. » (NKZ III,311-312,chap.3.3)

20

Dans ce passage, Nishida ne semble pas faire la différence entre le savoir, la connaissance (

ށ

c h i s h i k i ), et la cognition (認ށ ninshiki). - La création artistique est un acte corporel, et elle se base sur une unification de la personne dans le mouvement, dans l'agir, 25

qui est plus profonde que l'unification par l'intellect. Autrement dit, le geste artistique implique toute la personne tandis que la connaissance intellectuelle ne concerne qu'une facette de la personne.

6 La citation de Fiedler se trouve dans Ueber den Ursprung der künstlerischen Tätigkeit (1887, dans Marbach, Conrad Fiedlers Schriften über Kunst, Leipzig 1896), p.289: « [Der Künstler] unterscheidet sich..dadurch, dass ihn die eigentümliche Begabung seiner Natur in den Stand setzt, von der anschaulichen Wahrnehmung unmittelbar zum anschaulichen Ausdruck überzugehen.. ».- Citation d'après l'édition personnelle de Nishida.

Etant donné que le voir est déjà productif chez Nishida, il peut élever le spectateur au rang du créateur. Une nouvelle dimension éclot qui dépasse Fiedler. Le voir engage le corps, mais n'a pas besoin d'engager le geste de l'artiste pour être considéré comme activité : le 5

regard est en soi déjà activité, l'œil dessine à lui seul déjà le geste, sans passer à l'acte. Le regard retrace l'acte et le spectateur se met ainsi à la place du créateur.

« Toutes les expériences immédiates sont ainsi auto-10

développantes et ne cessent de chercher nécessairement l'expression de quelque chose. La conscience artistique aussi n'est rien d'autre que le développement de ce genre d'expériences immédiates. L'a priori de l'art, c'est le voir. L'activité pure appelée <voir> est infiniment développante et s'exprime elle-même. Autrement dit, l'art, c'est le 15

développement de l'activité de voir arrivée à son dernier stade, l’art est ce qui donne une plasticité (造 形 す る  zôkei-suru

au voir lui-même. »(NKZ XIV,80)*7

Donner une plasticité, c'est une forme visible et palpable, une 20

œuvre en tant que trace du voir. Mais contrairement à Fiedler, Nishida passe directement du regard - qui est acte - à l'œuvre. La main poursuit ce que l’œil a commencé ; mais pour Nishida, il ne pas l’oublier, la main est dès le départ dans l’œil, et que l’œil est dès le départ dans la main. Il y a un seul mouvement continu où la fin est contenu dans le début. (cf.

25

NKZ III,271,chap.1.4, passage cité dans thèse 2.6) La main et le sens tactile n’ont pas perdu leur importance pour Nishida?

Takanashi explique que Nishida ne s’est pas limité, comme Fiedler, à la seule perception visuelle, mais reconnaît un développement 30

similaire à toutes les perceptions. Nous devons émettre une réserve à

ce constat : même si Nishida ne se cantonne pas au domaine de la vision, qu’il admet une « auto-aperception » à chaque niveau de perception, et que la réalité, pour Nishida, est une mosaïque ainsi constituée des perceptions qui se développent, nous ne devons pas perdre de vue que Nishida est très tributaire de la « vision » et de tout 5

l’imaginaire attaché à l’œil, dans son discours philosophique.

Dans son essai La création artistique en tant qu’activité formatrice historique (1941), Nishida n’accorde pas de développement au toucher, contrairement à ce qu’il soutient à d’autres endroits (cf. Hildebrand et la 10

sculpture, cité dans Thèse chapitre 1.3) :

« Bien évidemment quelque chose comme le sens du toucher (

触ђ

shokkaku) ne possède aucune capacité de développement, son expression est directement confiée à la langue. En revanche dans l’acte 15

de voir, par le fait de nous unifier dans le voir, un monde avec d’infinies perspectives s’ouvre, le monde infini de formation visuelle se manifeste. » (NKZ X,229)

Le toucher a une fonction fondamentale, reconnue par Nishida à 20

d’autres endroits. On a néanmoins parfois l’impression que notre philosophe privilégie le regard au détriment du toucher.

« Certes, il y aura sans doute des objections au fait de penser de la même manière et le voir (見る miru) et le raisonner (推理 suiri-25

suru). Mais, je tente de dire que le raisonner est comme une sorte de voir. La pensée ne représente pas seulement l'autre, mais possède elle-même un contenu spécifique. Le monde de la vision représente le monde du toucher, et le monde du toucher représente le monde de la vision. Mais on peut penser que le monde de la perception visuelle est 30

comparativement plus vaste que le monde de la perception tactile, et

7 Il s’agit d’un cycle de sept cours donnés par Nishida à l’université impériale de

que le premier englobe et contient le deuxième.*8 L'espace intelligible où agit la pensée est encore plus vaste que l'espace des perceptions visuelle et tactile. Néanmoins, il y a quelque chose de fondamentalement identique. Dans le monde des perceptions visuelle et tactile, [440] il n'y a pas quelque chose comme un seul espace intuitif.

5

Un seul espace, ce n'est qu'une idée basée sur les exigences de notre raison. Le fait qu'un des espaces [existants] contient un autre ou bien est contenu par un autre, cela veut dire que chacun passe dans l'autre.

L'espace de la perception visuelle, même s'il est comparativement plus vaste que l'espace de la perception tactile, c'est le même espace. Par 10

contre, l'espace de la pensée (思惟 shii) est encore plus vaste. »(NKZ III,439-440,chap.7)

Nous avons présenté Nishida comme le penseur original en ce qui concerne sa philosophie du mouvement et la conception de l'art 15

comme expression humaine, comme expression corporelle, tel que nous l’avons mis en évidence dans le chapitre 1.2, L’art et le corps. Le passage cité ci-dessus nous oblige à apporter une nuance. Tout en écrivant que le monde tactile exprime le monde visuel et vice versa, le premier se trouve néanmoins englobé par le deuxième. De plus, le 20

penser, faculté intellectuelle, à qui Nishida, par ailleurs, ne reconnaît pas le pouvoir de connaître la réalité dans sa globalité, possède ici un espace plus vaste. Il est important de rappeler que la philosophie de Nishida, et notamment sa terminologie, nous invitent à penser « en fonction d’un certain point de vue » qui peut changer.

25

Le toucher joue un rôle important dans l'art, en général, et dans l’art japonais en particulier. Au premier abord, la création est liée à la

Kyôto en 1916. Les transcriptions de ces cours sont réunies dans NKZ XIV,5-82) 8 C'est un avis très discutable. En effet, le sens du toucher est un sens vital indispensable tandis que la vue ne l'est pas. - Sur le plan de la neuro-biologie, les yeux se développent à partir de la même couche embryologique ectodermique que la peau, avec la différence que la peau a une étendue bien plus importante. (cf.Ashley Montagu, La peau et le toucher, traduit de l'américain Touching, The Human Significance of the Skin (1971) Paris, 1979, p.114.)

pratique et au corps, ensuite l'appréciation d'une œuvre d'art est, très souvent, aussi liée au toucher : tissus, poterie, laque, bois, les objets d'utilisation quotidienne aussi bien que les œuvres d'art exceptionnellement déballées pour certaines occasions, font le plaisir des Japonais et de leurs invités au moment où on les touche. En effet, la 5

jouissance des formes et des matériaux passe par le toucher de la main.

Un autre point qui est capital, le toucher ne rend pas seulement hommage au créateur, mais témoigne aussi de la dignité que la personne qui touche une œuvre a pour sa propre personne :

10

« Hall a fait remarquer que les Japonais, par exemple, sont très conscients de l'importance de la texture. <La matière douce et agréable d'un bol indique non seulement que l'artisan a pris soin de ce bol, mais aussi que la personne qui va l'utiliser prend soin d'elle-même>. » *9 15

Et pourtant, Nishida est également fasciné par le monde de la vision. A notre avis, il s'est plié à la philosophique européenne qui associe traditionnellement l'œil à la lumière, à la clarté, à l'esprit, compréhension et même à la vérité. A titre général, le regard joue un 20

rôle dans beaucoup de nos expressions, même sans rapport avec le voir. La philosophie en particulier accorde une importance indéniable à la vue dans sa terminologie : vision, idée, intuition, Anschauung, insight, pour ne citer que quelques termes qui ont leurs origines dans le monde visuel. C'est par excellence le monde de l'abstraction, de la limpidité, du

rôle dans beaucoup de nos expressions, même sans rapport avec le voir. La philosophie en particulier accorde une importance indéniable à la vue dans sa terminologie : vision, idée, intuition, Anschauung, insight, pour ne citer que quelques termes qui ont leurs origines dans le monde visuel. C'est par excellence le monde de l'abstraction, de la limpidité, du

Documents relatifs