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Chapitre 1. Introduction

1.3. Évolution spectrale

Comme les réactions nucléaires au coeur d’une naine blanche sont éteintes, on pourrait croire que si elle commence sa vie en montrant un certain type spectral, elle conservera ce même type pour le reste de son évolution. Il semble toutefois que la situation soit plus complexe, car, comme il a été mentionné à la section 1.2.2, la proportion de DB (DO) n’est pas constante en fonction de la température, donc de l’âge.

Pour tenter d’expliquer ce fait, un modèle a été proposé par Fontaine & Wesemael (1987) (voir aussi Liebert et al. 1987). Bien que les nouvelles avancées dans la recherche des naines blanches aient contredit certains points de ce modèle, il constitue néanmoins la base de la théorie de l’évolution spectrale.

1.3.1. Modèle d’évolution spectrale de Fontaine & Wesemael (1987)

Dans ce scénario, on suppose que toutes les naines blanches, ou du moins une grande majorité, ont le même progéniteur : les étoiles de type PG1159. Ces étoiles sont les ob- jets de transition entre la phase post-AGB (la phase suivant la branche asymptotique des géantes) et la phase de naine blanche. Ceci est supporté par le fait que la région du dia- gramme Hertzsprung-Russell où on retrouve les PG1159 et celle où se trouvent les DO se superposent en partie (Hügelmeyer et al., 2005). Le spectre de ces objets est dominé par des raies d’hélium ionisé, de carbone ionisé (C iv) ainsi que d’oxygène ionisé et est dépourvu de raies d’absorption d’hydrogène (Hügelmeyer et al., 2005). Les PG1159 ont des gravités de surface entre log g = 5.5 et log g = 8.0 et des températures effectives élevées, dans l’intervalle 200,000 K > Teff > 65,000 K (Hügelmeyer et al., 2005).

Avec le temps, ces étoiles se refroidissent et le tri gravitationnel fait sombrer le carbone et l’oxygène atmosphériques vers les couches plus profondes, ce qui la convertit en naine blanche de type DO à Teff ∼ 120,000 K, lorsque la fusion nucléaire cesse. Avec le temps, la naine blanche se refroidit et le tri gravitationnel continue de séparer les éléments, ce qui fait remonter l’hydrogène à la surface. Après un certain temps, la couche d’hydrogène ainsi créée

est assez épaisse pour que le spectre ne montre que des raies d’hydrogène et la naine blanche apparaît alors comme une DA. Ceci permettait d’expliquer le fait qu’à l’époque, aucune naine blanche de type DA plus chaude que Teff ∼ 80,000 K n’était connue. L’hydrogène continue ensuite de diffuser vers la surface pour qu’à Teff = 45,000 K, soit à la limite chaude de la brèche qu’on croyait totalement dépourvue de DB, toutes les DO se soient transformées en DA.

La présence de DO jusqu’à une température de 45,000 K ainsi que l’absence de DA à Teff > 80,000 K permet d’estimer la quantité d’hydrogène contenue dans l’enveloppe des naines blanches. L’enveloppe d’une DO à ≈ 80,000 K doit avoir au maximum ∼ 6×10−18M d’hydrogène, sans quoi les raies d’hydrogène sont trop fortes et la naine blanche est alors classifiée DOA (MacDonald & Vennes, 1991). D’un autre côté, la quantité minimale néces- saire pour qu’une naine blanche ait un spectre ne montrant pas de raie d’hélium à 45,000 K est MH = 5 × 10−16 M (MacDonald & Vennes, 1991). Après sa transformation en DA, la naine blanche se refroidit de Teff ∼ 45,000 K à Teff ∼ 30,000 K en conservant son type spectral.

Pour les naines blanches de type DB (DO), l’atmosphère devient convective à Teff ∼ 60,000 K, mais ce n’est qu’à 30,000 K que cette zone de convection devient importante, comme le montre la figure 1.6. La zone convective d’hélium devient alors assez grande pour atteindre la couche superficielle d’hydrogène qui s’est formée grâce au tri gravitationnel et la dilution convective5 a lieu : le spectre montre maintenant des raies d’hélium neutre, ce qui explique la réapparition des DB autour de Teff ∼ 30,000 K. La température exacte à laquelle la dilution convective se produit dépend de l’épaisseur de la couche d’hydrogène (MacDonald & Vennes, 1991; Rolland et al., 2018). Il est à noter que si la fraction de masse d’hydrogène dans l’atmosphère est supérieure à ∼ 10−14, la dilution convective ne se produira pas et la naine blanche restera de type DA (Rolland et al., 2018).

Vers 10,000 K, le nombre de naines blanches à atmosphère d’hélium augmente de nouveau. À cette température, à la fois la couche superficielle d’hydrogène et l’enveloppe d’hélium située en dessous sont convectives. Le bas de la zone convective d’hydrogène devient de plus en plus profond lorsque la naine blanche se refroidit et, ultimement, entre en contact avec

5. Il y a dilution convective lorsque la zone convective d’hélium atteint la couche radiative d’hydrogène, ce qui a pour effet de diluer l’hydrogène dans l’enveloppe d’hélium.

Figure 1.6. Emplacement de la zone convective (région hachurée) dans l’enveloppe pure en hélium d’une naine blanche de 0.6 M , en fonction de la température effective et de la profondeur (exprimée en fraction de masse), selon les calculs de Rolland et al. (2018). Le calcul a été effectué à l’aide de la version ML2/α = 0.6 de la théorie de la longueur de mélange et la courbe rouge représente la photosphère (τR ∼ 1).

la zone convective de l’hélium, augmentant ainsi la quantité d’hélium atmosphérique. Selon Rolland et al. (2018), le mélange convectif6 a lieu entre ∼ 12,000 K et ∼ 7000 K pour des valeurs de MH entre 10−13 M et 10−8 M . La température exacte à laquelle ce phénomène se produit dépend de MH : plus il y a d’hydrogène, plus la température à laquelle le mélange convectif a lieu est basse.

1.3.2. Nouvelles avancées sur la théorie de l’évolution spectrale

Le modèle d’évolution spectrale décrit à la section 1.3.1 permettait de bien expliquer les rapports NDB/NDA observés à l’époque, mais il échoue à expliquer certaines découvertes faites depuis.

6. Il y a mélange convectif lorsque la zone convective d’hélium atteint la couche convective d’hydrogène, ce qui force le mélange de l’hydrogène et de l’hélium.

Par exemple, ce scénario n’explique pas la présence de naines blanches de type DB dans la brèche (Eisenstein et al., 2006a), car on suppose que toutes les naines blanches se sont converties en DA à Teff = 45,000 K. Il a donc été proposé par Bergeron et al. (2011) qu’il n’existerait non pas un, mais deux canaux évolutifs pour les naines blanches. Le premier est celui décrit par Fontaine & Wesemael (1987) et le second se produit lorsqu’il n’y a tout simplement pas assez d’hydrogène dans l’enveloppe pour que la naine blanche effectue la conversion DO→DA. La présence de ce deuxième canal évolutif se base sur le fait que la plupart des DB de leur échantillon ayant Teff > 20,000 K ne montrent pas, ou très peu, d’hydrogène. Eisenstein et al. (2006a) mentionnent qu’environ 10% des DA doivent subir une transformation entre 30,000 K et 20,000 K pour expliquer le rapport NDB/NDA observé. Bergeron et al. (2011) ont déterminé que pour qu’une naine blanche apparaisse DB à cette température, la quantité d’hydrogène dans son atmosphère ne devait pas excéder MH = 10−17 M . Ils mentionnent aussi que les 3 DBA de leur échantillon ayant des températures plus élevées que 20,000 K avaient MH ∼ 10−16 M . Dans un cas comme dans l’autre, MH est trop faible pour que la naine blanche ait eu une atmosphère riche en hydrogène au cours de son évolution.

Bergeron et al. (2011) (voir aussi Rolland et al. 2018) font mention de la possibilité d’un troisième canal évolutif produisant des DB ayant très peu d’hydrogène impliquant les DQ chaudes (voir la section 1.2.3). Comme ce type d’objet n’existe pas sous Teff ∼ 18,000 K (Dufour et al., 2008; Bergeron et al., 2011), elles se transformeraient en DB à cette température. Le mécanisme convertissant les DQ chaudes en DB est toutefois inconnu et, comme on ne connaît que très peu de ce type de naine blanche, ce canal évolutif serait numériquement peu important.

La dilution convective invoquée dans le modèle d’évolution spectrale pose aussi certains problèmes. À partir de leurs modèles, Rolland et al. (2018) ont déterminé la température effective à laquelle la dilution convective avait lieu en fonction de la quantité d’hydrogène présente dans l’atmosphère, ainsi que l’abondance résultante. Par exemple, pour MH = 10−15M , il y aurait dilution complète à 31,500 K, pour une efficacité convective ML2/α = 2.0. L’abondance d’hydrogène serait alors log H/He = −0.3, ce qui est beaucoup plus élevé que les limites observées pour les DB, qui se situent autour de H/He ∼ 10−4−10−5 (Bergeron et al., 2011). Ceci suggère encore une fois que ces naines blanches doivent avoir maintenu

leur atmosphère d’hélium durant leur évolution, ce qui est cohérent avec la découverte de DB chaudes (45,000 K > Teff > 30,000 K) par Eisenstein et al. (2006a).

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