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3.2 Les principales étapes de l’évolution

3.2.4 Évolution des sgHMXBs

Dans le premier chapitre, nous avons décrit l’évolution stellaire d’une étoile. Au vu des caractéristiques des HMXBs telles que nous les avons détaillées dans le deuxième chapitre, il est clair que l’évolution d’un système binaire est dictée par les interactions entre les deux membres du couple. C’est ce que nous détaillons ici dans le cas des HMXBs.

3.1

Formation des systèmes binaires massifs

Nous verrons dans la première partie du manuscrit que les HMXBs sont situées à proximité im- médiate des complexes de formation d’étoiles massives, dans les bras spiraux de notre Galaxie et que cela s’explique principalement par leur masse importante et leur temps de vie réduit, qui les empêchent de migrer significativement dans la Voie Lactée. Pour autant, la formation des étoiles massives suit un processus encore mal défini aujourd’hui (voir chapitre 1) et qui l’est encore moins lorsque l’on consi- dère des systèmes multiples : comment ces mécanismes de formation d’étoiles permettent d’expliquer la vaste gamme de systèmes doubles aujourd’hui découverte ? En outre, il paraît aujourd’hui clair qu’il existe une corrélation entre la masse stellaire et la multiplicité (Lada et al., 2006; Mason et al., 2009; Sana et al., 2012) ce qui laisse à penser que la majorité des étoiles O et B naissent avec au moins un compagnon. Les mécanismes de formation des systèmes multiples sont expliqués par trois processus distincts : gouverné soit par le nuage moléculaire initial, soit par le disque d’accrétion entourant la proto-étoile, soit par la dynamique de plusieurs corps initiaux. La revue rédigée par Kratter (2011) fournit un très bon résumé de ces mécanismes.

Le premier explique la formation de plusieurs proto-étoiles à partir de l’effondrement d’un nuage initial en plusieurs corps secondaires. L’efficacité de ce mécanisme dépend du rapport entre l’énergie de rotation et l’énergie gravitationnelle, qui peut lui dépendre de la turbulence (Fisher, 2004). Dans ces circonstances, la turbulence déclenche un effondrement du nuage primaire sur des temps plus courts que le temps de chute libre, menant ainsi à la formation d’objets secondaires en son cœur. La turbulence peut également former des structures filamenteuses qui se fragmentent ensuite en plusieurs étoiles (Kratter, 2011).

Le second processus fait intervenir la fragmentation du disque d’accrétion proto-stellaire suffisamment massif pour faire l’objet d’instabilités gravitationnelles. Ces instabilités permettent un refroidissement suffisant et il s’ensuit une fragmentation et la formation de plusieurs compagnons qui accrètent la matière du disque (Bonnell, 1994; Kratter, 2011). Il semblerait que ce mécanisme soit particulièrement efficace pour former des binaires massives, en particulier lorsque la fragmentation du disque intervient tôt dans le processus de formation stellaire. De surcroît, la position du disque par rapport à la proto-étoile initiale permettrait d’expliquer la formation de systèmes binaires serrées (séparation inférieure à 1000 ua).

50 Chapitre 3. Évolution des HMXBs Finalement, le troisième mécanisme envisageable invoque un nuage moléculaire turbulent formant une multitude d’objets de masse proche de la masse de Jeans qui interagissent gravitationnellement les uns avec les autres (voir par exemple Clark et al. 2008). Un mécanisme proche mais relativement inefficace (voir Kratter 2011), repose sur la présence du disque d’accrétion proto-stellaire pour expliquer la capture d’une proto-étoile voisine. Moeckel and Bally (2007) soutiennent que ce processus pourrait surtout inter- venir dans la formation des couples stellaires massifs.

Durant la formation des systèmes doubles, il existe en outre deux mécanismes pouvant expliquer l’évolution des paramètres orbitaux du système binaire vers la formation d’un système binaire serré, probable progéniteur des HMXBs. D’une part, un disque d’accrétion peut se former autour du système binaire. Lorsque celui-ci est expulsé, une grande partie du moment cinétique orbital peut alors être évacué (voir par exemple Artymowicz and Lubow 1996). D’autre part, les interactions entre un système multiple et un troisième corps (ou entre deux systèmes multiples) peuvent mener à une évolution chaotique des paramètres orbitaux (modifications de l’excentricité et de la séparation orbitale), accompagnée d’éjection d’étoiles du système (Mardling and Aarseth, 2001).

3.2

Les principales étapes de l’évolution

3.2.1 Processus conservatifs

L’évolution initiale des HMXBs débute de la même manière, suivant qu’il s’agisse d’une BeHMXB ou d’une sgHMXB et fait intervenir deux étoiles massives (de masses M1et M2 "8 M⊙). En revanche, elle

dépend des paramètres orbitaux initiaux du système binaire (séparation orbitale et rapport des masses des deux étoiles), fixés lors de sa formation (décrite dans la section précédente) qui influencent respectivement la taille et la forme du lobe de Roche. Dans les deux cas de figure, l’évolution du système binaire vers le stade HMXB débute lorsque l’étoile la plus massive et la plus évoluée (dite étoile primaire) déborde son lobe de Roche par expansion de son enveloppe, et transfère une partie de sa matière à la seconde étoile du couple. Ce processus est conservatif, ce qui se traduit par une conservation de la masse totale M1+ M2, et du moment cinétique total, J, du système binaire. Ainsi, l’étoile primaire perd une quantité

de masse conséquente, au profit de l’objet secondaire, dénudant au fur et à mesure son noyau d’hélium. Elle termine finalement son évolution par l’explosion de la supernova. Toutefois, selon le théorème du Viriel, pour que le système reste lié, la masse éjectée lors de cette explosion doit être inférieure à la moitié de la masse totale du système. Par conséquent, le transfert de masse vers l’objet secondaire doit être suffisamment efficace en amont pour que le système double ne soit pas rompu. En supposant que l’orbite initiale est circulaire et que le processus est conservatif, on peut écrire :

M1+ M2= constante et J = M1M2

! Ga

M1+ M2

"1/2

= constante (3.1)

où G correspond à la constante de gravitation et a, la séparation orbitale.

La troisième loi de Kepler permet finalement de montrer que la séparation a, et la période orbitale Porb

sont modifiées par le transfert de masse selon les équations suivantes : af ai =! M1,iM2,i M1,fM2,f "2 et Porb,f Porb,i =! M1,iM2,i M1,fM2,f "3 (3.2) où les indices "i" et "f" signifient respectivement "initiale" et "finale".

3.2.2 Explosion asymétrique des supernovæ

Si l’explosion de la supernova a lieu de manière asymétrique, l’étoile à neutrons nouvellement formée peut subir une impulsion (aussi appelée kick en anglais) qui se traduit par une composante de vitesse

3.2. Les principales étapes de l’évolution 51 supplémentaire fournie à l’objet. Celle-ci peut s’élever à plusieurs centaines de km s−1 et possède une

direction arbitraire (Tauris and van den Heuvel, 2006). Dans le cas d’un système binaire, ses effets sur les paramètres orbitaux sont imprévisibles. Toutefois, ce processus affecte la période orbitale et l’excentricité de l’orbite qui augmentent. Il est aujourd’hui communément accepté que les étoiles à neutrons subissent un kick lors de leur formation. En revanche, la situation est moins claire en ce qui concerne les trous noirs bien que deux publications récentes (Repetto et al., 2012; Janka, 2013) tendent à confirmer qu’ils subissent le même mécanisme à leur naissance.

L’évolution de la séparation orbitale du système binaire à l’issue de la supernova est alors donnée dans Tauris and van den Heuvel (2006) selon l’équation :

af

ai

= *

1 − (∆M/M)

1 − 2(∆M/M) − (w/vrel)2− 2cosθ(w/vrel)

+

(3.3) avec ai la séparation orbitale initiale, af, la séparation orbitale après explosion de la supernova, ∆M, la

masse éjectée du système lors de l’explosion, w la vitesse du kick, θ, la direction du kick par rapport à l’orientation de la vitesse relative du système binaire avant explosion, vrel.

Finalement, les systèmes binaires qui survivent à l’explosion de la supernova1, acquièrent une vitesse

de migration, vmig, dépendant à la fois de la perte de masse ∆M et de la valeur du kick, w, et donnée

par la conservation du moment cinétique selon : vmig=

, ∆P2

x+ ∆Py2∆Pz2/(MNS+ M2) (3.4)

où ∆Px, ∆Py, ∆Pz, correspondent aux variations de moment cinétique selon les trois directions de l’es-

pace (voir Tauris and van den Heuvel 2006), M2 correspond à la masse de l’étoile compagnon et MNS

correspond à la masse de l’étoile à neutrons.

Nous allons maintenant détailler les grandes lignes de l’évolution postérieure des BeHMXBs dans un premier temps, puis ensuite des sgHMXBs pour lesquelles, les processus mis en jeu ne sont pas conservatifs. Dans chacun des deux cas, nous donnerons un exemple type tout en gardant à l’esprit que chaque système binaire est différent, caractérisé par ses conditions initiales : paramètres orbitaux et masses des objets, qui détermineront l’évolution future de ces mêmes paramètres.

3.2.3 Évolution des BeHMXBs

Les étapes décrites ici sont résumées sur la figure 3.1. Le système binaire est initialement composé de deux étoiles : l’une de 13 M⊙et l’autre de 6.5 M⊙, avec une période orbitale de 2.58 jours. Lorsque l’étoile

la plus massive, évolue et quitte la séquence principale, elle remplit progressivement son lobe de Roche et transfère la matière issue de son enveloppe vers l’étoile compagnon. Celle-ci grossit jusqu’à atteindre une masse de 17 M⊙, aux dépens de l’étoile initialement la plus massive, qui termine sa vie avec une masse

de 2.5 M⊙. A l’issue de ce transfert de masse, la période orbitale est de 20.29 jours (voir équation 3.2).

L’étoile secondaire, qui constitue maintenant l’étoile la plus massive du couple, acquiert une quantité importante de moment cinétique issue de la matière accrétée. Cela augmente la vitesse de rotation de l’étoile jusqu’à sa vitesse critique, qui engendre la formation d’un disque de décrétion. L’étoile primaire continue elle son évolution avant de s’effondrer sur elle-même : c’est l’explosion de la supernova. Si cette explosion a lieu de manière asymétrique, le système reçoit un kick affectant l’excentricité et la période de l’orbite du système binaire qui augmentent considérablement. D’autre part, le kick fournit au couple une vitesse de migration de plusieurs km s−1. L’étoile à neutrons accrète alors la matière issue du disque

de décrétion de l’étoile Be, lorsqu’elle passe à proximité du périastre. Le stade HMXB est atteint. Le rapport de masse entre les deux objets est maintenant considérable. Lorsque l’étoile compagnon (étoile Be) remplit son lobe de Roche, le transfert de masse vers l’objet compact est conséquent. L’échelle de temps relative à la perte de masse est plus courte que l’échelle de temps d’accrétion, le transfert de

1. Il existe une condition sur la direction du kick, θ, pour que le système ne soit pas disloqué (voir Tauris and van den Heuvel 2006).

52 Chapitre 3. Évolution des HMXBs masse est alors dynamiquement instable et la matière s’accumule dans le puits de potentiel gravitationnel commun aux deux objets : il y a formation d’une enveloppe commune. L’objet compact perd du moment cinétique et spirale vers l’étoile compagnon, ce qui tend à réduire la séparation orbitale. A son tour, l’étoile compagnon devient un cœur d’hélium et explose finalement en supernova pour former un système binaire d’objets compacts, avec une période orbitale très faible.

Figure3.1 – Scénario conservatif d’évolution des BeHMXBs résumé jusqu’au stade HMXB dans lequel l’objet

compact accrète périodiquement la matière du disque de décrétion entourant l’étoile Be. Les chiffres donnés sous les étoiles indiquent leurs masses (en masse solaire). Figure extraite de van den Heuvel (2009).

3.2.4 Évolution des sgHMXBs

Les binaires X composées d’une étoile supergéante font intervenir des étoiles de masse initiale plus importante que dans le cas des BeHMXBs présenté ci-dessus. Par ailleurs, les modèles d’évolution stellaire mettent en évidence une relation entre la masse du noyau d’hélium dénudé de son enveloppe externe, MHe, et la masse de l’étoile initiale Mi(van den Heuvel, 2009) :

MHe M⊙ = 0.073! Mi M⊙ "1.42 (3.5) De plus, l’équation 3.2 nous donne l’évolution de la période orbitale du système binaire en fonction des masses initiales et finales (avant et après transfert de masse) des deux étoiles. Ces deux équations, révèlent que d’une part, plus l’étoile initiale est massive, moins elle perdra de masse au profit de la seconde étoile (équation 3.5), ce qui résulte d’autre part sur une période orbitale après transfert de masse, plus faible (équation 3.2). Cette tendance est représentée sur les graphiques de la figure 3.2. Par conséquent, dans le cas des sgHMXBs, les périodes orbitales après transfert de masse conservatif, seront systématiquement

3.2. Les principales étapes de l’évolution 53 plus petites que dans le cas des BeHMXBs, étudié dans la section précédente.

Figure3.2 – Gauche : évolution de la masse du noyau d’hélium en fonction de la masse de l’étoile initiale, après

transfert de masse vers la seconde étoile du couple dans le cas conservatif. Droite : évolution de la période orbitale

finale en fonction de la masse de l’étoile initiale et pour une étoile secondaire de masse initiale égale à 8 M⊙et

dans le cas conservatif.

Jusqu’à l’explosion de l’étoile la plus massive en supernova, le transfert de masse mis en jeu est considéré comme conservatif. L’évolution d’un système composé d’une étoile de 20 M⊙ et d’une étoile de

8 M⊙est décrite par van den Heuvel (2009) et est représentée sur la figure 3.3 en considérant une période

orbitale initiale de 4.70 jours. L’étoile la plus massive évolue en quelques millions d’années. Lorsque la combustion de l’hydrogène en son cœur est terminée, son enveloppe entre en expansion et remplit le lobe

de Roche. En seulement 3 × 104 ans, 14.6 M

⊙ sont transférées vers l’étoile compagnon. Ce processus

conservatif laisse derrière lui un noyau d’hélium de 5.4 M⊙, accompagné d’une étoile de 22.6 M⊙. La

période orbitale du système a augmenté suite au transfert de masse et atteint maintenant 10.86 jours. L’étoile la plus évoluée du couple termine alors sa vie en étoile à neutrons ou en trou noir. Lors de l’explosion de la supernova, un kick peut être fourni à l’objet compact, ce qui procure une vitesse de migration au système binaire (si celui-ci n’est pas dissocié). Deux cas de figure sont alors envisageables. Dans le premier cas, l’étoile secondaire (qui est maintenant la plus massive), remplit son lobe de Roche et transfère de la masse à l’objet compact via le premier point de Lagrange. La période orbitale décroît alors selon l’équation 3.2 suivant le transfert de masse entre les deux objets. Dans le second cas, l’étoile donneuse ne remplit par son lobe de Roche mais une partie de la matière transportée par le vent stellaire est accrétée par l’objet compact. L’autre partie du vent s’échappe du système binaire et se traduit par un prélèvement de moment cinétique au détriment du moment cinétique total de la binaire. Cette perte de moment cinétique induit une décroissance importante de la période orbitale (voir Tauris and van den Heuvel 2006). Dans les deux cas, l’accrétion de matière par l’objet compact génère la production de rayonnement X : la phase HMXB est atteinte. Plus tard, une enveloppe commune se développe, ce qui tend à diminuer encore davantage la période orbitale. Il en résulte un système double composé d’un objet compact orbitant autour d’une étoile Wolf-Rayet sur une orbite très serrée2. Cette étoile évoluée termine

finalement sa vie en formant une étoile à neutrons après explosion de la supernova.

Notons finalement que si la période orbitale initiale du système binaire est plus grande, les périodes orbitales des étapes suivantes de l’évolution de la HMXB seront également plus importantes. Ceci pourrait expliquer certaines des observations réalisées avec le satellite INTEGRAL qui mettent en évidence des binaires X à étoile supergéante avec des périodes orbitales de quelques centaines de jours : les SFXTs (voir par exemple Walter et al. 2006; Sidoli et al. 2006; Negueruela et al. 2008b).

54 Chapitre 3. Évolution des HMXBs

Figure 3.3 – Scénario d’évolution des sgHMXBs dans lequel l’objet compact accrète une partie de la matière

issue du vent de l’étoile supergéante. Les chiffres notés sous les étoiles indiquent leurs masses (en masse solaire). Figure extraite de van den Heuvel (2009).

Chapitre 4

De l’intérêt d’une approche

multi-longueurs d’onde et statistique

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