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Évolution de la réglementation relative aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP)

PARTIE I. GÉNÉRALITÉS

3. LE COMITE REGIONAL DE RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES (CRRMP)

3.12. Évolution de la réglementation relative aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP)

La loi n°93-121 du 27 janvier 1993 en son article 7 (portant diverses mesures d’ordre social codifiées à l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale) complétée par la loi n°94-43 du 18 janvier 1994 et ses deux décrets d’application n°93-692 et 93-683 du 27 mars 1993, ont institué le système complémentaire des CRRMP : ce système parallèle aux tableaux annexés au livre IV du Code de la Sécurité Sociale, basé sur l’expertise individuelle, témoignait de la volonté du législateur d’améliorer la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles. Comme nous l’avons vu, le cadre des maladies professionnelles s’écarte du principe de droit commun qui oblige celui par la faute duquel le dommage est arrivé de réparer les conséquences de sa faute; il remplace la notion de faute par la notion de risque, puis la nécessité de la preuve de la relation de cause à effet entre le dommage et l’exposition au risque par la présomption d’origine.

Des circulaires successives du ministre d’État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville et de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ont été adressées aux organismes de sécurité sociale afin de détailler les modalités de fonctionnement de ces comités.

Par ailleurs, dans les buts d’apporter une aide technique utile et d’harmoniser les décisions prises par les différents comités du territoire national, deux groupes de travail ont été constitués en septembre 1993 dans le cadre de la Commission des maladies professionnelles du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (remplacée par la Commission des Pathologies Professionnelles, branche spécialisée du Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail ou COCT), l’un présidé par Mme le professeur CONSO, le second par M. le professeur DALLY.

Ces groupes de travail étaient composés de Médecins Inspecteurs Régionaux du Travail, de médecins conseil régionaux et de médecins universitaires. Ils ont élaboré un guide intitulé «Guide destiné aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles», dont les comités «pouvaient utilement s’inspirer dans le cadre de leur mission». Ce guide a été validé par la Direction Générale du Travail et la Direction de la Sécurité Sociale, et publié au premier trimestre 1994 par l’Institut National de Recherche et de Sécurité [3].

Nous allons tenter de retracer ci-après l’historique réglementaire de la mise en place de ces comités et nous intéresser à l’évolution des guides pour les CRRMP, véritables appuis techniques.

3.12.1. Textes officiels

La circulaire DSS/AT/93/77 n°93-77 du 12 août 1993 émise par le ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, relative à la mise en place des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles précisait les premières modalités de mise en place et d’exercice de ces comités régionaux nouvellement crées. Elle concernait la composition des comités, la correspondance entre les 18 comités régionaux du territoire national et les circonscriptions administratives du contrôle médical de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (à titre d’exemple, les échelons régionaux de Lorraine et de Champagne-Ardenne du contrôle médical étaient alors reliés pour ces deux régions à la Direction Régionale des affaires sanitaires et sociales de Nancy et à la Direction Régionale du travail et de l’emploi (DRTE) de Nancy), le rôle des Préfets de région et des Directions Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS), désormais Agences Régionales de la Santé (ARS), dans la

dénommés médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main d’œuvre ou MIRTMO), professeurs d’université et praticiens hospitaliers), ainsi que l’organisation des secrétariats des comités.

Concernant les salariés du régime agricole et les salariés du régime des mines, ce sont respectivement le décret n°94-723 du 18 août 1994 relatif aux modalités d’adaptation des dispositions concernant les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles pour le régime d’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés de l’agriculture, et le décret n°94-1207 du 26 décembre 1994 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines et relatif notamment à la reconnaissance des maladies professionnelles qui ont fixé les modalités de la reconnaissance des maladies professionnelles par le biais des CRRMP des affiliés du régime minier et des affiliés du régime agricole.

La circulaire DSS/AT/94/06 du 21 janvier 1994 émise par le ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, complétait la circulaire du 12 août 1993 concernant les modalités de fonctionnement des CRRMP. Elle rappelait à cette occasion les conditions d’accès aux comités exigées au titre de l’alinéa 4, c’est-à-dire pour les maladies non désignées dans un tableau, à savoir un taux d’incapacité permanente partielle d’au moins 66,66% ou le décès de la victime. Ce taux a par la suite été revu à la baisse : le décret n° 2002-543 du 18 avril 2002 a fixé le taux d'IPP à 25% (article R 461-8 du code de la Sécurité sociale).

La circulaire DSS/AT n°95-33 du 11 avril 1995 relative à la reconnaissance des maladies professionnelles en matière de pneumoconioses précisait les compétences respectives des collèges des trois médecins et des CRRMP dans les cas de certaines pneumoconioses présentées dans le cadre d’un alinéa 3, objets d’une procédure spécifique. Elle a été abrogée par la circulaire DSS/4B n°96-507 du 9 août 1996 concernant les modalités d’application du livre IV du code de la sécurité sociale aux pneumoconioses, toujours dans un souci d’amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles, qui fixait de nouvelles modalités de traitement des dossiers de pneumoconioses (rôle du collège des trois médecins, ...) entre autres.

De nombreux autres documents ont paru au Journal Officiel de la République française, venant préciser, compléter ou modifier les circulaires citées ci-dessus, participant ainsi à l’évolution de la réglementation relative au fonctionnement des CRRMP.

3.12.2. Guides pour les CRRMP : évolution de la reconnaissance des maladies professionnelles

La première version du guide déstiné aux CRRMP, aide technique destinée aux comités, reprenait et développait les notions introduites par la circulaire DSS/AT/94/06 du 21 janvier 1994, document de référence officiel. Les plans de ces deux documents étaient globalement superposables hormis une partie plus réglementaire clôturant le texte officiel. Les guides se sont successivement appuyés sur la législation en vigueur consignée dans des documents officiels tels que des circulaires ou des notes techniques émanant du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

La première version datant du premier trimestre 1994 reprenait des informations administratives concernant la composition, la compétence territoriale, les missions et le fonctionnement des comités, la constitution des dossiers, l’importance de caractériser les expositions professionnelles subies. Le guide abordait la nécessité du secret médical. Il fixait le cadre des maladies visées aux troisième et quatrième alinéas de l’article L.461-1 du Code de la Sécurité Sociale, respectivement des situations dérogatoires aux tableaux existants, et des maladies graves ne figurant dans aucun tableau. Il soulignait les éléments de réflexion décisifs sur lesquels les comités pourraient fonder leur décision d’imputation pour chaque famille de pathologies. Il invoquait une «sagesse dans le discernement» des comités pour attester d’une relation de causalité nécessairement «hautement probable».

Les notions développées par ce guide se sont progressivement étoffées ; en témoigne le volume du document, passé des 6 pages du premier guide en 1994 aux 24 pages du dernier guide, publié en 2010. La partie médicale du guide s’est notablement progressivement développée ; elle émet des recommandations au sujet des couples nuisance-pathologie les plus fréquemment présentés. Elle a pour vocation notamment d’aider les comités :

- à se référer à des données scientifiques validées sur la dangerosité intrinsèque de la nuisance incriminée quant à la pathologie présentée, en insistant sur la valeur de notions épidémiologiques (niveaux de preuve, critères de Hill...) ;

- à attester de l’existence de facteurs de risques professionnels significatifs à travers une évaluation reproductible de l’exposition subie (recours à des matrices emploi-exposition, à des données métrologiques, à des ingénieurs de prévention spécialisés compétents,...mais aussi situation épidémiologique des maladies professionnelles reconnues dans l’entreprise) ; - à prendre en compte les facteurs extra-professionnels, puis à estimer la part de risque

attribuable à ces facteurs de risque non professionnels, afin de vérifier le caractère prépondérant du risque attribuable aux facteurs professionnels. Pour ce faire, le guide propose des facteurs de susceptibilité individuels à considérer, distincts des facteurs professionnels : âge (facteur de risque classique des maladies rhumatologiques mais qui évoque également une exposition longue à des contraintes biomécaniques professionnelles d’où la difficulté à identifier les phénomènes dégénératifs liés à l’âge et ceux liés au cumul des expositions physiques professionnelles), antécédents médico-chirurgicaux (fractures, obésité, maladies métaboliques),...

En effet dans le cadre d’une saisine au titre de l’alinéa 4, le comité se heurte à de multiples difficultés, largement discutées dans le guide 2010, parmi lesquelles :

- la pathogénèse des maladies néoplasiques fait intervenir la notion d’épigénétique, interaction indissociable des susceptibilités individuelles liées au patrimoine génétique et des facteurs environnementaux rencontrés ; d’où la difficulté d’individualiser la responsabilité des facteurs exclusivement professionnels.

- les délais de latence et les durées et intensité d’exposition requises sont variables selon les couples pathologie-nuisance étudiés (10 ans dans la majorité des cas, moins par exemple pour les leucémies liées au benzène), d’où la nécessité d’évaluer avec le plus de précision possible l’exposition subie par le déclarant ;

- il existe plusieurs classifications de la cancérogénicité d’un agent professionnel (CIRC, UE,...) ce qui peut prêter à confusion ; notons que le CIRC a évalué certains procédés industriels ou certaines situations d’exposition. Par ailleurs, pour certaines nuisances à l’heure actuelle non évaluées, le lien direct et essentiel s’avère par conséquent plus complexe à démontrer ;

- pour les contraintes biomécaniques, les notions fondamentales d’exposition «habituelle», le caractère «répétitif» ou «prolongé», la définition du caractère «forcé», ... font appel à une quantification difficilement reproductible ;

- si la nature de l’agent causal professionnel influe sur la localisation d’un cancer, un cancer ne possède aucune caractéristique pathognomonique d’une exposition professionnelle et ne peut donc être rattaché de manière indiscutable à une exposition professionnelle (même un mésothéliome malin, s’il est étroitement lié à une exposition à l’amiante, n’exclut pas une exposition para-professionnelle à l’amiante, environnementale ou domestique par exemple) ; - le diagnostic précis et sans ambigüité d’un cancer (type anatomopathologique discuté,

métastase d’un site primitif non retrouvé...) ou d’une psychopathologie, peut être délicat à poser, or il est indispensable à la saisine du comité dans le cadre d’un alinéa 4 ;

- dans le cas des psychopathologies ou des maladies rhumatologiques, l’existence d’antécédents revêt une valeur capitale et oriente la décision des comités. L’absence de ces éléments antérieurs peut a contrario s’avérer difficile à vérifier.