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Cette évolution est présentée en détail dans la Partie 2.

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CHOAY Françoise, 2002, « La notion de patrimoine en urbanisme », pp. 23-31, in BAZIN Marcel & GRANGE Anne-Marie

(dir.), Les urbanistes et le patrimoine, Presses Universitaires de Reims, p. 24.

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Françoise Choay précise la conception mémoriale de l’architecture pour John Ruskin : « il conçoit notre héritage

architectural et urbain comme transitoire et promis à terme à la disparition. Sa conservation est simplement la

condition de sa continuation novatrice, elle nous insère dans un processus qu’il s’agit de poursuivre et non de répéter ».

Cf. CHOAY Françoise, 2002, op. cit., p. 25.

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GIOVANNONI Gustavo, 1931 (éd. 1998), L’urbanisme face aux villes anciennes, Paris, Éditions du Seuil, p. 211.

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Pour Françoise Choay, « l’objectif de Sitte est avant tout esthétique » : c’était un moderniste qui considérait la ville

ancienne comme inadaptée à son époque. Cf. CHOAY Françoise, 2002, op. cit., p. 25.

PA R T I E 1 . CO N T E X T E D E L A R E C H E R C H E E T C A D R E T H É O R I Q U E

CH A P I T R E 1 . DE L A P A T R I M O N I A L I S A T I O N D E S E S P A C E S U R B A I N S

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régnant entre les œuvres secondaires, dont l’ensemble offre une expression d’art urbain avec son

style et sa couleur propres »

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. La notion d’ensemble que Giovannoni évoque est à la base d’une

idéologie du patrimoine urbain car « pour lui, la ville ancienne constitue en soi un monument

unique »

2

. Cette idée prendra corps dans la législation française une trentaine d’années plus tard.

En fait, les textes ont suivi en décalé les constats de Giovannoni : en premier lieu les abords des

monuments seront pris en compte, non pour leur valeur propre mais pour l’écrin qu’ils forment

autour de l’édifice protégé et, ensuite, c’est la ville ancienne en tant qu’ensemble historique que

l’on s’attachera à préserver. Il ne faut pas voir dans les écrits de Giovannoni une volonté de figer

la ville ancienne, crainte toujours exprimée lorsque l’on évoque la protection du patrimoine

urbain : Françoise Choay qui signe la préface de la traduction française précise qu’en

« considérant les ensembles urbains comme des composants à part entière des "nouveaux

organismes urbains", Giovannoni prend position contre ceux qui préconisaient la muséification du

tissu ancien, isolé de la vie contemporaine et embaumé à des fins historiques, esthétiques et

touristiques »

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. La prise en compte du patrimoine urbain dans les politiques urbaines a donc initié

de nouvelles dynamiques socio-spatiales en centres-villes. Cette nouvelle approche du patrimoine

et sa concrétisation dans la législation française avec l’invention des secteurs sauvegardés en

1962 ouvre la voie de nouvelles recherches sur la patrimonialisation des centres anciens. Si la

question d’une géographie des centres existait déjà a priori, cette dernière ne considérait le

patrimoine que comme une donnée parmi d’autres et, qui plus est, une donnée en ruines. Avec

l’avènement du patrimoine urbain, un champ de recherche lié à cette nouvelle catégorie de

patrimoine a vu le jour et s’est attaché à analyser les dynamiques urbaines liées à la

patrimonialisation des centres anciens pour leur valeur d’ensemble. Dans ce cadre, le patrimoine

urbain constitue l’une des principales thématiques développée dans la recherche sur les

centres-villes.

B. La place du patrimoine dans les recherches sur les centres-villes

Les recherches sur les centres-villes sont aujourd’hui nombreuses et pluridisciplinaires. Le

centre, « c’est là où les choses se passent » et partant de ce postulat, c’est là où les dynamiques

sont les plus fortes : dynamiques urbaines, dynamiques sociales, dynamiques économiques, etc.

Jean-Paul Lévy détermine trois phases dans les recherches sur les centres : jusqu’au début des

années cinquante, il remarque que le phénomène urbain n’est pas très lisible dans les travaux

universitaires. La France est encore profondément marquée par sa ruralité, l’exode rural n’étant

pas encore des plus importants. Dans la deuxième période, les études urbaines se focalisent sur le

centre-ville et « l’orientation des recherches est très nettement fonctionnaliste. Il s’agissait, alors,

1

Idem.

2

CHOAY Françoise, 2002, op. cit., p. 26.

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CH A P I T R E 1 . DE L A P A T R I M O N I A L I S A T I O N D E S E S P A C E S U R B A I N S

de répondre à la crise des centres et de lui trouver des remèdes »

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. C’est cette crise des centres,

sur laquelle nous allons revenir, qui a été à l’origine de la troisième vague de recherches depuis

les années soixante-dix qui renouvelle les approches et les méthodes d’analyse. Depuis les années

quatre vingt, on observe un phénomène de retour au centre : de nouvelles problématiques sont

apparues, tant du point de vue spatial que social et la question patrimoniale est très présente

dans les travaux de recherche sur les centres-villes.

1. La crise des centres

L’action publique en centre-ville est singulière car le centre est un espace particulier : « il

est l’espace le plus marqué sur le plan symbolique […] Plus que tout autre espace, il est émetteur

de signes et de symboles »

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. Le centre est donc spécifique, en tant qu’espace vécu d’abord, en

tant qu’espace perçu ensuite. Le centre-ville est vécu comme un espace fonctionnel qui regroupe

l’ensemble des activités urbaines en un même lieu : il est caractérisé par l’accumulation de

fonctions religieuses, politiques, judiciaires et économiques. En tant qu’espace représenté, « il est

perçu avec complexité dans les multiples articulations liant étroitement ses fonctions aux

symboles qu’il représente ou qui sont matérialisés par certains lieux et aux valeurs auxquelles les

unes et les autres renvoient »

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. C’est bien le centre-ville qui réunit tous les symboles forts d’une

ville en ce que ses espaces bâtis, ses places, ses monuments portent en eux l’histoire urbaine des

lieux et octroient de ce fait des valeurs particulières au centre. Pour toutes ces raisons, l’action

publique au centre des villes ne peut être anodine : elle est fortement politisée, marquée de

symboles forts (le renouveau, le respect du passé, etc.) et prête à réagir.

L’état des centres anciens français au sortir de la Seconde Guerre mondiale a posé la

question d’une action publique forte dans ces espaces alors délaissés. Les centres anciens se

vident et menacent ruine : « le dépeuplement en premier lieu a été incontestablement le

phénomène le plus spectaculaire »

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estime Jean-Paul Lévy. Claude Soucy note alors que l’on

« parle souvent, à propos des centres, de dépérissement »

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et s’inscrit dans le courant de des

travaux sur la crise des centres, alors admise et construite en tant que champ de recherche, en

particulier chez les géographes et les sociologues. Il poursuit son analyse par un retour à l’ère

industrielle, durant laquelle la bourgeoisie s’est éloignée des centres pour chercher en périphérie

une meilleure hygiène de vie. Il note que « le centre ancien apparaît ainsi comme un lieu de

refuge à la fois pour les résidents les plus pauvres, les activités artisanales et le commerce ancien

ou de gros, certains types de loisirs ou de relations défavorisés »

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. Au-delà de la crise des centres

c’est aussi la crise de la centralité qui est questionnée : « peut-il y avoir centralité sans centre

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LÉVY Jean-Paul, 1987b, Centres-villes en mutation, Paris, Éditions du CNRS, p. 15.

2

LÉVY Jean-Paul, 1987a, op. cit., p. 309.

3

Ibid., p. 49.

4

LÉVY Jean-Paul, 1987b, op. cit., p. 9.

5

SOUCY Claude, 1980, La crise des centres : orientation de la recherche, contribution à une sociologie des centres

urbains, Paris, Centre de sociologie urbaine, p. 33.

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urbain ? »

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Les mutations des centres-villes en France ont donc passionné les chercheurs qui ont