• Aucun résultat trouvé

Évolution de la prise en compte de l'erreur

Il existe diverses manières de considérer l'erreur et d'en tenir compte. En nous appuyant sur des cultures littéraires de différents didacticiens, nous tenterons d'analyser les différentes positions qui peuvent être tenues face à l'erreur.

L'erreur qui dans un premier temps fut considérée comme une faute, va progressivement évoluer et devenir un moteur de l'apprentissage pour certains spécialistes s'étant penchés sur la question. C'est ce qui va ici être analysé.

Nous pouvons commencer avec l'ouvrage de Jean-Pierre ASTOLFI : L'école pour apprendre (Jean-Pierre ASTOLFI, collection pédagogies, 1992-1993). Dans cet ouvrage, l'auteur nous confirme que dans la majeure partie des cas les enseignants ont une image négative de l'erreur.

En effet, l'erreur en sciences est souvent considérée par les enseignants comme un échec pouvant entraîner un risque de déstabilisation pour l'apprenant. Ainsi, pour éviter de faire face à cet échec, ces enseignants peuvent mettre en place des stratégies d'évitement.

Certains, pourront par exemple proposer des exercices et problèmes simples, ou encore éviter le plus possible de questionner les élèves pour être confrontés le moins possible aux erreurs qui pourraient ressortir. Ou encore mettre en place un étayage trop poussif en ce qui concerne la réduction des degrés de liberté. Ainsi, les élèves sont guidés du début à la fin et ne peuvent réellement exprimer leur propre pensée.

D'autre part, le fait de considérer l'erreur comme un échec a également un impact sur l'élève. En effet, en tentant d'éviter l'erreur, l'enseignant envoie aux élèves un signal indiquant qu'il ne faut pas faire d'erreur, qu'il faut l'éviter. Ainsi, les élèves peuvent adopter des comportements qui permettent de répondre à cette attente. Les élèves auront ainsi tendance à ne plus vouloir répondre aux questions de l'enseignant de peur de dire quelque chose d'incorrect. Les enfants auront également tendance à ne pas poser de question à l'enseignant de peur de montrer qu'il ne sait pas et qu'il est actuellement encore dans l'erreur, « dans l'échec ». Enfin, cette façon de procéder pourrait laisser penser à l'élève que le fait de dire quelque chose de faux fait de lui un élève en échec, or cela a un côté dévalorisant qui pourrait pousser l'élève à ne plus s'investir dans les apprentissages.

Il semble ainsi, que ces manières de procéder, bien qu'évitant de faire apparaître l'échec ne le détruise pas. L'échec n'est seulement plus visible, il est simplement « masqué ». Ces stratégies ne semblent donc pas permettre le meilleur des apprentissages.

Ainsi, une personne qui fait une erreur est considérée comme s'étant trompée. Les enseignants ont tendance à penser que les élèves qui font des erreurs ou plutôt des fautes sont des élèves distraits ou qui n'ont pas assez travaillé. Par ailleurs, lors d'évaluations ce sont justement ces erreurs considérées comme un manque de travail qui sont sanctionnées. Les enseignants tentant rarement de comprendre ou d'analyser ces erreurs autrement.

Cette conception de l'erreur met de côté des principes fondamentaux pour un bon apprentissage. A savoir que les élèves disposent toujours de savoirs dont ils pensent qu'ils sont vrais puisqu'ils n'ont jamais pu être remis en cause. Il faut ainsi comprendre que chacun d'entre nous possède des réponses pour chaque phénomène qui se sont construites grâce à notre vécu. Or ces savoirs ne sont considérés comme faux par l'individu seulement à partir du moment où ils ne permettent plus de répondre pertinemment à un problème donné. Tant que le problème n'est pas posé, la conception ne pose pas problème. Une conception est donc perçue comme véridique tant qu'elle n'est pas remise en question comme le signale ASTOLFI dans la citation suivante :

Dans cette sorte de lutte entre les représentations et les concepts, ce sont les premières qui sont le plus fonctionnelles et explicatives pour l'individu, qui se sont constituées et enrichies de longue date, qui résultent de tous les questionnements spontanés depuis l'enfance, qui n'ont pas attendu la survenue d’un chapitre du programme. La présentation à côté d'elles, mais sans interaction, des notions disciplinaires a peu de chances d'avoir un effet substitutif, si l'on aide pas un peu les choses. (L'école pour apprendre, Jean-Pierre ASTOLFI, collection pédagogies, 1992-1993, P.83

Ou encore comme l'indique Brousseau :

L'erreur n'est pas seulement l'effet de l'ignorance, de l'incertitude, du hasard [...] mais l'effet d'une connaissance antérieure qui avait son intérêt, ses succès, mais qui maintenant, se révèle fausse, ou simplement inadaptée. G. Brousseau, cité dans la revue Echanger 1994.

Il semble donc important de prendre en compte cet aspect dans l'enseignement des sciences. Gaston Bachelard, explique que ces conceptions « déjà-là » se construisent à partir de la culture et de l'environnement des élèves.

« Les professeurs imaginent que l'esprit commence comme une leçon, qu'on peut toujours faire une culture nonchalante en redoublant une classe, qu'on peut faire comprendre une démonstration en la répétant point par point. Ils n'ont pas réfléchi au fait que l'adolescent arrive en classe avec des connaissances empiriques déjà constituées. Il s'agit alors, non pas d'acquérir une culture mais bien de changer de culture, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne [...] » citation par Jean-Pierre ASTOLFI (L'école pour apprendre, Jean-Pierre ASTOLFI, collection pédagogies, 1992- 1993, P.83) de Bachelard, la formation de l’esprit scientifique.

Ainsi, les connaissances s’acquièrent par l'expérience et la confrontation aux problèmes. Or nous considérons comme une connaissance une conception qui permet de répondre à un problème à un instant T. Les enfants construisent ainsi de cette manière la majorité de leurs connaissances. Mais, ces expériences vécues sont corrélées à l'environnement socio-culturel des élèves. En effet, il faut prendre conscience que certains élèves ont un environnement culturel riche (sorties dans des musées, planétarium, aquarium, médiathèque, bibliothèque, …), quand d'autres ont un environnement culturel plutôt pauvre et ne font que rarement des sorties culturelles dans le cadre familial. Or, comme nous l'avons vu les connaissances s’acquièrent par la rencontre de problèmes auxquels il faut trouver une réponse satisfaisante, ainsi il semble que l'environnement socio-culturel ait un impact sur les connaissances scientifiques des élèves. Il est donc du rôle des enseignants de permettre aux élèves d'être confrontés à de nouveaux problèmes dans lesquels leurs conceptions ne permettent pas de répondre efficacement. Ainsi, les élèves comprendront qu'il est nécessaire de modifier leurs connaissances afin de les réadapter à la nouvelle situation et acquérir par l'expérience et la démarche scientifique de nouvelles connaissances scientifiques et avérées.

De nombreux auteurs didacticiens, ont ainsi mis en avant le fait que l'apprentissage ne se fait pas par mémorisation de savoirs savants mais par la construction progressive et la remise en question des concepts déjà présents dans l'esprit des élèves.

Les obstacles consistent en ce que nous agissons et réfléchissons avec les moyens dont nous disposons déjà, quand l'apprentissage consiste à s’en construire de mieux adaptés à la situation. L'erreur un outil pour enseigner, Jean-Pierre ASTOLFI, collection pratiques et enjeux pédagogiques, 1997, P.17

Aussi, il est primordial, pour un bon apprentissage de prendre en compte ces conceptions déjà là puisque une mémorisation d'un savoir savant ne permet pas à l'enfant de remettre en question ce qui lui semblait être le savoir vrai avant l'enseignement. Par conséquent, l'enfant n'apprend le savoir que comme une leçon qu'il devra retranscrire lors de son « contrôle », mais à l'issue de ce dernier, il reconsidèrera ses propres savoirs comme les plus légitimes. En effet, ce n'est pas parce qu'un autre savoir, formulé différemment est considéré comme scientifiquement véridique, que sa propre conception est forcément erronée. Il semble donc que la citation suivante tirée du livre de Jean Pierre ASTOLFI paraisse pertinente :

André Giordan, à l'université de Genève, a beaucoup insisté sur le fait que les représentations perdurent parce que la construction des progressions d'enseignement ne prend pas en compte le cadre de référence des élèves, ses « modes de pensée » initiaux, lesquels du coup ressortent quasi inchangés. (L'école pour apprendre, Jean Pierre ASTOLFI, collection pédagogies, 1992-1993, P.83

4. L'erreur dans les apprentissages scientifiques en particulier dans la démarche