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Chapitre 1 : Introduction générale

1.5. Évaluation de la soutenabilité des bioraffineries

1.5.1. Évaluation de la soutenabilité

La Soutenabilité par l’Analyse du Cycle de Vie (SACV) (équivalent en anglais de : ‘Life Cycle Sustainability Assessment’ (LCSA)) a été considérée comme l'une des méthodes les plus communes pour évaluer la soutenabilité des produits et des processus. Toutefois, le cadre d'évaluation de la soutenabilité, selon l’approche cycle de vie, est encore en cours de développement avec des cas d’application encore très limités (Neugebauer et al., 2015). Cependant, il faut distinguer entre la méthode LCSA qui évalue la soutenabilité d’un produit, processus ou service, sur tout son cycle de vie, et l’évaluation du réseau de création de valeur soutenable qui tente d’intégrer cette méthode. L’importance de l’intégration de la méthode LCSA réside, conceptuellement, au niveau du respect de l’approche cycle de vie pour les différents aspects qui composent la soutenabilité. En effet, le concept de la pensée cycle de vie joue un rôle important dans la mise en œuvre pratique des aspects de la soutenabilité selon (Neugebauer et al., 2015). L'évaluation de la soutenabilité devient, de plus en plus, une question vitale pour les entreprises. Les preneurs de décisions doivent décider des investissements stratégiques sous contrainte de perspectives commerciales volatiles et largement influencées par les contraintes afférentes à la soutenabilité et la perception du public. Par conséquent, l'intérêt proactif des entreprises vis-à-vis de leur décision qui impactent la soutenabilité augmente (Keller et al., 2015).

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La méthode LCSA n’est pas encore normalisée à cause des difficultés d’intégration de l’approche cycle de vie par les méthodes afférentes aux différents aspects évalués. Les difficultés concernent notamment l’aspect social et, selon un degré moindre, l’aspect économique. En plus, le cheminement ou le mappage des indicateurs d’impacts catégoriaux (relatifs à chaque catégorie d’aspect de la soutenabilité) vers des indicateurs globaux (relatifs à la soutenabilité) représente un défi majeur pour l’applicabilité de la méthode LCSA.

En outre, l’évaluation de la soutenabilité du réseau de création de valeur se base souvent sur un compromis entre les indicateurs de performance des différents aspects. Ces indicateurs sont calculés, le plus souvent, sans respect de l’approche cycle de vie à cause de l’absence d’inventaires normalisés à cet effet. Le chevauchement au niveau de la portée relative à chaque aspect constitue un autre handicap d’évaluation à côté du problème conceptuel de cheminement d’impacts. Nous présentons, pour le reste de cette sous-section, l’évolution conceptuelle de la méthode LCSA et les tentatives de son Application.

La normalisation de la méthode LCSA n’a pas vu le jour malgré l’effort conceptuel déployé notamment dans (UNEP/SETAC, 2009) et (UNEP/SETAC, 2011). Les tendances conceptuelles les plus confirmées annoncent la reprise des mêmes étapes de la méthode LCA, standardisée par les ISO 14040 et 14044 (2006). Toutefois, les difficultés qui entravent la standardisation de la méthode LCSA résident notamment au niveau de la complexité d’agrégation des indicateurs d’impacts sous l’égide des zones de protection de la soutenabilité. Ainsi, le cheminement d’indicateurs d’impacts reste un dilemme à résoudre pour assurer le routage entre les indicateurs locaux et globaux de la soutenabilité comme illustré par la figure 1.2.

Figure 1.2 : Schéma du cheminement des indicateurs d’impacts entre aspects locaux et globaux

Environnementaux : 1 n

Économiques : 1 m Sociaux : 1 c

- Agrégations d’impacts du même aspect

- Élimination des redondances entre les impacts des aspects différents

- Incrémentation d’informations exogènes utiles - Entreprendre différentes analyses du système pour

enrichir le contexte de routage entre aspects locaux et globaux

- Définir la profondeur des impacts à gérer - Agréger vers les indicateurs globaux de

soutenabilité

Cheminement d’impacts par routage entre

aspects locaux et aspects globaux Indicateurs d’impacts relatifs à la zone de protection de la

soutenabilité 1 s

Indicateurs d’impacts relatifs aux zones de

protections locales Zone de protection de la soutenabilité - Stabilité économique - Santé humaine - Justice sociale

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Une des conceptions les plus élaborées et les plus officielles de la méthode LCSA est présentée par (Valdivia et al., 2013) en se basant sur l’initiative (UNEP/SETAC, 2011) et sur la définition de la soutenabilité de Kloepffer (2008). L’approche UNEP-SETAK se base sur l’articulation des trois méthodes (LCA, SLCA et LCC) et suit la même démarche que celle de l’LCA. Le tableau 1.1 récapitule le contenu des différentes phases de la méthode LCSA.

Tableau 1.1 : Cadre de la méthode LCSA confectionné d’après (UNEP-SETAK initiative life cycle) reporté par Valdivia et al. (2013)

Phase (selon démarche LCA) Proposition selon (Valdivia et al., 2013) en se basant sur l’initiative UNEP-SETAK, 2011

Définition de l’objectif et de la portée de l’étude

- Un objectif commun devrait être formulé bien que les objectifs de chaque technique puissent être différents.

- L'unité fonctionnelle devrait considérer l'utilité technique (comme la qualité, la fonctionnalité, etc.) ainsi que l'utilité sociale (comme la commodité, le prestige, etc.).

- La portée du système étudié doit être pertinente mais elle pourrait être intrinsèque à la technique (méthode). Recommandation de l'incorporation de tous les processus pertinents pour au moins une des techniques.

- Les catégories d'impact devraient être liées à chaque technique pour faciliter les compromis potentiels et identifier le double comptage lors de la collecte d'informations.

- Les méthodes d’allocation, l'utilisation de proportions physiques ou économiques est suggérée, car il est accepté dans la pratique lors de la mise en œuvre des trois techniques séparément.

ILCSA

Inventaire de la soutenabilité par l’Analyse du Cycle de Vie

- L’ILCSA suggéré est un inventaire du cycle de vie recueillis au niveau du processus ou au niveau organisationnel. L’LCA fonctionne avec les données signalées au niveau du site, des installations et des processus, le SLCA et le LCC peuvent utiliser des données collectées et signalées au niveau de l’organisation ;

- L'identification des acteurs de la chaîne dans le système de produits est essentielle ; - Le type de données peut être quantitatif, semi-quantitatif ou qualitatif.

ELCSA Évaluation d’impact sur la Soutenabilité par l’Analyse du

Cycle de Vie

- La pertinence des impacts en fonction du point de vue des parties prenantes est prise en compte ; - Les différences dans l'exécution d'une ELCSA parmi les trois techniques sont remarquables et

reconnues ;

- Les externalités pour l’aspect économique peuvent ou non être monétisées dans l'approche LCC. InLCSA

Interprétation d’impact sur la Soutenabilité par l’Analyse du

Cycle de Vie

- Tous les résultats doivent être vérifiés en fonction de la qualité et de l'incertitude des données ; - Une représentation parallèle détaillée des trois techniques avec leurs résultats aide les parties

prenantes à identifier les impacts potentiels et réels ainsi que les compromis entre les résultats des trois techniques ;

- L'agrégation et la pondération des résultats ne sont pas recommandées.

Au niveau conceptuel, certains efforts consistants, à côté des travaux de l’UNEP- SETAK, ont été déployés. Neugebauer et al. (2016) proposent une évaluation du cycle de vie économique (EcLCA) pour représenter l’aspect économique, dans le cadre de la LCSA,

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conformément aux principes de la méthode LCA. Neugebauer et al., (2016) introduisent un schéma de cheminement d'impacts économiques, y compris les catégories d’impacts intermédiaires et finales, dans des domaines de protection définis allant au-delà de la conception axée sur les coûts de la méthode LCC classique. Les auteurs recommandent la nécessité de poursuivre les recherches et le réglage précis des catégories d’impacts et leur cheminement pour permettre une base d'évaluation valide et cohérente afin de favoriser la mise en œuvre pratique de la méthode EcLCA au sein de la méthode LCSA. Le cheminement d’impacts entre les indicateurs, intermédiaires ou finaux et la zone de protection de la soutenabilité est assez difficile à définir pour tous les aspects.

Dans (Neugebauer et al., 2015) une approche à trois niveaux (voir figure 1.3) a été développée fournissant une hiérarchie d'indicateurs et proposant un concept de mise en œuvre par étape de leur implémentation. Bien que des indicateurs soient disponibles pour les trois dimensions de la soutenabilité, les indications nécessaires pour la sélection des indicateurs sont manquantes.

Figure 1.3 : Concept de mise en œuvre par étapes d’une hiérarchie d'indicateurs de soutenabilité

Un examen des indicateurs a été effectué conformément aux trois critères de praticité, pertinence et robustesse de la méthode, ensuite les indicateurs ont été classés en trois niveaux. Le premier niveau se concentre sur les indicateurs facilement applicables et pertinents pour

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les processus de production. Le deuxième niveau reflète les indicateurs de bonnes pratiques actuels déjà utilisés dans les études de cas. Le dernier niveau vise à donner un ensemble complet d'indicateurs pour évaluer la soutenabilité.

Keller et al. (2015) de leur part, présentent une méthodologie d'évaluation intégrée de la soutenabilité selon l’approche cycle de vie appliquée aux bioraffineries ‘LCSA intégrée’ (Integrated LCSA : ILCSA). Cette méthodologie introduit une discussion structurée des résultats afin de tirer des conclusions et des recommandations concrètes pour les décideurs. Cette méthodologie expliquée par un simple exemple lui manque l’implémentation pratique. Il est à signaler toutefois, que la modélisation des objectifs multiples domine actuellement les méthodologies d’évaluation de la soutenabilité du réseau de création de valeur. Quant à la résolution du modèle, on recourt souvent à l’identification d’un ensemble de solutions non dominées suivi de l’analyse multicritère pour atteindre un compromis entre les objectifs des aspects étudiés. Les cas d’application de la méthode LCSA ainsi que l’intégration de l’approche cycle de vie dans l’optimisation du réseau de création de valeur sont très limitées. Les méthodes appliquées pour l’évaluation de la soutenabilité des chaines logistiques et des bioraffineries intégrées sont présentées au niveau de la section suivante.