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2-1 Cathétérisme cardiaque

L’évaluation hémodynamique de la sténose aortique peut être effectuée par cathéthérisme cardiaque. Cette technique a été la première méthode utilisée pour évaluer la sévérité hémodynamique de la sténose aortique, mais son utilisation s’est considérablement réduite avec le développement de l’échographie cardiaque.

La technique la plus fréquemment utilisée en raison de sa simplicité est celle du retrait («pullback»). Un cathéter est amené de façon rétrograde à travers la valve aortique dans le ventricule gauche. Une mesure de la pression est prise au niveau du ventricule, puis le cathéter est reculé et une mesure de la pression est effectuée au niveau de l’aorte ascendante. Pour finir, les deux courbes de pression (ventriculaire et aortique) sont superposées.

Figure 7 : Courbes de pression ventriculaire et aortique d’une sténose aortique.

Peak instantaneous pressure gradient : pression instantanée maximale. Peak-to-peak gradient : gradient pic à pic. Mean gradient : gradient moyen. Image tirée de http://pie.med.utoronto.ca/tee avec la permission

Une méthode plus récente et probablement supérieure est d’utiliser un cathéter à double lumière, permettant ainsi de mesurer simultanément la pression ventriculaire gauche et la pression aortique. [72]

La superposition des 2 courbes ventriculaire et aortique permet de mesurer le gradient de pression entre le ventricule gauche et l’aorte. Les deux mesures obtenues sont le gradient moyen (l’aire sous la courbe) et le gradient pic à pic. À l’aide de la formule de Gorlin, il est alors possible de calculer l’aire valvulaire anatomique aortique.[73, 74]

𝐴𝑉𝐴 = 𝐷𝐶

44.3 × 𝑓 × 𝑇𝑆 × √𝐺𝑀

Où AVA est l’aire valvulaire en cm2, DC est le débit cardiaque en ml/min, f est la fréquence

cardiaque en battement/minute, TS est le temps d’éjection systolique en secondes, GM est le gradient moyen en mmHg.

Bien que cette formule présente des erreurs au point de vue mathématique, elle donne en pratique des valeurs d’aire valvulaire assez valables dans le cas de la sténose aortique (<0.10cm2 de différence par rapport à l’évaluation par échocardiographie cardiaque).[75]

En raison du risque d’accident cérébro-vasculaire lors du passage à travers la valve aortique et du développement de méthodes d’évaluation non-invasives, le cathétérisme cardiaque est maintenant peu utilisé dans l’évaluation de la sténose aortique. Il reste indiqué lorsque les méthodes non-invasives n’arrivent pas à grader la sévérité de la sténose de façon concluante.

2-2 Échographie cardiaque

L’échocardiographie, grâce à ses diverses modalités, est la méthode d’évaluation par excellence de la sévérité hémodynamique de la sténose aortique.

2-2-1 Évaluation bi-dimensionnelle.

L’échocardiographie permet de générer des images bi-dimensionnelles cardiaques en temps réel (mode 2D). On peut donc voir la mobilité de la valve aortique selon le cycle

cardiaque. Il est possible d’évaluer l’épaississement, la calcification et la morphologie de la valve aortique.

Il est recommandé d’évaluer la morphologie de la valve aortique en systole car les valves bicuspides peuvent posséder un raphé nous donnant l’impression que la valve est tricuspide en diastole. Le mode 2D de l’échocardiographie nous permet aussi de déterminer la taille de la cavité ventriculaire et auriculaire gauche, l’épaisseur des parois (et donc la présence d’hypertrophie ventriculaire gauche) et la fonction ventriculaire gauche.

2-2-2 Mesure des vitesses et gradients aortiques à l’aide de l’effet Doppler

Une modalité importante de l’échocardiographie est l’analyse Doppler. On mesure avec un Doppler continu la vélocité des globules rouges à travers la zone de rétrécissement maximale de la valve aortique pour obtenir les vitesses maximales. Cela nous donne l’enveloppe spectrale suivante.

Figure 8 : Mesure par Doppler continu d’un jet de sténose aortique.

Le sommet de la courbe correspond à la vélocité maximale. La moyenne des vélocités transformées (par 4v2) sous la courbe représente le gradient moyen. La vélocité maximale aortique est de 3.6 m/s

(52mmHg) et le gradient moyen est de 35 mmHg. Source locale.

La moyenne de tous les gradients instantanés (c’est-à-dire de toutes les vitesses sous la courbe transformées par 4v2) correspond au gradient moyen (GM).

L’aire sous la courbe correspond à l’intégrale des vélocités aortiques.

Le gradient moyen échocardiographique corrèle bien avec les valeurs de gradient moyen obtenues par cathétérisme. Par contre la vélocité maximale ne correspond pas au gradient pic à pic, mais plutôt au gradient instantané maximal (figure 7).

Pour obtenir une mesure fiable des vélocités, l’axe d’interrogation Doppler doit être le plus parallèle possible par rapport au jet de sténose aortique. Plus l’angle entre les 2 est grand, plus les vitesses seront sous-estimées. La sous-estimation sera de moins de 5% si l’angle est de moins de 15 degrés. Il est important de faire l’interrogation Doppler du jet de sténose aortique dans plusieurs fenêtres échocardiographiques pour trouver l’axe d’interrogation qui donne le gradient le plus élevé. Les fenêtres importantes sont la vue apicale 5 chambres, la vue supra-sternale et la vue parasternale droite. [76]

Il est aussi recommandé d’utiliser une sonde à haute résolution temporelle pour mesurer précisément le pic de la courbe.

2-2-3 Calcul de l’aire valvulaire aortique

Ce calcul est basé sur l’équation de continuité. Le débit sous la valve aortique, au niveau de la chambre de chasse ventriculaire gauche, est égal au débit au niveau de la zone de rétrécissement maximal aortique. Le débit est par ailleurs égal à la surface transverse du circuit multipliée par l’intégrale (l’aire sous la courbe) des vitesses à cet endroit.

𝑆𝑢𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒1 × 𝑖𝑛𝑡é𝑔𝑟𝑎𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑣𝑖𝑡𝑒𝑠𝑠𝑒𝑠1= 𝑆𝑢𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒2 × 𝑖𝑛𝑡é𝑔𝑟𝑎𝑙𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑣𝑖𝑡𝑒𝑠𝑠𝑒𝑠 2

Figure 9 : Diagramme schématique de l'équation de continuité.

A1 représente l’aire de la chambre de chasse ventriculaire gauche. V1 représente l’intégrale des

vélocités de la chambre de chasse gauche. A2 représente l’aire valvulaire aortique minimale. V2

Dans une première étape, nous mesurons le diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche.

Figure 10 : Mesure du diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche en vue parasternale long-axe en mid-systole.

Source locale.

En assumant une section circulaire, nous calculons ensuite la surface de la chambre de chasse ventriculaire gauche.

𝑆𝑢𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒 𝐶𝐶𝑉𝐺= ∏× (𝐷𝑖𝑎𝑚è𝑡𝑟𝑒𝐶𝐶𝑉𝐺 2 )2

Il est important de bien faire cette mesure avec une vue zoomée, car une petite erreur de mesure du diamètre entraînera une grande erreur de surface de la CCVG étant donné la mise au carré. Bien que les lignes directrices actuelles recommandent de mesurer la CCVG 5mm sous l’implantation des feuillets aortiques, le fait d’effectuer la mesure au niveau de l’implantation des feuillets permet d’augmenter la reproductibilité de la mesure.[76]

À l’aide d’un Doppler pulsé, on mesure ensuite l’intégrale (l’aire sous la courbe) des vélocités au niveau de la chambre de chasse ventriculaire gauche.

Figure 11 : Mesure de l’intégrale des vélocités de la chambre de chasse ventriculaire gauche.

Cette mesure est effectuée dans une vue angulée antérieurement à partir de la vue 4 chambres. Le volume d’échantillonnage est placé 3-5mm sous la valve aortique pour obtenir une courbe de vélocité polie, sans accélération. L’aire sous la courbe correspond à l’intégrale des vélocités. Dans le cas présent, elle est égale à 20 cm. Source locale.

Cette mesure est effectuée environ 3-5mm sous la valve aortique afin d’obtenir un flot laminaire et une belle enveloppe spectrale.[76]

La multiplication de la surface CCVG par l’intégrale des vitesses nous donne le volume éjectionnel ventriculaire gauche (c’est-à-dire le volume de sang éjecté en un battement cardiaque).

Pour finir, on mesure l’intégrale des vitesses maximales aortiques (VTI aortique) à l’aide d’un

𝐴𝑉𝐴 =𝑆𝑢𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒𝐶𝐶𝑉𝐺 × 𝑉𝑇𝐼 𝐶𝐶𝑉𝐺 𝑉𝑇𝐼 𝑎𝑜𝑟𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒

Où AVA est l’aire valvulaire en cm2 ; VTI

CCVG est l’intégrale des vélocités de la chambre de

chasse ventriculaire gauche; VTIaortique est l’intégrale des vélocités maximales aortiques.

La surface anatomique minimale au niveau de la valve aortique est appelée «aire anatomique». L’aire valvulaire calculée par l’équation de continuité ne calcule pas cette surface. Elle calcule plutôt la surface minimale qu’emprunte le sang pour traverser la valve aortique. Cette surface est appelée «aire effective». L’aire effective est plus petite que l’aire valvulaire anatomique en raison du fait que le flot se contracte lorsqu’il doit traverser un rétrécissement, tel que schématisé dans la figure suivante.[77]

Figure 12 : Schématisation du phénomène de contraction de flot.

La contraction du flot de l’autre côté de l’orifice anatomique donne une aire valvulaire effective plus petite que l’aire anatomique. Cet effet dépend entre autres de la forme de la valve. VG : ventricule gauche. Source[77] Traduction non officielle d’une figure qui apparaît dans une publication de Elsevier. Elsevier n’a pas approuvé cette traduction. Par ailleurs, Reproduit avec la permission de

L’aire valvulaire (effective) peut être divisée par la surface corporelle du patient, ce qui nous donne l’aire valvulaire indexée (AVAi).

2-2-4 Planimétrie

En présence d’un cas de discordance, certains auteurs préconisent d’effectuer une planimétrie de la valve aortique pour confirmer la valeur de l’aire valvulaire aortique. On effectue une échographie transoesophagienne, puis on trace la surface aortique au bout des feuillets en systole.

Figure 13 : Planimétrie de la valve aortique par échographie transoesophagienne. Permission : open access. Source [78]

Cet outil permet de mesurer l’aire anatomique de la valve aortique, ce qui n’est pas la même chose que l’aire valvulaire aortique calculée à l’échocardiographie standard. Tel que discuté plus tôt, la mesure de l’aire valvulaire aortique par échographie mesure l’aire valvulaire physiologique et non l’aire valvulaire anatomique. L’aire valvulaire physiologique est toujours plus petite que l’aire anatomique en raison du phénomène de contraction de flot.[77] La contraction de flot dépend de plusieurs facteurs autres que l’aire valvulaire anatomique, dont la forme de la valve, la compliance de la valve et la taille de la chambre de chasse par rapport à l’aire valvulaire anatomique. [77] Actuellement, la mesure de l’aire

valvulaire physiologique est la valeur validée au niveau des études pronostiques, alors que peu de données existent sur l’aire anatomique.

Comme l’aire anatomique est plus grande que l’aire physiologique, une planimétrie est concluante seulement si l’aire valvulaire anatomique mesurée est <1cm2. À ce moment, on

sait que l’aire physiologique est <1cm2. Si l’aire anatomique est aux environs de 1.1-

1.2cm2, l’aire physiologique peut être quand même <1cm2, on ne devrait donc pas

conclure dans cette situation.

2-2-5 Paramètres échocardiographiques principaux

Les trois paramètres échocardiographiques principaux et les mieux validés pour l’évaluation hémodynamique sont donc, en résumé :

-la vélocité maximale (Vmax)

-le gradient moyen (GM) -l’aire valvulaire aortique (AVA)

Le tableau suivant démontre les valeurs seuils qui sont présentement utilisées pour définir les différents seuils de sévérité de la sténose valvulaire aortique.[76, 79]

Sclérose

aortique

Léger

Modéré

Sévère

Vélocité

aortique (m/s)

≤ 2

2-3

3-4

≥4

Gradient

moyen

(mmHg)

-

<20

20-40

≥40

AVA (cm

2

)

-

>1.5

1-1.5

<1

AVAi (cm

2

/m

2

) -

>0.85

0.6-0.85

<0.6

Tableau 1 Seuils de sévérité des différents paramètres échocardiographiques. Source [76]

2-2-6 Mesure du flot

2-2-6-1 Volume éjectionnel

Le produit de la surface de la chambre de chasse ventriculaire gauche par l’intégrale des vitesses de la chambre de chasse ventriculaire gauche nous donne le volume éjectionnel (quantité de sang éjectée en un battement cardiaque). En pratique, nous divisons souvent le volume éjectionnel par la surface corporelle du patient pour obtenir le volume éjectionnel indexé (Véjec indexé). Ce paramètre est le plus utilisé pour estimer le flot. Le flot

est un paramètre qui a pris beaucoup d’importance dans les dernières années dans l’évaluation de la sténose aortique, pour des considérations à la fois diagnostiques et pronostiques. Une valeur seuil de 35cc/m2 a été choisie pour définir la limite de la

normale.[60, 80]

2-2-6-2 Dépendance du gradient vis-à-vis du flot.

Les mesures de gradients et d’aire valvulaire sont fortement influencées par le débit. En réarrangeant l’équation de Gorlin, nous voyons que le gradient est fonction du flot au carré.

𝐺𝑀 = ( 𝐷𝐶

44.4 × 𝑓 × 𝑇𝑆 × 𝐴𝑉𝐴)2

Où GM est le gradient moyen en mmHg ; DC est le débit cardiaque en ml/min ; f est la fréquence cardiaque en battement/minute ; TS est le temps d’éjection systolique en secondes ; AVA est l’aire valvulaire aortique en cm2.

Le gradient est donc fortement dépendant du flot. En présence de bas débit, le gradient peut être «pseudonormalisé», c’est-à-dire bas, malgré la présence d’une sténose aortique sévère.

L’aire valvulaire est aussi un paramètre influencé par le flot.[81] Si le flot est faible, les forces d’ouverture sur la valve aortique seront faibles et elle ne s’ouvrira pas, qu’il y ait sténose sévère ou pas. La réduction de l’énergie cinétique dans un contexte de bas débit peut aussi prédisposer à la formation de vortex en aval de la sténose qui peuvent «écraser» la vena contracta à rebours, quoique ce phénomène soit moins prononcé en présence d’une petite aire valvulaire.[82]

2-2-6-3 Rôle pronostique du flot

Tel que discuté plus tôt, une augmentation de la résistance valvulaire amène une diminution du flot. Le ventricule réussit à maintenir un flot normal au prix d’augmenter son travail (et la différence de pression). Le volume éjectionnel représente un paramètre de sévérité qui intègre la résistance de la valve aortique, la contractilité systolique cardiaque et la taille de la cavité ventriculaire (fonction du remodelage ventriculaire). Il peut par ailleurs être altéré par de multiples facteurs : sténose mitrale, insuffisance mitrale, fibrillation auriculaire, dysfonction ventriculaire gauche, qui peuvent par eux-mêmes assombrir le pronostic.

L’altération du flot en sténose aortique a un impact pronostic important : plus le flot est altéré, plus le patient est à risque de décès. Néanmoins, c’est à partir de 35cc/m2 qu’on

voit vraiment apparaître un impact significatif sur la mortalité.[80] Le flot est aussi un prédicteur important de mortalité post-opératoire[83, 84].

Figure 14 : Taux de mortalité annuel en fonction du volume éjectionnel indexé. Source[80] Reproduit avec la permission de BMJ Publishing Group Ltd.

2-3 Fonction systolique et diastolique ventriculaire gauche

2-3-1 Fraction d’éjection ventriculaire gauche

La fraction d’éjection ventriculaire gauche est calculée selon la formule suivante

𝐹𝐸𝑉𝐺 = 𝐿𝑉𝐸𝐷𝑉 − 𝐿𝑉𝐸𝑆𝑉 𝐿𝑉𝐸𝐷𝑉

Où FEVG est la fraction d’éjection en % ; LVEDV est le volume télédiastolique ventriculaire gauche ; LVESV est le volume télésystolique ventriculaire gauche.

Une valeur de 50% et plus est considérée comme normale. Chez le patient avec sténose aortique, ce paramètre manque de sensibilité en raison du remodelage ventriculaire concentrique. Une diminution de la fraction d’éjection est par contre spécifique (en l’absence d’autres causes) pour une maladie sévère et est une indication chirurgicale.[79]

2-3-2 Dysfonction diastolique

La dysfonction diastolique est un prédicteur indépendant de mortalité en général. [48, 49] Il est possible de mesurer la fonction diastolique à l’aide de l’échographie cardiaque.[85] En sténose aortique par contre, peu de données sont disponibles sur la valeur pronostique ou décisionnelle de ce paramètre.

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