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Une évaluation quantitative du phénomène devrait pouvoir être menée sous la conduite du

2 L’invisibilité croissante du phénomène doit inciter les pouvoirs publics à renforcer et à adapter les

4.4 Une évaluation quantitative du phénomène devrait pouvoir être menée sous la conduite du

La mission souligne qu’il lui a été impossible de procéder à une évaluation quantitative du phénomène prostitutionnel s’agissant des mineurs. Les données chiffrées exploitées de façon empirique résultent des questionnaires, témoignages, rapports et statistiques judiciaires, policières et associatives. Le groupement d’intérêt public (GIP) Enfance en danger, qui regroupe le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) qui répond aux appels reçus au numéro 119 et l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE), ne dispose que de données parcellaires. L’écart déjà constaté, s’agissant des majeurs, entre les chiffres fournis par le ministère de l’intérieur et les associations, est encore plus marqué s’agissant des mineurs. Les associations recueillent des données à partir de leurs maraudes de rue ou virtuelles, le second se réfère à des procédures abouties. En outre, l’importance de la cyber-prostitution des mineurs accroit l’invisibilité du phénomène.

Par ailleurs, beaucoup de victimes dissimulent leur minorité pour échapper aux contrôles et la prostitution n’est pas renseignée en tant que telle dans les rapports d’activité des « CRIP195 » ni recensées dans les statistiques des services, judiciaires ou administratifs, de la protection de l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Enfin, si la thématique des risques prostitutionnels est inscrite au programme de recherche 2019-2020 de l’ONPE, cette problématique, n’a pas donné lieu, dans les années qui ont précédé ou suivi le vote de la loi, à des missions parlementaires ou des appels à projet d’étude ou de recherches initiés par les pouvoirs publics.

La proportion des victimes mineures augmente d’année en année : de 10,6% en 2016, elles représentent 15% du total des victimes en 2018. La part des victimes mineures exploitées dans le cadre du proxénétisme dit « de cité » s’élève à 47%, bien plus importante que dans les autres réseaux (Source OCRTEH).

Cependant, il ne s’agit que du nombre de victimes identifiées lors des enquêtes de police ; ainsi, le nombre des victimes nigérianes mineures identifiées, en baisse en 2018, apparaît très en-dessous de la réalité, de l’avis de l’ensemble des interlocuteurs (forces de l’ordre, associations…) rencontrés par la mission.

L’augmentation inquiétante et non maitrisée de la prostitution des mineurs justifie d’en renforcer l’évaluation et de prioriser les actions destinées à la prévenir. La nomination récente du secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, placé auprès de la ministre de la santé, devrait permettre d’inscrire cette problématique dans le champ interministériel de la protection de l’enfance en lien avec les départements.

L’article L.226-du CASF, issu de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance charge le président du conseil départemental (CD) du recueil, du traitement et de l’évaluation, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine, des informations préoccupantes196 relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être.

Une cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) assure l’interface avec tous les services départementaux197 et les juridictions notamment le procureur de la République mais aussi l’éducation nationale et les réseaux associatifs ou de santé. Elle est aussi en relation avec le SNATED. Il s’agit, depuis la

195 Cellules de Recueil des Informations Préoccupantes

196 On entend par information préoccupante, tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant soit se trouve en situation de danger ou en risque de danger, puisse avoir besoin d’aide, et qui doit faire l’objet d’une transmission à la cellule pour évaluation et suite à donner.

197 Protection maternelle et infantile, ASE, Aide sociale.

loi du 5 mars 2007, de faire converger vers un même lieu toutes les informations préoccupantes concernant les mineurs.

Les services de l’aide sociale à l’enfance doivent transmettre les données anonymisées à l’ODPE et l’ONPD sur la base des mesures administratives ou judiciaires effectives en vue de suivre l’évolution de l’enfance en danger et d’ajuster la politique de la protection de l’enfance.

La situation d’un mineur qui se prostitue ou se trouve en risque de prostitue relève à l’évidence d’une IP.

Or, il résulte des auditions menées auprès des professionnels de la protection administrative ou judicaire de l’enfance, que les CRIP signalent très exceptionnellement une situation prostitutionnelle qui se révèlera en cours de suivi alors qu’elle était préexistante. Des situations graves de déshérence ou de désocialisation sont évoquées alors que la réalité est celle d’une situation prostitutionnelle non dite. Par ailleurs, les investigations menées révèlent que l’item « prostitution » ne figure ni parmi ceux des dangers renseignés par les CRIP ni sur le site du numéro 119.198

Ces constats conduisent la mission à recommander que les items « prostitution » « ou risque de prostitution » figurent sur les fiches renseignées par les CRIP et sur le site accessible du numéro 119. Par ailleurs, une harmonisation des critères d’identification des situations de danger partagé par l’ensemble des CRIP et le 119 apparait souhaitable, selon les professionnels entendus et selon la mission.

Ces recommandations sont en cohérence avec l’extension du dispositif issu de l’article 6 de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance qui consolide le dispositif « OLINPE » de transmission des informations des CD aux observatoires de la protection de l’enfance199 piloté par l’ONPE200. Or, il résulte des investigations que tous les départements ne se sont pas encore appropriés ce dispositif. Néanmoins la mission a observé qu’un groupe de travail et un plan d’accompagnement pilotés par l’ONPE sont en cours pour parachever sa mise en œuvre201. Enfin, s’agissant des données de la PJJ, une harmonisation des informations recueillies, notamment dans le cadre des MIJE, avec celles recueillies par les CRIP, pourrait être envisagée grâce au logiciel « PARCOURS » en cours d’élaboration. En effet, ces deux applicatifs tendent aux mêmes finalités : mieux connaitre le parcours des mineurs et jeunes majeurs bénéficiant des dispositifs la protection de l’enfance et disposer d’une connaissance fine des problématiques du territoire afin d’anticiper les besoins et d’améliorer les pratiques202.

Cependant, si les émetteurs d’informations préoccupantes (éducation nationale, entourage, professionnels divers) ne sont pas sensibilisés au repérage des pratiques prostitutionnelles, il n’y aura pas de données pour les CRIP. De plus, pour se saisir de cette question, les CRIP et les travailleurs sociaux chargés de l’évaluation des situations en protection de l’enfance devront pouvoir s’appuyer sur un référentiel commun validé scientifiquement203.

Dans ce contexte, le GIPED pourrait utilement se voir confier le pilotage d’un double travail d’harmonisation des pratiques et de coordination de l’évaluation du phénomène.

S’agissant de l’harmonisation des pratiques, il s’agira notamment d’obtenir que les items « prostitution » ou « risque de prostitution ou d’exploitation sexuelle » soient prévues dans les fiches renseignées par les CRIP des conseils départementaux et sur le site du 119.

198 Cf. la « bulle » sur le site vise : le racket, l’errance, la négligence, le délaissement, le cyber harcèlement, les contenus choquants, les dérives sectaires, l’exposition aux violences conjugales, les jeux dangereux , les fugues, les conflits parentaux.

199 ODPE et ONPE ;

200 Ce dispositif a été formalisé par décret 2011-222 du 28février 2011.

201 Cf. Premier rapport dédié au dispositif Olinpe ONPE, février 2018.

202 Les services en charge de la protection de l’enfance (aide sociale à l’enfance (ASE) et protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) doivent être formés à la maîtrise de ces applicatifs métiers (dispositif OLINPE et logiciel PARCOURS).

203 Un tel référentiel a été bâti par l’ONPE et le CREAI d’Auvergne-Rhône-Alpes, mais il n’est pas encore déployé nationalement. Il pourrait constituer un levier utile pour cette problématique.

La collecte de données plus complètes et plus fiables devrait ainsi permettre à l’ONPE de mieux cerner la réalité de l’enfance en situation de prostitution. En lien avec les ODPE, l’ONPE pourrait recenser les études et recherches en la matière, analyser et diffuser les pratiques de prévention et d’intervention et soutenir les acteurs de la protection de l’enfance.

Plus spécifiquement, l’ONPE pourrait être chargé de piloter une enquête sur la réalité de la prostitution des mineurs en mobilisant à la fois les préfectures (DDFE), les conseils départementaux (ODPE) et les services de l’éducation nationale (DASEN).

Recommandation n°25 : Mentionner les items « prostitution » ou « risque de prostitution ou d’exploitation sexuelle » dans les fiches renseignées par les cellules de recueil des informations préoccupantes des conseils départementaux et sur le site du 119

Recommandation n°26 : Confier au Groupement d’Intérêt Public Enfance en Danger une mission d’harmonisation des critères d'identification des situations de prostitution et d’évaluation du phénomène de la prostitution des mineurs

Par ailleurs, la mission a pu observer que des initiatives d’évaluation de ce phénomène et des protocoles de prise en charge se développaient sur le territoire204. Si elle ne peut qu’encourager ces bonnes pratiques répondant aux besoins criants des professionnels, elle souligne le risque d’essoufflement des acteurs de terrain et de déperdition de la plus-value de ces expertises, en l’absence de pilotage des actions menées et d’harmonisation des politiques entreprises.

Sur ce point, la mission observe que la mesure 10 du « plan d’action national contre la traite des êtres humains 2014-2016 » prévoyait que des groupes spécialisés sur la traite des mineurs devaient être crées à l’initiative du préfet et du procureur de la République au sein des commissions spécialisées des CDPDR.

Cette prescription a été rappelée dans la circulaire ministérielle du 22 janvier 2015-relative à la politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains, qui annonçait une circulaire interministérielle devant préciser les conditions de mise en œuvre de ce dispositif, participer au renforcement de la protection des mineurs et favoriser la poursuite des auteurs. Or, aucune circulaire interministérielle n’a été diffusée. Par ailleurs il résulte de l’analyse des questionnaires et des auditions que les CDPDR ne se sont pas emparés de cette problématique à travers ces commissions dédiées.

La mission a pu constater que certains professionnels de terrain avaient pris l’initiative, en marge des commissions de sortie de prostitution, de créer un groupe de travail pour faire face à la situation prostitutionnelle des mineurs à laquelle ils étaient confrontés. Si elle ne peut que saluer cette bonne pratique révélatrice d’un besoin de travail en réseau, elle considère que la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs doit s’inscrire dans une stratégie de politique publique nationale, déclinée au niveau départemental, dont le préfet et le procureur de la République doivent être garants. Elle considère donc qu’une circulaire interministérielle est nécessaire pour définir la politique publique de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs. Elle devra réaffirmer la compétence du CDPDR et son rôle de pilotage en la matière. La vice-présidence du CDPDR par le président du conseil départemental, pilier de la protection de l’enfance et de la prise en charge des MNA, renforce la cohérence de ce dispositif.

Recommandation n°27 : Définir par voie de circulaire interministérielle la politique publique de lutte contre la traite des êtres humains, le proxénétisme et les infractions associées, concernant tant les mineurs que les majeurs

204 Cf. notamment les diagnostics de territoire.

4.5 La lutte contre la prostitution des mineurs doit mobiliser tout l’arsenal juridique