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CHAPITRE 3 : RECENSION DES ÉCRITS

3.2 Évaluation des compétences langagières des AEI

Étant donné le nombre croissant des AEI, l’évaluation des compétences langagières de ces derniers est importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les étudiants de 1er

cycle ont droit de recevoir un enseignement dispensé par une personne compétente puisque les malentendus et les incompréhensions en classe pourraient affecter le succès de ces étudiants ou même dissuader ces derniers de poursuivre leurs études (Witt, 2010). Deuxièmement, étant donné qu’il existe différentes exigences pédagogiques relatives à l’anglais selon les différents pays, les universités américaines ne peuvent pas compter sur les compétences en anglais des étudiants étrangers (Xi, 2007). Enfin, les AEI qui ne possèdent pas les compétences langagières nécessaires prennent énormément de temps à se préparer pour la classe et rencontrent une grande résistance de la part de leurs étudiants (Witt, 2010; Xi, 2007).

Ces raisonnements ont conduit, d’un côté, à l’établissement de politiques exigeant de la part des AEI d’obtenir des preuves de compétences langagières afin d’assurer un compétences langagières compréhensibles de la part des locuteurs non natifs en anglais, et ce, dans de nombreuses universités en Amérique du Nord. D’un autre côté, plusieurs études ont été menées afin d’évaluer les compétences langagières en anglais des AEI dans de nombreuses universités anglophones (Bailey, 1984; Bailey, 1985; Briggs, 1994; Damron, 2000; Gravois, 2005; Hoekje & Williams, 1994; Plakans, 1995; Williams, 1992). Un examen attentif de la littérature nous montre que, dans le domaine de l’évaluation des compétences langagières, plusieurs chercheurs se sont penchés sur les évaluations des étudiants de 1er cycle à l’égard des AEI pour essayer de comprendre les sources des plaintes

des étudiants de 1er cycle. À titre d’exemple, en ayant recours aux perceptions de ces

derniers sur la prononciation, sur la grammaire et sur le vocabulaire des AEI en tant que mesures de l’efficacité pédagogique et par l’observation de 12 assistants d’enseignement américains et de 12 AEI, Baily (1984) a constaté que les AEI sont fréquemment critiqués par les étudiants américains de 1er cycle à cause de compétences langagières faibles ainsi

que d’un manque d’efficacité relative à la compétence communicative.

En dépit de la nature interactive de la communication des AEI avec les étudiants de 1er cycle, un point qui ressort des études sur l'évaluation des compétences langagières des

AEI, est le fait que l'accent est mis sur la compétence grammaticale des AEI et que des évaluations des compétences langagières des AEI comprennent des tâches monologiques. Certains auteurs (tels que Bailey, 1985; Briggs, 1994; Damron, 2000; Hoekje et Williams, 1994; Plakans, 1997; Williams, 1992) ont constaté que, à part la compétence grammaticale, les compétences sociolinguistiques, discursives, et stratégiques sont importantes dans l'évaluation des compétences langagières des AEI. Les résultats des études de Briggs (1994) et de Bailey (1985) sur les caractéristiques d’un test de performance orale ont également indiqué que la compétence stratégique ainsi que la compétence sociolinguistique étaient plus importantes que les compétences linguistiques. Les résultats des études de Douglas et Smith (1997), d’Hoekje et Williams (1992), et d’Hoekje et Linnell (1994) nous ont permis de constater que les programmes des AEI ne devraient pas seulement se concentrer sur les préoccupations traditionnelles comme la connaissance grammaticale ou la prononciation, mais ont également suggéré que les compétences discursives sont nécessaires pour l’efficacité pédagogique et l’adéquation des comportements en classe. Leurs études encouragent les futurs chercheurs à se concentrer sur plusieurs autres construits, dont les construits grammaticaux. En outre, non seulement les AEI doivent être conscients des règles grammaticales et sociolinguistiques, ils doivent aussi être en mesure de les appliquer efficacement dans la classe. De même, Hoekje et Williams (1994) ont proposé que l'objectif de l'éducation des AEI devrait être la compétence communicative en classe plutôt que de se concentrer étroitement sur les compétences linguistiques. Ils ont suggéré que le développement de compétences pragmatiques et de compétences stratégiques permettrait d'améliorer l’efficacité pédagogique des AEI.

Un autre point qui ressort des études sur l’évaluation des compétences langagières est le fait que, malgré des scores élevés dans les tests de langue en anglais, les AEI éprouvent des difficultés pour communiquer avec les étudiants de 1er cycle en classe. Les

AEI ont besoin des habiletés langagières afin de réaliser des tâches variables avec succès dans les classes de 1er cycle, y compris l'enseignement, l’animation de séances de

laboratoire et la tenue des heures de bureau. Certains chercheurs tels que Briggs (1994), Ginther (2004), Plakans et Abraham (1990), et Saif (2002) ont mené des recherches sur les différentes méthodes d’évaluation des compétences langagières des AEI afin de mieux comprendre les habiletés langagières dans lesquelles les AEI éprouvent des difficultés. D’après eux, les développeurs de tests se sont limités aux composantes linguistiques et n’ont pas tenu compte des autres variables qui entrent en jeu dans l’atteinte du but communicatif du test. Ces chercheurs ont précisé qu’au lieu de se concentrer sur l’évaluation des compétences grammaticales et sur les compétences sociolinguistiques des AEI, beaucoup plus d’attention devrait être accordée aux autres compétences pour lesquelles les AEI éprouvent les difficultés. Tel que le rapporte Saif (2002), ces deux décennies de recherche ont montré que les tests standardisés ne sont pas adéquats pour mesurer les compétences langagières orales des AEI. Selon cette auteure, l'évaluation des compétences langagières orales des AEI repose sur la définition de la compétence communicative dans le contexte réel de la communication. Saif (2002) a fait remarquer que le contexte de l'utilisation de la langue nécessite naturellement un type de discours bilatéral utilisé dans les interactions bilatérales des AEI avec les étudiants de 1er cycle. Son étude

traite du problème de l’évaluation de la compétence orale des AEI dans le milieu anglophone canadien, plus précisément au sein de l’Université de Victoria. En se basant sur le modèle d’évaluation conçu par Bachman et Palmer (1996), Saif (2002) s’est servie des perceptions de trois groupes (les administrateurs et conseillers d’études, les étudiants de 1er

cycle et les AEI) dans le but d’examiner les besoins des assistants dans des contextes réels de compétences langagières. Cette étude explique également la façon selon laquelle ces critères peuvent être utilisés pour créer des tâches communicatives dont l’accomplissement permet de faire des inférences concernant la compétence langagière des AEI. Les résultats de cette étude ont permis d’établir des critères à inclure dans l’évaluation de la compétence langagière orale des AEI.

Bien que plusieurs études ont examiné l’établissement des politiques sur l’évaluation des compétences langagières des AEI dans de nombreuses universités en Amérique du Nord (Douglas & Smith, 1997; Hoekje & Linnell, 1994; Plough, Briggs, & Van Bonn, 2010), une étude approfondie des écrits nous montre qu’il n’existe aucun consensus dans le domaine de l’évaluation pour indiquer quelle méthode d’évaluation est la plus appropriée et la plus authentique (LaRocco, 2011). En plus, les méthodes d’évaluation sont généralement centrées sur les compétences en anglais oral (Dick & Robinson, 1993; Pickering, 2001; Tyler, 1992; Williams, 1992) et ne sont pas orientées vers un choix de mesures plus complètes en lien avec les besoins de communication et les responsabilités des AEI (Hoekje & Williams, 1992; Saif, 2002; Witt, 2010).

Un des points intéressants qui ressort des écrits sur la méthode d’évaluation des compétences langagières des AEI concerne les questions relatives à l’utilité prédictive40 des

tests d’admission. Cette utilité prédictive nous permet de déterminer si ces tests d’admission sont pertinents pour évaluer les compétences langagières des AEI. Des recherches préliminaires ont donné lieu à différents résultats relatifs à l’utilité prédictive des outils d’évaluation linguistique. À titre d’exemple, Jacobs et Friedman (1988) ont trouvé une corrélation entre les tests d’admission et les perceptions des étudiants de 1er

cycle à l’égard des AEI alors que Dunn et Constantinides (1991) ont constaté que les résultats des tests d’entrée sont moins utiles pour prédire le succès des AEI. Parmi les études réalisées sur l’utilité prédictive des tests d’entrée, celle qui apparaît être la plus pertinente pour notre contexte est celle de Witt (2010), dont le test d’admission choisi pour son étude est basé sur les tâches langagières des AEI. Cette étude visait à déterminer la méthode la plus appropriée pour évaluer les compétences langagières des AEI à l’University of Arizona (UA) en comparant deux tests de langue, soit le TOEFL Academic Speaking Test (TAST) et le Task Based English Standard Test (TBEST). Pour recueillir des données, la chercheuse a mené l’expérimentation auprès de 335 AEI et a utilisé différents instruments, dont deux tests standardisés, (le TBEST et le TAST), le Teacher Course Evaluations (TCE) censé mesurer l’efficacité pédagogique des AEI, ainsi qu’un

questionnaire concernant les perceptions des AEI à l’égard du processus de l’évaluation des compétences langagières et de la formation.

Le premier test, le TAST, faisait partie de l’Internet-Based Test (TOEFL iBT) et durait 20 minutes. Le but de l’auteure était d’utiliser les résultats de ce test en tant que données comparatives. Ce test contenait six tâches : deux tâches descriptives et argumentatives, deux tâches basées sur le résumé d’un matériel écrit/oral, et deux tâches basées sur un input de la compréhension orale telles qu’une conférence ou une conversation. Le deuxième test, le TBEST, a été développé en 2007 par Jun Liu et a été exploité par Mind Works en Chine dans l’intention d’évaluer la compétence orale des élèves dans les écoles intermédiaires et secondaires. Witt (2010) a apporté des changements à ce test dans le but d’évaluer les compétences langagières réelles des AEI. Elle a donc ajouté aux deux tâches existantes de ce test (tâches descriptives et compréhensives) visant à mesurer les responsabilités des AEI, deux autres nouvelles tâches, les tâches interprétatives et argumentatives exigeant des compétences langagières plus élevées que sa version originale. Ces deux nouvelles tâches, qui sont les tâches les plus courantes des AEI en communication orale en anglais, ont été identifiées par un processus de consultation menée auprès de la direction des départements, des conseillers des AEI et des étudiants aux études supérieures. Puis, les tâches langagières identifiées ont été triangulées par le biais d’un questionnaire soumis aux AEI (n = 119) en les interrogeant à propos des tâches langagières les plus courantes qu’ils réalisent en tant qu’assistant d’enseignement pour dispenser les cours de 1er cycle. À partir des résultats obtenus, 5 tâches ont été identifiées dans le

contexte d’enseignement : 1) les habiletés descriptives, 2) les habiletés explicatives, 3) la paraphrase 4) l’argumentation/la justification et 5) la connaissance des stratégies de la gestion de classe/de laboratoire. La durée du TBEST était de 10 à 12 minutes.

Ensuite, la chercheuse a examiné la validité du TBEST et du TAST en utilisant deux types d’analyse, c’est-à-dire l’analyse de domaine41 et la validité prédictive42.

L’analyse de domaine visait à mesurer quel test, le TBEST ou le TAST, mesurait le mieux

41 Domain analysis, p.68

les compétences réelles des AEI, et ce, précisément par rapport aux tâches que les AEI devaient réaliser en classe, tandis que la validité prédictive visait à mesurer quel test, le TBEST ou le TAST, était plus valide pour prédire le succès des AEI en enseignement. Pour ce faire, elle a essayé de déterminer la corrélation entre les deux tests ciblés (TBEST et TAST) et les résultats du TCE censé mesurer l’efficacité pédagogique des AEI du point de vue des étudiants de 1er cycle. Les résultats de l’analyse de domaine ont fait ressortir que le

TBEST était mieux adapté pour mesurer les compétences langagières des AEI que le TAST étant donné que le premier évalue les cinq différentes tâches tandis que le deuxième n’en évalue que deux, c’est-à-dire la description et argumentation. Donc, le TBEST a permis une meilleure prédiction de la réussite en enseignement. Par contre, les résultats de la validité prédictive ont présenté une limite puisque les résultats n’étaient pas statistiquement significatifs dû à la petite taille de l’échantillon.

Quant au choix de la méthode la plus appropriée pour l’évaluation des compétences langagières des AEI, les résultats obtenus montrent que la plupart des AEI ont des réactions positives envers le TBEST, même s’il prend plus de temps ou qu’il coûte cher. Cette étude met alors en évidence que le TAST est un test moins valable. Selon la chercheuse, pour aider les candidats à se préparer pour le TOEFL, il y a plusieurs cours de préparation offerts dans les instituts d'anglais langue seconde, en ligne, et reposant sur l'auto-apprentissage. La disponibilité des cours de formation rend donc le TAST moins fiable.

Les résultats de cette recherche montrent également que les tests de langue et les exercices de prononciation ne suffisent pas à relever le niveau des compétences langagières des AEI. Il est absolument nécessaire d’obtenir un soutien pédagogique englobant les tâches langagières réelles que les AEI effectuent pour leur permettre d’être des enseignants efficaces.