• Aucun résultat trouvé

Étudier la territorialisation de la transition énergétique sur les littoraux français : quels

Partie I. Étudier les conflits territoriaux et l’acceptabilité sociale de la transition

Chapitre 2. Étudier la territorialisation de la transition énergétique sur les littoraux français : quels

Ce chapitre présente mes différents terrains d'études sur la façade atlantique française. Ces derniers sont nommés en fonction des projets de transition énergétique qui sont menés par de grands groupes techno-industriels le long de la façade atlantique française : ce sont donc des terrains qui font sens socialement, pour certains acteurs, pour certains types de pratiques, certains types d'actions. Ce chapitre s'attache à décrire les territoires sur lesquels se construisent les projets de transition énergétique, leurs enjeux, ainsi que les différentes techniques et technologies destinées à produire de l'énergie. Il donnera également plusieurs pistes de contextualisation afin de délivrer des clés de compréhension plus globales de ces projets de transition énergétique. Tout d'abord, il s'agira de dresser un panorama des ressources énergétiques marines qui peuvent être exploitées le long des littoraux français, afin notamment de donner un aperçu des techniques utilisées. Ensuite seront présentés mes terrains d'études qui mobilisent plusieurs échelles d'analyse et de réflexion. Enfin, je reviendrai sur la nécessité d'une approche comparative pour mener à bien l'analyse du processus de transition énergétique sur les littoraux français.

1. Panorama des ressources énergétiques marines

1.1. Une mise en valeur récente des énergies marines renouvelables 1.1.1. Un lien historique entre milieu marin et production énergétique...

Les milieux maritimes ont très tôt été utilisés comme moyens de production énergétique, même si ce lien s’est ensuite distendu. L'existence de moulins à marée, aujourd'hui inutilisés, le long des littoraux de la façade atlantique, en témoigne. Ces moulins à eau utilisent le phénomène des marées pour fonctionner. Ils comportent une digue sur laquelle sont fixées des vannes à sens unique. La digue isole une petite baie ou une partie d'un estuaire, afin de former un bassin de retenue. À marée montante, la mer remplit le bassin. En sens inverse, quand la marée commence à descendre, les vannes se ferment pour empêcher le bassin de se vider. À marée descendante, lorsque la différence entre le niveau du bassin et celui de la mer est suffisamment grande, les vannes s'ouvrent : l'eau du bassin se déverse dans la mer et actionne alors la roue du moulin. Cette énergie produite ne dépend donc pas de processus météorologiques comme le vent ou les précipitations. En Europe, ces moulins se sont répandus le long du littoral européen au Moyen-Âge, mais la technique usitée s'inspirait d'expériences plus anciennes. Les cours d'eau étaient ainsi utilisés dans les Balkans, peu avant l'ère chrétienne, pour faire tourner une roue à palettes disposée horizontalement dans le lit du fleuve. Les Romains ont quant à eux adapté l'idée du moulin en positionnant la roue à aubes verticalement et en apportant l'eau sur les aubes par un aqueduc (Hladik, 2011). L'ensemble de la façade atlantique européenne s'est dotée de moulins à marée, surtout à partir du XIIe siècle : en Écosse, au Pays de Galles, en Angleterre, aux Pays-Bas, en

Belgique, en France, en Espagne, au Portugal. Au XXe siècle, l'utilisation de moulins à marée décline

rapidement. La plupart des moulins sont reconvertis ou détruits. Quelques bâtiments subsistent, mais les moulins ne produisent plus d'électricité. Beaucoup ont subi des dégradations à cause de leur abandon (bâtiments en ruine, envasement, colonisation par la végétation) ou de l'impact des activités humaines (bétonnage, établissement de digues, comblement des étangs à des fins d'urbanisation ou pour un usage industriel). Certains ont été restaurés, très peu ont été remis en état de marche : le moulin du Birlot sur l'île de Bréhat, celui de Berno sur l'île d'Arz dans le golfe du Morbihan, celui du Prat sur l'estuaire de la Rance (Ménanteau et L.O. Kostrowicka, 2005 ; Ménanteau, 2008, p. 15-17). Loïc Ménanteau s'attache à travailler sur l'importance du lien historique entre paysage estuarien et patrimoine culturel comme élément de valorisation mais sans revenir sur le potentiel énergétique de ces moulins patrimonialisés.

1.1.2. … qui se distend au cours du XXe siècle

Les énergies marines renouvelables, comme les autres énergies renouvelables, font ensuite une longue traversée du désert tout au long du XXe siècle. En France, les efforts financiers,

techniques et scientifiques se concentrent sur d'autres types d'énergie : le pétrole et l'énergie nucléaire. Pour Alain Miossec, « la France reste singulièrement en retard par rapport à ses voisins européens, sans doute pénalisée par la part très importante de l'énergie nucléaire dans son bilan. Ce choix politique des années 70 qui a doté le pays de nombreuses centrales nucléaires a, du fait du faible coût relatif de l'électricité, freiné considérablement l'essor de l'éolien et d'une manière plus globale de toutes les formes d'énergie marine » (Miossec, 2014, p. 6). La crise pétrolière de 1973 a en effet constitué un tournant dans le processus de nucléarisation de la France (Topçu, 2013a). À cause de l'augmentation rapide du prix du pétrole (qui a quadruplé fin 1973) et afin de garantir l'indépendance énergétique de la nation, la France se lance dans un programme « tout nucléaire » sous le gouvernement Messmer en 1974. Le plan associé lance un vaste programme de construction de centrales nucléaires et prévoit l'édification d'environ quatre-vingt réacteurs avant 1985, pour un total de cent soixante-dix réacteurs jusqu'en 2000. L'autre objectif réside dans un passage progressif au « tout électrique », corollaire du « tout nucléaire » : le plan prévoit d'atteindre 70 % de l'électricité produite en France à partir de l'énergie nucléaire en 1985 pour arriver progressivement à 100 %. Pas totalement réalisé (la France compte à l'heure actuelle cinquante-huit réacteurs nucléaires produisant de l'électricité dans dix-neuf centrales), ce plan fait pourtant durablement entrer la France dans l'ère de la nucléarisation. À la fin de l’année 1985, les centrales nucléaires françaises fournissent plus de 30 GW et, au cours des années 2000, la production atteint 63 GW (Deshaies, 2014). La dépendance aux hydrocarbures diminue donc fortement. L’utilisation du charbon connaît également une chute importante. La transition des énergies fossiles carbonées à un bouquet énergétique fondé principalement sur le nucléaire est rapide (Deshaies, 2014).

Sezin Topçu souligne cependant que ce plan est bien plus qu'une simple conséquence des chocs pétroliers : « le programme électronucléaire massif de 1974 est tout sauf une solution technique de circonstance, rendue inéluctable par la crise pétrolière de 1973. Préparé dès la fin des années 1960, donc bien avant la crise, il correspond à un plan d'accélération à outrance de la nucléarisation de la France. (…) Il vise à permettre au pays d'achever ‘l’œuvre nationale’, garant de sa ‘grandeur’ industrielle et militaire » (Topçu, 2013a, p.39). Le glissement progressif vers le tout-nucléaire a en effet commencé sous la Quatrième République, au moment où la France lançait des recherches, par le biais du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique), pour se doter de l'arme atomique et où en parallèle on assistait au développement des capacités de production d'électricité nucléaire.

Que sont devenues les énergies renouvelables pendant cette période de développement du nucléaire ? Les tendances sont paradoxales et les politiques publiques menées pour développer les renouvelables sont contradictoires. À l'issue des chocs pétroliers des années 1970, le pays s'est engagé dans la recherche d'énergies alternatives, notamment dans les années 1975-1985 (Hladik, 2011). Les recherches sur l'amélioration des techniques utilisant les énergies renouvelables avaient pourtant été délaissées dès le début du XXe siècle, comme on l'a vu avec la disparition des moulins

à eau et à vent. Les machines thermiques ont alors eu le vent en poupe. À partir de 1975, un intérêt nouveau pour les renouvelables se manifeste, notamment en ce qui concerne l'énergie solaire (Hladik, 2011). Des budgets alloués à la recherche furent ainsi votés dans de nombreux pays. En France, on notera la création du Commissariat à l'énergie solaire (Comes) en mars 1978, établissement public à caractère industriel et commercial visant à promouvoir les utilisations de l'énergie solaire. Pour autant, le contre-choc pétrolier du milieu des années 1980, après les chocs successifs de 1973 et 1979, entraîne rapidement une baisse des prix du baril à cause de la surproduction de pétrole due au ralentissement de l'économie. L'intérêt pour les énergies renouvelables s’émousse et les budgets de Recherche et Développement disparaissent presque totalement selon Jean Hladik, qui souligne que « l'euphorie du pétrole bon marché ne dura qu'une quinzaine d'années, mais elle fut mortelle pour le développement des technologies françaises du solaire. L'omnipotence du nucléaire tricolore berça d'illusions le secteur énergétique de la France » (Hladik, 2011, p. 12). Cet arrêt des recherches sur les renouvelables est aussi ce qui a engendré un retard français par rapport aux autres pays industrialisés dans ce domaine. Le Danemark s'est ainsi intéressé aux éoliennes dès les années 1975-1980, jusqu’à parvenir à une maîtrise de la première génération d'éoliennes de moyenne

puissance : c'est ce qui explique aussi l'avance du Danemark dans les énergies marines renouvelables et le lancement des premières éoliennes offshore au large des côtes danoises dès 1991. L’Allemagne, marquée par une opposition historique et vigoureuse au nucléaire, s'est quant à elle lancée dans le développement de deux grands secteurs : la construction d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques.

Pour plusieurs chercheurs, la priorité donnée par les pouvoirs publics aux énergies nucléaire et fossiles a consisté un frein aux recherches sur les énergies renouvelables, en particulier sur l'énergie solaire. Selon Fanny Lopez, dans un ouvrage issu de sa thèse d'architecture intitulé Le rêve d'une déconnexion. De la maison autonome à la cité auto-énergétique, « les énergies alternatives ne survivent pas au tout- nucléaire (…). En France, aucun effort notoire n'a été fait par les pouvoirs publics et les divers organismes pour essayer de chiffrer d'autres types de politique énergétique » (Lopez, 2014, p. 268 et 270). Ce sont surtout les recherches autour de l'énergie solaire qui périclitent, comme en témoigne l'interruption de l'expérience Thémis (four solaire d'Odeillo), dans les Pyrénées Orientales, en 1986. Le socio- anthropologue Alain Gras ne dit pas autre chose dans Le Choix du feu. Aux origines de la crise climatique, en 2007 : il décrit combien les subventions accordées aux énergies renouvelables ont toujours été plusieurs fois inférieures à celles accordées aux énergies fossiles et nucléaires.

Deux facteurs semblent donc avoir eu raison du développement des énergies renouvelables et donc des énergies marines renouvelables : la primauté accordée au nucléaire, avec la constitution parallèle d'un fort lobby pro-nucléaire, et un contre-choc pétrolier qui amoindrit l'urgence de réfléchir à des solutions énergétiques alternatives. Progressivement, l'industrie française devient la grande absente des secteurs de l'éolien et des panneaux photovoltaïques.

1.2. Pluralité des ressources énergétiques marines

Les ressources énergétiques marines sont plurielles : énergie éolienne offshore, énergies hydrolienne, houlomotrice ou marémotrice, recours à la biomasse marine, etc. Leur exploitation dépend des avancées techniques et technologiques des sociétés. Dans ce paragraphe sera proposé un panorama des différentes techniques permettant d'exploiter l'énergie des mers et océans : les avancées politiques seront abordées dans la suite de ce chapitre. Afin de suivre le stade d'avancée des différentes techniques, plusieurs supports ont été exploités : les statistiques et les rapports réguliers de l'European Wind Energy Association (EWEA), une revue de presse de l'hebdomadaire maritime Le Marin, le site d'informations spécialisé dans les énergies marines renouvelables mer- veille.com, porté par Marine Renewable Energy Group.

1.2.1. L'éolien offshore, une technologie mature

L'éolien offshore posé est la plus mature des technologies des énergies marines renouvelables : elle est la seule, aujourd'hui, avec les usines marémotrices, qui soit parvenue à la phase industrielle. Technologie d'abord terrestre, les éoliennes ont récemment été introduites au cœur du milieu marin. L'énergie éolienne n'est donc pas « marine » au sens strict du terme21, mais

profite des conditions océaniques avec des vents plus forts et plus constants qu'à terre (Miossec, 2014), ce qui engendre un facteur de charge22 de 38 à 40 %, soit souvent le double par rapport au

facteur de charge continental (Mérenne-Schoumaker, 2015). Une éolienne est un dispositif qui permet de transformer l'énergie cinétique du vent en énergie mécanique. Comment fonctionne un parc éolien offshore (figure 3.a) ? Les éoliennes sont posées au fond de la mer au moyen de fondations (figure 3.b.). Le vent fait tourner des pales, qui sont généralement au nombre de trois. Celles-ci entraînent un générateur qui transforme l'énergie mécanique créée en énergie électrique. L'électricité produite en mer doit ensuite être transportée vers le réseau public de distribution

21 On peut plutôt la qualifier d’énergie littorale opportuniste.

22 Le facteur de charge désigne le rapport entre l'énergie effectivement produite sur une période donnée et l'énergie qu'une éolienne aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance nominale durant la même période. Il est le plus souvent exprimé en pourcentage. Plus la valeur du facteur de charge est élevée, plus l'installation considérée s'approche de sa capacité de production maximale.

électrique : elle est donc acheminée depuis chaque éolienne vers une sous-station électrique en mer par des câbles, pour rejoindre ensuite le réseau continental par une liaison en mer, au moyen de câbles sous-marins, puis sur terre. Dans la station électrique terrestre, la tension est portée à 400 000 volts, avant d’être injectée dans le réseau électrique continental.

63

Figure 3. L’éolien offshore : technologies et réalisations Figure 3.a. Fonctionnement d’un parc éolien offshore Source : A. Oiry, d’après WPD, 2014

Figure 3.b. Les différentes fondations des éoliennes en mer Figure 3.c. Le parc éolien offshore Alpha Ventus, Allemagne Source : Site internet du parc éolien en mer de Fécamp Source : http://www.connaissancedesenergies.org

La différence principale entre éoliennes terrestres et éoliennes en mer tient à la nature des fondations qui sont réalisées en béton ou en métal, en fonction de la profondeur et des caractéristiques du milieu marin. Différentes structures existent (figure 3.b) : la fondation monopieu (à gauche) avec une jointure la reliant au mât de l'éolienne, la fondation gravitaire (moins répandue, à droite) ou encore la fondation « jacket » (au milieu) avec une tour-treillis dont l'utilisation se répand pour les turbines de grande puissance ou les zones plus profondes. La fondation monopieu n'est envisageable que jusqu'à trente mètres environ, alors que la jacket peut descendre jusqu'à cinquante. La fondation monopieu, la plus souvent sélectionnée pour les parcs récents, est posée à l'aide d'un forage du fond marin ou d'un vibrofonçage, la fondation gravitaire est quant à elle descendue par grue ou flottaison, puis lestée sur le site. La fondation de type jacket est elle aussi descendue par grue, puis les pieds sont ancrés sur des pieux. Le parc éolien offshore de Saint-Nazaire sera constitué de fondations monopieux, celui de Saint-Brieuc de fondations jacket. En raison de surcoût d'investissement, de raccordement et d'entretien, le coût de l'éolien offshore reste deux à trois fois plus élevé que l'éolien terrestre (Mérenne-Schoumaker, 2015), pour une énergie qui reste intermittente. En outre, l'installation des éoliennes offshore reste délicate : des bateaux spéciaux doivent être employés, les opérations de maintenance sont plus complexes qu'à terre, surtout par gros temps. Les éoliennes offshore sont la plupart du temps rassemblées dans un parc éolien comportant plusieurs dizaines d'éoliennes de 2 à 8 MW, dans des zones où la profondeur ne dépasse pas les quarante mètres. Au-delà de cette limite, il est difficile et surtout coûteux d'implanter l'éolienne dans le fond marin ou de déposer sa base. Pourtant, plusieurs projets se lancent vers le farshore, c’est-à-dire en direction de la haute mer, en tentant de s'affranchir de la contrainte de la profondeur d'eau, au moyen des éoliennes flottantes.

Les éoliennes flottantes, contrairement aux éoliennes posées, n'ont pas leurs fondations fixées sur les fonds marins mais elles y sont seulement ancrées au moyen de câbles (figure 4). Sinon, le fonctionnement est similaire à un parc d’éoliennes offshore posées. Cette perspective ouvre des pistes intéressantes, d'autant que les besoins en matériaux sont diminués de beaucoup et que, plus on s'éloigne des côtes, plus les vents sont forts et réguliers. Pour les porteurs de projets, s'éloigner de la côte permettrait en outre d'augmenter l'acceptabilité sociale des éoliennes offshore, parce que le partage de l'espace maritime y est moins problématique que près des côtes et que les critiques concernant l'impact paysager seraient amoindries : l'éolien flottant apparaît comme une solution possible à la saturation des territoires littoraux européens. Encore au stade expérimental, cette technologie doit faire face à la difficulté de concevoir des flotteurs à la fois souples et stables pour résister à de mauvaises conditions météorologiques et à une forte houle.

Figure 4. Le projet d'éoliennes flottantes au large de l'île de Groix, coordonné par Eolfi offshore France, avec DCNS et Vinci

1.2.2. Les prémices de la production hydrolienne

Pendant la durée de la thèse, entre 2013 et 2017, la technologie des hydroliennes est celle qui a le plus rapidement avancé au sein de la filière française des EMR. Une hydrolienne est une turbine immergée utilisant l'énergie cinétique des courants marins ou fluviaux qui sont des déplacements horizontaux de masses d'eau. La turbine de l'hydrolienne permet la transformation de l'énergie cinétique de l'eau en mouvement en énergie mécanique, qui est ensuite convertie en énergie électrique par un alternateur (figure 5). L'électricité produite est acheminée vers le réseau continental par des câbles sous-marins. Un des avantages de cette technologie réside dans sa forte prévisibilité, avec par conséquent un facteur de charge de l'ordre de 50 % (Mérenne-Schoumaker, 2015). L'hydrolienne est également bien moins exposée aux états de la mer qu'une éolienne. Pourtant, il faut que les sites d'accueil des hydroliennes bénéficient d'une vitesse de courants supérieure à 2,5 mètres par seconde, notamment dans les détroits, les caps ou les goulets, pour que le rendement de l'hydrolienne soit suffisant.

Figure 5. Les hydroliennes : technologies et réalisations

Figure 5.a. Dessin industriel de l’hydrolienne Sabella D10, immergée au large d’Ouessant Source : Société Sabella, 2015

Figure 5.b. L’hydrolienne test d’EDF, immergée au large de l’île de Bréhat Source : EDF, 2013

1.2.3. Usines marémotrices : une actualité nouvelle ?

L'exploitation de l'énergie cinétique des marées, ou énergie marémotrice, remonte, comme on l'a vu, au XIe siècle avec les moulins à marées. L'utilisation industrielle de l'énergie marémotrice

date de 1966 en France, avec l'installation de l'usine de La Rance le long de l'estuaire du même nom, à l'ouest de Saint-Malo. À cette époque, l’usine marémotrice est perçue comme une véritable prouesse technologique. Fonctionnant grâce au flux et reflux de la marée, l'usine possède une puissance installée de 240 MW et produit annuellement 600 Gwh, soit la consommation d'une ville de 250 000 habitants (Mérenne-Schoumaker, 2015). Le potentiel de l'énergie marémotrice dans le monde serait de 380 Twh/an pour 160 MW de puissance (de Laleu, 2009). Les conditions d'installation d'usines marémotrices restent toutefois contraignantes : une amplitude de marée de plus de cinq mètres est nécessaire, idéalement entre dix et quinze ; il faut un site d'estuaire que l'on peut fermer sans réduire l'amplitude locale de la marée et enfin un réseau interconnecté pour pallier l'intermittence de la production. La question de l'impact écologique de l'infrastructure (perturbation de l'écosystème estuarien, ensablement, etc.), sur laquelle on reviendra, pose en outre problème. La durée de vie d'un ouvrage marémoteur est particulièrement longue par rapport à celle des autres énergies marines renouvelables (Paillard et al., 2009), de l'ordre de plusieurs dizaines d'années, alors que par exemple les parcs éoliens répondant au premier appel d'offres français sont construits pour une durée prévisionnelle de vingt-cinq à trente ans. Au-delà, la fiabilité technique et l'efficacité des éoliennes offshore deviennent insuffisantes. Le démantèlement, ainsi que la remise en état du site, sont à la charge de l'exploitant du parc.

Quels sont les principes de fonctionnement de l’usine marémotrice de la Rance (figure 6) ? Elle cherche avant tout à capter l’énergie potentielle procurée par la différence de hauteur d’eau entre un niveau bas et un niveau haut (Verger, 1999). La production électrique augmente avec la hauteur

Documents relatifs