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D] Études de la génération de rayons X durs

D-1] Introduction

D-1-a) Présentation générale

Comme il a été vu dans l'introduction de ce chapitre (§A), la production de rayons X intenses fut l'une des premières manifestations singulières de l'interaction laser – agrégats. Nous allons nous intéresser dans ce paragraphe aux résultats les plus significatifs en rapport avec les études que nous avons menées. La plupart des travaux concernant l'émission de photons issus de l'interaction laser – agrégats ont eu pour objet l'étude de la génération d'harmoniques dans les agrégats par une impulsion laser femtoseconde [Tisch et al., 1997] [Donnelly et al., 1996], l'émission UV [Mori et al., 2001] [Parra et al., 2000; Schnürer et al., 2001] [Ter-Avetisyan et al., 2001] ou de photons X mous (EX < 1 keV) [Ditmire et al., 1995] [Ditmire et al., 1996]. Nous allons donc restreindre la discussion, dans ce paragraphe, aux résultats expérimentaux et théoriques concernant plus spécifiquement l'émission de rayons X

durs d'énergie supérieure au keV. D'autre part, comme dans le domaine de la spectroscopie X les principaux développements théoriques ont été réalisés à partir de données expérimentales obtenues avec des agrégats de krypton, de xénon et d'argon, ce paragraphe va être divisé en fonction de ces différentes espèces atomiques.

Pour commencer cette partie, il est présenté l'un des premiers modèles développés pour tenter d'expliquer l'ionisation en couche interne lors de l'interaction d'un laser intense avec des agrégats de gaz de rare : il s'agit du modèle de l'ionisation par allumage ou "Ignition

Ionization Model" de Rose – Petruck et collaborateurs. Néanmoins, ce modèle n'ayant jamais été comparé directement avec des résultats expérimentaux, celui – ci a été séparé de la discussion.

D-1-b) Ignition Ionization Model (IIM)

L'ionisation en couche interne a été étudiée théoriquement pour de petits agrégats de gaz rare (quelques dizaines d'atomes de néon et d'argon) dans un champ laser intense à l'aide de simulations classiques de type Monte – Carlo par Rose – Petruck et al. [Rose-Petruk et al., 1997]. Pour des impulsions laser identiques, leurs résultats indiquent que les états de charge moyens atteints par les atomes dans un agrégat peuvent être plus grands que ceux obtenus pour les mêmes atomes en phase gazeuse : à un éclairement de 5×1015 W/cm2, les simulations

indiquent que l'état de charge moyen de 1,4 pour un atome isolé augmente et atteint 4,5 pour du (Ne)25. Ce modèle prévoit également, pour des agrégats de néon contenant 25 atomes, une probabilité d'ionisation en couche interne (K et L) par impact électronique comprise typiquement entre 10-5 (couche L) et 10-8 (couche K). D'une manière générale, les résultats du modèle IIM montrent que la dynamique d'ionisation dépend fortement de la densité

électronique à l'intérieur de l'agrégat et augmente très rapidement quand l'intensité laser atteint l'éclairement seuil pour la première ionisation. En particulier, les auteurs observent la production d'Ar8+ 11 fs après la première ionisation et cette ionisation par allumage ("Ignition

Ionization") est due à l'action combinée du champ électrique du laser et de l'important champ électrique résultant des ions présents dans l'agrégat.

1°) Présentation succincte du modèle

Sont traités dans ce modèle :

l'ionisation par effet de champ : cette ionisation est traitée dans le cadre du modèle de l'ionisation par suppression de la barrière coulombienne (BSI) présentée précédemment (cf. §I-B-1-a) ;

l'ionisation par impact électronique : le formalisme de Lotz (§I-B-3-a) est appliqué pour calculer la probabilité d'ionisation d'un électron venant collisionner sur un ion ; les trajectoires de toutes les particules : l'équation du mouvement pour les noyaux et

les électrons libres est résolue numériquement en considérant les interactions avec les autres particules chargées ainsi que l'interaction avec le champ laser via la force Lorentz.

2°) Résultats

L'étude individuelle des trajectoires électroniques montre que les électrons ionisés ne s'échappent pas immédiatement de l'agrégat mais peuvent collisionner fréquemment avec les ions voisins. Le nombre total de collisions électrons – ions à l'intérieur de l'agrégat pendant toute l'interaction, ainsi que l'état de charge moyen final atteint après l'interaction, sont présentés sur la Figure I-50 pour plusieurs intensités laser et pour des agrégats de néon contenant 25 atomes. Alors que le niveau moyen d'ionisation par atome augmente avec l'augmentation de l'éclairement laser, le nombre total de collisions électrons – ions diminue. Ceci indique, selon les auteurs, que l'augmentation du champ électrique, lorsque l'éclairement augmente, contribue également à enlever des électrons de l'agrégat et donc à diminuer la densité électronique au sein de l'agrégat.

Figure I-50 : État de charge maximal et nombre total de collisions électrons – ions en fonction de l'intensité laser pour des agrégats de néon contenant 25 atomes [Rose-

Petruk et al., 1997].

La probabilité d'ionisation totale en couche L et K, intégrée durant toute l'interaction, est présentée sur la Figure I-51 pour des petits agrégats de néon (25 atomes) en fonction de l'éclairement laser. Afin d'expliquer l'évolution de la probabilité d'ionisation en couche K, les auteurs pensent que la baisse du nombre de collisions électrons – ions peut être compensée, jusqu'à une certaine intensité laser (~ 3×1016 W/cm2), par les grandes énergies cinétiques (~ keV) atteintes par les électrons dans le champ électrique du laser. Au dessus de 3×1016

W/cm2, le chauffage des électrons n'est pas suffisant pour compenser la chute du nombre de collisions électrons – ions et, consécutivement, la probabilité totale d'ionisation en couche K. Ceci conduit les auteurs à supposer que la production de lacunes en couche interne par impact électronique, et donc l'émission de rayons X durs, doit se produire à des intensités laser intermédiaires, i.e. suffisamment importantes pour chauffer les électrons (> 5×1015 W/cm2), mais pas trop grandes pour ne pas diminuer la densité électronique à l'intérieur de l'agrégat (< 1018 W/cm2).

Figure I-51 : Probabilité totale d'ionisation par impact électronique en couche K et L lors d'un calcul pour un agrégat de néon de 25 atomes à différentes intensités

3°) Conclusion

En conclusion, ce modèle prédit que, suite à l'ionisation des ions, un fort champ électrique peut être présent à l'intérieur de l'agrégat par effet de charge (cf. Figure I-52) contribuant ainsi à amplifier la dynamique d'ionisation. Ceci rend possible, en particulier, l'ionisation en couche interne des ions présents dans l'agrégat par impact électronique des électrons accélérés par le champ électrique régnant dans l'agrégat.

Figure I-52 : Champ électrique à l'intérieur de l'agrégat et énergie cinétique moyenne des ions lors

de l'interaction d'un agrégat d'argon contenant 25 atomes avec une impulsion laser d'éclairement de

5×1015 W/cm2 (τ = 15 fs et λ = 800 nm)

[Rose-Petruk et al., 1997].

Dans la mesure où le chauffage collisionnel augmente avec la taille des agrégats et avec le numéro atomique de la cible, les auteurs estiment que les gros agrégats de gaz rare comme l'argon, le krypton ou le xénon peuvent conduire à la production de rayons X très énergétiques, i.e. d'énergie supérieure au keV : c'est que nous allons maintenant expliciter.

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