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3. É TUDES STRUCTURALES DES PROTEINES GASP
3.2. Études par résonance magnétique nucléaire
3.2.5. Étude préliminaire des interactions GASP‐RCPG par RMN
Dans un premier temps nous nous sommes focalisés sur l'étude du spectre RMN de la protéine GASP1‐Rep6, dont tous les acides aminés sont visibles, en présence de la région carboxyterminale du récepteur adrénergique Béta‐2 fusionné en N‐terminal avec la GST. Après avoir réalisé un spectre 2D HSQC 15N de GASP1‐Rep6 seul, les deux partenaires sont mélangées à des quantités équimolaires et le spectre HSQC 15N est enregistré au spectromètre 600 MHz à 298°
K (figure II.3.11.A). La superposition des spectres permet de mettre en évidence de faibles déplacements chimiques (voir zoom) de l’ordre de 0,004 à 0,014ppm. De façon très intéressante, on peut noter un effet spécifique de séquence puisqu'une seule des corrélations des chaînes latérales des tryptophanes semble être affectée. En revanche, les faibles déplacements chimiques observés peuvent s'expliquer par le fait que les quantités utilisées du domaine carboxyl‐terminal du récepteur adrénergique Béta‐2 sont trop faibles pour former suffisamment de complexes permettant de provoquer des déplacements plus importants. Pour confirmer ces résultats et éventuellement amplifier les déplacements chimiques observés, il serait ainsi judicieux de mettre en jeu des quantités plus importantes de GPCR. Malheureusement, la différence de taille entre les deux partenaires rend cela très compliqué. En effet, GASP1‐Rep6 possède une masse moléculaire de 9,7 kDa alors que le domaine carboxyl‐terminal du récepteur adrénergique Béta‐2 fusionné à la GST est d’environ 40 kDa. Si l’on combine cela au faible rendement de purification de cette protéine de fusion, il devient difficile d’augmenter de manière significative la concentration en RCPG sans diminuer celle de GASP, empêchant ainsi l’acquisition d’un spectre permettant la visualisation de déplacements chimiques.
Afin de contourner ce problème une autre stratégie a donc été mise en place, faisant intervenir un peptide synthétique correspondant au domaine carboxyl‐terminal du récepteur muscarinique M2 (NPACYALCNATFKKTFKHLLMCHYKNIGATR). Le choix s’est porté sur ce récepteur car à la différence du récepteur adrénergique Béta‐2 celui‐ci possède un domaine carboxyl‐terminal relativement court permettant sa synthèse chimique. Ce récepteur a également déjà été montré comme interagissant fortement avec GASP‐1 par GST pull‐down [123]. Dans un premier temps, un spectre 1D des protons a été réalisé sur le peptide et a permis de mettre en évidence des résonances d’intensités inégales dans la région des acides aminés aromatiques (vers 7ppm), suggérant une agrégation partielle du peptide, ce qui est fréquent pour ce type de peptides synthétiques (figure II.3.11.B).
Figure II.2.11 : Etudes des interactions GASP‐RCPG par Résonance Magnétique Nucléaire
A. Essai d’interaction entre le domaine carboxyl‐terminal du récepteur ADRB2 et G1R6 par RMN (spectromètre 600MHz à 298K). Le SDS‐PAGE montre les protéines utilisées dans l’essai. B. Spectre 1D du peptide M2. La région des acides aminés aromatique suggère une agrégation du peptide (rond rouge). C. Essai d’interaction entre un peptide mimant le domaine carboxyl‐terminal du récepteur muscarinique M2 et G1R6 par RMN (spectromètre 600MHz à 298K). Le spectre montre des déplacements dans la région des tryptophanes en présence ou non de peptide avec ou sans détergent DDM. Le SDS‐PAGE confirme la présence du peptide M2 et de la protéine G1R6 dans le
17 26 34
G1R6 G1R6 D10 GST GST ADRB2
10 43 55
Spectre HSQC 15N superposés
Concentration G1R6 et GST‐ADRB2: 20mM Bleu : G1R6 seul
Rouge : GIR6 +GST‐ADRB2
Spectres HSQC 15N superposés
Concentration G1R6 et peptide M2: 100mM
Par la suite des quantités croissantes en peptide ont été ajoutées à une quantité fixe en protéine GASP1‐Rep6. Un spectre 2D HSQC 15N de référence de la protéine seule a été réalisé avant ces expérimentations. Lors de l’ajout du peptide un phénomène inattendu a eu lieu : nous avons pu observer une floculation au sein du tube après quelques secondes. Bien que le spectre HSQC de GASP1‐Rep6 ne semble pas varier, une diminution progressive du signal de GASP1‐Rep6 a pu être observé, allant jusqu’à la disparition complète du signal lors de l’ajout d’un excès de peptide. De plus l’ajout de 0.1 % SDS au mélange permet la réapparition du spectre de GASP, qui est superposable au spectre initial. Ces données suggèrent une interaction entre nos deux protéines conduisant à la formation d’un complexe insoluble. Néanmoins, l'ajout du détergent DDM lors de l'injection du peptide a permis d'éviter ces phénomènes d'agrégation, les données de HSQC montrant alors un déplacement important des résonances correspondant aux chaînes latérales des tryptophanes. Par contre, on constate également que l'effet du détergent seul semble similaire, mais moins important, à celui du détergent additionné de peptide (flèches sur la figure II.3.11.C) et que 2 tryptophanes sur 5 sont particulièrement sensibles à l'état de la protéine GASP. Cette observation suggère un mécanisme commun dans l’action du peptide et du détergent sur la protéine GASP. Néanmoins, le précipité produit lors de l’ajout du peptide sur la protéine GASP a été déposé sur SDS‐PAGE. Comme le montre la figure II.3.11.C, on observe la présence des deux partenaires dans le précipité. Cela renforce donc l’idée de la formation d’un complexe insoluble entre les deux protéines.
3.2.6. Conclusions
Nous avons montré ici que les protéines GASP1‐Rep6 et ‐Rep7 ont pu êtres exprimées de manière soluble et marquées efficacement à l’azote 15. Ces deux protéines ont ensuite été purifiées avec un bon rendement et une pureté supérieure à 80%. L’analyse des spectres révèle que les deux protéines ne possèdent vraisemblablement pas de structure tridimensionnelle et semblent s’agréger. La résolution de la structure 3D de ces deux protéines n’est donc pas possible dans l’état. Ces spectres permettent néanmoins le suivi d’interaction avec un partenaire via l’observation de déplacements chimiques. GASP1‐Rep6 est la protéine la plus prometteuse car la visualisation de l’ensemble des acides aminés de la séquence est possible dans le spectre. De plus, la signature chimique particulière des acides aminés tryptophanes, qui sont uniquement retrouvés au sein des motifs GASP, nous donne l’opportunité de caractériser au niveau de l’acide aminé l’interaction avec les RCPG. Les essais d’interaction avec le domaine carboxyl‐terminal du
récepteur adrénergique Béta‐2 ou celui du récepteur muscarinique M2, ont permis de mettre en évidence des déplacements chimiques spécifiques notamment au niveau des acides aminés tryptophanes. Même si ces résultats sont encore préliminaires, ils sont en adéquation avec l’implication du motif GASP et des acides aminés SWFW dans l’interaction avec les RCPG [130].
Dans une prochaine étude, il pourrait être intéressant d’optimiser l’essai d’interaction que l’on a mis au point avec le domaine carboxyl‐terminal du récepteur muscarinique M2 afin de caractériser en détail et au niveau de l’acide aminé l’interaction entre le motif GASP et les RCPG.
3.3. discussion
Identifiée en 2002 par le laboratoire de Jennifer Whistler comme partenaire d’interaction des récepteurs aux opioïdes [117], la protéine GASP‐1 a depuis été montrée comme interagissant avec un vaste panel de Récepteurs Couplés aux Protéines G [130,147]. Par la suite, 9 protéines présentant une identité de séquence supérieure à 30% au niveau carboxyl‐terminal avec GASP‐1 ont été identifiées [123], certaines d'entre elles pouvant également interagir avec les RCPG [130].
Nos travaux récents nous ont par ailleurs permis de préciser que cette interaction faisait intervenir un motif d’interaction protéine‐protéine jusque là non décrit, le motif GASP (voir introduction).
Alors que les protéines GASP, et en particulier GASP‐1, commencent à être de mieux en mieux caractérisées sur le plan fonctionnel, aucune donnée structurale n’est actuellement disponible pour cette famille de protéines. Nous avons donc mis en oeuvre un ensemble de stratégies expérimentales visant la caractérisation de la structure tridimensionnelle des protéines GASP et en particulier du domaine carboxyl‐terminal conservé et du motif GASP. Pour le moment, il n’a malheureusement pas été possible d’obtenir des informations sur la structure des protéines GASP aussi bien par cristallographie que par Résonance Magnétique Nucléaire. Bien que des protéines dérivées de différents membres représentatifs des protéines GASP aient pu êtres purifiées avec de bons rendements, ces protéines semblent adopter des conformations non structurées dans les conditions testées qui ne permettent pas de progresser pour le moment vers leur caractérisation structurale.
Une analyse in silico de la séquence de GASP‐1 révèle un domaine carboxyl‐terminal fortement enrichi en hélices α. Cette particularité peut expliquer la faible solubilité des constructions possédant cette région (GASP 1.01, 1.03, 2.01, 2.03, 3.01, 3.02, 5.01 et 5.02). Le motif GASP quant à lui est particulièrement riche en résidus Phe et Trp qui sont caractérisés par une chaîne latérale hétérocyclique volumineuse et hydrophobe. Ces deux résidus sont favorables