• Aucun résultat trouvé

III. Analyse dynamique du réseau de régulation ComCDE

11. Étude de la période de non réponse au CSP

Il a été observé que, suite à la fermeture de l’état de compétence, les cellules ne répondent plus à la présence d’une concentration élevée de CSP sur une période de 60-80 minutes, appelée période réfractaire au CSP (Hotchkiss, 1954, Chen et Morrison, 1987). La stabilité de DprA pourrait expliquer la période réfractaire au CSP (Mirouze et al., 2013). Cette hypothèse a été testée en simulant l’ajout de CSP dans le milieu à la fin de la phase de fermeture de l’état de compétence (Figure 28A). Il est apparu que sur une période de 100-120 minutes, la réponse du modèle à l’ajout de CSP était moins efficace que celle obtenue après le premier ajout. Nous pouvons supposer que cette observation résulte d’une quantité résiduelle libre de protéines DprA (non complexée avec ComE~P). Ainsi, après un second ajout de CSP, les protéines DprA résiduelles et néo-synthétisées pourraient lier les molécules de ComE~P néo- phosphorylées, empêchant ainsi le déclenchement d’une nouvelle vague de compétence. Cependant, dans le modèle, la quantité de DprA résiduelle est insuffisante pour séquestrer l’ensemble du ComE~P synthétisé, et une seconde vague de compétence peut être initiée. Le niveau atteint par le pic est néanmoins deux fois plus faible que celui observé suite au premier ajout de CSP. Pour corroborer l’hypothèse du rôle de DprA dans la période réfractaire au CSP, deux simulations supplémentaires ont été réalisées. Dans la première, toutes les protéines DprA résiduelles sont supprimées avant le second ajout de CSP pendant la fermeture de l’état de compétence. Cela a pour effet de supprimer la période réfractaire : le second pic de compétence est alors identique à celui observé lors du premier ajout de CSP (Figure 28B). Dans la seconde expérience, des protéines DprA sont ajoutées avant le second ajout de CSP pendant la fermeture de la compétence. Dans ce cas, le système ne répond plus au CSP (Figure 28C). Les simulations renforcent donc l’hypothèse que DprA est l’acteur principal de la période de non réponse au CSP.

Figure 28. Etude de la période réfractaire au CSP. (A) Superposition de six cinétiques de

SsbB obtenues par six simulations indépendantes. Dans chaque simulation, le CSP externe est ajouté deux fois : d’abord au temps t = 10 min dans toutes les expériences et à différents moments après l’arrêt de la compétence (t = 50, 90, 130, 170, 210, 250) (B) Simulation de la cinétique de SsbB où la compétence est d’abord induite par addition de CSP externe à 10 min et où le système est nettoyé de toute protéine DprA résiduelle une minute avant la seconde addition de CSP à t = 90 min, donc après coupure de compétence. L’élimination des protéines DprA résiduelles est obtenue en substituant sa quantité courant (1,35 a.u.) par celle du modèle au début de l’expérience (0,25 a.u.). (C) Cinétique simulée de SsbB dans une même expérience que dans (B), mais où la quantité de DprA est augmentée une minute avant la deuxième addition de CSP externe en changeant sa valeur courante (1,35 a.u.) à 2,7 a.u. (D) Simulation de la cinétique de SsbB dans le modèle modifié où les synthèses de ComX et de ComW sont indépendantes de la voie de régulation ComCDE et contournent cette voie par une induction directe de leurs gènes. L’induction directe est simulée en introduisant un nouveau terme de synthèse constitutif de ComX et ComW. La valeur de ce paramètre change de 0 à 0,1 a.u. au moment de l’induction. (E) La cinétique expérimentale de SsbB obtenue à partir de données de luminescence où le CSP externe est ajouté à t = 14 et / ou le peptide BIP est ajoutée à t = 60.

Pour confirmer l’hypothèse que la période réfractaire est dépendante de la séquestration de ComE~P par la protéine DprA résiduelle, le modèle a été modifié de telle façon que l’activation de comX et de comW par ComE~P puisse être contournée. Pour cela, il a été ajouté dans les équations différentielles, décrivant la cinétique de ComX et celle de ComW, un terme correspondant à une synthèse constitutive de ComX et de ComW. Ainsi, dans ce nouveau modèle, ComX et ComW peuvent être produits à travers deux circuits différents : le

premier sous le contrôle de CSP, impliquant le système ComD/ComE ou sous l’induction directe de ComX et ComW, indépendamment du régulon comCDE. Les simulations sont réalisées, soit par ajout directe de CSP, soit par activation directe de comX et comW à la fin de la fermeture de la compétence (Figure 28D). Alors que le modèle ne répond quasi pas au

second ajout de CSP, il peut développer une seconde vague de compétence après activation directe de comX/comW malgré la présence de la protéine DprA. Pour valider expérimentalement cette prédiction, la plateforme d’expression CEPr (informations supplémentaires dans Johnston et al., 2016) a été utilisée. Cette plateforme est contrôlée par le système à deux composantes BlpR/BlpH (de Saizieu et al., 2000). Ce système à deux composantes peut être activé par la bactériocine BIP (Bacteriocin Inducing Peptide). Les gènes comX et comW ont été clonés comme un opéron sous la régulation de cette plateforme. La construction a été introduite dans une souche R3584 portant le gène luciférase sous la régulation du promoteur de ssbB. Cette souche R3932 est ainsi capable de synthétiser ComX et ComW par la voie ComD/ComE ou par la voie BlpR/BlpH. Pendant la fermeture de la compétence, seulement l’ajout de BIP permet une réexpression du gène tardif de la compétence (Figure 28E) comme prédit par le modèle. Ces résultats viennent appuyer l’hypothèse que la période de non-réponse au CSP est liée à un verrouillage de la voie ComD/ComE, probablement due à l’accumulation de DprA qui empêche la formation d’un second réservoir de ComE~P disponible.